lundi 21 mars 2016

Chri - Titres de romans

La pluie, incertaine.

On subissait le seizième jour d’affilée de grand beau. À dire vrai, au début, ça nous avait accroché aux visages de vagues sourires de benêts bienheureux mais depuis quelques jours nous nous étions crispés et les sourires avaient disparu.
Le ciel restait désespérément bleu du lever au coucher et pas un souffle d’air pour apporter le moindre nuage. Au fond, si on regardait bien, il n’avait pas plu une seule goutte depuis la fin de l’automne. Les températures d’ordinaire clémentes à cette période de l’année affolaient les thermomètres, les météorologues et les vendeurs d’eau minérale. Après cinq, six nuits de ce régime, la canicule s’était amenée sans renâcler. Il faut dire que, dans les rues, le goudron commençait à fondre et que les morgues des hôpitaux se préparaient gentiment. La ville entière était accablée. Son air y était pesant, lourd, irrespirable comme si nous traversions un nuage de vapeurs toxiques. Ils étaient de plus en plus nombreux à se balader avec leurs brumisateurs portables, à longer les murs donnant une malheureuse ombre tiède, à se couvrir les têtes de chapeaux improbables qu’ils gardaient même dans les couloirs du métro. Même si chacun espérait la pluie plus qu’incertaine, tout le monde sentait que le pire était encore à venir. Il n’a pas tardé.
C’est au beau milieu du cours de ces jours difficiles qu’elle a trouvé le moment et les mots pour me dire ces deux trois phrases qui, sur le coup, m’ont anéanti. À l’instant même où elle a osé les prononcer, j’ai senti que ma vie allait être bouleversée, que plus rien ne serait, désormais, comme avant. Et si je n’ai pas été déçu, j’étais encore loin du compte.
Le soleil était encore assez haut dans le ciel, les ombres n’avaient pas commencé à grandir, on venait de rentrer du boulot, liquides, en nage, trempés de sueur, harassés de fatigue, les jambes gonflées, le cœur cognant. Sans verre, on avait descendu un bidon entier de trois litres d’eau gazeuse qu’elle avait sorti du frigo, on était assis sur les trois petites marches à l’ombre, à l’arrière de la maison de l’escalier en pierre qui menait au jardin quand elle m’a lancé son regard le plus intense, elle s’est mise à me parler avec sa voix grave. À l’œil qu’elle m’a jeté, au ton de ses deux premiers mots, si mon sang s’est glacé, j’ai de suite compris qu’il allait m’en cuire. Décidément, on n’en sortait pas…

5 commentaires:

  1. "Les larmes ne sont qu'une pluie soudaine" (Sahar Khalifa). Un second chapitre nous éclairera peut-être un jour...

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  2. Very hot ! Et quoi, qu'est-ce qu'elle a dit mille tonnerres de Brest ?

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  3. La fin de ton texte est très ouverte et laisse libre cours à l'imagination.
    Une suite ?

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  4. Arpenteur d'étoiles24 mars 2016 à 11:02

    il te va falloir nous narrer la suite et les mots qu'elle a prononcés, cher Chri ... t'as pas le choix, en fait

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