vendredi 17 juillet 2015

Aglaé - Enchantement



Malgré tout et en dépit de tout, il en reste des enchantements.
On a bien cru y disparaître totalement, dans le tout, englouti entre maëlstrom angoisse et culpabilité – pour celle-là, on devrait peut-être se décider à recourir aux services d'un tueur à gages, cela fait bien longtemps qu'elle nous pourrit la vie – on s'est plongé à corps perdu dans un autre gouffre espérant échapper au premier – on s'est demandé ce qu'on avait bien pu faire dans les soixante-treize vies antérieures précédant immédiatement celle-ci, pour qu'elle nous laisse si peu tranquille, on a tenté de se persuader que ce n'est pas l'extérieur qui gouverne l'intérieur, que si l'on arrivait à rendre son cœur serein, les drames ne nous mettraient pas à chaque fois à terre, et qu'il faudrait absolument bâtir des remparts contre l'inquiétude qui sape sournoisement toutes nos insouciances.
Le gouffre de secours, plongée dans le savoir, les livres, l'étude, la réflexion, en a apporté des enchantements. C'était bien. Des rencontres également, avec des passionnés, de quoi oublier quelques heures à chaque fois tout le reste, et n'être plus qu'un être qui lit, qui écrit, qui reçoit, qui transmet.
On s'y est perdu. On ne regrette pas. De nouvelles âmes, de nouvelles amitiés s'y sont formées. Certaines choses y sont mortes, on les y laisse comme une mue, qu'importe.
On s'est perdu dans les romans, à écumer le bibliobus tant qu'il reste un bibliobus, urgence à lire avant qu'il ne revienne, on a lu turc, indien, japonais, finlandais, mexicain, français, grec. On a parfois oublié de noter les titres, ou oublié tout court. On a lu comme d'autres courent, pour ne plus exister que la course. On y a trouvé des merveilles.
On a tenté de prendre soin. De chérir sans intrusion, sans indélicatesse. C'est épuisant. On n'a toujours pas réussi à trouver bien cette juste place. Elle est une quête infinie. Mais là encore, des enchantements, des perles de tendresse qui débordent les yeux, parce qu'une petite voix veut vous dire quelque chose, parce qu'après la colère et même après les pleurs, il reste encore de l'amour.

4 commentaires:

  1. Je suis très sensible à la fin de ton texte... deux ou trois phrases, posées comme une plume....

    RépondreSupprimer
  2. Tant qu'on sera encore capable d'être enchanté, on survivra au bord du gouffre du tout...

    RépondreSupprimer
  3. Tu es là et tu nous enchantes par ton texte.
    avec le sourire

    RépondreSupprimer
  4. L'Arpenteur d'étoiles19 juillet 2015 à 15:04

    très beau texte, écriture légère, subtile pour dire la douleur, la lourdeur, la cruauté de certains moments de vie, et puis, peu à peu, les fenêtres qui s'entrouvrent à nouveau et l'air frais qui revient doucement.
    très heureux de te relire ici Aglaé

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".