lundi 4 décembre 2017

Pascal - Une page qui se tourne

Les passants de notre livre

Mon bel écrivain, je te remercie pour toutes les caresses que tu m’as prodiguées tout au long de notre histoire si connivente. Tu m’as donné plus de plaisir en m’enroulant dans tes valses de papier que n’importe quelle vie à l’ombre d’un puissant soleil de réalité.
Si tu savais comme je suis contente d’avoir dansé au bout de ta plume : tu m’as laissée regarder des paysages extraordinaires, j’ai fait des rencontres incroyables, j’ai visité les méandres de tes fantasmes les plus colorés. Je cours de mot en mot, de phrase en phrase, de chapitre en chapitre, pour toujours te retrouver quand on ouvre notre cahier.

J’ai tant aimé tes décors si décalés, cette infinie dimension, où nous nous sommes retrouvés sans la crainte d’une punition. Fantôme de joie, héroïne ou émergence de tes pensées les plus folles, je vaquais heureuse à tes occupations sensationnelles, avec un engouement de princesse, longtemps après minuit.

Mon Amour de poète, jamais tu ne m’as affublée d’une maladie, d’une disgrâce, d’un verbiage grossier, déplaisant ou méchant. Jamais tu ne m’as réduite à l’état de la vile servitude pour ton seul plaisir. Tu m’as enfantée comme la mie du bon pain au milieu de tes histoires croustillantes. Tu m’as écrite si belle, si désirable, si jeune, si entreprenante, si consentante, si experte, si coquine, que tous les jeunes héros de tous tes livres se pressent pour écarter les pages de nos aventures de bureau. Nous n’avons jamais eu d’enfant, peut-être parce qu’il est écrit au bout de notre livre : reproduction interdite.

Romantique, jusqu’au bout des yeux, déchiré jusqu’au bout de tes souffrances, un jour d’offrande ou d’échafaud, d’orage ou de félicité, de honte ou d’espoir, tu as arraché ton cœur et tu l’as déposé à mes pieds en me disant qu’il n’y avait que moi qui pouvais lui faire battre sa chamade exaltée, puis tu m’as murmuré doucement : « allez, prends-le ou piétine-le mais ne le laisse pas vivre la torture de l’Indifférence… » Je l’ai pris, mon Amour, je l’ai pris pour moi. Je t’en prie, laisse-moi croire ce sentiment astronomique pour moi toute seule. Laisse-moi le garder au plus près de mon cœur et laissons-les battre l’Unisson Sidéral, à la mesure de nos vœux les plus fous dans les étoiles filantes.

Avec toi, jamais je n’ai fumé, jamais je n’ai bu, jamais je n’ai dit ou pensé un mot déplacé, mais j’ai les yeux qui pétillent de notre champagne intime. Ensemble, nous consommons le souvenir et, si tu es vivant encore, tu peux entendre mes soupirs.
Ne m’en veux pas si, pendant un jour lointain de relecture amoureuse, tu trouves quelques feuilles de notre aventure collées ensemble, j’ai encore quelques taquineries rougissantes, au bout de mes doigts, pour te faire sourire et rallumer tes émois…

Je te sais assez misogyne pour aimer toutes les femmes en secret, en racontant leurs défauts mais en écrivant leurs qualités. Alors, s’il te revient des envies de moi, pour souffler dans mes cheveux, caresser mes lèvres ou poser des baisers brûlants sur mes paupières, dessine-nous au grand soleil d’une plage immaculée. Après la vague mourante, nous irons courir sur le sable et nous laisserons nos empreintes d’amants comme si elles étaient les premières du monde. Laisse mon corps nu se bronzer avec le hâle de ta plume fureteuse, laisse le baiser du vent soulever mes cheveux, laisse les ombres de tes caresses courir sur ma peau amoureuse.

Mais non, je sais les tonnes de sentiments qui pleuvent sur ta feuille comme des cascades intarissables ; je sais tes atermoiements inguérissables, tes patiences astrales pour des viles chimères imprenables…
Mais, quand tu tournes une page de notre livre de confidences, ne sens-tu pas le parfum enivrant de nos corps enlacés ?... N’entends-tu pas la chanson de mes soupirs rallumés ?... N’imprimes-tu pas, sur ta salive débordante, le goût de mes envies bouillonnantes ?... Ne ressens-tu pas cette aura de bonheur palpable qui plane entre nos chapitres enflammés ?...
Mon Amour, la texture du papier est celle de ma peau quand ta plume inventait mes tourments énamourés. Aujourd’hui, je suis tatouée de tous tes meilleurs mots d’encrier et ils me caressent l’âme d’aventures jouissantes à chaque nouvelle majuscule.

Si tu m’as aventurée, toujours aussi nue, à la proue de tes histoires savamment croquantes, jamais je ne me suis sentie « passée à la casserole », pénétrée de force, violentée, bousculée, avec ce sentiment terrible d’être salie, souillée, maltraitée, martyrisée ou punie pendant toutes nos acrobaties divinement délictueuses. Nous étions ni pédophiles, ni zoophiles, ni scatophiles et tous les « philes » avilissants du dictionnaire, le temps magique de nos tribulations amoureuses ; nous n’étions pas malades de vices punissables, de cachotteries dégoûtantes, ni de perversions sadiques.
Avec tes seules caresses passionnées, celles que j’ai toujours préférées, celles que je te suggérais à l’oreille, je n’ai vécu que des heures de volupté intense et de tendresse infinie entre tes bras savants. La page se tourne ; si nous avons commis des fautes, elles ne sont que d’orthographe à cette heure de finition. Nos jeux de stupre étaient bien innocents et, si aujourd’hui, nous les laissons aux regards des passants de notre livre, ils auront pour nous les gentilles appréciations des voyeurs émus.

Maintenant qu’il est l’heure du point final, je vais me reposer entre ces deux couvertures. J’ai tellement de souvenirs, tellement de frissons encore chauds, tellement de palpitations profondes que les nuits ressembleront aux jours pour l’éternité sur cette étagère sans repos. Et même, sans nos masques de carnaval, si la poussière s’installe, elle ne sera qu’une interminable pluie d’étoiles… 


11 commentaires:

  1. Quel souffle ! Le dessin est de toi ?

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  2. voilà une saisissante déclaration d'amour du personnage à son auteur
    ou vice versa...
    :)

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  3. Quelle belle histoire d'amour !
    Je pense aussi que les personnages crées par un écrivain à la belle plume vivent leur histoire au fur et à mesure qu'elle s'écrit et l'amour est certainement réciproque, éphémère pour le premier, éternel pour le second.

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  4. On t'a déjà dit que tu écrivais sublimement ?
    Non, sûrement pas, puisque le mot n'est pas dans le dictionnaire...
    Alors je l'invente pour toi.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  5. Merci à vous tous pour vos commentaires.

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  6. Arpenteur d'étoiles9 décembre 2017 à 14:50

    une très belle histoire d'amour et une déclaration ... et un très beau texte !!

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