vendredi 19 juin 2015

Fred Mili - La vengeance

Nous bûmes bien trop ce jour-là. À force de défier la nature Vince y laissa sa peau. Trop d'alcool en trop peu de temps. Coma éthylique. Vince c"était mon frère, mon pote, mon poteau. J'eus plus de chance que lui, je m'en sortis. Je fus triste, déprimé, anéanti. Il laissait un vide innommable. Nous étions amis depuis le cours préparatoire, vivre sans lui paraissait impossible.
Ce soir là avec Matt et Vince nous ingurgitâmes chacun notre bouteille de vodka en moins d'une heure, c'était le deal, boire vite pour être ivre mort rapidement. Vince s’endormit d'un coup. Il glissa le long du mur, se retrouva sur les fesses les yeux fermés puis il tomba sur le côté droit, visage contre terre.
Nous étions dans la vieille cabane, au fond du bois, celle dans laquelle nos pères et nos grand-pères faisaient des conneries avant nous,. L'orage se rapprochait. Le vent s'était levé. La pluie tombait avec violence.
Nous n'étions que tous les trois avec nos bouteilles vides. L'atmosphère était électrique. Mat dégueulait ses tripes dans son coin. Vince n'avait plus aucune réaction. J'étais ivre mort moi aussi.
Nous arrosions notre passage en seconde à notre manière. Nous refusâmes la présence de Mia, l'amie, l'amante, la maîtresse de Vince. Mia était un soleil. Tous les trois nous étions  amoureux d'elle. Mia était grande. Bien faite. Des seins comme il en fallait, des fesses qui attiraient les yeux. C'était un crime de se retenir de la toucher. Elle choisit Vince, Matt et moi respectâmes sa décision mais nous étions jaloux comme des tigres.
Matt arguait que comme des mousquetaires nous devions tout partager. Si Vince était réticent, Mia y était farouchement opposée.
Bien des fois lors de nos beuveries, nous nous masturbions ensemble alors que Vince nous racontait son intimité avec Mia. Le plaisir s'insinuait. Les mots vulgaires nous échappaient alors que nos éjaculations fusaient. Au lieu de croiser nos épées nous croisions nos sexes, combats érotiques, nous mêlions nos éjaculations, fiers de notre communion extraordinaire. 
La pluie redoublait ce soir là. Nos yeux vitreux n'avaient aucune conscience du danger. À travers la fenêtre les éclairs illuminaient la vieille maison délabrée.
Nous nous retrouvâmes à l'hôpital sans savoir ni pourquoi ni comment. Vince mourut sans un adieu des suites d'un coma alcoolique avec 3,8 grammes d’alcool par litre de sang. Mia fut d'une tristesse démesurée.
Matt la consola. J'en fus incapable. Je mis quelques temps à comprendre qu'il voulait Mia pour lui, qu'il voulait remplacer Vince.
Je les surveillai les poings serrés au fond de mes poches. Ils n'avaient aucun respect, aucune pudeur, ça me rendait malade. J'en voulais à Mia mais bien plus encore à Matt, Elle ne pouvait comprendre nos liens intimes. Matt, Vince et moi étions des frères. Leur nouvelle relation me hérissait. Voir Matt l'étreindre aussitôt après le décès de Vince me révoltait.
J'eus quelques haut-le cœur à les voir s'embrasser, j'étais sûrement injuste mais Matt n'arrivait pas à la cheville de Vince. Il était pédant, arrogant et maigre comme un clou. J'aurai pu facilement lui filer une raclée, c'eût été facile. Je voulais qu'il paie cher son manque de respect à Vince. Quant à Mia, elle se souviendra de moi le reste de ses jours.
Je cherchai une vengeance à la hauteur de leur inconséquence. Oublier Vince aussi rapidement était impardonnable et j'étais décidé à leur faire payer cette légèreté..
J'achetai trois bouteilles de vodka. Deux pour Matt, une pour moi. Je lui proposai un binge drinking comme avant dans notre repaire habituel. Je remplis sa bouteille au fur et à mesure qu'il la vidait. Lorsque Matt la jeta contre le mur, elle éclata en mille morceaux. Il rota avant de s'affaler contre la cloison avec la lenteur d'une poupée de chiffons. Pour moi j'avais remplacé l'alcool par de l'eau pour savourer ma vengeance. Le regarder se décomposer et sombrer dans le néant. I respirait encore. Puis il devint rouge cramoisi, vomit avec la violence de Linda Blair dans l'Exorciste. 
Je ne dis pas un mot mais ne fis rien pour l'aider. Je versai le reste d'alcool sur sa chemise  grattais une allumette. il s'enflamma instantanément, son corps s'arqua. Il se révulsa, se redressa comme un zombie puis écarquilla les yeux, épouvanté, juste avant que les flammes lèchent ses cheveux.
Je me détournai. Il était temps pour moi de rejoindre Mia à qui j'avais fixé rendez-vous derrière mon HLM. Le cutter à la main, je lui tailladai le visage et le corps et vidai avec rage le reste d'un flacon sur ses entailles. Elle hurla mais je me détournai d'elle comme elle fit de Vince.
Je pus enfin escalader le mur du cimetière, m'asseoir au pied du caveau de Vince, lui parler puis l'idée morbide me vint de le rejoindre, desceller la pierre tombale n'était pas une sinécure mais ouvrir le cercueil fut plus facile.
Lorsque je refermai enfin le cercueil, un sentiment de plénitude m'envahit, j'étais au bon endroit. Vince serré contre moi




Où lire Fred Mili

8 commentaires:

  1. Bon, j'ai cliqué plus vite que mon ombre, et je suppose que mon com précédent va apparaître comme "anonyme" :(

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    1. À vrai dire il n'apparait pas mais je t'en remercie cependant ! :D

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  2. Te voilà dans la bière... c'est moins excitant!

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  3. Film d'épouvante....heureusement que c'est en matinée que je lis ce texte.....brrrrrrr

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  4. Certains, il ne faut pas les chercher parce que quand on les trouve, pardon...

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  5. L'Arpenteur d'étoiles21 juin 2015 à 09:18

    l'idée finale est vraiment géniale, et le récit dense qui s'enfonce peu à peu dans le désespoir et la haine. Top !!

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