mercredi 23 septembre 2015

JCP - L'erreur est humaine


Un amour de Vent

↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓↓ 


Partout les eaux ralentissent, quittent leur lit, se répandent sur les basses plaines, franchissent les portes des villes ; des fleuves désemparés remontent leur cours, ruinent les canaux subtils de leurs sources sous de grands travaux tempétueux de roche et de boue, s'éreintent au creusement de lits nouveaux, emportant hommes et bêtes sur leur passage. 
La houle et la vague apaisées, les océans aplanis quittent les plages, effondrent les dunes, baignent les roches, rejoignent les rivières nouvelles, colonisant au passage les grands lacs de leurs eaux bleues. 

Les arbres en tous lieux, comme chargés d'invisible fruit lourd, abaissent piteux leurs bras vaincus jusqu'au sol et les oiseaux, qui n'ont plus que de courtes envolées, se couchent à terre, les pattes repliées sous leur ventre tremblant. 
Alors, la surface des terres et des mers s'obscurcit d'un soleil toujours caché : par un pur prodige, brumes et nuages s'abattent sur le sol, y demeurent figés en couche épaisse et compacte, humide et froide. 
La Vie semble-t-il touche à sa fin. 
Au mépris de leur corps baigné des éléments, des femmes, des hommes à genoux croient sauver leur âme, alors que circulent sans cesse d'étranges airs, qui n'envolent ni chapeaux des têtes ni linges des cordes tendues, mais désunissent et couchent les herbes, comme foulées toutes du pas des géants. 

Cependant, au sein des cieux lointains règne un silence pesant : Éole, affligé, se meurt d'amour pour la jolie Ventoline, qui lui refuse encore et toujours l'étreinte de ses douces vapeurs. Repoussé sans ménagements, bafoué depuis tant de séculies celui-ci, la tête piquée de mille étoiles et coiffé de la lune, les sens perdus dans un nord déglacé, un sud oxydé de ses larmes amères, ne sait plus l'orient ne sait plus l'occident, et dirige son souffle d'irrépressible chagrin - erreur plus qu'humaine car direction connue seule des venteux fous d'amour -, du haut vers le bas, frappant de stupeur des points cardinaux délaissés. 
Et, par la pression sans retenue d'un fluide au sens erroné, Éole compresse, écrase et dévaste partout la terre à son insu, aveuglé de courroux par le refus persistant de la trop jolie Ventoline. 

Où lire JCP

9 commentaires:

  1. Superbe envolée lyrique pour un chagrin d'amour malheureusement pas encore remboursé par l'Assurance Santé...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Végas,
      redoutables sont les chagrins d'amour du dieu souffleur !

      Supprimer
  2. ...je dirais même que ce texte pourrait être une page d'anthologie pour le site Les Impromptus, c'est tout dire ! Bravo !
    ( j'aurais mis « géants » au singulier pour renforcer l'impact du mot ) ;o)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup Zoz, mais
      Tout de même non, il y a tant de talents de valeur aux Impromptus !
      Ta suggestion je le crois est bonne, je vais d'ailleurs peaufiner ma version définitive.

      Supprimer
  3. Beaucoup de poésie, un texte magnifique !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup Albiréo, ce ne sont que quelques mots, plus ou moins erronés.

      Supprimer
  4. Comme un grand vent de poésie ...

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".