dimanche 13 mars 2016

Jobougon - Logorallye cuisine - sport

La rime de métro fait le poète (et le bonheur des taxis)


Qui s'endort dans le métro se réveille poète*. 
* Proverbe somnifère des laboratoires Boris Vian
Un jour, alors que je travaillais la rime, l'une d'elle se planta devant moi et me dit :
- La poésie, c'est comme la pêche, tu envoies une ligne et tu ne sais jamais si le poisson va mordre ou si l'appât se fera bouffer sans rien ramener, tout est dans le choix de la plume !
Après un instant de surprise, je réfléchis à ce que m'avais dit Jean Sol Partres, qui pensait que la poésie c'est comme la cuisine. Plus on la pratique, plus le plat est bon. La rime reprit d'un ton badin :
- Si tu veux me faire blanchir, tourne sept fois ta plume dans l'encrier, tamise un peu les mots, fait les cuire à l'humeur du jour, et nappe la feuille de papier avec.
- Mais si tu veux en faire une crèmelie les syllabes en alexandrins, barde les de strophes pas trop grasses, assaisonne d’assonances, glace le tout d'un bon rythme, et attends. J'ai regardé la rime plantée devant moi en me disant : 
- Elle lit dans mes pensées, c'est pas possible. 
La rime a sourit. 
- Réveille toi, je suis dans ton cerveau, c'est moi qui fait pousser du vers libre, de la julienne d'allitération, de la compote phonétique. Envoie ta plume, je vais voir ce qui me reste en cale, la pêche a été bonne cette nuit. 
C'est comme ça qu'un jour, alors que je travaillais la rime, ma plume s'est mise à courir sur le papier sans que je pu l'en empêcher. Je me suis dit qu'à transpirer comme ça, elle finirait par faire des pâtés d'encre sur la feuille, c'est poétique un pâté, mais bon, j'étais tout de même prête à sortir mon buvard au cas où, quand une rime se planta droite devant moi et me dit ainsi :
- Viens donc te faire les muscles avec moi, en compétition avec la prose, on a des chances de gagner la course et de monter sur lepodiumJ'ai remis le papier d'aplomb pour que la ligne revienne à l'horizontale.
- Couchée, la rime ! Tu n'es pas censée m'adresser la parole, ni être athlète, tu n'es pas une bête de concours la belle, essaye juste de faire rêver le lecteur. 
- C'est ballot, ma souplesse n'est plus ce qu'elle était, mes figures de style font des syncopes à répétition, il suffirait d'une petite randonnée et hop, l'appel du dénivelé remettrait de l'huile dans les rouages. 
J'allais lui répondre lorsque j'ai senti une secousse, puis deux.
- Monsieur, réveillez-vous, c'est la dernière rame, vous êtes au terminus. 
- Quoi ? Mais où suis-je, où erre-je ? m'écriai-je en sortant vaguement de mon assoupissement.
- La Villette, monsieur, tout le monde descend !
Il paraît que dans mon sommeil, je psalmodiais de la rime en boucle. 

“À mesure que je deviens vieux
Je m’en aperçois mieux
J’ai le cerveau qui flanche.
Soyons sérieux, disons le mot
C’est même plus un cerveau
C’est comme de la sauce blanche

Un tour de Vian, c'est si vite arrivé !

La conductrice était une femme ? Big fish en personne ? J'étais pas trop rassuré !
En plus de n'être pas très sûr d'être bien réveillé, quand je suis descendu sur le quai, j'ai été accueilli direct par un drôle d'oiseau armé qui me twitwittait en Tolstoï, je vous laisse découvrir ça, il avait sûrement lu tout carnet et tout patte pour pondre son article. Pas moyen de lui échapper, les deux armes pointées sur moi il me tendait un livre.
- Il faut venger le dodo en boite ! J'ai repensé à jean Cocteau qui disait un jour à un journaliste que les rêves sont la littérature du sommeil, ben il s'était pas trompé de beaucoup celui-là !
- En sortant du métro, un taxi m'attendait.
- Tu parles d'un dada ! Que je me suis dit. Remarque, ça aurait pu être pire...
Et voilà, tant va la rime de métro au poète qu'à la fin il prend le taxi

Où lire Jobougon

2 commentaires:

  1. Arpenteur d'étoiles13 mars 2016 à 23:14

    un chouette clin d'œil à l'ami Boris (la java des bombes atomiques) et le mélange des deux thèmes est drôle et réussi :o)

    RépondreSupprimer
  2. Une plume enlevée dont le rythme ne faiblit pas, j'adore ton échange si riche avec la rime !

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".