samedi 8 décembre 2018

Célestine - Le chemin de l'école


J'ai seize ans, et le printemps jaillit de chaque arbre, de chaque brin de feu sortant de terre. Les cours commencent à deux heures. Je décide de partir en avance et de profiter du chemin de la colline toute constellée de narcisses et de jonquilles, à cette saison. C'est tellement beau, ces chants de fleurs ! Je pédale en ahanant dans la montée des pins, lorsque j'entends un engin pétaradant ralentir derrière moi et commencer à me suivre.
Je me rappelle nettement le picotement d'agacement que j'éprouve alors, envers cet indélicat qui me fait respirer ses gaz d'échappement.
Soudain il me dépasse, et m'oblige à freiner.
La suite c'est le choc, le renversement dans le fossé, ses mains qui enserrent mes bras, insupportable étau de la suffisance, et en un éclair, c'est affreux, moi qui n'ai rien demandé, je ne comprends rien, si j'avais de l'humour je me dirais « mais que fait donc la langue dégoûtante de cet olibrius dans ma bouche ? » Mais à seize ans, quand cela arrive, on n'a pas envie de rire. Je vis cette ignoble intrusion dans mon intimité toute seule et dans la panique la plus totale. Heureusement il n'insiste pas et repart. Ce jour-là, j'ai découvert que certains se croient autorisés à se servir, un peu comme on fait son marché.
J'ai gardé en moi comme une brûlure à l’ypérite. Celle de la honte et de la colère. Et dans la bouche, le goût de salissure de son acte révoltant, sans jamais oser en parler à personne.
 

18 commentaires:

  1. je ne sais pas si c'est une histoire vraie, mais si oui, c'est bien que tu en parles aujourd'hui pour enlever un peu de cette pollution de la honte

    mais à toutes les jeunes filles-femmes à qui il arrive ce genre de choses : c'est déjà terrible comme expérience, avec un lot de conséquences de mal être, mais d'autres agressions criminelles sont hélas légion sur le chemin de la vie :(

    tellement de récits de ce genre et d'autres plus monstrueux encore m'ont été confié dans mes métiers d'écoutante !

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    1. Oui c'est une histoire vraie, hélas, qui m'est arrivée et qui est revenue à ma mémoire au cours d'une séance d'hypnose avec une « écoutante » bienveillante comme toi.
      Je ne suis pas du tout étonnée que cela ait été ton métier, chère Tisseuse.
      Merci de ta réponse.
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    2. hélas, trois fois hélas :(
      j'aurais vraiment aimé que ce soit de la fiction

      je ne peux que conseiller la vision du film admirable de Andréa Bescond et Eric Métayer "Les chatouilles" qui relate avec beaucoup d'intensité et d'émotion ce que Andréa, enfant, a subi d'un "ami" de la famille, et sa reconstruction grâce à la thérapie

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    3. Cette thématique est revenue plusieurs fois dans ma vie. Ce n'est pas le lieu de m'épancher, bien sûr, mais sache que cela a donné lieu à une thérapie qui a réussi à me libérer de certains événements très traumatisants de ma vie de jeune fille et de femme. des choses que j'ai sans doute crues moins graves que ce qu'elles étaient en réalité. En prendre conscience a été un choc salutaire qui m'a permis d'aller beaucoup mieux.
      Mais s'il est vrai que j'ai encore du mal à évoquer ce genre de situation, j'ai quand même vu le film. Avec des yeux neufs, libérés de cette culpabilité honteuse qui m'a poursuivie toute ma vie.
      Merci Tisseuse
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    4. merci en tous cas de cette confiance que tu fais aux Impromptus pour aborder ce sujet grave qu'il est nécessaire de communiquer pour que d'autres osent enfin parler et se libérer à leur tour :)

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    5. Ici c'est un espace qui inspire confiance, alors j'ai osé.
      Bisous et merci
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  2. Les chemins d'école n'ont pas tous un goût de nostalgie.

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    1. C'est vrai, comme toutes les évocations du passé, il en est de merveilleuses et de moins agréables, pour ne pas dire franchement répugnantes...
      C'est le lot de toute vie, je crois.
      Merci Marité
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  3. Réponses
    1. Oui c'est vrai. L'avantage, c'est que maintenant, j'ose en parler, et je crois que je ne suis pas la seule qui ait subi ce genre d'agression, hélas...
      Mais les choses avancent, je veux le croire.
      Bisous Pascal
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  4. Et là, d'un coup ! à nouveau, j'ai honte d'être au masculin. :O(

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    1. Il ne faut pas. De la même façon que l'on a fait porter depuis des millénaires le poids de la culpabilité d'Eve sur toutes les femmes, tous les hommes ne sauraient être responsables des turpitudes de leurs congénères...
      C'est grâce aussi à des hommes comme toi, qui ont cette conscience, que le combat des femmes avance.
      Bisous mon Titi
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    2. Mwouif, bon... d'accord. N'empêche : si tant de mères sont, aujourd'hui encore, des fabriques à machos, c'est bien que le modèle patriarcal est foutrement (ben, oui !) prégnant, non? #beurk !
      "Did you ever say... no? No? Oh, no!"
      https://youtu.be/6yrGw0sRv3Q

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    3. Merci pour le lien, Tiniak.
      Tu as raison, le modèle est accroché ! Mais on y arrivera...
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  5. Je suis muet, atterré. Un baiser papillon pour toi.

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    1. Et ce n'est qu'un des épisodes de ma vie qui m'ont traumatisée...Comme tu le sais il y en a eu d'autres. Mais la résilience m'a permis de me reconstruire peu à peu.
      Baci caro mio
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  6. C'est dingue !
    Mais qui sont ces parents qui n'apprennent pas leurs garçons à demander la permission ?
    Surtout qui ne leur apprennent pas qu'on ne se sert pas sans autorisation ?
    Qui leur a laissé croire que les filles sont un libre-service sexuel ?
    Mais bordel ! Quand donc les parents, pères et mères, élèveront ils leurs fils au lieu de les abaisser ?

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    1. Qui a aussi laissé croire aux filles qu'elles étaient des proies incapables de se défendre ?
      Le travail éducatif est primordial, et j'ai oeuvré toute ma vie dans ce sens.
      Bisous et merci de ton passage cher Goût
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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