mardi 5 février 2019

Pascal - Un fromage

La tomme

S’il est un fromage qu’on ne peut dissocier de notre Drôme des Collines, c’est bien la tomme de chèvre. Celles-ci ? Un peu sauvages, un peu cabotines, un peu coquines, elles broutent une herbe tendre et grasse, toute l’année. Quand le vent du Nord s’installe et souffle sur nos versants, il flotte des parfums de fleurs sauvages qu’on aime identifier à l’herbier de l’enfance retrouvée. L’été, le bourdonnement des insectes en est le plus doux refrain et nos biquettes paissent dans ce paradis bucolique…

Au lait cru, entre nos chèvres et nos maîtres fromagers, la tomme, c’est le gâteau champêtre de dame Nature ; fromage tendre et affinage doux, âcre et sucré, onctueux et ferme, il est un feu d’artifice dans la bouche du profane et la récompense suprême dans celle de l’addict. Quand je rentre dans ma Drôme, je n’oublie jamais de communier avec cette fabuleuse hostie champêtre ; à la fin du repas, un peu de tomme étalée sur un quignon de pain bien craquant, un fond de verre de Crozes l’Hermitage aux reflets groseille, quelques rires et quelques chansons, et c’est l’élévation…

À la première bouchée, il se passe un je ne sais quel miracle d’accordance qui éclaire mon visage d’une divine félicité. Ce fromage incomparable lie le passé, le présent et le futur au mystérieux brouet des sensations souveraines.
Intense dégustation, immanquablement, mes yeux se ferment ; pâquerettes, herbes fraîches, boutons d’or, bleuets éclosent de concert dans ma bouche. Par fromage interposé, intime passeport de mes émotions, je deviens le vent qui caresse nos collines, le rayon de soleil qui réchauffe nos fleurs, les senteurs de miel qui se baladent en liberté. Je voudrais prolonger cette communion, garder ce trésor au fond de mon palais mais je déglutis encore une fois, en accompagnant ces mille saveurs incomparables d’une délectation infinie ; possédées, mes papilles planent au paradis…

Dans tous les restaurants du monde, au plateau des fromages, il faudrait que trône une de nos tommes de chèvre au label drômois ! Du bout de leur couteau, je sais des têtes couronnées qui se resserviraient sans pâlir ; délaissant leur régime, au plaisir de la bonne chère, je sais des artistes de cinéma, et autres vedettes à la mode, qui céderaient à l’envie redoutable de retrouver le goût incomparable de ce fromage !...

À la deuxième bouchée, telle une caresse voluptueuse, au firmament de mes sens, c’est un frisson de bien-être qui m’envahit. Sans passer pour un affamé, je calcule déjà ce qui me reste dans l’assiette et ce que je pourrais reprendre…
Mon grand-père était un modeste berger drômois et il passait le plus clair de son temps au milieu des champs et de ses quelques chèvres. Origines, souvenir, tradition, gènes, tout cela doit courir dans mes veines. Oui, un morceau de tomme entre les doigts, je succombe et je succomberai encore… au péché de gourmandise…

10 commentaires:

  1. J'ai dévoré le "tomme" un de tes souvenirs gourmets ! ];-D

    RépondreSupprimer
  2. vegas sur sarthe6 février 2019 à 13:24

    Tu as l'air bien habité, Pascal. On croirait entendre chanter Ferrat "Tuer la caille ou le perdreau et manger la tomme de chèvre"

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'Ardèche, pays de Jean Ferrat, est juste à côté de la Drôme. ceci explique cela... :)

      Supprimer
  3. C'est un film ou bien un documentaire ... Je ne saurais dire car j'aime les deux. Les images nous envahissent et je découvre la Drôme que je ne connais que peu. ;-)

    RépondreSupprimer
  4. ahhh !!! la tomme des bergers, la Drôme des collines !
    comme ces paysages et ces goûts me manquent, surtout dans ce jour pluvieux de février :(
    merci de me les avoir ravivés par ce texte !

    par contre, j'ai toujours trouvé que certains fromages comme certains vins étaient bien meilleurs savourés sur place, liés à leur terre

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Absolument, nos vins et nos fromages se dégustent mieux dans leur terroir.

      Supprimer
  5. Hymne magnifique à la campagne, à ceux qui y vivent.... et à ceux qui produisent la précieuse tomme !

    RépondreSupprimer
  6. Ce fromage, une encyclopédie des sens, qu'il faudrait dévorer en plusieurs tomes...

    RépondreSupprimer
  7. Mais alors nous sommes voisins ? :-)
    Je comprends mieux ton commentaire chez moi...
     •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".