dimanche 18 mars 2018

Marité - Poires et raisins

Dans la valise diplomatique. 

Chère Josette,

J'espère que ton voyage à Gérone t'apporte beaucoup de plaisir. Je sais que JC ne t'a pas accompagnée car je l'ai aperçu hier chez les Krapov.

Cette fois, tu ne m'as pas gênée puisque tu as eu la bonne idée de t'absenter pour le mois. J'ai donc profité de l'occasion à nouveau offerte pour me rendre à la réception du comte. Je me suis donc jetée dans l'arène avec jubilation.

Pour commencer, parlons un peu de mon arrivée. Une vraie galère ! L'accès au château n'a pas encore été dallé. Heureusement, le majordome Agenor qui, entre nous, ressemble à un pruneau est venu gentiment m'accueillir à ma descente du phaéton. Sinon le beau manteau que j'ai engallé aurait traîné dans la boue. Mais je ne suis pas sortie indemne de l'aventure pour autant : un de mes ravissants souliers à boucle a souffert. Agénor, décidément irremplaçable, avait sur lui une alène et a pu remédier à cet inconvénient qui, sûrement aurait complètement gâché ma soirée.

Je dois te prévenir tout de suite. Je vais te parler des invités mais je ne donnerai aucun nom. En effet, mieux vaut être prudente. Il se racontait hier que le tsar Vlad faisait empoisonner à tour de bras tous ceux qui le dérangent. Il paraît que le bouillon de onze heures utilisé attaque l'organelle.
Ne me demande pas ce que ce mot signifie : il doit être employé en jargon médical je pense. Tu l'imagines, je ne veux pas finir dans une geôle du blondinet où l'on dit que la galle fait des ravages. 
Je te fais aussi parvenir ce courrier par la valise diplomatique que le comte a bien voulu mettre à ma disposition. Prenons des précautions. 

J'ai été agréablement surprise par l'opulence du buffet offert par le comte et son épouse. Contrairement à ce que tu m'avais décrit lors de ta venue, rien ne manquait et les tables à rallonge ployaient sous des plateaux de mets succulents. Il y avait beaucoup de fruits, notamment des corbeilles de poires et raisins à profusion. Comme ce n'est pas habituel, j'ai demandé la raison de ce déploiement à une invitée que je voyais pour la première fois. Une femme bizarre au visage évoquant celui d'une ranelle et arborant un vêtement d'une autre époque, une grande robe qui était portée par les moines au Moyen Age et que l'on appelle gonelle. Elle ne s'est pas fait prier pour me raconter que les Krapov avaient trouvé un tableau du peintre Monet intitulée "nature morte aux poires et aux raisins" dans les combles de leur datcha aux environs de Saint Petersbourg. La vente de cette œuvre d'art leur a rapporté une fortune et permis de briller à nouveau et d'exhiber des postes à galène dans tous les salons de réception.

J'ai croisé M. en bustier décolleté jusqu'à l'aréole. Elle avait avec elle son bébé dans son lange et ne s'est pas embarrassée pour lui donner le sein devant tout le monde. Bien sûr, A. en a profité pour faire l'éloge de cette poitrine opulente qu'il lorgnait d'un œil affamé. De son organe grave, il sermonnait la soubrette de M. répondant au joli nom de Janelle au prétexte qu'elle ne s'occupait pas assez de sa maîtresse. On devinait aisément qu'il voulait prendre sa place !

S. déambulait avec un allogène au bout d'une longe. Il embrassait goulument l'étranger, certainement pour faire genre. J'ai trouvé qu'il s'était quelque peu enrobé. 

C. a fait un petit malaise. Oh, rien de grave assurément mais il a fallu l'allonger sur une méridienne devant un bon feu. Comme elle se plaignait d'avoir froid aux pieds, la comtesse lui a généreusement prêté une paire de chaussettes de laine couleur de la bête, un régal d'élégance. Mais qu'importe !

Sais-tu ce que l'on murmure ? Le comte serait apparenté au grand Américain. Il n'est donc pas totalement de sang russe. Je trouvais aussi que Joe n'avait rien de slave. Mais si ce prénom lui agrée n'est-ce pas ? Ce peut être de bon augure pour le rapprochement des deux nations. 

J'ai passé une soirée très agréable et, promis, la prochaine fois je t'emmène avec moi pour profiter des largesses du comte. Une Roumanov ou deux, où est le problème ? Il ne voit plus très clair de toute façon. La vieillesse ? La vodka ? 

Je te raconterai par le menu et à l'oral d'autres petites anecdotes qui te feront rire mais je ne t'en écris pas plus pour éviter les foudres de Vlad. On ne sait jamais : l'œil de Moscou est partout. 

Je t'embrasse.
Marité.

12 commentaires:

  1. Pour ceux qui me lisent : faites comme si vous ne voyez pas "enrobé" en gras.
    ;-)

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    1. j'ai enlevé le "gras" de "enrobé" si je puis dire :)

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    2. :-) Merci chère Tisseuse !

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  2. Merci pour le compte rendu, espérant que mon absence n'aura pas été remarquée (Moscou, comme tu sais...je compte sur ta discrétion bien entendu)
    De coups d'alène en poste à galène, ce nouvel épisode n'a rien d'allogène et ravit.

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  3. C. fit un malaise quand elle réalisa qu'elle était passée à côté de la fortune qu'aurait pu lui rapporter ses droits d'auteur... ;-)
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. Tu me diras combien je te dois...en sourires bien entendu, chère Célestine !

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  4. un festival ce feuilleton des Impromptus !

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  5. Mais c'était le bal du Comte d'Orgel !
    J'ai vu les chaussettes de l'icelle
    Tricotées avec une grossière ficelle.
    Elle minaude telle une pucelle
    Dans un corps tenant plus du violon
    Que du violoncelle ! ];-D

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  6. Eeeh, beh ! En Vlad, la commande qu'elle est bien remplite (doit pas manquer bcp de solutions, dis) !! Bravo, Marité. A suivre, hein ? :))

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    1. Euh...Je ne sais pas si je dois Tiniak !;-) Une chose est certaine : je m'amuse bien avec mes c. Je n'attends rien et ne me prends pas au sérieux. C'est trop ennuyeux.

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  7. ;-) ;-)Ah, Marité ! Moscou pas comme un prunier, tous mes fruits sont tombés quand je suis mort de rire en te lisant !

    Pour la myopie du comte c'est la vodka, pas la vieillesse : le comte a toujours huit ans et demie d'âge mental et un seul neurone mais qui fonctionne bien ! ;-)

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