jeudi 1 mars 2018

Pascal - La rumeur

Entre deux portes, la Rumeur m’a parlé aujourd’hui. Oh tu sais, pas bien fort, c’était plutôt quelques murmures glissés dans le creux de mon oreille attentive avec des intonations d’encore, avec des espérances en forme de futur à croire, d’autres décors, avec des nouvelles anciennes, mais toujours heureuses à réécouter.
C’était une caresse facile à mon âme latente, un peu d’eau bleu clair à mon moulin fragile, un peu d’encre bleu turquoise à ma plume gracile, quelques lettres bleu nuit bien en ordre pour ne pas guérir, pour ne pas blesser et entretenir ma passion quelques instants, un rayon de chaleur pour mon cœur abîmé, une source d’eau fraîche chuchotant ses secrets dans les pierres trop dépolies de ma déraison…  

La Rumeur avait un parfum suave d’allégresse ; elle était porteuse de messages en bleu ciel pour abreuver ma pauvre tête flétrie. Elle avait des effluves de pommade pour soigner mes bleus au cœur. Elle s’insinuait dans mes rêves en vrai, pour prendre toute la place que je lui donne, que je lui offre et qui lui appartient. Elle insinuait tant de bonheur en bouquets de pensées toutes multicolores et, pendant un moment, j’ai pensé chavirer sous le poids de ces senteurs printanières tellement inespérées. Je fermais les yeux pour traduire au plus près ces soupçons irréels…

La Rumeur avait des chansons en forme de mes hymnes les plus écoutés, les plus chéris, les plus loyaux. Ces tendres refrains refrénés pour murmurer ma requête effrénée, dispersés sous le manteau, à l’ombre des turpitudes des autres, des sourds et des malentendants, ont fait pousser quelques frissons dans le champ refleuri de mes espoirs. C’était une forme de vibration musicale. C’était une sorte d’élan sans bouger, une communication directe avec mon entendement, avec ce que je veux entendre, avec ce que je sais mettre au diapason, pour alimenter l’harmonie de mes croyances fidèles et intimes…

C’était la bonne clé pour la bonne serrure pour avancer sans pêne. C’était une ouverture pour planer vers mon ciel bleu austère, c’était une couverture pour me réchauffer encore à l’histoire sublime de cette aventure en solitaire. La Rumeur s’est mise à danser dans ma tête refleurie. J’ai quitté ma carcasse un moment pour flotter et danser avec elle. Et mon ombre applaudissait ces desseins en belles couleurs ! Je voyais un pauvre homme, habitant dans un fauteuil bleu de Prusse, dans l’application sournoise de sa profession…

En équilibre, sur le fil de ces mots dans le vent, je pouvais tout croire pendant ces instants et j’auréolais sans pudeur mon plaisir renouvelé de comprendre, à ma façon, cette fontaine bleue limpide, désaltérante et salutaire. Echo opportun, la Rumeur se faisait ma confidente inespérée pour tuer ces jours de sombre brouillard ; j’entrevoyais les bourgeons de nouvelles hypothèses mille fois semées dans la terre de son île que je veux croire encore tellement accueillante. C’était bien…  
On peut planer avec la Rumeur quand elle pense dans le même sens que les débordements de son cœur. Elle est comme un drapeau grand ouvert, bercé par un vent favorable, comme une voile lointaine qui s’éprend du grand large bleu outremer et qu’on ne peut regarder qu’avec l’envie de voir où le soleil se cache. Elle est comme un parfum capricieux, mais tellement utile à des narines attentives…  
Elle est une drogue obligeante… 

Et puis, j’ai fait parler la Rumeur, trop longtemps, plus que de raison, pour lui faire avouer ce que je voulais entendre, ce que je voulais croire sans être sage, pour rester encore sur mon petit nuage, couleur d’orage bleu indigo ! Alors, la Rumeur s’est tue et elle a tué un vieux nigaud…

17 commentaires:

  1. Il faut toujours prévoir un broc d'eau pour que la source ne se tarisse jamais, son son est salutaire est si doux...
    Ton texte est magnifique, j'y retourne :) !

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    1. Hello Maryline, j'ai écrit ce texte, il y a dix ans; les Impromptus ont rajouté la conclusion qui manquait à ma Rumeur... ;)

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  2. Voilà que quand le monde est gris, le monde est bleu ! Quelles belles visions elle te donne, en tout cas ! Une drogue puissante !

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    1. Il manquait le dénouement, Joe. Les Impromptus l'ont rajouté... ;)

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  3. Il en est des rumeurs comme les humeurs ? Il y a les bonnes, et les mauvaises ?
    Un texte tout en douceur. ];-D

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  4. Je te dédie mon prochain texte, Pascal...Pardon de t'avoir oublié.
    Ton écriture flamboyante est toujours aussi agréablement poétique.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  5. La rumeur est telle que nous la voyons et nous l'approprions. Toi, tu sais l'apprivoiser en la faisant douce. Magnifique texte Pascal que j'ai lu deux fois - pour me l'approprier - avec un grand plaisir

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  6. Hello Célestine, je t'enjoins de lire la conclusion qui manquait... ;)

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  7. Un bien joli chant

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  8. "Un drapeau grand ouvert, bercé par un vent favorable"... C'est bien le problème, et avec quelle acuité, aujourd'hui !

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  9. C’est fichtrement bien écrit !

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  10. Bien conservé pour un 10 ans d’age :-)

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  11. J'ai pas trouvé de suite "la bonne clé pour la bonne serrure pour avancer sans pêne", mais c'est le privilège des grands textes : bravo.
    Et qui gagne à la relecture : très belle écriture.

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  12. Un autre regard porté sur la rumeur, tout en douceur oui.

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