Un château extraordinaire.
Un château, quelle que soit son
importance, symbolise depuis les premières constructions le pouvoir, la
richesse, la grandeur et surtout la domination. Il est, le plus souvent,
érigé sur des collines ou même sur des
pitons rocheux. Bien sûr il le fallait pour prévenir la venue de l'ennemi mais
quel meilleur endroit aussi pour être vu de tous et ainsi assurer son
omnipotence ?
Il existe dans la Drôme un château
insolite qui échappe à tous ces diktats. Un palais féerique, implanté sur un
ancien jardin potager, œuvre d'un seul homme, bâti de ses mains et suivant sa
fantaisie, n'obéissant par là à aucune règle. Ce palais, le facteur Cheval l'a
rêvé en arpentant les chemins lors de sa tournée journalière. Il a été inspiré
par des cartes postales et des magazines qu'il ne manquait pas d'admirer avant
de les distribuer à leurs destinataires. La nature, les pierres qu'il foulait,
avec leurs formes étranges ont contribué aussi à nourrir son imagination.
Peu à peu le besoin de créer s'est
imposé et le jour, après son travail, la nuit prenant sur son repos, il a
façonné, sculpté avec acharnement pendant plus de 30 années, sourd aux
moqueries du voisinage qui le traitait de fou. Il travaillait pour offrir à sa
fille Alice, non une belle demeure où elle aurait pu résider avec sa famille
mais une folie délirante à nulle autre pareille ayant interpellé beaucoup
d'architectes et d'artistes. Alice devenait ainsi une princesse de conte de
fées. En cela elle s'avérait unique et tel était le désir de son père.
Un château où l'on ne peut pas
mener une vie de château parce qu'il n'a pas été conçu pour cela. Quoi de plus
romantique, de plus fabuleux ? On a traité le facteur Cheval de mégalomane.
Peut être. Je ne veux pas le voir sous
ce jour là. Pour moi, il demeure un
personnage hors du commun, un artiste surréaliste perdu dans ses rêves et son
amour pour sa fille. Amour qu'il ne
pouvait exprimer autrement que par la création, les manifestations de tendresse
et les paroles d'affection lui étant étrangères, à lui, le paysan fruste.