lundi 22 juin 2015

Chri - On recommence



Salée

Le type avait du mal à s’en remettre. Il venait de vivre la journée la plus épouvantable qu’il avait jamais vécue depuis qu’il avait commencé ce boulot. Des journées délicates, il en avait connues mais à ce point, jamais.
Elle n’avait pourtant pas trop mal commencé.
Le matin, à la prise de service, son chef de salle, un gars correct, ni bienveillant, ni vachard, avait accepté de le libérer le soir à condition qu’il reste un peu après le service de midi, ce qu’il avait accepté de bonne grâce. Rien n’est gratuit dans ce bas monde pas même dans les restaurants du haut du panier s’était-il dit mais dans ses lèvres pour ne pas rompre la douce harmonie qui avait suivi cet échange.
Cela faisait maintenant dix années qu’il bossait dans cet établissement et c’était une performance tant les gens avaient souvent tendance à aller  venir. Et plutôt aller que venir, du reste mais on se figurait ici qu’il suffisait de les embaucher pour qu’ils soient contents. Il fallait les payer, aussi. Surtout quand on n’était pas très regardant sur les horaires ni sur les heures supplémentaires qu’on considérait avec des oursins dans les poches. L’excellence était réservée aux clients, pas aux employés. Un mauvais calcul que tous ou presque semblaient faire.
Bref, il lui avait filé sa soirée. Et l’autre en était ravi.
Malheureusement, le midi, il y avait eu cet esclandre table neuf, pendant lequel un des clients avait balancé le saladier entier de lentilles du PUY sur la tête d’un autre. Typiquement le genre d’incident qu’on déteste à peu près autant qu’une attaque de salmonelle. Un vrai bazar. Il avait fallu nettoyer le ruisselant, porter sa veste en urgence au pressing, nettoyer le champ de bataille, la moquette en avait pris un coup. Une fois sa veste récupérée, l’autre était parti sans même un merci,  quant à un éventuel billet, il pouvait oublier de suite. Ce qu’il a fait. Ça ne s’était pas arrangé quand le chef de salle était revenu sur sa parole en lui balançant simplement :
___ Quand on n’est pas capable de tenir ses tables on ne peut pas se faire la belle.
Qu’il n’y ait été pour rien n’avait pas changé sa décision. Il serait attendu pour le service du soir. Et si tu n’es pas content ton compte sera vite réglé. Avait-il ajouté, menaçant.
Voilà comment dix ans de travail sérieux sont récompensés. Plus que déçu, il avait été meurtri. Et la colère était montée. À celui là, il réservait un chien de sa chienne… Une salière se vide assez vide dans un plat qu’on s’apprête à servir.
Il s’était déjà une fois ou deux servi de cette arme, son efficacité était redoutable…  En retournant à son service, il avait murmuré :
Ah tu me sucres ma soirée…. Ma vengeance sera salée mon pépère…

Où lire Chri 
et où voir ses photos

3 commentaires:

  1. Froid ou chaud, voilà un plat qui va être salé!

    RépondreSupprimer
  2. une soirée pimentée en quelque sorte !

    RépondreSupprimer
  3. Ça ne manque pas de sel !
    Y aurait aussi le très laxatif Paic-citron sur la tarte au citron...

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".