vendredi 13 octobre 2017

Arpenteur d'étoiles - Sur les pas de Jaccottet


Le mont Pilat (dans la Loire)

Sur le flanc est, de hautes collines, presque montagnes, surplombent un Rhône encore impétueux. Des plateaux d’herbes et de hautes futaies aux hivers rudes, s’infléchissent au sud, vers la Haute Loire et l’Ardèche. Naguère des poignées de jeunes gens croyant à la liberté, s’y sont battus becs et ongles.
A l’ouest, le granit affleure, et le temps a creusé des défilés qu’on dit "gouffres". Et puis, dominant une vallée industrieuse, une terre hésite entre la douceur méditerranéenne et la rudesse du massif central. C’est là que, près d’un col où dorment encore quelques vieilles fermes de pierres. Mon enfance s’est cachée, dans ce coin du Pilat où je vais encore parfois pour laisser vagabonder mon âme. La nostalgie panse certaines plaies.

Je revois mon père qui sautait de pierre en pierre pour me faire rire, et me faire voir comme il faisait à mon âge ; à cet âge où être triste est un pêché. On écoutait les oiseaux qu’il reconnaissait. Du haut du Paraqueue, on cherchait le toit de la maison : quelques tuiles rouges au creux d’un jardin, perdu entre d’autres. On ramassait des champignons dont il savait tous les prénoms en latin. Moi, le lendemain, j’avais une version et je ne savais rien.

Mes souvenirs m’emportent. Je pense à Norbert et à Frédéric avec qui je peinais à pédaler vers Chaubouret puis vers l’Oeillon. Dans les lacets de La Valla, vingt fois j’ai remporté le tour de France. Frédéric est couché sous une pierre grise. Norbert vit quelque part à Berlin ou aux Marquises. Tournent sans cesse les saisons.

Je me suis souvent promené solitaire, rêvant en regardant les traces cotonneuses des avions qui dansent. C’était le temps ou je ne savais pas qui j’étais, sinon un songe de vie. Ni passé, ni futur, à peine un présent, impalpable.

Il y a encore les longues marches, garçons et filles, de Saint Martin à Jasserie. Les fous rires n’en plus finir, et les airelles un peu acides qui coloraient en bleu acier nos baisers à la dérobée. Baiser volés, baisers rendus. Plus tard, un peu plus tard, au creux des chemins presque ignorés, les premières gentilles, leurs jupes froissées, leur parfum de vanille. Là, se cache aussi mon adolescence.

Il y a l’odeur des pins, des feux de bois, de le terre humide, des étables sombres.
Il y a des cris lointains, les bruits de la vallée feutrés dans l’air du soir, les aboiements d’un chien dans les collines en face, le foin si riche de la fin du printemps. Sous un pin écrasé de chaleur, la Méditerranée sommeille dans l'odeur du serpolet. Quelques pas plus avant, une forêt profonde où frissonnent encore mes peurs enfantines. Et puis, somptueux décor, au détour d'un chemin ou d'un virage, les Alpes éclatantes viennent barrer l'horizon bleu.

Ce raccourci du monde n’est pas loin, ni mon enfance à laquelle j’appartiens.
Et  je suis la ligne indécise des arbres...

Le Pilat

Le col de l'Oeillon

Le Mont Blanc

3 commentaires:

  1. t'en souviens-tu cet été, c'est toi que nous avons suivi par le versant que je connaissais pas
    et tu m'as fait découvrir ce Pilat qui est le tien, alors que le mien s'arpente par l'autre côté :)
    et nous avons apprécié ce déjeuner à la terrasse de l'auberge, simple de bonne humeur et de cuisine revigorante
    nous avons cherché à apercevoir le Mont Blanc, mais dans la brillance de cette journée d'été il s'est dérobé à nos yeux
    cependant l'odeur des grands sapins, et du serpolet était bien là, toujours rassurante
    un souvenir de plus à rajouter à ta boîte aux trésors, et pour moi à chérir longtemps :)

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  2. C'est aussi beau que sa cousine, la dune du Pyla... ;-)
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. oh et voilà je je vais avoir la nostalgie du coin où malheureusement je n'irai plus beaucoup.
    avec le sourire

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