Elle prenait comme moi le 18h45.
Et ce fut avec joie que je la revis.

Il y eut d’abord venant de sa part un regard qui cherche, et qui semble dire : nous nous connaissons. Oui, je connais ses yeux.
Et de mon côté, j’éprouvai cette sensation de déjà vu. Alors, elle fit ce geste qui interpella ma mémoire : elle passa derrière son oreille une mèche de cheveux en inclinant la tête sur le côté. Et je pus enfin mettre un nom sur cette attitude si familière.
Et je me déplaçais rapidement à côté d’elle.
Trente ans ! Cela faisait trente ans !

Nous nous étions perdues de vue après les résultats du bac, alors que nous avions effectué toutes une partie de notre scolarité ensemble : même collège, même lycée de la ville. Et rapidement une discussion s’établit : la famille, les enfants, le travail, les anciens amis.
Elle était partie en fac de Médecine, et moi en Lettres. J’étais devenue enseignante et elle chirurgienne. Je devais me rendre à Paris pour raison professionnelle, et elle y rentrait car elle y vivait.
Elle était revenue dans cette ville pour voir ses parents, et le hasard avait fait le reste…
Et le trajet s’écoula trop rapidement : des souvenirs tristes et gais, des échanges d’adresse e mail et de téléphones. Elle avait divorcé, moi, cela faisait vingt-cinq ans que je vivais avec mon époux. Elle avait eu une fille unique assez tard, et j’avais quatre enfants et deux petites filles. Sa carrière l’avait mené à travers le monde, alors que j’avais préféré rester dans le même collège depuis maintenant vingt ans.

Un même train, deux voies différentes. Et aujourd’hui, toutes deux à ce carrefour de nos vies, à l’approche de la cinquantaine.
Un heureux hasard…