Une journée mémorable.
Je ne voulais pas tomber dans le lieu commun qui consiste à dire : "moi, à ton âge..." Mais ma petite fille de 10 ans, en vacances chez nous n'arrêtait pas de rabâcher du matin au soir : "mes copines, elles, sont parties à la mer... mes copines, elles, auront plein de trucs à raconter à la rentrée...mes copines, elles, seront toutes bronzées...etc...etc..." Elle en voulait à ses parents parce qu'ils avaient décidé cette année de renoncer à leurs vacances au bord de l'Atlantique pour continuer les travaux dans leur maison en restauration.
Finalement, agacée par ses litanies, je finis par lâcher le fameux "moi, à ton âge..."
Et me voilà partie à raconter mes vacances laborieuses à la ferme de mon enfance : aide aux champs pendant les foins, les moissons, garde du troupeau de vaches...Je pensais bien que la fillette se moquerait de mes souvenirs. Mais, à ma grande surprise, il n'en fut rien. Elle me posait beaucoup de questions sur la ferme et ses activités pendant l'été. J'eus alors l'idée de la conduire à cet écomusée du département voisin que nous avions, mon mari et moi, déjà visité quelques années plus tôt.
Nous décidâmes de nous y rendre lors d'une journée pique-nique avec des amis. Nous fûmes surpris à l'arrivée de constater que les lieux semblaient quelque peu à l'abandon. L'accès au parc largement ouvert. Pas de billetterie. Personne en vue malgré l'heure avancée de la matinée. Nous étions sur le point de partir quand Daniel, notre copain lança : "nous allons quand même entrer. On verra bien."
J'étais déçue car je voulais montrer à ma petite fille tout ce que j'avais connu du monde agricole et artisanal dans les années 60 et qui était, normalement, très bien reconstitué ici. Tous les vieux métiers revivaient grâce au savoir faire de quelques fous passionnés. Aujourd'hui, personne.
Nous déambulions sur le site et je me fis guide pour ma petite fille en lui montrant et expliquant le mieux possible le lavoir, l'abreuvoir, le four à pain...Les hommes marchaient devant et s'étaient arrêtés devant les vieilles machines agricoles et les premiers tracteurs. Puis, nous les perdîmes de vue.
Nous nous dirigions vers une des maisons du musée quand, tout à coup, nous vîmes arriver un groupe et son accompagnateur. Ils allaient droit, eux aussi, vers la même masure. J'aperçus alors mon mari au bas des marches en pierre. Seul. Mais où était donc passé Daniel ?
Nous n'osions pas trop nous mêler aux autres touristes et nous nous faisions discrets quand soudain des exclamations, des cris et des rires éclatèrent dans la chaumière. Mon mari se précipita alors à l'intérieur et nous le suivîmes.
Dans une couche en bois, installée sous l'escalier qui montait au grenier, Daniel était allongé, vêtu de la longue chemise blanche des paysans et coiffé d'un bonnet de laine. Ses pieds étaient posés sur le montant du lit et le guide, bon joueur, s'amusait à le chatouiller. Daniel, qui croyait nous piéger, faisait profil bas. Et nous, bien sûr, devant le cocasse de la situation, nous tordions de rire.
Et le guide de dire : "non, non, monsieur, restez au lit. Vous allez m'aider à illustrer mes explications. Combien mesurez-vous ? Un mètre 90. Très bien. Voyez, mesdames et messieurs, ce lit est étroit et court. Les pieds de notre homme ne peuvent y contenir puisqu'il est très grand. Il suffisait cependant à nos aïeux, plutôt de petite taille ou bien, parce que ceux-ci dormaient assis. Savez-vous pourquoi ? Pour conjurer le mauvais sort. Et la mort. En effet, on allongeait les défunts. Et dormir étendu de tout son long risquait de provoquer la grande faucheuse. Merci monsieur. Nous n'allons pas vous déranger davantage. Bonne sieste."
Chemise blanche et bonnet furent prestement enlevés. Il ne restait plus qu'à retaper le lit, lisser la chemise et tout remettre en place. Et partir...
et bien voilà le plaisantin bien attrapé :)
RépondreSupprimeret la petite d'avoir eu son aperçu des temps d'avant...