mercredi 8 novembre 2017

Pivoine - Sortie de secours

Mais où est la sortie de secours ?

Il y en a une sur le palier. La porte est d'ailleurs toujours ouverte. Huit étages à dévaler, par une cage d'escalier en colimaçon. De quoi vous donner le tournis. Et la tremblote. Ce qui me rappelle les visites de beffrois, oui, nos beffrois flamands. Ni tours de cathédrale, ni donjon de châteaux forts, le beffroi était le symbole des libertés communales - dans nos régions. Durement acquises par les citoyens des villes. Des villettes. J'en ai monté des escaliers, et descendu... Mes jambes flageolaient, à l'arrivée.

Ma mère disait "c'est ce qu'on appelle une "fausse-faim" - peut-être que quand on a faim, les jambes tremblent. Je ne sais pas, là, je n'ai pas faim.

Manger! Ah! Même quand on n'a pas faim, voilà une belle sortie de secours.

Manger, oui, ça vous aimez. D'abord, les repas de l'enfance, c'était le moment où la famille se rassemblait dans la cuisine. Le poêle ronronnait... Il y avait le souper tartines - devant vous, deux tasses, celle avec du lait, et celle avec du café noir, pour tremper les tartines dont on avait coupé les croûtes. Les rares buffets familiaux, avec vos cousins préférés, les plaisanteries que les grands s'échangeaient, et votre admiration éperdue pour votre cousine: si grande, si belle, si savante…

Et puis, un jour, vous aimerez faire à manger. Vous avez toujours aidé votre mère, votre frère et vous. Pour la pâte à gaufres, la pâte à quatre-quarts. Les crêpes et les beignets. Il fallait battre les blancs d’œufs en neige. D'abord avec deux fourchettes, puis avec un batteur - mécanique. Pour le quatre-quarts, il suffisait d'attendre que le gâteau soit cuit, mais quand on "faisait des gaufres", dans le gaufrier tellement cuit et recuit... Il fallait surveiller la cuisson, juste pour que cela ne colle pas. Et cela collait souvent. Alors, on faisait une gaufre, rien qu'avec de la farine et de l'eau, et petit à petit, les gaufres sortaient, moelleuses, douces, dorées, de l'amour à ras bord.

Et que dire des séances familiales autour du "bodding" bruxellois ? Tout le vieux pain avait trempé dans la plus grande casserole du ménage, et puis, un soir, il fallait presser le pain - tout le monde était réquisitionné. On le réduisait en fines miettes avec le "passe-vite", et on le mêlait aux raisins mis à tremper dans du rhum (beaucoup de rhum), au sucre et aux oeufs - toujours avec le blanc battu en neige...
Et tout cela cuisait pendant une heure.
La maison embaumait.
On en mangeait pendant plusieurs jours.

Et puis, vous vous êtes lancée... Des mousses faciles, dans un livre de cuisine pour les petites filles, les recettes de "Vive la cuisine jeune", les spaghetti al dente, avec du parmesan, goût salé et piquant, et puis cette encyclopédie de la  cuisine de A à Z que vous avez demandée pour vos quinze ans.

Vous avez rêvé de faire des choses compliquées, savantes, des pâtés - vous n'avez pas trop mal réussi, il fallait juste fixer la dernière petite pièce de l'appareil à hacher correctement, sinon le pâté filait non pas dans le saladier, mais remontait jusqu'à l'ouverture... Du foie gras (mais votre foie gras, gelé, venait de Hongrie et vous n'avez jamais pu le dénerver). Et vous avez refait les gâteaux familiaux, le baba aux bananes, le moka aux marrons... Et ses variantes.

Vous avez visité les cuisines du monde, chinoise (le gâteau aux huit trésors), russe (les pirojkis), mexicaine, viennoise, allemande, indienne, (les raïtas) – et tous les pays du sud confondus. Et même la poule au pot du roi Henri IV. Car voyager dans le temps. Pourquoi pas? Après tout, la pissaladière, avec son mélange d'anchois salés et d'oignons rappelle - lointainement, le garum des Romains. Ah ! Que ce garum vous a fait rêver !

Pourtant, vos narines du XXI ème siècle l'auraient probablement trouvé atroce.

Puant comme un Herve de chez nous? Ou comme le fromage de Bruxelles ? Hyper salé, mais maigre. A mélanger avec des échalotes, un peu de fromage blanc ou frais, du poivre, succulent.

Là, oui, en ce jour morose de novembre, l'idée de manger vous apparaît comme une jolie porte de secours.


Et comme dans un hôtel provençal où vous avez passé de merveilleuses vacances, jadis, vous calligraphieriez bien, au-dessus de votre porte : "l'amour de la table est le dernier des amours. Mais il console de tous les autres". 

15 commentaires:

  1. Il ne manque que la "foume" chère aux bronzés ! Bon c'est pas tout il est bientôt 20 heures... à TAAAAAABLE !

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    1. Lol. Je ne sais pas si on a l'équivalent d'un truc pareil. Et on est aussi contre les cuisses de grenouilles... Enfin moi en tout cas.

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  2. "Il ne faut pas manger pour vivre, il faut vivre pour manger !"

    As-tu essayé cela ? https://www.amazon.fr/nourritures-extraterrestres-Ren%C3%A9-Sussan/dp/2207305465

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  3. Hello Joe Krapov... Merci j'irai voir...

    C'est une figure de style je crois...

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  4. Quelle appétissante échappatoire ! Miam !

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  5. et bon appétit !
    avec le sourire

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  6. Bien sûr... Se réunir autour d'un repas? Quoi de mieux?

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  7. ah ah !!! tu as trouvé une bonne sortie de secours : celle de mettre tout le monde d'accord autour de la nourriture :)
    bravo Pivoine !

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  8. Ha, l'Amour de la bonne chère... :)

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  9. Tu m'as donné faim, ma Pivoine !
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  10. En voilà des plats que nous ne connaissons pas en Limousin !
    Puis-je, chère Pivoine, te parler de la farcedure, des tourtous, des amourettes, de l'enchaud, du millassou...?
    La cuisine, c'est une porte - de secours ou pas - que j'ouvre toujours avec un grand plaisir tant pour préparer à manger que pour manger. :-)

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  11. Marité volontiers... Le millassou je crois que j'ai déjà vu. Dans une encyclopédie de cuisine régionale... Mais le reste je ne connais pas. Mais le Limousin... Je vois très bien...

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  12. Pivoine, avec plaisir !
    La farcedure , pommes de terre râpées assaisonnées, façonnées en boules et cuites dans le bouillon du petit salé.
    Les tourtous : galette de blé noir salée que l'on mange avec beurre ou confiture ou petit salé, rillettes ou en accompagnement d'une viande en sauce.
    Les amourettes : testicules de mouton fricassées.
    L'enchaud : longe de porc que l'on fait confire dans de la graisse de canard.
    Ce n'est pas de la cuisine légère évidemment. Aussi est-ce souvent consommé lors de repas d'hiver.

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  13. Odeurs, saveurs, tous nos sens sont en éveil pour ce retour vers le passé. Bon appétit !

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