mercredi 4 mars 2015

Tiniak - Science fiction

Banal réveil

Ce matin aurait pu ne pas revêtir tant d’importance, au fond, s’il ne faisait suite à la plus mémorable nuit qu’il m’ait été donné de connaître – qui l’eût été, d’ailleurs, pour tout quidam autre que moi sur cette planète.

Depuis mon lit, j’entendais la pluie gratter des dents à la fenêtre, à sa surface familière. Le soleil devait encore traîner ses basques dans quelque bouge d’Europe Centrale, c’est dire, quand je dis « matin », comme on en est loin… Parlons plutôt de mon réveil. J’étais à la fois perclus de courbatures et formidablement détendu. Je ne me ruai pas, comme à l’accoutumée, sur mon premier clope avant de passer le café que j’aurai bu en entamant le second. Cette heure n’avait au vrai absolument rien d’inhabituel, je me suis toujours levé ainsi, « avant les poules » comme disait naguère ma chère grand-mère. Non, mais au lieu de bouger mon cul, je le laissais où il était : tout contre celui, fort chaleureux, de mon invitée par mégarde.
Comment peut-on inviter qui que ce soit par mégarde jusque dans son lit ? Ecoutez, c’est bien simple : je n’en ai pas vraiment idée !

Hier soir, ainsi que presque chaque soir, je m’arrachai à mon écritoire en m’assurant que « oui, ça y est, c’est là qu’il vaut mieux s’arrêter ». J’en ai prélevé le carnet où j’avais achevé d’écrire un poème dédié à mes principaux thèmes, le temps, l’espace, et, nom de dieu ! qu’est-ce qui s’y passe ? Que peut bien se produire dans ces immensités que nous peinons à concevoir ? S’y trouvait-il un être doué de comparable intelligence qui se posât la même question ? ou nourrissant d’autres questions au-delà de notre humaine conscience ? Et allez, donc !

Cet être, je me le figurais – oh, depuis quelques mois déjà ! comme une entité au genre féminin ou l’approchant éminemment, mais d’aussi loin que le naufragé, entouré qu’il est d’océan, suppute le rivage… Et, depuis quelques mois donc, j’allais me poster sur le toit de ma résidence, muni de mon nouveau poème dans son carnet. Je me postais à l’endroit prévu (à moins de trois degrés de la veille) sur le grand cercle que j’avais tracé, assez savamment gradué, pour m’orienter avec autant de constance qu’il est communément possible, vers Cassiopée, depuis ce promontoire. Je prenais là une profonde aspiration, puis une autre, une troisième, avant de déclamer mon poème, tout de go… mais sans mot dire. Tout en puissance intérieure vers cet infini extérieur, mon élixir. Et ainsi, obstinément. Oui, presque chaque soir. Des mois durant…

Quand hier soir, goûtant la fin de ce rituel depuis un bon gros quart d’heure, dans une douceur de l’air qui résistait mieux maintenant à la sentence crépusculaire avec l’allongement des jours, je me tenais les yeux fermés, seul, immobile. Calme d’abord, et puis vibrant, et puis de plus en plus fébrile, et enfin saisi d’une transe dont la vive douleur physique nourrit la mentale jouissance.
Jusqu’au moment où je ressentis… sa présence !
Elle était en moi comme un feu et autour comme une caresse. Elle me questionnait, riait, pleurait, me répondait sans cesse. M’appris qu’elle venait de là où je m’étais tenu moi-même, dans cette solitude extrême et tant propice à laisser sourdre par les moindres interstices – disons : le songe ! pour qu’à son tour nous absorbe sa peau d’éponge.

Elle voulait me rencontrer sans me connaître. J’avais voulu la rencontrer sans la savoir.
Mon corps ne le permettant pas – ce qu’elle perçut de sa fenêtre, elle plongea vers moi dans le noir pour m’apparaître.

Elle prit la forme qui convient sur cette terre. Nous passâmes une nuit, plus qu’extraordinaire : extra-terrestre ! Et le matin qui s’ensuivit fut quotidien, comme le reste…

Où s’assurer que je n’ai rien consommé d’indigeste…

3 commentaires:

  1. Je reconnais bien là ton "lyrisme", Tiniak. Même le plus laid des petits hommes verts prend les traits d'une beauté envoutante !

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    1. "Croiser les effluves, c'est mal ?" Ghosts Buster ;)

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  2. C'est fou l'inconscient collectif ! On parle toujours des petits hommes verts et personne n'imagine une planète peuplée de petites femmes vertes. Plutôt qu'en soucoupe, elles viendraient nous visiter en tasse volante.
    Maintenant, si on passe aussi vite de l'extra au quotidien... Faudrait pas qu'on soit trop blasés, non plus ! ;-)

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