dimanche 29 mars 2015

Blick - Du gâteau

Les taupes

Il y a beaucoup à faire au jardin au début du printemps. Finir de tailler les rosiers, les céanothes caducs et les spirées, rabattre le millepertuis et l'hydrangea à grandes fleurs, recéper les arbustes, éliminer les fruits momifiés du pommier, planter les crocus, diviser les touffes d'iris. Au potager c'est le temps des semis et des repiquages. Je consacre aussi beaucoup de soins à la pelouse, il faut éliminer les mousses, scarifier, apporter un engrais coup de fouet riche en azote et passer le rouleau. On peut dire que je sarcle et me casse la binette pour avoir un beau jardin.

Les taupes ne sont pas mes potes, ah ça non. Elles s'efforcent pourtant d'être aimables, déposant sur ma pelouse de grosses meringues, qui me paraissent hélas terriblement terreuses, au point que je m'en servirais bien pour mes rempotages. Mielleuse, l'une d'entre elles, qui aime à prendre le frais à l'entrée de sa galerie, me susurre que ce sont des gâteaux mais je ne m'y laisse pas prendre.

Elle m'ont invité plusieurs fois à visiter leurs galeries souterraines, réseau complexe de galeries d'art, boutiques de mode, showrooms, genius bars, à l'occasion de vernissages, lancements de collections et nouveaux modèles, dégriffages et ventes privées, mais je n'aime pas les mondanités, ni les petits fours et les limaces dont elles se nourrissent. Et puis j'ai trop à faire au jardin. Mais quand elles m'ont parlé, sirupeuses, de leurs projets d'agrandissement et de la création d'un complexe hôtelier pour campagnols, de saisissement j'en ai lâché ma serfouette.

Même le hérisson, occupé à ce moment à laper l'eau de pluie dans une soucoupe de terre cuite sur le seuil de la resserre à outils, ça l'a mis en boule. Ne te mêle pas de ça, lui ai-je dit, tu n'as rien à faire dans cette histoire, c'est une affaire entre les taupes et moi, ne va pas risquer de te prendre un coup de fourche perdu, car désormais c'est la guerre. Va donc plutôt faire un tour, mais fais bien attention en traversant la route.

Puis j'ai confectionné une tarte, que j'ai fourrée de poison, fumigènes et pétards, de colle à papier peint et de ronces, et décorée sur le dessus de vers de terre, de courtilières et de carabes dorés. Je l'ai tendue avec un sourire avenant à l'une d'entre elles au moment où elle présentait son badge à l'entrée du parking souterrain où elles se garent, en lui disant, tenez c'est du gâteau et c'est pour vous, en remerciement de vos délicieuses meringues.

On verra si ça marche.


3 commentaires:

  1. Tous ces triangles et ces points d'humour poétique me ravissent. Les trois premiers essais ne marcheront peut-être pas mais à la quatrième taupe, il sera exactement... l'heure ou tu meurs ! C'est comme ça que ça marchait autrefois avec l'horloge maçonnique parlante ! Sinon, il y a le coup de truelle qui n'est pas mal non plus !

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  2. J'attends de savoir si ça marche, moi qui ai tout essayé à part déménager :)

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  3. à mon avis, futées comme elles sont elles n'auront pas été dupes d'autant d'amabilité :)

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