jeudi 3 mai 2018

Marité - Le poltergeist

Le vieux cimetière abandonné

Une chaleur écrasante avait régné toute cette journée de juin, fête de la Saint Jean au village de Glane. Après les différentes manifestations orchestrées pendant l'après midi par le foyer rural, un repas avait suivi puis un bal. 

Georgette, bonne comme le bon pain avait donné de sa personne en se dévouant à la buvette. Georgette aimait bien donner de sa personne. La canicule, la musique, quelques verres de rosé bien frais avaient contribué à tournebouler les sens - en éveil - de la serveuse occasionnelle. Elle avait envie de jouer un peu à son tour. Ce n'était pas son mal dégourdi de mari qui allait la calmer, ça, elle le savait depuis longtemps. Il lui fallait trouver une âme charitable pour s'envoyer en l'air. Après tout, elle l'avait bien mérité. 

- Et pourquoi pas le Jean-Claude ? Celui-là, je ne l'ai jamais essayé pensa-t-elle. Sa bonne femme est en vacances et, bien pris, je suis sûre qu'il ne dira pas non. 
Justement, Jean-Claude, contrairement à son habitude revenait très souvent à l'abreuvoir. La chaleur donne soif. Ou bien, il était lui aussi en manque d'amour. Ondulations des hanches qu'elle avait girondes,  quelques regards très appuyés, deux ou trois sourires prometteurs et voilà le Jean-Claude pris au filet de l'aguicheuse. En lui versant un verre de bière, Georgette murmura : dans une heure, chemin du vieux cimetière. 

A Glane, il existe un tout petit cimetière abandonné depuis plus d'un siècle par manque de places disponibles. Les arbres et une folle végétation ont poussé noyant les tombes sous un écran de verdure.  Le temps a fait son œuvre : plus une stèle debout, la rouille a rongé les croix et les entourages en fer des sépultures. Personne ne s'y rend jamais. On peut très bien passer à côté sans le voir. Il faut dire que par temps gris, sa visite fait froid dans le dos. 

Jean-Claude, sans trop de remords prit la direction indiquée par Georgette. Son attente fut brève. 
Les deux amants assouvissaient avec frénésie leur désir dans un creux du chemin quand un bruit insolite à cette heure leur fit dresser l'oreille. Des coups sourds résonnaient non loin d'eux.
- Qui peut bêcher son jardin la nuit ? demanda la jeune femme.
- Il n'y a pas de jardin ici répondit Jean-Claude qui reprenait déjà ses "activités" torrides.
- Mais arrête, lui intima Georgette. Ecoute : quelqu'un tape tout près. Peut être mon mari nous a-t-il suivis ? Ils se redressèrent en hâte, surpris et inquiets.

Jean-Claude pensa immédiatement à l'esprit frappeur dont il avait entendu parler récemment dans le journal local. Il n'accordait pas d'importance à ces histoires de revenants, de maisons hantées dont sa femme se délectait. Il trouvait tout ceci irrationnel et se disait que certainement c'était des canulars montés par des farceurs. Mais tout de même, ces sons répétés étaient troublants.

Il s'approcha de la murette encerclant le cimetière en ruines. Il entendait maintenant distinctement des bruits de terre remuée avec un outil de jardinage. Puis, plus rien. Il allait partir quand des craquements de branchages l'alertèrent à nouveau. Il se pencha et distingua nettement une forme blanche qui se déplaçait parmi les tombes renversées. Il eut peur. Il poussa un cri étouffé quand une main se posa sur son bras nu. Ce n'était que Georgette derrière lui tremblant comme une feuille. Ils s'éloignèrent rapidement sans demander leur reste. 

Jean-Claude ne trouvait pas le sommeil. Il repassait dans sa tête les évènements qu'il venait de vivre cherchant une explication plausible. Il ne croyait pas aux fantômes mais, il devait en convenir,  ce qu'il s'était passé cette nuit était perturbant. Bah ! Il avait trop bu se dit-il et avait eu des hallucinations. 

Pourtant, dès le matin, il ne put s'empêcher de se rendre au vieux cimetière. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête. Il découvrit, fraîchement creusée, une tombe pouvant être, de part ses dimensions, une tombe d'enfant. Le "fossoyeur"  avait, de plus, planté une belle croix en bois neuve au sommet du monticule.

La nuit suivante, Jean-Claude, voulant en avoir le cœur net, se mit en planque dans le chemin. A la même heure que la veille, une silhouette se profila parmi les pierres tombales et se dirigea vers la nouvelle sépulture. Il vit nettement la forme s'agenouiller puis frapper la terre à coups brefs et sourds avec un outil ou un caillou. Puis d'étranges gémissements lui parvinrent. Comme la veille, il se sauva en serrant les fesses. 

Il devait en parler à quelqu'un et l'amener sur les lieux pour se prouver qu'il n'était pas fou. Pas à Georgette, la pauvre qui se terrait chez elle, morte de trouille. Le mieux était d'alerter le maire. Ils allèrent donc au vieux cimetière et ne purent que constater la présence de cette tombe récente maintenant abondamment fleurie et entourée de galets ronds et lisses. 
- Je dois avertir la gendarmerie murmura le maire. Imagine qu'il y ait un cadavre là-dessous ? Jean-Claude respirait difficilement : il n'avait pas envisagé cette hypothèse.

On parla beaucoup de cette affaire dans le département. La tombe était heureusement vide. Pendant quelques temps encore, elle fut régulièrement entretenue et ornée de fleurs fraîches sans que personne n'aperçoive âme qui vive dans le cimetière, ni le jour ni la nuit. Puis tout s'arrêta comme cela avait commencé. On ne sut jamais le fin mot de l'histoire mais Jean-Claude et Georgette ne reprirent plus le chemin du vieux cimetière. Ni ensemble, c'est sûr, ni chacun de son côté.

11 commentaires:

  1. Bien cocasse et saugrenu, j'aime bien le côté non résolu !

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  2. quelle incroyable histoire ! sur fond de ruralité comme tu aimes à nous les conter, et moi à les lire

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    1. Merci K et Tisseuse.
      Tisseuse, il y a un fond de vérité sous cette histoire. Etrange, non ? ;-)

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    2. vous avez dit étrange, comme c'est étrange :)

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  3. J’aurais tendance à penser qu’il y. Sûrement une explication rationnelle à ce phénomène mais les gens aiment bien se faire peur avec du paranormal et du surnaturel... 😜
    Superbe récit, marité!
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. Tiens mon « a » s’est fait subtiliser par l’esprit frappeur des IPhones...😛

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    2. Merci Célestine. J'ai découvert ce cimetière complètement abandonné il y a peu et peu de gens le connaissent. Ce n'est pas un lieu improbable : il existe vraiment. Il m'a inspiré pour cette histoire. Il y avait du soleil quand je l'ai visité mais l'hiver, il doit être lugubre. Comme je l'ai écrit à Tisseuse, il y a quelques années, un fait comme celui que j'ai raconté s'est produit dans un autre cimetière, celui-là fréquenté par les vivants et les morts. ;-)
      Ceci dit, je pense comme toi qu'il y a sûrement des explications rationnelles - surtout pour cela - mais va savoir ! :-) Que serait la vie sans un peu de piment ?

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  4. On raconte , mais que ne raconte t-on pas ? Qu'il y a deux mille ans un mec est revenu d'entre les morts, mais ça n'est pas parole d'évangile non plus ! ];-D

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  5. Des vers géants venus du champ d'à côté où certains pesticides, répandus inconsidérément, ont eu des effets inattendus. C'est eux qui ont creusé. Je dis.
    Bien ficelé, ton "récit" !

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    1. Oui JCP, c'est peut être bien ça. Mais alors les pesticides font un drôle d'effet aux vers jusqu'à les faire gémir les pauvres petites bêtes ! :-)

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  6. Toujours sympa les histoires qui se déroulent dans les cimetières ...
    Fantômes, esprits, inventions, délires ...
    Ce qui est sur c'est qu'il y a souvent des anecdotes rigolotes ( ou pas ) à partir de là ...
    La mort nous hante n'est ce pas ? et même parfois ne nous hante pas !!! ;-)

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