vendredi 11 novembre 2016

Bricabrac - Lointains

Des lointains qui se rapprochent

Le premier jour, j’y allai les mains dans les poches. Il avait plu pendant la nuit. Des gouttes brillaient sur les feuilles des oyats. Je m’assis sur le banc face à la mer. Au-delà d’une frange d’œillets des dunes et de lavande de mer commençait la plage. Un ballon multicolore, une pelle jaune, un seau avec le dessin d’une étoile de mer, un paquet de gâteaux vide, étaient abandonnés sur le sable, où scintillaient des cristaux de quartz. Des enfants creusaient les douves d’un château. Des petites filles ramassaient des galets et des coquillages pour le décorer. Un petit garçon tenait des roses pimprenelles dans ses poings serrés. Une mouette rieuse picorait des miettes de biscuits.

Le lendemain, j’avais pris mes jumelles. Il était tombé une ondée au renversement de la marée. J’essuyai le banc avec mon mouchoir. Un cormoran séchait ses ailes sur un rocher. Des tournepierres à collier et des pluviers argentés couraient sur la laisse de mer. Une méduse était échouée, l’ombrelle comme un ballon crevé. Les surfeurs avaient planté leurs planches dans le sable et scrutaient la mer, guettant la vague du siècle comme on attend le grand amour.

Hier, j’ai emporté ma longue-vue. Le vent avait déposé des paquets d’écume sur le banc. La tempête de la nuit avait fait se lever la houle. Au large, des océanites volaient au raz des vagues. Les puffins filaient sur les crêtes. Autour d’un chalutier que secouait l’océan, une nuée de mouettes de Sabine dansait. Les fous de Bassan tombaient comme des pierres du ciel plombé et plongeaient dans la mer qui broyait du noir. J’aperçus un vol de sternes qui faisaient le tour de la terre, voyageant entre deux étés.

J’y suis retourné aujourd’hui avec mon transistor. Une planche s’étant défaite, deux clous rouillés hérissaient le banc à un bout. Le temps était devenu franchement mauvais depuis la veille. J’écoutai les nouvelles d’Amérique. Des bourrasques de neige étaient arrivées de Staten Island et le blizzard amassait des congères dans la 5e avenue, où l’on entendait crisser les pneus des Cadillac. A l’Oyster Bar de Grand Central, circulaient des plateaux d’huîtres chaudes au champagne. Mais dans les rues alentour, où mugissaient les sirènes des voitures de police, des femmes affolées, des cireurs de chaussures et les vendeurs ambulants de hot-dogs, tirant leurs chariots métalliques, s’enfuyaient vers le Bronx et Harlem.

3 commentaires:

  1. nous pourrions revenir ainsi avec la 4G sur un téléphone portable et assister en direct live à quelque chose qui se passe là bas
    nous touchons à présent avec nos écrans l'inimaginable lointain d'autrefois

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  2. C'est beau comme une pub de France télécom... ;-)
    Merci Bricabrac pour ce moment de poésie...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. J'aime cette progression du récit où le regard affuté au rythme des technologies perce une planète mystérieuse et agitée...

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