mercredi 2 novembre 2016

Bricabrac - Demain

Je n’ai rien contre vous. Mais l’idée que nous devrions désormais rester entre nous, seuls, jusqu’à la fin des temps, ne me ravit pas. Je ne veux vexer personne, mais s’il n’y a plus demain de rhinocéros, plus de gélinotte, à tout jamais plus de baleine franche, de gavial du Gange, de charançon bosselé, de gorille, de phoque moine, de rat kangourou, ni de cacatoès, de manakin, de papillon bâton bleu, si le rat à crête rousse, le thon rouge, l’anguille et le papillon monarque ont disparu, il me semblera vivre dans le désert. Toute votre bonne humeur et sollicitude ne parviendra pas à me tirer de ma mélancolie, même si l’on entend encore piauler les chacals et ricaner les hyènes, car il en restera sans doute des spécimens,

Sans le bourdonnement des abeilles et le grincement des chauves-souris, sans les craquètements, tridulements, babilleries, agassements, hululements, zinzinulements, glapissements, coassements, gazouillis et ramages, frigotements, pépiements, chuchètements, picassements, et si demain ni le cerf ne brame, ni le tigre ne feule, ni l’éléphant ne barrit, si le grommèlement du sanglier et le rugissement du lion se sont tus pour toujours, c’est dans un silence inouï que nous allons continuer de marcher jusqu’au bord de la falaise. Ni les bavardages de quelques pies dans les rangs, ni les cancans inévitables, pas même deux ou trois paons qui braillent ou un crocodile qui lamente, ne réussiront à m’arracher un rire ou une chanson.

Je devine vos objections, dictées par la bienveillance : est-ce que je n’oublierais pas, à m’abandonner à la tristesse, les mainates et autres parleurs dans les oiselleries, les lapins jouant dans leurs clapiers, le gloussement des oies à l’approche de Noël, l’agneau pascal, la basse-cour caquetante, les cochons qui couinent joyeusement dans des camions ouverts qui klaxonnent gaiement sur les routes, les vaches qui meuglent dans les fermes-modèles, la radio à fond dans les abattoirs ? Sans parler des chatons du calendrier des postes, du savoir-faire des taxidermistes, des peluches, des livres pour enfants et des dessins animés. C’est vrai. Il ne faut pas que je me laisse abattre. Demain, c’est dimanche. J’irai au zoo me changer les idées .

6 commentaires:

  1. Si on devait être seuls demain toi et moi, je te promets d'essayer de zinzinuler... ça va mieux comme ça ?

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  2. Aller au zoo, d'accord. Mais si le zoo est vide d'animaux ? ou pire, rempli de bipèdes plein les allées ?
    au pire, il restera sûrement quelques arbres ou un peu de lichen.
    jérôme

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  3. Oui, il y a des "demain" qu'on n'a pas envie de voir.

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  4. ben personnellement je ne connais pas le rat à crête rousse et il ne me manque pas... ni aujourd'hui ni demain... mais bon sans doute que ce n'est pas bien ... ;-)

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  5. tu as oublié le scorpion et les insectes dans ceux qui survivraient
    même à l'homme, je crois en cas de destruction nucléaire :(

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