vendredi 27 février 2015

Tisseuse - Le jardin de son enfance


Comme toute enfant d’une ville enserrée entre ses collines, née de sa terre noire et pauvre de verdure, le jardin de mon enfance se trouvait en pleine campagne. 

Il nous fallait prendre la voiture pour nous y rendre dans un cérémonial immuable où mes parents s’affairaient l'un et l'autre à réunir l'indispensable pour passer la journée : qui l'opinel, et les paniers, qui le pique-nique et l'eau fraîche...

Du fait des nombreux virages, de la conduite hasardeuse de mon père, et du peu de confort de la petite Citroën dans laquelle s'exacerbait l'odeur du chien, le trajet se transformait parfois pour moi en véritable épreuve. Mais au bout du compte, nous arrivions à un endroit charmant que mes parents avaient adopté comme étant le leur.

Nous avions peu d’argent, mais notre imaginaire était sans limite. Et ces quelques prés, chemins et bois, suffisaient amplement à notre bonheur. Même si nous les empruntions chaque dimanche aux paysans du coin, dont quelques-uns, qui étaient devenus de bonnes connaissances, nous alimentaient en légumes, œufs et volailles.

Un bosquet où je m'étais inventé un monde : c'était mon île, et j'étais Robinson naufragé survivant dans un océan de verdure ! Les inévitables cabanes...et le cocker fou qui sautait après les sauterelles !!!

Un havre de paix avec framboises, mûres et noisettes, selon la saison, champignons à foison... serpolet qu'on ramassait pour la tisane... les babets* pour alimenter le poêle à bois de la mémé, et l'odeur des genêts dans la touffeur des journées chaudes...


Maman n’avait pas son pareil pour dénicher les champignons et les fraises des bois qui agrémenteraient le dessert, cachés sous les feuilles. Elle avait un instinct et un flair étonnant !

Papa rassemblait le petit bois, et commençait à mettre en place le nécessaire au foyer qui nous attendait immuablement entre les grosses pierres qu’il avait disposé savamment un jour au milieu du pré. Il taillait ensuite en pointe les branches de genêts, qu'ils transformaient en brochettes artisanales afin que nous puissions faire griller les tranches de lard. Elles seraient accompagnées de patates cuites sous la cendre, et nous brûleraient bien sûr délicieusement les mains.

Préservé, inaltérable, le jardin de mon enfance fleure encore bon dans ma mémoire, le serpolet et les girolles, et l’odeur humide et forte des grands sapins. 

*babet = pomme de pin en patois stéphanois

6 commentaires:

  1. L'Arpenteur d'étoiles27 février 2015 à 11:34

    bien, donc je vois que nous n'étions jamais très loin l'un de l'autre, enfin, de chacun d'un côté du massif quand même. Nous avions aussi "notre petit bois" et "notre grand pré" où on allait parfois les dimanches après-midi. Dans le pré on faisait voler, avec mon père, des avions catapultés par élastique :o)

    je reste toujours ému par l'odeur chaude des genêts, et celle humide des grands sapins qui sont des vrais "marqueurs" indélébiles de l'enfance

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  2. Nous ne sommes pas si éloignées l'une de l'autre Tisseuse et certains de tes souvenirs sont aussi les miens : les genêts, la bruyère, les girolles...

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  3. Il y aurait un peu plus de rimes et on se croirait chez Maurice Carême !

    Mais ces souvenirs sont si empreints de belles choses qu'on se croirait, à voir notre métro boulot dodo et à entendre la dernière chanson des Enfoirés, en période de.

    Merci pour les bonnes odeurs du pique-nique !

    De carême ! ;-)

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  4. J'aime beaucoup ton jardin! J'ai connu les expéditions pique-nique quand j'habitais la région parisienne et qu'on s'évadait dès que possible dans la forêt de saint Germain.
    Aujourd'hui les babets et les champignons sont à portée de ma main!

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  5. Les images qui illustrent ton texte nous font sentir des odeurs bien agréables .Elles nous plongent avec toi dans cette douceur de vivre.Elles accompagnent les souvenirs que tu nous fais partager à la manière d'un peintre.Je me suis trouvée en te lisant devant un tableau de Vermeer et c'était bon!:o)

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  6. je suis honteuse de le dire car je ne lui arrive pas à la plume sergent major, mais j'avoue avoir pensé à Marcel Pagnol lorsque j'ai écrit, et bien entendu surtout à ses souvenirs d'enfance

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