lundi 22 décembre 2014

Vacances de fin d'année

La trêve des confiseurs, tout le monde connaît.
Mais la trêve des Impromptus Littéraires ?
Et bien c'est la même chose, aussi mettrons-nous le site au repos jusqu'au 5 janvier 2015.
D'ici là, chacun pourra aiguiser ses envies d'écriture et exercer son imaginaire.

Bien entendu, vous pouvez continuer à communiquer vos avis, vos envies et vos remarques sur la page Facebook du site, par le biais des commentaires ou encore de la boîte mail.

Vous constaterez sûrement que vos commentaires n'apparaissent pas de suite lorsque vous les validez. L'aventure des Impromptus est pour nous un partage qui exclut tout échange inconvenant ou insultant. Pour la tranquillité de tous, nous avons donc décidé de remettre en place la modération. Nous ferons en sorte de les publier rapidement même les mains pleines de chocolat !

Nous souhaitons à toutes et tous une bonne fin d'année et de très bonnes fêtes !

samedi 20 décembre 2014

Littér'auteurs - Indécision

Bon sang il est bientôt minuit
Faut que j’y aille
Pffff pas envie
Oui mais ils m’attendent
Et depuis le 3 janvier 1863 c’est toujours pareil ils m’attendent
Ils m’attendent chaque année
Faut que j’y aille
Tous les ans c’est la même chose
Je tergiverse j’atermoie je barguigne je chipote
Tous les ans c’est pareil
Allez j’y vais
J’en ai plein le dos de cette hotte
Et puis les rennes ils n’en font qu’à leur tête
Non c’est décidé cette année ils se passeront de moi
Oui mais comment ils vont faire si je ne comble pas leurs désirs
Bon c’est la dernière fois
Ils ont un an pour me trouver un remplaçant
Hi hi ça va être dur de me remplacer
Ah oui comment ils vont faire si je démissionne
Je peux pas leur faire ça après presque 152 ans de service
Je peux pas leur faire ça
J’y vais
Et si je n’y allais pas ils feraient quoi
Tiens je vais essayer de ne pas y aller
Pour voir


23 décembre 2014
23 h 59
Bon j’y vais
Mais c’est bien la dernière fois


Où lire Littér'auteurs

vendredi 19 décembre 2014

Mamily - Indécision

"Les trois me sont venus à l'esprit en même temps. Comme je suis en accord avec le thème de cette semaine et suis dans l'indécision je me permets de vous laisser choisir pour moi."

texte 1 :
"J'y vais ou j'y vais pas?
Si j'y vais,
j'vais regretter d'y être allée.
Si j'y vais pas,
j'vais me morfondre de ne pas y être allée.
Alors?...
J'y vais ou j'y vais pas?......"

texte 2 :
"Quel temps fait-il aujourd'hui?
Le ciel est-il bleu ou gris?
Dois-je prendre mon parapluie?"

texte 3 :
"Être ou ne pas être
Dans le paraître.
Voilà la question."

jeudi 18 décembre 2014

Tisseuse - Indécision

Indécise indécision
Qui m’amène en déraison
A douter saison après saison
De mon âme et de sa maison

Infertile indécision
Qui sape toute passion
Son père est robotisation
Sa mère infantilisation

Imbécile indécision
Qui brime toute action
Rendant insipide les missions
De vie ou de fictions

L'Arpenteur d'étoiles - Indécision

Ça a failli !

- Une p’tite pièce … pour manger, s’il vous plait …

Il est vieux Georges. Vieux et pas très propre dans son manteau gris. Dans le coin d’une porte cochère dans ce quartier commerçant et plutôt chic, il attend. Assis à même le sol, avec son chien à l’oreille cassée endormi sous une vague couverture. Il ne tend même plus son gobelet de plastique blanc. Il l’a posé devant lui, près d’une pancarte en carton.


Ce soir, germe en lui un doute inhabituel, dérangeant. C’est ça, « dérangeant » marmonne Georges ...
Des fois il se gratte la tête, découvrant une chevelure clairsemée et qui a du être abondante, dans le temps. On ne lui donne pas vraiment d’âge à Georges. Lui ne sait plus tout à fait. Et puis il s’en fout. Tout le monde s’en fout. Ce drôle de doute s'insinue encore un peu plus loin.


L’été il est là aussi. Son chien est alors étendu sur son manteau. Georges arbore un tee-shirt avec un Panda, disant qu’il faut sauver les espèces en voie de disparition. Il a jamais vu de tee-shirt disant qu’il faut sauver les hommes en voie de disparition. C’est comme ça. La vie est comme ça.

Dans l’angle opposé, un personnage engoncé dans un énorme anorak, caché sous un bonnet à oreilles en fourrure, agite une cloche montée sur un trépied. A ses pieds, un petit magnétophone diffuse des chants de Noël. « Douce nuit, sainte nuit » murmure Georges. Ou encore « Vive le vent, vive le vent ». Alors il chantonne aussi, Georges, dans sa barbe, en caressant Toto-le-toutou qui se serre un peu plus contre lui. Le bonhomme qui ressemblerait à un ours brun si il n’avait son panneau de l’Armée du Salut, ne l’a jamais regardé ni bien entendu adressé la parole. C’est comme ça, pense Georges. La vie est comme ça. « Ça y est » qu’il pense. Cette année p't'être ben que j'vais pas y aller tiens !
Le soir, quand le froid devient vraiment piquant, Georges rentre « chez lui ». Car il a un chez lui. Une espèce de cave, dans les sous-sols d’un immeuble bourgeois. Le concierge qui est un brave homme ferme les yeux, mais lui demande de ne pas faire de bruit, de faire bien attention à ce que personne le voit, sinon il pourrait « perdre sa place de concierge ». Georges sourit doucement, dit « oui monsieur, merci bien » et veille à rester très discret quand il rentre par le parking.

Maintenant, il est sûr, enfin presque. Le doute a creusé profond, jusqu’au tréfonds de son cœur. Il s'est bien installé dans un nid de triste amertume. Il ira pas. Pourquoi j’irai, qu’il pense, pour leur faire plaisir, à ces gens-là, sans cœur, sans regard pour les autres, sans compassion, sans amour, ou tellement peu, ou tellement détourné vers le matériel. C'est certain, Georges, il ira pas. Tant pis pour leurs gueules. Il se lève, embarque Toto-le-toutou, la couvrante, le manteau. Il veut saisir le gobelet, mais il le heurte maladroitement. Les quelques pièces roulent au bord du trottoir. Il va pour les ramasser en tremblant presque. « Attendez, m’sieur on va vous aider ». Georges se retourne et découvre deux gamins, un black et un autre tout blond, qui lui sourient, un peu timides. Ils attendent pas, se baissent et remettent toutes les pièces dans le gobelet qu’ils lui tendent avec un grand sourire.

Et puis le petit black prend dans sa poche un billet froissé de dix euros et le rajoute. « C’est maman qui nous a dit de vous l’donner m’sieur ». Georges peut à peine bouger. Il regarde un peu plus loin un petit bout de femme emmitouflée qui lui sourit. Les gamins la rejoignent en courant. Ils lui font un signe de la main et reprennent leur chemin.

Alors brutalement Georges se dit qu’il ne doit plus avoir de doute et que cette année encore, il va y aller et vite. Qu'il est peut-être même à la bourre. Il se glisse dans sa cave encombrée de cartons, d’objets divers ramassés au gré de ses journées. Il écarte tout ça d’un geste large et découvre une autre porte dans le mur du fond. « Allez, Toto, on y va ! » et pousse le battant qui grince un peu.

- Salut patron. J’ai cru que vous seriez en retard ce soir.
- Tu sais bien que je suis jamais en retard. Tout est prêt ?
- Tout, patron. Vous pouvez y aller.

Georges se gratte la gorge, tousse un bon coup et dit d’une voix forte : - ho, ho, ho … ho, ho, ho … c’est bon, on peut y aller. Il vérifie le harnachement des rennes qui piaffent d’impatience. L’immense rideau de nuage s’ouvre en silence et le traineau s’élance pour son voyage annuel autour du monde.

mercredi 17 décembre 2014

Cacoune - Indécision

Indécision, ma croix

Beaucoup d'incertitudes et une lourde hésitation. Beaucoup d'embarras liés à tant de tâtonnements. Une lourde indétermination. Ce vague sentiment, prégnant, empreint de confusion. Et puis des doutes... Oh oui ! des paquets de doutes. Treize à la douzaine. Deux pour le prix d'un. Des doutes par milliers plein ma hotte. De quoi en faire une collection. De celle qui prend la poussière dans les coins et qui vous pourrit la déco pour des décennies. De quoi en faire un collier du genre sautoir qui court lourdement jusqu'au nombril de mon monde. Cet état, indéfini, me plonge dans une telle perplexité... Plus profonde qu'un abyme sans fond. Je me sens comme crucifiée, anéantie par la souffrance que fait naître en moi ce trouble. C'est une torture que cette vacillation constante de l'âme, cette irrésolution de la chair, ce flottement mou et presque sans vie d'un esprit flou d'imprécision, fou d'oscillation. Errant. Encore lui... Toute cette instabilité qui génère tant d'obscurité. Tant de versatilité qui n'engendre que de la précarité. Et je vacille dans mon tourment. Je m'ancre dans ce désarroi. Je croix... je crois à l'impossible choix, à l'irrésolution de mon moi.

Je crois... donc je décide.

Ce n'était donc que ça ?

Mafaxel - Indécision

Falou aime les vacances. D'ailleurs, dans le travail, c'est la seule chose qu'elle apprécie : l'argent que cela lui permet de mettre de côté chaque année pour partir.
Dès janvier, parfois même avant, elle se rend dans toutes les agences de voyage, regarde tous les sites Internet proposant des vacances forcément idéales.
Et alors commencent les discussions avec son conjoint : où, quand, comment.

On peut commencer par où, mais vite on se rend compte que comment et quand ont leur place parce que l'endroit à définir induit la saison : aller aux sports d'hiver, ou partir en été pour profiter du beau temps et donc quand. Tout le monde ne peut pas s'offrir des vacances deux fois par an, il faut bien choisir une période.
Idem pour comment : voiture, train, avion et tiens pourquoi pas une croisière ou une semaine en péniche.
Non mais ça va pas, je vais mourir d'ennui ou bien on va claquer plus d'argent qu'on en a gagné.
Bon d'accord pas de croisière. Un voyage organisé alors, la Croatie, ton frère a beaucoup aimé.
Justement, c'est trop couru.
Alors, un petit tour en Italie en voiture, Venise, Florence, Rome et on pourrait descendre jusqu'aux Pouilles, ce n'est pas encore très touristique.
C'est peut-être une idée, mais ça fait beaucoup de route La côte d'azur peut-être ?
Passer notre temps dans les embouteillages à l'aller et au retour, et pour aller sur les plages, non merci.

Chacun de son côté boude plus ou moins, mais continue de chercher .
Enfin , ils ont trouvé l'endroit idéal pour cet été : un gîte dans un petit village de Corse, mais pas trop loin de la mer. On a donc la mer, la montagne, les villages, les villes et les randos.
Pour s'y rendre, bateau et voiture : mini-croisière et liberté de déplacement.

Euh ! On ne sera pas un peu isolés là dans ce gîte ?.....Bon, bon j'ai rien dit...

Claudie - Indécision


Bulles d’incertitudes
Se cristallisent
Aux lèvres bleuies du temps.

Tiniak - Indécision

CAISSE, HIER


Le cœur a sa fenêtre ouverte
La forêt bien rangée devant brûle tout son flanc droit
Ça va chauffer plus fort à présent, sous les toits
que, sur le bout des doigts, ont repris les décomptes
des passagères hontes
et des gentils émois
quand, depuis l’occident un vent court à sa perte

Ou c’est peut-être moi qui me fais à l’idée
que le jour a passé sans que je ne le vois
nichée toi, niché moi
dans quelque dé à coudre
avec nos grains à moudre – et de concert, encore !
jusqu’au délit des corps dans le content des chairs

Mais – je ne rêve pas …
cela fait bien longtemps que tu n’es plus personne
que je n’ai que dix doigts
pour joindre mes deux bras
et que je m’époumone à maudire l’automne
quand l’hiver est bien là, en bas, rue Salomone

Ou alors quoi ? Courir ?
Bondir, là ! sur tes pas qui se sont effacés
depuis quelques années vers un autre Agadir
sa paire de saphirs et son autre patois ?
Puisque je les entends toujours dans l’escalier

Je ferme la fenêtre
La forêt peut brûler, je m’habille de fleuve !
Qu’Est-ce … j’allais chercher
… en traversant la pièce où tu restes cachée
dans ta dernière épreuve ?
Pour que je m’en émeuve, tout l’être !

Ça, qui me le dira ?


Où passer à l'acte, bon sang !

mardi 16 décembre 2014

Gregory - Indécision

Alors il faudrait rire
Et oublier l'enfer
Alors il faut partir
Sans regard en arrière
Alors elle peut mourir
Ils n'auront plus de mère
Alors ils vont souffrir
Et je ne serai pas fier
Alors plutôt mentir
Tant que je peux me taire
Alors encore tenir
Tant que je peux le faire
Alors tout va pourrir
Demain dans la poussière
Alors il faut choisir
Aujourd'hui comme hier

Alors que dire
Alors que faire

Pascal - Indécision


Pauvre idiot


Elle est morte. C’est sûr, elle est morte. De sa planète, je ne vois plus aucune trace vivante, je ne distingue aucune brillance, aucune vibration, aucune tendance, aucune mouvance, aucun signe. Sa route effrénée a croisé la mienne sans heurt que ma désespérance inouïe qu’elle a laissée dans son sillage. J’ai encore des étincelles dans les yeux comme de la limaille d’acier brûlante. Son souvenir l’érige aux dépens d’une réalité sans attrait et sa statue de poussière est une chimère véritable.
 

Elle s’est désagrégée, ou enfuie, ou évaporée ; elle a disparu en dehors de toutes mes recherches les plus romantiques, les plus inespérées, les plus assidues, les plus viscérales. Mes sensations aux abois ne perçoivent plus aucune empreinte de sa vie : pas le moindre petit message, pas une infime partition, une quelconque rumeur, un fond de parfum. Je peux tendre l’oreille, écarquiller les yeux, renifler le vent : de son univers, je n’entends plus rien.

Par pudeur ou par oubli, par courtoisie ou par jalousie, plus personne ne me rapporte de ses nouvelles. Il n’est que l’écho de mon cœur qui tape encore des SOS sporadiques quand son image se figure de proue, se floute, à l’avant de mes pensées mélancoliques. Il ne traîne que des courants d’air dans ma tête malade pour l’animer encore de fugaces contorsions malignes. Il ne plane que des refrains de chansons tristes, des hymnes à l’Amour morte, des rengaines de port d’Amsterdam pour amplifier cette aridité.
Elle n’est plus réelle que par des souvenirs affabulateurs, ceux agités par les ficelles menteuses de mon hypocrisie latente. C’est une chimère insaisissable navigant au gré de mes gamineries encore agrippées à ses mesquineries de donzelle. Nostalgique, collectionneur, j’ai conservé quelques-uns de ses sourires moqueurs, quelques-uns de ses rictus indéchiffrables, quelques-unes de ses mimiques intéressées, que je garde au chaud dans le tabernacle de ma Passion allant refroidissant.

Aujourd’hui, je ne sais plus vraiment si elle a existé ou si elle n’était qu’un fantôme illuminé de l’aura extraordinaire dont je l’habillais avec tant de ferveur. Comme une icône flamboyante, je l’ai priée si souvent à l’ombre de mes espérances tellement croyantes. Je l’ai vue tant de fois se grandir sur la pointe des pieds, si curieuse des détails de ma vie. Yeux dans les yeux, elle soutenait mes conclusions, elle drossait ses vagues amusées sur ma plage conquise, elle s’admirait dans le miroir de mes pupilles, elle battait des cils et j’étais son plus fidèle troubadour.
Elle était partout, elle était dans toutes les dimensions, dans toutes les directions ! Dans l’azur, les nuages colporteurs dessinaient son visage ! Dans les frondaisons, elle jouait à cache-cache avec mon cœur ; je la guettais dans l’ombre quand le soleil la dessinait avec ses airs moqueurs.

A son insu, nous avons partagé les plus beaux couchers de soleil, les meilleurs reflets des vagues bleues, les panoramas les plus grandioses. Main dans la main, nous avons flâné, des champs jusqu’aux forêts, des montagnes jusqu’aux vallées ; nous avons joué à la marelle sur les couleurs de l’arc-en-ciel, nous avons dompté les étoiles filantes, nous avons arrimé nos cœurs aux plus belles escales. Je l’ai même emmenée à la pêche ! Dans chaque sentier, je croyais qu’elle allait apparaître ! Elle était cachée dans tous les boutons d’or, elle dansait au milieu des coquelicots, elle courait plus vite que les ombres qui frôlaient les champs de hautes herbes ! Elle était plus argentée que les blés d’or, plus maquillée que les sillons les plus sombres, plus joueuse que les troupes de moineaux les plus effrontés ! Elle était partout…
Le vent m’apportait de ses nouvelles ! Du zéphyr jusqu’à la tempête, je savais tout de ses informations de muette ! Les cascades bavardes me parlaient d’elle ; du lent murmure des Secrets à la furieuse cataracte des Enthousiasmes, j’avais le pouvoir obscur de les comprendre. Je traduisais la Nature et elle me racontait ses silences d’absente. Sur la surface des étangs, cette blonde me souriait à cause des frémissements à la ronde, à cause des nuages s’abreuvant sur l’onde, à cause des roseaux et de leurs pensées profondes.

Elle est morte. Elle ne vient plus hanter mes rêves. Après avoir magnifié le Temps d’espérances utopiques, elle a déserté ma solitude irréelle, elle s’est volatilisée comme un alcool trop fort au soleil de mes états d’âme de poète énamouré.

Un jour, je l’ai définitivement perdue. Dans l’ivresse, je l’ai cherchée au fond de mon verre sans issue ; j’ai parcouru les campagnes, retourné ciel et terre, soudoyé mes meilleurs espions, envoyé mes plus beaux épithalames, imaginé les plus beaux scénarios, les pires drames. J’ai fouillé les champs des moissons à la recherche de quelques frissons ; au bout des épis, un autre jour de folie, j’avais entendu ses rires. A la lune, bouche en cœur, j’ai demandé des nouvelles de sa blondeur ! Aux Cieux, avec toutes mes prières, ils avaient peut-être conservé la couleur de ses yeux ! Aux tambours de la pluie en armes, j’ai mélangé mes larmes en longues incantations, en longs vagues à l’âme. J’ai soulevé tous les nénuphars, fouillé les bottes de foin, déplacé les plus hautes montagnes, relu Les Misérables…
Elle a sans doute semé des petits cailloux blancs pour que je puisse la retrouver à travers mes égarements lunaires ! Elle m’a laissé ses messages codés, quelques mots d’amour aux tournures brodées ! Elle va m’appeler, j’ai encore tous les échos de sa voix dans la caverne de mes souvenirs ! Elle va m’écrire, elle va me sourire, elle va me rajeunir…

Mais non ! Mais non ! Pauvre idiot, elle a disparu !... Elle n’est nulle part. Je l’ai perdue de vue. C’est l’encéphalogramme plat, la morne campagne, l’hiver en toute saison, la désillusion ambiante, le terrible renoncement, l’impitoyable désertion. Sans allant, ma plume tournoie et tombe en assassinant ses finitions. Tout est sans saveur ; les parfums ne sentent rien, des illusions perverses sont mes fantômes d’aujourd’hui, les heures inutiles se pendent à l’astreinte du devoir pénible de rester vivant.
Maintenant, j’ai des habitudes floues où elle ne vient jamais, où elle n’a pas sa place ; mes je t’aime sont fanés dans des bouteilles à la mer sans mer. C’est la traversée du désert, c’est la nuit sans étoile, c’est la mer sans poisson, l’arc-en-ciel sans couleur, l’église sans Dieu. Elle est morte et ma vie n’a plus de sens ; elle est morte, je suis vraiment seul et c’est moi qui n’ai plus envie de survivre…

lundi 15 décembre 2014

Gaëti - Indécision

"Elle préfère marcher devant"

Retour de sortie. Il a fait beau aujourd'hui sur la ville. Un magnifique soleil qui a perduré au travers de la fraîcheur hivernale. Ce genre de temps qui nous donne du baume au cœur et du rose aux joues. La petite troupe en a profité pour flâner dans les rues, prendre un café, faire quelques magasins. Pourtant, elle ne se sent pas à la fête. Elle a la tête ailleurs, et pourtant si près.
Elle marche presque sur les pieds d'Isild qui mène la danse et les ramène à la colocation. Finalement elle décide de se porter à la même hauteur qu'elle, non pas qu'elle ait des envies de commandement mais c'est comme ça. Au choix, elle préfère marcher devant.
Derrière elle, il y a Thibault et Coralie. Co, c'était celle qui était là depuis le début depuis le collège, tellement d'années déjà … et elles demeuraient toujours les meilleures amies. Elle entendait toujours ses éternels apitoiements depuis qu'elles savaient ce qu'étaient les sentiments. Et du coup, ainsi elle connut Thibault, d'abord par la bouche tour à tour transcendée et agacée de Co. Elle savait les amoureux tranquillement dans son dos, enlacés tels les bonbons par l'amas de sucre.
Il y avait pas mal de marche pour rentrer, c'était dans ces instants qu'ils bénissaient l'invention des transports en commun. Mais il fallait vivre l'instant : les copains, le beau temps, le temps libre. Et pourtant, c'était réellement dur pour elle de s'enlever certaines images de sa tête, insistantes alors que banales. Cent mille fois le même geste avait été reproduit sans que cela porte nuisance. Désormais ce n'était plus pareil, il y avait tellement de facteurs qui jouaient dans la balance.
Vous ne comprenez pas ce qui se passe ? Elle non plus rassurez-vous. Je ne suis que la voix de sa propre conscience et je ne suis même pas d'accord avec moi-même. Les mots, les regards, les gestes se bousculaient dans sa tête comme dans une collision des sens. Elle jeta un rapide coup d’œil vers Isild, qui le lui rendit, si seulement elle était capable de partager ce secret avec elle… Mais elle ne pouvait pas, elle n'y arrivait pas. Et puis, ses secrets, elle avait toujours eu l'habitude de les raconter à Co, pas à Isild. Mais sa copine d'enfance avait les yeux dégoulinants de mièvrerie, de déification idiote pour Thibault. La période préalable de reproches était bien passée, il n'y avait plus que de l'amour entre eux. Les nouveaux adultes que tous étaient ne fonctionnaient décidément plus pareils.
L'appartement fut à nouveau bientôt visible, à l'intérieur le même spectacle recommencerait et cette fois-ci elle ne pourrait pas l'éviter. Isild non plus mais elle s'en ficherait. Mais elle, ça la travaillait déjà. Elle savait déjà qu'il lui serait impossible de fixer ce canapé, là où les sentiments qu'elle refrénait depuis tant de temps avaient explosé tels une bombe sous l'effet de son détonateur de corps. C'était mal et pourtant jamais elle ne s'était autant senti vivre, au-delà du malaise de la situation. Alors voilà, elle avait préféré marcher devant toute cette après-midi, devant pour éviter de voir que ça n'avait été qu'éphémère, devant pour éviter de voir qu'il ne lâcherait jamais pour autant la main de sa chérie.

Où lire Gaëti

Zoz - Indécision

~ ma main s'agite sous l'oreiller
cherche la gâchette
ma main sans lumière
et toi tu dors

elle pleure sur le métal froid
brisée de prières
elle a ce mal incurable de l'espoir

je suis incapable de notre mort
et toi tu dors ..

Où lire Zoz

Blick - Indécision

Joyeux Noël !

Joyeux Noël ! je ne sais quel cadeau
Au pied du sapin serait le plus beau,
Comment savoir ce qui saura lui plaire.
Il faut aussi voir l'aspect budgétaire
Sans pour autant passer pour un blaireau.

Je cours les grands magasins, quel fardeau,
Me triturant sans cesse le cerveau,
Je peste : invention de publicitaire :
Joyeux Noël !

Treize vers luisants tirent mon traîneau
Comme des rennes. Puisse ce rondeau,
Qui sut épargner mon compte bancaire,
Ô mon amour, mon cœur, te satisfaire,
Car versifier ne fut pas du gâteau :
Joyeux Noël !

Chri - Indécision

Ou, ou

Naître ou mourir, hurler ou sourire,
Hôpital ou clinique, calme ou panique,
Pouce ou tétine, Maïzena ou blédine,
Maître ou maîtresse, règle ou tendresse,
Calcul ou chanson, école ou buissons,
Danse ou judo, foot ou piano,
Carambar ou Miko, scout ou louveteau,
Boum ou soirée, tapisser ou danser,
Romane ou Lucie, Elise ou Julie,
Collège ou lycée, sortir ou rentrer,
Piscine ou acné, se montrer, se cacher,
Se pendre ou go on, Jagger ou Lennon,
Le bac ou le boulot, tourneur ou languezo,
La Cigale l'opéra, le Perche ou l’Cap Ferrat,
Bourgogne ou Bordeaux, Ciné ou restau,
La mer, la campagne, l’anorak ou le pagne,
L’église ou la mairie, pour six mois, pour la vie,
Fille ou garçon, le choix des prénoms,
Lisa ou Tony, Sarah ou Rémi.
Aimer, désaimer, s’arrêter, continuer.
Rêve ou cauchemar, lumière ou placard,
Ne rien dire ou parler, partir ou rester,
Rester digne ou pleurer, en vouloir, oublier.
Stop ou encore, le Sud ou le Nord,
Divan ou pilules, arthrose ou kiné,
Darrieux ou mémé, Piccoli ou pépé
Ecrire ou parler, se taire, raconter,
Cendres ou cimetière, Lourdes ou l'éther,
Le ciel, la poussière, les douceurs ou l’amer...
Alors, râler, râler encore et toujours sourire
Pour, en bout de piste,
mourir ou... mourir.

Où lire Chri
Où voir ses photos

Daniel Hô - Indécision

à gauche ou à droite
c’est bien l’éternel dilemme
depuis qu’est le slip

Vegas sur sarthe - Indécision

Tango-hésitation

 

Il parait que j'ai longtemps hésité entre venir par le siège et par la présentation transverse pour finalement débarquer classiquement c'est à dire par voie basse tout en braillant à tue-tête, ce qui me semble parfaitement contradictoire... enfin, je crois.
J'arrivai ainsi en pleine incertitude dans un monde impitoyable où j'allais m'adonner à une interminable valse-hésitation dont j'hésite à parler ici.

Tétine ou téton fut un des premiers choix cornéliens qui me fut proposé alors que je n'aspirais qu'à des joies simples, au rythme d'une trilogie sans surprise: miammiam-dodo-caca.
Pour le bleu ou le rose, on avait déjà choisi pour moi avant même mon expulsion - allez savoir comment - et c'est sans doute la seule fois où j'ai manqué l'occasion de m'affirmer: je voulais du rose!!
Ca doit venir de là, l'expression “se faire avoir comme un bleu”... enfin, je crois.
A ce moment si j'avais su parler j'aurais essayé de transiger pour ne froisser personne: rose et bleu, ça doit être vaguement lilas ou peut-être lie de vin, non?
Lie de vin, c'eut été de circonstance pour un p'tit bourguignon... à moins d'un joli camaïeu de bleu sur fond rose. Bref, peu importe, c'est trop tard, j'ai fait dans le bleu.

Pour tout le reste ce ne furent que déchirement, louvoiement, tergiversations à n'en plus finir et quand les “Tu vas te décider, oui?” tombaient comme des couperets, j'optais dans la douleur pour une option que je regrettais dans l'instant... Juliette et pas Manon, chat et pas chien, dessert et pas fromage, Beatles et pas Stones, CGT et pas FO, mer et pas montagne.

Je ne sais pas si c'est à cause du manque de rose ou de mon penchant à balancer chaque décision mais un beau matin je me suis retrouvé prof de danse... pas de n'importe quelle danse, j'avais choisi le tango argentin.
Plus exactement on avait choisi pour moi. C'est Juliette qui a choisi, même si j'habite maintenant chez Manon... enfin, je crois. J'aime bien Juliette car elle choisit vite pour elle et encore plus vite pour moi. Du coup je me suis résolu à ne pas choisir. Ça a été difficile à prendre comme décision, mais c'est fait: c'est Juliette qui choisit.
J'aime bien Manon aussi parce qu'elle a un chien, qu'elle aime FO, le chaource et les Stones, mais Juliette dit que tout ça n'est pas bien grave, qu'on a toujours le choix dans la vie même si notre inconscient fabrique souvent notre malheur...

Dans mon boulot, rien n'est imposé et ça m'arrange. Une fois les fondamentaux - les basicos - acquis par les aficionados, combinaisons, changements d'axe, chacun fait à son idée.
De toute manière il n'y a pas vraiment de diplôme de prof de tango... enfin, je crois.
J'aime bien Esteban, ses cheveux longs et ses hanches mouvantes, même s'il n'aime ni la CGT, ni le chaource, ni les chats.
Il serait plutôt d'extrême droite, il adore le provolone grillé au barbecue et le dogue allemand.
J'habite un peu chez Esteban depuis qu'il est mon partenaire, mais Manon dit que tout ça n'est pas bien grave... enfin, je la crois.
J'ignore qui a osé dire que “le tango, ce sont des visages tristes et des fesses qui rigolent” car entre Estaban et moi tout rigole quand on danse.

Quand je serai trop vieux pour suivre les hanches mouvantes d'Esteban, que je devrai quitter ce monde impitoyable, je voudrais qu'on joue pour moi le tango Della Morte ou la Cumparsita - je ne sais pas - avant qu'on m'incinère ou qu'on m'enterre... enfin, faites pour le mieux.

Où lire Vegas sur sarthe... enfin, je crois

Semaine du 15 décembre au 21 décembre 2014

La semaine dernière vous aviez dix ans, ça c'est sûr.

Mais aujourd'hui ? Où en êtes-vous de vos certitudes ? Racontez-nous vos valse-hésitations, vos doutes en tous genres et vos incertitudes qui vont qui viennent.

Vous avez jusqu'au dimanche 21 décembre minuit pour nous adresser vos textes... ou pas. Le tout à l'adresse habituelle : impromptuslitteraires(at)gmail.com.

Bonne semaine à toutes et à tous.

dimanche 14 décembre 2014

Daniel Hô - J'ai dix ans

Les fourmis sont terribles. Une, deux, trois, puis dix, puis la multitude. La mouche morte offerte en sacrifice ne dure pas bien longtemps. Avec la conscience des bonnes ouvrières, elles la découpent en tronçons et marchant les unes derrière les autres, elles la transportent vers leur nid, un énorme tas fait d’épines de sapins desséchées. La procession aux allures de caravane marchande se trouve soudainement empêchée par un sillon profond creusé de la pointe du bâton de Matcho. Depuis près d’une heure, il les observe et le spectacle du grouillement de ces insectes exerce sur lui toujours la même fascination. Matcho a dix ans. C’est un petit gaillard au teint mat. Ses deux yeux bleus surmontés d’une épaisse tignasse noire expriment l’énergie et la malice. Il est la vie personnifiée.
La matinée est bien entamée. Le soleil se rapproche de son zénith. L’ombre des arbres qui tout à l’heure s’étirait nonchalamment au sol se ravise à présent. Accroupi, Matcho bascule sa tête en arrière en fronçant les sourcils pour observer le long châle blanc d’un nuage qui se désagrège lentement dans l’immensité cyan du ciel. Il se relève, jette son bâton au loin, écarte grand ses bras et ouvre la bouche pour avaler goulûment les brassées du vent doux qui lui caresse le visage.
A midi il ne regagnera pas son camping pour manger. Manger à heure fixe, ça, c’est une habitude de sédentaire, de gadjo. Lui, s’il a faim, il trouvera bien un arbre fruitier pour se rassasier. La chaleur est maintenant bien installée. Encore une journée de canicule. Il ne s’en plaint pas. L’envie de se rafraîchir le gagne et il prend la décision d’aller à l’étang pour s’y baigner. Le choix d’un bon plan d’eau ne manque pas. Il existe dans la région une foison d’anciennes gravières abandonnées, remplies de l’eau de la nappe phréatique toute proche. Il pêchera un peu c’est sûr mais, sans canne, sans filet, à la main comme il sait si bien le faire. D’ailleurs c’est ce qui lui a valu son nom en romanès, Matcho qui veut dire poisson.
Pour lui, pas d’école aujourd’hui. Pourquoi y irait-il ? Pour y être méprisé, cantonné et oublié au fond de la classe ? Non, vraiment ça ne sert à rien. Peu importe que l’on soit lundi, mardi ou un autre jour de la semaine, il ne compte pas les jours. Il vit son école, l’école de la nature, de la vie, de la vie vraie. Alors plus tard, à ses enfants, il leur parlera de sa propre jeunesse, de son souvenir de l’école, de son école à lui : l’école de la liberté. Sa narration commencera, très certainement, par un : « J’ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée. »

Tiniak - J'ai dix ans

Tout a pris fin il y a dix ans et quelques jours
Donc, j'ai dix ans
et je viens de vivre une sacrée journée

J'ai découvert à l'aurore un soleil violé
par l'haleine d'un vieux marin chargée de mousse
déjà la journée courait, la mort à ses trousses
son élan pris depuis mon petit-déjeuner

Les huis libéraient leurs effluves quotidiens
charriant les bruits de la comédie laborieuse
le sang perdu coulant de ses mains oublieuses
quand, sur son paillasson, j'enjambais mon vieux chien

J'ai recueilli un vol de mouettes, quai Vendeuvre
passé la main au ventre gris de son Vieux Port
payé d'une plume nouvelle pour mon sort
un franc sourire à la manœuvre

L'heure avait les cheveux plus courts
Je t'ai reconnue sans maudire
Quel heur célébrait l'alentour ?
Un mystère à n'y pas suffire !

J'ai parcouru la ville à genoux, haut le front
dans la poche une main prête à sortir mon soûl
dans l'autre ce mouchoir qui ne me dit pas où
et la semelle offerte à de joyeux marrons

Le vent marin jouait des gammes peu bourgeoises
pour ces anciens malins perclus de vérité
L'après-midi faisait des bonds désordonnés
craignant l'inimitié verte que l'On dégoise

J'ai abouché le flanc d'une triste panthère
avec le sentiment de lui mordre bien plus
Comment s'en consoler puisqu'elle m'a dit "Tu.." ?
Moi, triste Gagne-Pain de ses maigres affaires !

L'heure avait les cheveux plus longs
J'y mêlais mes doigts fatigués
J'avais du mal à respirer
Me faisais l'effet d'un gougeon !

J'ai embrassé le pli de la nuit approchant
sa robe sur les toits du monde grabataire
criant les noms perdus de mes trop Êtres Chers
et ne pouvant rien faire autre que les aimant

Le tableau s'est conclu sur un carnage veûle
avec les mains fouillant cette peau infertile
où je peine à trouver la ferveur érectile
d'une journée passée sans que mon âme feûle

Où plonger les mains dans une vraie journée...

Stouf - J'ai dix ans

J'ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée


-Stouuuf... stouf réveille toi !
-Heiiiin... quoi ?
Aïe... on me donne un coup de coude, c'est qui ?
Bon ça va, c'est Juliette, ma fiancée. J'ai dix ans et elle aussi, on va se marier quand on sera grand et nous vivrons en Afrique parce qu'elle aime les giraffes et moi les lions.
Pfff... j'me suis encore endormis pendant le cour de notre institutrice, madame Wordstein !
-Viens, que je lui dis à Juliette, on va voire la corneille !
A la sortie il y a Tiargy, mon poteau, le héro de la coure d'école. Un jour madame Rousseau, la directrice, lui a donner une claque en plein dans la tête, ça saignait... là il est devenu le chef pour toujours. Un jour il a récupérer une corneille qui avait une pate cassée, il l'a soignée et hop !
Maintenant, elle vient le chercher à l'école... elle vole et se pose sur son épaule.
J'aime bien quand on sort de l'école... Juliette me prend la main.
En chemin nous regardons la vitrine du Familistère, toujours aussi nulle la vitrine de Noël !
J'aime bien quand je raconte des bêtises et que Juliette rigole.
Tiargy il rentre chez lui , Juliette et moi on va vers la grande maison où elle habite, je sais que je vais être un peu triste... complêtement, en vérité.
Juliette me dit -Tu viens demain, au gouter ? J'ai appris un nouveau truc au piano.
Moi j'aime pas le piano... mais bon... vu qu'on va se marier en Afrique !

vendredi 12 décembre 2014

Manoudanslaforêt - J'ai dix ans

Classe de neige ! J'adore la montagne et le ski, pour une fois je ne suis pas la nulle : je sais skier alors que mes copines non !
Et puis comble du bonheur, mon père a dit qu'il passerait me voir durant le séjour...
Et ce dimanche là, au lieu d'aller à la messe (école catho oblige!) mon père , arrivé la veille sans doute , réussit à convaincre la mère supérieure de me laisser le suivre sur les pistes.
Quelle joie, double voir triple : échapper à la messe, être regardée avec envie, voire jalousie, et être seule avec mon père sur les pistes.
Nous partons dans la bonne humeur sous un soleil radieux, sur une neige fraîchement tombée et j'en garde un souvenir de belles glissades jusqu'à....la terrible chute ! Voulant suivre l'excellent skieur qu'était mon père , je m'encastre dans la poudreuse... et crac !!! La suite reste plus floue...descente en traîneau...hôpital....plâtre...retour à la colo... et retour à la maison dans la coccinelle de mon prof de gym (qui ressemblait à Nicolas Peyrac!!)mon père disparaissant (dans mes souvenirs!!)de cette partie de la journée...
Mais pour la petite fille de 10 ans que j'étais, je viens de vivre une sacrée journée, de joie, de bonheur, mais aussi de douleur.... Longtemps je me suis dit que le Bon Dieu m'avait punie d'avoir raté la messe...

jeudi 11 décembre 2014

Chri - J'ai dix ans

Le jour où mon grand-père...

J'ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée.
Pourquoi ? Mais nom de Dieu quelle saleté de mouche l’a piqué ce jour là ?  D’où lui est venue cette foutue idée ? Par où a-t-elle débarqué dans sa cervelle ? Pourquoi a-t-il fait ça ? Qu’est-ce qui lui a pris ?
La journée avait plutôt bien commencé.
C’était en été. C’était un jour de vacances, un jour tranquille sans obligations ni contrainte autre que celle de le vivre. Dans l’air de la campagne, venues des serres fleuries flottaient des odeurs chaudes, humides et fortes. Nous, mes parents et moi, nous campions là-haut, comme tous les ans, sous les pins, près du poulailler et du grand garage, juste après les deux bassins, le grand pour l’arrosage et le petit pour les engrais. En vrai, quand on arrivait, on montait la tente sous la pinède, on installait le campement et, ensuite on venait juste y dormir. Le reste de la journée on le passait ou dans la campagne ou au cabanon. Bien que la mer ne soit pas très loin, on y allait assez peu, une ou deux fois la semaine, souvent le dimanche, rarement plus. Ici, la mer c’était plutôt pour les poissons, les pêcheurs et... les anglais. Pour se tremper, il y avait le grand bassin rond tout en hauteur à peu près cinq six mètres et son immense et glissante échelle de métal. C’était notre piscine à débordement… Et tout au long du jour, il y avait aussi les lances qui arrosaient les bancs de fleurs ou de tomates dans les moiteurs des serres aux châssis blanchis à la chaux.

Les enfants, on jouait partout, on avait des cabanes dans tous les recoins de la campagne et on allait de l’une à l’autre en fonction des heures, des jeux et des envies. Dans le campement Apaches si on était les indiens, dans le fort retranché des tuniques bleues si on était des soldats, au saloon près du poulailler, si on était cow-boy. Dommage qu’on ne soit pas devenu riches on n’aurait pas été dépaysés d’avoir plusieurs maisons. De pouvoir aller dans l’une ou l’autre quand cela nous chanterait. On aurait su faire. Avec Jean, le fils des voisins, on passait nos journées à voyager dans  la campagne en brouette, sans adulte sur le dos, dans cet immense terrain de jeux.
Deux endroits, cependant nous étaient absolument interdits : l’échelle en métal du Grand bassin et les rigoles d'entre les serres. Larges comme une épaule d'homme, elles étaient à la jonction de deux serres, donc tout du long et en pente puisque le terrain l'était. Une chute d’un côté ou de l’autre et on passait au travers des vitres des châssis. Autant on ne risquait pas de nous retrouver au sommet de la grande échelle à cause de la peur, autant les rigoles entre deux serres étaient tentantes. Malgré le danger et la crainte de l’engueulade, on ne s’en privait pas. On y faisait rouler sur des centaines de mètres tout ce qui roulait. Balles, billes, voitures, melons, oranges, pêches... Et puis au bout d’un moment, ils allaient voir ailleurs.
Ce qu’on aimait bien, aussi, c’était les arrivées des commerçants ambulants qui nous servaient de calendrier. Ainsi, on savait qu’on était mercredi avec la montée klaxonnante du chemin des Ames du Purgatoire de l’Aronde commerciale du droguiste. Il se garait en face du cabanon et il avait à peine stoppé le moteur de son engin fumant qu’une odeur de lessive débarquait et enveloppait la colline. Quand nous étions là, toutes les semaines, ma grand-mère lui en achetait deux paquets. Besoin ou pas. Elle devait les stocker et ne plus en prendre à partir de Septembre. Ensuite, les paquets sous le bras, on allait mettre un journal sur la table et elle  renversait la lessive sur le journal jusqu’à ce qu’on trouve le cadeau avec lequel je filais. Pendant ce temps là, elle devait s’en voir pour remettre la poudre blanche dans les paquets…

Et puis, il y avait la piscine bleue des polonais. 
On n’avait pas le droit d’y aller seuls, il fallait être accompagné. Ils devaient avoir les trouilles qu’on tombe à la flotte...
Les polonais au nom de vodka, c’était les voisins de la campagne du dessous. Les choses sont parfois bien rangées, on les appelait les polonais parce qu’ils venaient de Pologne. Ils avaient atterri dans le coin après la guerre et s’étaient installés comme horticulteurs, mais ils avaient abordé le travail sur les fleurs d’une manière un peu décalée. Ils ne le faisaient pas comme les paysans d’ici. On disait d’eux qu’ils s’y étaient mis à la polonaise sans trop savoir ce que ça voulait dire. Ils étaient originaux, voilà tout. Pas d'ici, quoi. Ainsi, sur le devant de leur maison, une villa ancienne, ils avaient fait  construire une piscine avec ses faïences bleues Floride. On aurait pu se croire en Amérique, sauf que cette piscine leur servait surtout de bassin pour les fleurs et donc qu’elle se vidait tous les après midi quand ils arrosaient leurs serres d’œillets et de roses et elle se remplissait la nuit. Ils avaient joint l’utile à l’agréable. C’était ça être original. Ici, on ne s’occupait que de l’utile. L'agréable c'était pour les parisiens. Le niveau de l’eau montait et descendait sans cesse. Une fois vide, le lendemain pleine. Une fois pédiluve, une fois piscine. Les voisins étaient partageurs, quand elle était pleine, ils faisaient piscine ouverte. Il faut dire que dans le quartier il n'y en avait guère. Des bassins, oui mais des piscines... En ce temps là, les choses étaient simples : il suffisait de traverser la rangée des vieux oliviers entre les deux propriétés, il n’y avait pas de clôture, de faire savoir qu’on arrivait quand on arrivait  et de se mettre à l’eau.

Ce jour là, on y était allés dans la matinée, les polonais n’arroseraient que l’après-midi. Toute une troupe avait débarqué, il y avait les parents et les autres grands parents qui passaient quelques jours avec nous. Très vite, un a plongé, l’autre la trouvait un peu fraîche, elle n’avait pas le temps de se réchauffer puisqu’ils ne l’avaient mise à remplir que depuis le lever du jour. Je l’avais goûtée avec ma main grâce à l’échelle et je la trouvais froide, aussi. Et puis mon grand-père sur le bord qui hésitait. Il était debout, sur la margelle. Un moment, je passe juste à côté de lui. Là, je ne sais pas ce qu’il lui prend. Sans prévenir, il m’attrape par un bras et une cheville et me fait tourner dans l’air chaud de ce matin d’été, espiègle. Il me fait faire deux trois tours à belle vitesse et puis, quand mon corps passe au-dessus du bleu, il lâche le tout et  évidemment, comme une brique perdue, je tombe à la flotte.
Très drôle. Du reste tous les adultes dans le bleu ont déployé leurs gorges. Sauf que... Sauf que je ne sais pas encore nager. J’ai dû avaler une ou deux bassines et j’étais déjà au fond quand on m’a récupéré par un bras…
Pourquoi ne s’est-il pas arrêté juste avant de me lâcher ? A-t-il pensé que je savais voler ? Où est-il allé chercher cette blague désopilante ? Quel sentiment étrange l’a guidé  pour faire un truc pareil?  Quel mauvais génie lui a parlé à l’oreille ? 

Pourquoi, ce jour là, mon grand-père m’a-t-il balancé à la flotte ?

Claudie - J'ai dix ans

PREMIERS PAS
La journée avait été maussade comme souvent en Bretagne où je passais le mois de juillet avec la famille. L’oncle Pierrot et la tata à moustache étaient arrivés depuis le matin et la maison de grand-mère bouillonnait d’effervescence. Ma tante déballait ses maillots de bain à froufrous et nous les gosses, pouffions de rire en la voyant minauder devant la glace de l’armoire. Mon père était revenu du centre du village, un énorme poste de télévision Radiola entre les bras. Grand-mère le houspilla car l’engin prenait la place de ses bibelots et autres napperons de dentelle mais surtout, elle avait été obligée d’exiler la vierge Marie, son repère, dont la robe blanche et bleue clignotait comme un phare dans l’obscurité. - C’est pour cette nuit annonça papa tout excité. Je vous réveille les enfants.
Le sommeil fut long à venir, le ciel était agité de nuages noirs précurseurs d’orage. A deux heures tapantes, notre père en pyjama nous secoua. Mon frère grognait et moi, je descendis l’escalier grinçant quatre à quatre, prêt à admirer le spectacle. Toute la famille était vautrée dans le canapé du salon éclairé par une lumière surnaturelle. Mon père alluma le poste avec des gestes précautionneux.
Le spectacle : de la neige et le son qui va avec. Le visage de papa passa par toutes les couleurs de l’arc en ciel. Il tripota les boutons en jurant et nous les vîmes enfin à l’écran. Les astronautes sautillaient, ridicules dans leurs combinaisons blanches sur le sol lunaire.
- Ils ont aluni sur la mer de la Tranquillité claironna mon père.
- C’est pas une mer, c’est juste de la poussière, dit Jeannot avant de se taire, le bec cloué par le regard noir du paternel.
Armstrong en tâtant du pied gauche le sol lunaire pour en vérifier la résistance, avançait la bannière étoilée à la main. Rejoint par Aldrin, ils le plantèrent sur le sol dans un geste patriotique.
- Un petit pas pour l’homme mais un bond de géant pour l’humanité.
Ces mots résonnèrent dans le silence. Les aiguilles de l’antique horloge indiquaient 3h56 et nous vivions en direct les premiers pas de l’homme sur la lune. Je regardais mon père, absorbé par l’écran quand ce dernier se brouilla définitivement lors d’un coup de tonnerre retentissant.
- Il faut que les enfants dorment dit grand-mère d’un ton péremptoire et joignant le geste à la parole éteignit le poste.
Impossible de dormir. Je me retournais dans le petit lit de fer. J’étais un super astronaute et je quittais la terre à bord d’une fusée encore plus impressionnante qu’Apollo.
Aujourd’hui j’ai dix ans et je viens de vivre une sacrée journée même si elle ne fait que commencer. Une journée à graver dans la mémoire universelle.

Tisseuse - J'ai dix ans

Une malheureuse toux s’accroche à moi depuis de longs jours, qualifiée du nom peu gracieux de « chant du coq » qui donne à penser à une coqueluche à l’homme de la science, sans que ce dernier puisse se prononcer cependant formellement. En bref, je me traine, je tousse, et personne ne sait exactement ce dont je souffre, en ce printemps froid et humide.
Je ne me considère pas réellement comme un « cas désespéré », mais je soupçonne ma mère de trouver ce prétexte afin de légitimer auprès de mon père une sorte d’escapade, sous couvert de chaperons officiels, en l’occurrence ma grand-mère et ma grand-tante, et sous l’égide d’une organisation infaillible : un pèlerinage diocésain à Lourdes !
Le slogan tout trouvé étant : « le bon air des Pyrénées, et les prières à la Vierge devraient lui redonner une bonne santé ! et puis, cela fera plaisir à ma mère et à ma tante qui n’ont pas tant de distractions ! ». C’est sûr qu’à 77 et 78 ans, à l’époque, pour l’une vieille fille et pour l’autre veuve, les sorties se font plutôt rares !
« le bon air des montagnes devrait la guérir » sonne à mes oreilles comme dans les livres de Heïdi où son amie à la santé si fragile retrouve des forces …
Ma mère, toute à son affaire, convainc mon père et même l’institutrice de CM2 (pourtant plutôt anticléricale), de la bonne cause de son entreprise.
Et nous voilà parties, en train, pour la cité mariale.
Je vous laisse considérer l’aspect insolite de notre groupe ! Quatre femmes (enfin presque, puisque je n’ai que 10 ans), dont le seul vrai lien évident d’amour est… moi ! « Pauvre de moi » me suis-je pensé… mais la perspective de faire l’école buissonnière durant quelques jours m’enchante, et les entreprises de ma mère peuvent se révéler plutôt croquignolesques.
Je ne me souviens plus très bien du trajet, mais l’arrivée à la pension de famille ne manque pas de piquant lorsqu’il faut déterminer la répartition des lits, car, faute de moyens nous devons nous serrer dans 2 chambres. Ma grand-mère toute de noire vêtue fait grise mine à l’idée de partager une chambre avec sa belle-sœur, un rien méprisante à son égard du fait de son inculture, et de sa « foi du charbonnier » comme le dit souvent mon père (il me semble bien d’ailleurs qu’avec l’habit couleur anthracite qu’elle porte en permanence, elle a bien un petit quelque chose du charbon qu’elle met dans son poêle, unique moyen de chauffage de son petit logement, et qu’elle fait corps avec sa ville minière d’origine).
Mais il n'est pas question que la grand-tante, hypocondriaque, puisse être contaminée par mon chant du coq qui pourrait se transformer en son chant du cygne… Alors, après quelques palabres, ma mère tranche vivement qu’elle partagera mon lit. Vue qu’elle est déjà une miraculée de la typhoïde durant la guerre, mes cris de basse-cour ne lui font pas peur.
Nous sommes ensuite sorties afin de suivre l’emploi du temps bien chargé de tout pèlerin qui se respectent à Lourdes : messes, procession, repas à la pension de famille (allez savoir pourquoi se terminant inlassablement par de la compote !).


Je vous passe les éternels « L’heure était venue… », et les chapelets à la chapelle du Rosaire, et les cierges, l’eau bénite, et enfin tout le décorum de cette bonne vielle grotte de Lourdes.
Ma tête dodeline de fatigue alors que dans un lent cortège hypnotique, nous chantons sans relâche le cantique à Marie, en fixant les paroles du cornet en carton censé protéger la bougie du vent. Je me sens flotter, extatique…


Mais au 3ème jour de ce régime, ma mère se met en tête de lâcher provisoirement le pèlerinage et d’aller excursionner à Pau. Pour ma plus grande joie car les échanges entre les trois femmes commencent très sérieusement à me peser. Il faut comprendre qu’à part moi, leur seul autre lien était un homme vénéré : pour l’une le frère, pour la deuxième l’époux dont elle est la veuve inconsolable, et pour la troisième sa fille unique chérie. Lourdes avait été son dernier voyage, alors qu’il était très malade. Je n’avais pas connu mon grand-père et comprenait bien qu’elles pouvaient être tristes de penser à lui en ces lieux, mais ce voyage inattendu se transformait peu à peu pour moi en calvaire.
De bon matin, nous attrapons donc la ligne de car régulière, et nous nous retrouvons en plein centre-ville : direction le château de ce bon roi Henri. Il me revient son histoire de faire manger à tous de la poule et j’imagine à un moment que cela va guérir mon « chant du coq ». Ma mère en fait à une toute autre idée en tête, et elle nous fait entrer toutes les quatre dans un café, et commande quatre verres de Jurançon, car à ses yeux « il n’y a rien de meilleur dans ce coin de Pyrénées ! »
Je crois que je n’oublierais jamais la tête effarée du garçon et son sourcil levé en forme de circonflexe interrogateur vers ma mère : « 4 Jurançon, ma p’tite dame ? même pour la p’tite ? » dit-il en me désignant du menton.
Sans se démonter, ma mère lui dit : « Henri IV a bien été baptisé au Jurançon et il était beaucoup plus jeune que ma fille, non ? »


Bien que j’aie pensé alors que ma mère était vraiment un peu folle, je l’ai admiré pour cette liberté-là !
Nous sommes ensuite allées visiter le château, avons pu admirer le panorama et contempler la célèbre carapace de tortue ayant soi-disant servi de berceau au bébé (pas encore royal).

Lorsque je me suis couchée, ce soir-là, je ne sais pas si j’étais guérie, mais je me suis dit : « j'ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée. »

Depuis lors je dois bien avouer avoir toujours eu une petite tendresse pour le vin de Jurançon…

Vince - J'ai dix ans


φωτός

Je suis né sur Ross 154, une naine rouge proche du soleil, située dans la constellation du Sagittaire. J’ai d’abord cru que mon existence tournerait court, happé dès mes plus jeunes années par l’appel irrésistible de l’étoile de Barnard, une proche voisine de ma génitrice. Mais ma trajectoire rectiligne n’a pas dévié à son approche et j’ai tracé ma route. Depuis ma naissance, j’ai parcouru quelque chose comme 3 parsecs soit de l’ordre de 100x1012 kilomètres. Durant tout ce temps, ma route aurait pu s’arrêter sur une des 65 étoiles ou des 4 naines brunes, situées dans ma zone, formant pas moins de 50 systèmes stellaires. Mais non, allez savoir pourquoi, le premier troquet que je croise, c’est ce petit bout de caillou que vous appelez la Terre. D’ici, elle ressemble plutôt à une goutte d’eau, mais bon, après tout c’est chez vous, vous l’appelez comme vous voulez ! Pour mon entrée dans l’atmosphère, pas besoin de bouclier thermique. Je ne suis pas chargé électriquement, je n’ai même pas vraiment de masse, bien que je possède une quantité de mouvement. D’ailleurs dans le vide ou dans l’air, ma vitesse reste quasiment la même. Elle n’est réduite que de 1% dans votre atmosphère. L’eau, par contre, a un peu plus d’effet : j’ai pris une de ces claques en tapant sur l’un de vos océans. Et encore, ça aurait pu être pire, il parait que certains de vos physiciens s’amusent même à réduire ma vitesse à quelques mètres par seconde dans certaines matières… Avec mes congénères, il parait que nous vous sommes indispensables. Un transport d'énergie jusqu'à la surface de la terre qui maintient l'équilibre de l'environnement naturel par la régénération de l'oxygène grâce à la chlorophylle des plantes.
Aujourd’hui, j’ai dix ans, j’ai frappé la surface de la Terre quelque part dans l’océan Indien, à mi-chemin entre La Réunion et L’Ile Maurice. J’ai pris un petit bain, je vous ai réchauffé d’une part mes quelques 2 eV, ce qui est insignifiant, mais comme on est plusieurs à avoir fait le voyage…
Aujourd’hui, j’ai dix ans et je viens de vivre une sacrée journée : après dix ans en trajectoire parfaitement rectiligne, voilà que lors de mon passage chez vous, j’ai rencontré un obstacle, et j’ai été réfracté… Je repars comme je suis venu, mais dans une autre direction. Et comme je suis relativement stable, que j’ai une durée de vie de 1018 ans, ça n’est que le début…


Où lire Vince

mercredi 10 décembre 2014

Saraline - J'ai dix ans



La neige et la froidure ont envahi ma campagne depuis plusieurs jours. Le vent, chaque jour, semble apporter de nouvelles pelletées de neige qui s’amoncellent sur les quelque cinquante centimètres de neige qui forment déjà des congères sur les bords des routes et des chemins. Le sol est gelé, mon père doit casser la glace pour puiser l’eau nécessaire aux animaux de la ferme. Je ne peux même plus sortir mon vélo, la couche de neige emprisonne les roues jusqu’au moyeu … Ce jour-là, dès que le ciel se dégage un peu, mon père, emmitouflé dans sa grosse canadienne, la chapka vissée sur la tête et équipé d’un attirail que je ne connais pas ( une espèce de bobine de fil qui me semble énorme et qui contient des petits ronds brillants), vient me proposer de l’accompagner pour l’aider dans une tâche qu’il qualifie de « spéciale ». Il faut savoir que mon père est un grand bricoleur et que plus grand-chose ne m’étonne venant de lui, mais je trouve qu’il fait bien froid, j’étais bien au coin de la cheminée et puis c’est quoi ce machin bizarre, plein de fils et qui brille au soleil ? Mais…, j’ai dix ans, je suis curieuse et je tiens de mon père, j’aime bricoler, inventer, toucher à la nouveauté… Je m’équipe donc comme il se doit : bottes garnies de chaudes chaussettes tricotées main, blouson imperméable doublé d’un énorme gilet de laine (j’ai tout à fait l’allure d’un enfant trop nourri), un bonnet et des moufles. Et nous voilà partis vers un champ pas trop éloigné de la ferme paternelle, un champ qui n’est plus qu’une vaste étendue de neige dont je crains à chaque pas qu’elle ne déborde au-dessus de mes bottes. Mon père commence alors à planter quelques piquets, sur trois rangées, sur une bonne longueur. Puis il me tend l’engin, m’intime l’ordre de le tenir fermement et il se met à dérouler ce fil sur lequel dansent ces drôles de petits miroirs qui lancent des éclats de lumière aveuglants. Il arrime solidement ces fils aux piquets préalablement plantés. Cette mise en place à laquelle je n’ai rien compris m’a semblé un peu longue, mais en voyant l’air réjoui de mon père, je me dis que je n’ai encore rien vu. C’est alors que sa réflexion me laisse pantoise : « Ce soir, nous allons faire un vrai festin ; nous aurons des alouettes à la broche au dîner. » La petite campagnarde que je suis sait bien qu’il est normal de manger les animaux que nous élevons à la ferme, par contre, j’ai bien compris que les alouettes sont des petits oiseaux qui vivent librement dans nos champs et je n’avais pas imaginé qu’ils puissent un jour finir dans mon assiette … Au repas du soir, la petite bestiole coincée entre deux bardes de lard, au grand désespoir de mon père, ne m’arrache qu’un haut le cœur, suivi d’une crise de larmes …

J’ai dix ans et je viens de vivre une sacrée journée. 
 
** plus ou moins autobiographique ; en 1956, la chasse aux alouettes n’était pas encore formellement interdite, et je ne me souviens pas de « récidives » ! 
 
*** J'aurais dû, aussi, remercier Vegas, qui m'a donné l'idée de ce "flashback " !

L'Arpenteur d'étoiles - J'ai dix ans

Parfum de femmes ou, comment est née une obsession.

 

Ils sonnent à la porte d’en bas. « Entrez, c’est ouvert » leur crie mon père depuis le perron ». Ils montent et avec eux montent le bonheur, et l’insouciance de la jeunesse.
La plus jeune sœur de mon père vient nous présenter son mari tout neuf. Ils débarquent de Paris, ou presque de Paris, de Melun, et vont dormir à la maison. Elle est jeune, jolie, lumineuse et un peu foldingue. Lui, c’est une autre lumière, plus douce, drôle et poétique. Ils sont arrivés par le train, juste avant midi. Dans leurs yeux, un désordre heureux, un brin de folie et une joie simple qui se posent doucement sur nos épaules. Ma grand-mère, chignon blanc, regard bleu et blouse grise s’affaire devant le fourneau à barre de laiton depuis tôt ce matin. Mon père ravi, se montre encore plus théâtral que d’habitude. Maman, elle, timide et réservée veille à ce que le couvert soit mis comme il se doit, fourchette à gauche et couteau à droite et que les serviettes de table soient joliment pliées dans les assiettes blanches.

Ils m’ont apporté un jeu de ping-pong. La table de la salle à manger étant remplie, mon oncle décide unilatéralement de tendre le filet dans le couloir, mais « à hauteur d’homme ». Alors un match épique se déroule. Je suis avec mon père, contre mon oncle et son épouse toute neuve. On joue à grands éclats de rire, la balle se perdant sans cesse derrière le rideau de l’escalier ou le sous le grand buffet. Papa tente de couper les balles et de les smasher avec force, comme quand il était jeune. L’oncle ramène tout avec décontraction. C’est le jeune couple qui gagne haut la main. Papa m’explique comment tenir la raquette, comment servir, comment effectuer un coup droit, un revers, un smash et surtout comment donner de l’effet à la balle ... « mais tu verras quand on aura mangé, on mettra le filet sur la table et on gagnera ». Je garde mon quant à soi et acquiesce en regardant de côté le tonton embrassant sa jeune épouse toute neuve.
La journée se passe en narration complète et circonstanciée du mariage auquel nous n’avions pu nous rendre, en descriptif précis des cadeaux somptueux reçus – tu te rends compte, une pince à sucre ... en argent – et au rappel des souvenirs du passé, enjolivés, magnifiés, sublimés.

Et vers le soir mon père lance « et si nous allions au cinéma ». Oui, oui, enthousiaste de la part de toute la famille. Un coup d’œil sur le journal. La séance de 8 heures et demi « du soir » au Rialto propose « Du mouron pour les petits oiseaux » ... avec Paul Meurisse précise mon père, acteur qu’il adore. « Et le petit ? » Demande maman. « Il vient avec nous ». « Bon, alors mets ton manteau » Un quart d’heure à pied en bavardage et en gestes amples, sur le cinéma, Jules Berry, Gabin et les seconds rôles fétiches de mon père, Carette, Adam, Tissier, Aimos ... Il y a un peu de monde qui attend devant l’entrée. « Je vous invite » dit mon père jouant les grands seigneurs, et sans écouter les refus embarrassés de sa sœur, il prend les billets pour tout le monde.
C’est la troisième fois que je rentre dans un cinéma. La première avec mes parents pour Blanche Neige dans la salle paroissiale, la deuxième avec ma grand-mère au même endroit pour Les dix commandements.

Mais cette fois c’est un film un peu policier auquel je ne peux rien comprendre.
Et pourtant j’ai gardé en mémoire une phrase étonnante que Paul Meurisse prononce en entrant dans une chambre, me tirant brutalement de ma torpeur : « hmmm, ça sent la femme ici !» Cette phrase m’a marqué à jamais et j’ai passé mon adolescence à détecter, deviner et respirer les parfums et les odeurs dans le sillage des filles. Imaginez, la tête de ma mère murmurant assez fort dans un reproche appuyé à mon père « tu vois, on aurait jamais dû l’emmener voir ça ». Et bien j’ai dix ans et je viens de vivre une sacrée journée.

mardi 9 décembre 2014

Blick - J'ai dix ans

Auto biographie

Vers huit heures ce lundi matin, je descendis au garage où dort ma vieille Chrysler et qui me sert aussi d'atelier. C'est ici que j'écris mes textes. Mais cette semaine je ne suis pas inspiré. Je contemplais l'établi en me grattant la tête, le tas de métaphores rechapées qui gît dans un coin à même le ciment, les oxymores suspendus au râtelier, par rang de taille, les casiers pleins de synecdoques, d'antonomases et de paronomases. J'ouvris et fermai machinalement les tiroirs où j'ai toutes mes hyperboles et mes anacoluthes. Que vais-je bien pouvoir écrire. Ma Chrysler, avec qui je discute souvent et qui me donne parfois un coup de main pour les finitions et le polissage à la peau de chamois, m'observait avec goguenardise. J'attrapai une synalèphe et lui dis Bjour. On a quoi comme thème cette semaine, demanda t-elle. Je le lui dis, Ah fit-elle en une ellipse magnifique. C'est pas le tout, nous avons du taf, dis-je, et je me lançai.

J'étais gamin pendant la guerre de Cent Ans, qui n'en finissait pas. J'habitais Orléans, que les Anglais occupaient en attendant avec flegme qu'on les boute hors de France. Le 8 mai Jeanne d'Arc, arrivant de Chinon, enleva le châtelet des Tourelles et descendit triomphalement la rue d'Illiers, qui sentait bon le crottin, le cuir, la graisse et le suif des flambeaux. Je courais avec la foule en liesse au milieu des chevaux caparaçonnés, les armures cliquetaient et les oriflammes claquaient dans la brise caressante du soir. A l'arrière du cortège Gilles de Rais distribuait aux enfants des bonbons, des chewing-gums et des cigarettes américaines. Plus tard un feu d'artifice fut tiré aux abords du pont Royal depuis des barques sur la Loire, et je me dis, couché dans l'herbe à admirer le bouquet final tout en tirant la première bouffée de ma vie : J'ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée.
Tu es complètement hors sujet, me coupa ma Chrysler, qu'est-ce qui te prend de raconter ta vie, qui crois-tu que cela intéresse. Jamais Songeuse ne laissera passer ça, et ne compte pas sur Le Géomètre ou Nevada sur Loir pour te sauver la mise. Allons faire une balade sur les bords de Loire et laisse-moi faire. Nous sortons du garage, et la voilà qui démarre, au quart de tour je dois le reconnaître, car c'est une excellente voiture comme on n'en fait plus.
Je suis née à Detroit, état du Michigan, avant la Grande Dépression. A cette époque, il n'y avait pas encore de robots, d'ordinateurs ni de tables graphiques, mais des inventeurs dont le cerveau crachait de la fumée par tous les orifices, des ingénieurs penchés sur des planches à dessin, des nuées d'ouvriers qui sifflaient en boulonnant, des contremaîtres qui gueulaient et des capitalistes qui fumaient le cigare en rêvant d'édifier des gratte-ciels à leur nom. Les cheminées de brique des usines...

Accélère, dis-je, ce n'est pas un roman que nous sommes censés écrire. En outre le feu était passé au vert et Dunois, sur son cheval, heaume levé, la lance trépidante, klaxonnait derrière nous avec impatience.

Minute, j'y arrive, embraya t-elle. Le jour de mes dix ans, on m'emmena disputer la fameuse course qui a lieu tous les ans en mai à Indianapolis. J'étais précoce, rodée depuis longtemps, et je n'avais pas froid aux phares. Une foule immense était venue admirer les bolides, l'air graillonnait de hot-dogs, de burgers et de gaz d'échappement délicieux. Nous étions dix-huit sur la ligne de départ, des Cadillac, des Studebaker, des Oldsmobile, et moi qui étais la seule Chrysler. Dans le dernier tour, une General Motors menait la course, j'étais juste derrière, mais voilà qu'elle manqua un virage et, filant tout droit, se mit à fumer sur l'herbe comme un barbecue dès qu'elle en eut fini avec ses trois tonneaux. Je passai en vrombissant sous le drapeau à damier, j'avais gagné ! Tu peux me croire, lorsque j'accomplis mon tour d'honneur avec le bouquet du vainqueur sur le capot, tout en buvant au goulot la première gorgée de champagne de ma vie, j'ai pensé très fort : J'ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée.
Il y eut un temps de silence car ma Chrysler, émue d'avoir évoqué ces souvenirs, s'était garée sur les pavés herbus des quais de Loire. Près de nous bivouaquait l'armée de Jeanne, qui rôtissait des saucisses et des oiseaux au fumet délectable, en lâchant des jurons joyeux qui fleuraient bon la paix retrouvée.

Bon, repris-je, ton histoire n'est pas mal, je te le concède, nous essaierons de la fourguer un jour. En ce qui concerne la mienne pour la semaine présente, j'avais pensé à une chute épique, qui situe l'anecdote intime dans une perspective historique et héroïque, par exemple, et j'aimerais connaître ton avis : Orléans, Orléans outragé ! Orléans brisé ! Orléans martyrisé ! mais Orléans libéré !

A ces mots ma Chrysler se mit à pétarader avec énervement. Le thème de la semaine, me lança t-elle, ce n'est pas ta petite personne, ni les fêtes de Jeanne d'Arc de ton enfance, ni les grandes pages de l'histoire de France. Ce qu'on nous demande, c'est d'écrire une auto biographie. Comme la mienne. Et détachant les mots avec insistance : auto biographie !

Une chance que j'ai ma vieille Chrysler dans le garage qui me sert aussi d'atelier.

Jacou - J'ai dix ans

Quand rêve et réalité se confondent.

La voilà, derrière les arbres. Je ne la vois pas très bien, encore ; mais c’est elle, oui, c’est bien elle.
Je voudrais que ce moment dure toujours. Quelques pas, elle est là, toute entière, devant moi.
Je n’y crois pas encore tout à fait.
Hier, elle n’était qu’un rêve ; rêve inaccessible. Aujourd’hui, le rêve est devenu réalité. Total émerveillement.
Bien plantée sur ses jambes, son nez gratte le ciel ; je vais enfin pouvoir en faire l’ascension.
La montée se fait en ascenseur. Ma mère est claustrophobe ; une montée enfermée dans la cabine, c’est déjà trop pour elle.
La descente se fera donc par l’escalier. Mon père, lui, a le vertige. Nous devons nous arrêter à chaque palier.
Moi, je n’ai aucun souci, ascenseur, escalier, tout va bien. Je suis sur un petit nuage.
J’ai dix ans et je viens de vivre une sacrée journée.
Radieuse, je chante la comptine de mes récréations :

« La Tour Eiffel a trois cents mètres
Du haut en bas on voit la Seine
Pour y monter il faut payer
Tous les millions qu'elle a coûté
1 sou, 2 sous, 3 sous...»

Où lire Jacou

lundi 8 décembre 2014

Vegas sur sarthe - J'ai dix ans

Plus tard j'en aurai une grosse



Tous les jours avec mes parents et ma grande sœur on rend visite à la voisine qui habite sur le même palier que nous.
C'est pas loin et surtout y'a la télé.
Papa dit qu'un jour on en aura une grosse - pas une voisine, une télé - quand ils augmenteront la solde.
Chez la voisine c'est tous les jours pareil : le bébé tète sa mère et on voit le général Massu et tout plein de parachutistes, mais en noir et blanc à cause du camouflage.
Qu'est ce que ça peut picoler un bébé ! Ça doit être pour ça que la maman pleure tout le temps.
Ma mère a dit tout bas que le papa a été « saigné dans une embuscade » et qu'il faut pas faire trop de conneries ici... pour respecter sa mémoire.
J'ai pas compris grand chose mais je m'assois et je regarde le journal télévisé de la RTF ... Massu, Bigeard, Salan et un petit peu le sein blanc de la maman qui pleure en silence.
La RTF montre des endroits bizarres avec des noms pas comme chez nous : Blida, Sidi Bel Abbès, Mostaganem.
Les copains disent Poste-à-galène et je sais toujours pas pourquoi y se marrent.
La maman, elle rigole pas à cause du bébé qui mord son sein blanc et qui lui fait les yeux tout rouges.
Aujourd'hui on n'a pas eu droit à la guerre. Pas parce qu'ils ont arrêté de se saigner mais parce que les russes y z'ont balancé un clébard dans l'espace avec un Spoutnik. Y disent que la chienne s'appelle Laïka et le chef des russes Croûte Chef.
J'aurais pas dû dire que ça ressemble à un nom de casse-dalle : ça a fait rire personne.
Les russes aussi y z'ont leur guerre mais elle est froide alors que l'autre forcément à Mostaganem elle est plus chaude.
Nous, on en a eu une grosse aussi mais c'était avant que je soye né.
Papa pense qu'un clébard dans l'espace ça peut faire oublier toutes ces horreurs... il appelle ça noyer le poisson !
C'est poilant comme expression alors je l'ai notée dans mon carnet pour servir plus tard.
Après j'ai appris plein de choses utiles comme par exemple pourquoi que les russes ont choisi une chienne plutôt qu'un chien (une chienne plutôt, c'est poilant à cause du dessin animé).
Et ben c'est parce que les chiennes lèvent pas la patte pour pisser et que ça prend moins de place dans la cabine. Ça permet d'emporter plus de gélatine pour nourrir le clebs et forcément c'est autant de place en plus pour ses crottes.
J' aimerais bien avoir une chienne pour mon anniversaire et papa dit qu'on en aura une grosse quand ils augmenteront la solde.
Aujourd'hui pour une fois le bébé ne tétait pas mais la maman pleurait toujours, même quand elle m'a dit « Joyeux anniversaire ! ».

J'ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée (*).

(*) 3 Novembre 1957

Où voir grandir Vegas sur sarthe

Semaine du 8 au 14 décembre 2014

La semaine dernière les lumières de la ville la nuit vous ont inspiré de diverses manières et peut-être auront-elles réveillé en vous un souvenir d'enfance?

Vous avez donc jusqu'au dimanche 14 décembre minuit heure de Paris pour glisser dans votre texte la phrase suivante: "J'ai dix ans, et je viens de vivre une sacrée journée." et nous le faire parvenir à l'adresse habituelle impromptuslitteraires(at)gmail.com.

dimanche 7 décembre 2014

Saraline - C'est beau une ville la nuit

C’est beau, une ville, la nuit.
Des badauds, des cabots,
Des clodos, des salauds
Je les vois, ils sont ici.
Des coiffeurs, des voleurs,
Des chanteurs, des bonnes sœurs,
Je les entends, dans la nuit.
Des enfants, des agents,
Des passants, des patients,
Ils sont là, grands et petits.
Des ennuis, des soucis,
Des satisfecit, des mercis,
Ils me suivent, dans la nuit.
Des avants et des après,
Des toujours et des jamais
Ils sont tous là, réunis.
Des espoirs et des déceptions,
Des succès et des démissions,=

Circulent, sans bruit, la nuit.

samedi 6 décembre 2014

Stouf - C'est beau une ville la nuit

Ex nihilo

Les feux illuminent les temples, les tambours rythment les danses et le peuple, sans compter les moments et les heures, boit sans fin le nectar de vie, mange les présents mortels .
Cette nuit la ville fête l'infaillible cheminement des forces cosmique, le sang des vaincus coulera pour la régénérescence des vastitudes divines. Les dieux plongeront leurs racines dans l'infini dualité des pouvoirs sans forme et les mystiques chercheront le Chaos dans les entrailles ennemies.
Cette nuit les rues polies par les ans seront décorées des fleurs les plus rares, mêlant leurs odeurs aux vagues senteurs augustes et sans pitié de la fange humaine. Ici, rien n'est tout à fait ce qu'il semble.
Cette nuit le monde s'endormira dans une chaude lumière où tout n'est qu'ordre et beauté, calme et volupté... dans une froide lumière où tout n'est que désordre et laideur, bouleversement et chagrin.

vendredi 5 décembre 2014

Manoudanslaforêt - C'est beau une ville la nuit

C'est beau une ville la nuit
C'est une aube étrange, la brume cache les immeubles
beau sera le temps aujourd'hui
une lumière perce le brouillard
ville apparaissant à travers
la nuit

jeudi 4 décembre 2014

Blick - C'est beau une ville la nuit

Bar de nuit

Je glissai dans le parking sur les feuilles mortes couleur limace. Les capots luisaient. A l'horizon, sur le plateau argenté de la lune, les immeubles en brique chatoyaient faiblement comme des chopes de bière et les vitres des gratte-ciels paraissaient dans la brume s'entrechoquer comme des glaçons dans des verres à cocktail. À ce vacarme lointain se mêlait la rumeur des mille rayures de la ville, traînées d'éclairage public, de phares, d'enseignes au néon, de câbles et de rails. Le ciel était boueux, saturé de lumières laiteuses.

Je souffre de palinopsie. Aussi, quand je poussai la porte du bar, une voie lactée, qu'avaient fait naître dans ma tête les étincelles gelées du tramway grinçant sur les pavés, éclaboussa l'immense miroir derrière le zinc, où se reflétèrent jusqu'à plus soif et jusqu'à l'aurore les bouteilles d'alcool placées sur des étagères de verre. La serveuse me sourit, je ne venais boire là tous les soirs que pour son sourire, ensuite je regardai ses yeux, ses cheveux que jaspaient de paillettes les spots multicolores pendus au plafond noirci, puis ses mains secouant un shaker, puis son sourire ses yeux ses cheveux ses mains actionnant la pompe à bière. Je regardai aussi ses hanches et ses fesses quand, tout au long de la nuit, mes yeux la suivirent qui traversait la salle par des ruelles entre les tables, portant sur un plateau de lune argentée des chopes et des cocktails, s'arrêtant à des placettes italiennes où des hommes causaient bruyamment, traversant en courant presque des jardins nocturnes plantés de magnolias et de tulipiers rêveurs bercés par le murmure des fontaines, ombre chinoise aux jambes fines sur les murs de vieilles rues envahies d'arroche, d'ombilic et de morelle noire.

Je souffre de palinopsie et redoute les comètes, les étoiles filantes et les filles dont les cheveux s'enroulent trop à mes pensées. Je quittai le bar en titubant à l'heure de la fermeture, alors que l'aube pâle éveillait les autobus dans leurs dépôts au sol de ciment blafard. « Je vous ramène, je vais dans le centre ? ». Mais mes paroles virevoltèrent dans le vent, et longtemps je l'imaginai grimpant des rues en escalier dans la vieille ville, puis des volées de marches couvertes d'un tapis usé de velours vert, une chambre sous les toits d'ardoise, une lucarne par laquelle, sur la pointe de ses pieds nus, talons rougis, elle aperçoit les lumières de la nuit qui d'un coup s'éteignent au jour naissant.


C'est beau une fille la nuit.

Zoz - C'est beau une ville la nuit


~ la ville s'engloutit de pluie, une étoile blafarde vivote dans le noir d'une flaque. Un garçon rentre du trottoir des hommes. Une paillasse sale attend son sommeil migrateur. Il se recroqueville sur son dernier coup de poing, le ventre en bouilli, la bouche encore baveuse et la rue au coin qui ricane de sa rumeur humaine.
Une aiguille amie perce ses globules et le ciel clignote de ses feux orangés et les arbres se mettent à voyager... Cette came l'enlève tout entier plus haut que le plus haut gratte'ciel, sans ailes !
Temps suspendu... amnésie.
Effacé derrière une poubelle, un garçon mort un moment, écroué à sa ville ..

zoz..

Où lire Zoz