jeudi 4 février 2016

Fred mili - Un petit rien

Je n'avais que dix ans et me rendais seul au collège chaque jour de la semaine. J’aimais bien cette indépendance forcée. Mes parents travaillaient et moi je faisais comme je pouvais pour me maintenir dans la moyenne. 
Mes parents s'en contentaient. Moi aussi. Les satisfaire me permettaient de vivre ma vie sans pâtir de leur autorité. 
Cependant mon seul problème fut d'être un doux rêveur, de laisser trop de suite à mes idées. De chez moi au collège il me fallait prendre le bus bien que je pusse m'y rendre à pedibus jambus et j'étais un peu comme une abeille à butiner ici et là.  
Donc hier je ne pris pas le bus, je suivis la belle Solène, celle qui faisait chavirer mon cœur depuis la maternelle. Maintenant qu'elle était en 6ème A et moi en B on était en bisbille. 
Ce jour-là maman m'avait demandé de rapporter du pain en revenant du collège, en bon fils serviable j’acquiesçais. 
Dans le préau j'avais abordé ma princesse de cœur, celle qui me mettait en émoi et me rendait très agité. Dédaigneuse elle me toisa comme un sous-fifre et non comme son valet de cœur. J'étais médusé. 
Elle connaissait mon amour platonique. 
Ma journée fut nulle. Le prof de maths me tança parce que j'étais obtus, dit-il, ce qui amusa beaucoup mes camarades. Ma princesse m'ignora plus que d'habitude. J'étais dans le noir. 
Bêtement sur le chemin du retour voulant provoquer son attention je touchais ses fesses. Elle me gifla avec violence. Dépité je courus à toute berzingue m'arrêtant à la boulangerie pour acheter un croissant aux amandes pour mon quatre heures. 
Face à l'église je décidais d'aller faire mon acte de contrition mais sur la place pavée je ramassais un gant de laine rose avec un tournesol dessus, j'étais sûr qu'il appartenait à Solène, signe du destin peut-être. 
J’oubliais aussitôt mes velléités de prière, rangeant le gant dans mon cartable je pensais l'utiliser comme une monnaie d'échange. Je me dirigeais vers la supérette pour acheter le litre de lait que maman m'avait demandé de rapporter mais Mathis un copain de club me pria de venir faire un foot avec la bande, il manquait un joueur. 
Je jouais au foot avec le gant de Solène à la main. Je respirais son odeur. Troublé je quittais le terrain sans me soucier des autres mais le but qu'on prit par ma faute me fit détaler à toutes jambes, poursuivi par une meute de copains mécontents. 
J’oubliais tout. 
Sauf Solène. 
Je rentrais à la maison sans mon sac d'écolier. C'est devant la porte de chez moi que je réalisais que mes clés se trouvaient dedans et mon sac quelque part en France. Cette constatation ne me bouleversa pas. Je m'assis sur les marches du perron, regardant ma main dans le gant de laine rose, l'enfilant après l'avoir enlevé sans omettre de le sentir, m’imprégnant de son odeur. 
Lorsque maman arriva elle s'enquit de savoir ce que je faisais encore dehors. Je lui confiais que j'avais sans doute oublier mon sac chez Mathis avec les clés dedans. 
– Et la baguette m'interrogea-t-elle ?
– Dans mon sac répondis-je plein d’aplomb.
Un lourd silence s'ensuivit.  

5 commentaires:

  1. Dis donc, elle t'a drôlement emoustillé les sens, ta Solene, au point de confondre baguette et litre de lait.....Émoi et moi....
    Et une belle trace de rouge sur le joue....cela te poursuit!

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    1. Tu n'imagines pas comment une fille (femme) peut faire perdre le nord.

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  2. Ne jamais, jamais, jamais toucher les fesses d'une belle ou d'une laide d'ailleurs. Ca porte malheur, la preuve, pas de baguette au petit-déjeuner, quelle looze !

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  3. ce n'est pas un si "petit rien" que de rêver d'amour :)

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