mercredi 30 novembre 2016

Vegas sur sarthe - Proverbes et maximes

Peau de banane

Quand je me suis entendu lui dire “Rien ne sert de courir il fallait partir à point”, j'ai compris que quelque chose clochait.
D'accord, j'ai horreur du café froid.
C'est vrai qu'elle ignorait où les choses se trouvaient dans ma cuisine et c'est ce qui me chagrinait à chaque fois que je ramenais une nouvelle conquête la veille à la maison.
Du coup elle est partie très vite – à peine rhabillée – comme toutes les autres.
Je suis sorti du lit en trombe “statistiquement le lit est l'endroit le plus dangereux du monde : 99% des gens y avalent leur bulletin de naissance” me souffla une petite voix que je connaissais bien, la mienne.
Pourtant la veille je m'y étais senti bien vivant à en croire les vocalises de cette... comment s'appelait-elle déjà... jà... “jamais deux sans trois” grinça la petite voix sur l'air d'Il était un petit navire avant de déclamer: “L'avenir appartient à celui qui se lève tôt”
Cette bizarrerie commençait déjà à me courir sur le système.
Pendant que je m'habillais je me souvins avoir eu un pote à la fac qui faisait ça tout le temps...
Maxime, qu'est-ce qu'il était fatigant avec ça, Maxime... toujours un truc à dire!

Au pied de l'immeuble, un crachin glacial acheva de me mettre de mauvaise humeur. “Pluie du matin n'arrête pas le pèlerin” siffla la voix entre mes dents contrariées; j'avançai bouche cousue vers un petit groupe de locataires qui commentaient bruyamment les résultats de la primaire de la droite.
“Ca va bien M'sieur Vegas?”
Qu'est-ce qui m'a pris de leur répondre Tout a une fin, sauf la banane qui en a deux”
Ils m'ont regardé d'un air bizarre, surtout le concierge qui m'a demandé sur un ton soupçonneux “Et c'est qui d'après vous la banane?”
Pas facile de répondre à ça quand on ne connait pas vraiment les idées politiques du concierge de son immeuble.
Cette bizarrerie ne pouvait qu'être l'oeuvre de feu-ma-dernière-conquête, un sort que m'aurait jeté cette énième pourvoyeuse de café froid.
Le crachin avait laissé place à la pluie.
J'ai bredouillé sans trop y croire Un homme qui se noie s'agrippe à l'eau”.

Longtemps après une sirène d'ambulance a retenti. J'ai gueulé “Les sirènes finissent en queue de poisson...”
On m'emportait, on me demandait de dire quelque chose, n'importe quoi... alors j'ai dit ”Il faudrait tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler”
J'ai cru entendre “On va vous soigner” avant de glisser tout à fait.

Où rendre visite à Vegas sur sarthe

mardi 29 novembre 2016

Célestine - Proverbes et maximes

Une histoire banale

Un jour, vous Le rencontrez. C’est Lui, vous le savez. Il est grand, il est beau, il sent bon le sable chaud. Tout nouveau tout beau. Celui-là, il est pour vous, qui se ressemble s’assemble, et comme un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras, le sort en est jeté : vous l’épousez… Il est l’exception qui confirme la règle. Vous êtes jeunes et insouciants. Tout vient à point à qui a su attendre, et aux innocents les mains pleines. Le cercle de famille applaudit à grand bruit.

Il faut que jeunesse se passe, et à deux on est moins seuls. Alors il tourne sept fois sa langue dans votre bouche, abondance de bien ne nuit pas, vous vivez d’amour et d’eau fraîche, ventre affamé n’a point d’oreille, ce que femme veut, Dieu le veut. Il ne dit jamais Fontaine, je ne boirai pas de ton eau.

Petit à petit, l’oiseau fait son nid. A bon chat, bon rat, la famille s’agrandit. Qui veut la fin veut les moyens, il obtient une promotion. Quand le vin est tiré, il faut le boire, et vous croulez sous les crédits. Une hirondelle ne fait pas le printemps, plaie d’argent n’est pas mortelle, mais il dit que vous travaillez trop, c’est l’hôpital qui se moque de la charité.

Ca y est ! Le ver est dans le fruit, qui trop embrasse mal étreint, il ne faut jurer de rien. Vous vouliez voyager loin et ménager votre monture, mais voilà qu’il préfère s’adresser au bon dieu qu’à vos seins. Qui a bu boira et il boit plus que de raison. Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire, mais pourquoi soupire-t-il si fort et pourquoi ne rentre-t-il pas ? Il y loin de la coupe aux lèvres, pas de nouvelles, bonnes nouvelles, vous tentez de vous rassurer, c’est beaucoup de bruit pour rien, à chaque jour suffit sa peine, qui peut le plus peut le moins et ça ira mieux demain.

Mais demain, ça ne va pas mieux, alors l’occasion faisant le larron, qui va à la chasse perd sa place, comme on fait son lit, on se couche, mais ce n’est plus avec l’être aimé. La nuit tous les chats sont gris, loin du cœur et loin des yeux.

C’est œil pour œil et dent pour dent, puisqu’il a jeté le manche après la cognée, un de perdu, dix de retrouvés.

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. Qui sème le vent récolte la tempête. Les grandes douleurs sont muettes, mais on ne vous y reprendra plus. Pleurs qui roulent n’amassent pas mousse. Chat échaudé craint l’eau froide, autant en emporte le vent…Tant est allée la cruche à l’eau qu’à la fin elle a réfléchi : à quelque chose, malheur est bon, une femme avertie en vaut deux et charité bien ordonnée commence par soi-même. Le chat parti, la souris danse…Contentement passe richesse et dans le doute, abstiens-toi.
Mais…il y a toujours un mais.

Un jour, vous en rencontrerez un. Ce sera lui, vous le savez. Il sera grand, il sera beau, il sentira le sable chaud...


Laura Vanel-Coytte - Proverbes et maximes

Noël au balcon

Impossible d’échapper à la météo, le sujet-bateau par excellence
Celui qui ne mange pas de pain, qui ne fâche personne, quoique
Heureusement qu’on ne peut pas choisir chacun sa météo, ma brave dame
Sinon, ce serrait la troisième guerre mondiale, déjà qu’on nous donne
Que des bonnes nouvelles au journal télévisé, un complot, vous dis-je.
On n’a beau y résister, faire l’indifférent, celui que la météo indiffère,
Si on ne parle pas de météo et dictons météorologiques, on s’éloigne des autres
Alors on participe même du bout des lèvres : on acquiesce sans enthousiasme
Aux souvenirs des anciens et des plus jeunes en voie de sénilité précoce
Qui nous dit qu’ils n’ont jamais vu ça une telle douceur en novembre
Et que, c’est sûr, on va le payer plus tard, on aura un hiver rude
Moi, je vous le dis, dans mon enfance, on allait à l’école, dans la neige
Quand il a gelé le matin, les mêmes ont dit que quand même
C’est trop tôt, ces températures négatives, vous ne vous rendez pas compte
Quoique, si ça se trouve, on aura un « Noel au balcon » et là, à « Pâques
Au tison », on regrettera d’avoir mangé dehors un midi de novembre !
Moi, non, je vous assure, je râle aussi parce qu’il faut bien être sociable
Et qu’il faut mieux parler météo que dire du mal de son voisin ou parler politique
Et la religion, ça, ça divise les familles comme de dire qu’on des problèmes
Financiers ; ne dit-on pas que « L’argent est le nerf de la guerre » ; bon j’interprète
A mon gré, j’ai bien le droit aussi d’être de mauvaise foi, « Famille,
Je vous hais » disait le philosophe qui se pâmait devant Fidel Castro, comme
Quoi, « L’erreur est humaine » et qui n’a jamais eu envie de dire « Ferme ta bouche »
Me jette la première pierre, « pierre qui roule, n’amasse pas mousse »
Et s’il pleut, pas trop et la nuit, c’est bon pour certains, on n’aura pas de sécheresse
Comme en 1976, vous n’étiez pas né, on avait payé un impôt, de toute manière
C’est toujours les mêmes qui payent et puis, « c’est déshabiller Pierre
Pour habiller Paul » car la pluie ne va pas aux hôteliers, ni aux touristes
Enfin ceux de maintenant car les premiers, qui faisaient le Grand Tour en Europe
Et poussaient parfois jusqu’en Orient, ne cherchaient guère le Soleil mais la Connaissance
Et ça nous pousse à prendre la bonne résolution pour la prochaine année de ne plus répondre
Aux banalités météorologiques et autres et de dire « Merci » aux larmes du ciel, aux chaudes
Caresses du vrai Orient, celui de Gérard de Nerval, « soleil noir de la Mélancolie heureuse »

Où lire Laura

lundi 28 novembre 2016

Semaine du 28 novembre au 4 décembre 2016 - Proverbes et maximes

Cette semaine vous vous réveillez en découvrant que vous ne parlez qu’en proverbes et maximes.

Racontez avant de retrouver votre élocution coutumière et envoyez-nous votre texte à l'adresse habituelle impromptuslitteraires[at]gmail.com avant dimanche 4 décembre.

dimanche 27 novembre 2016

Stouf - Irma

Madame Irma

Dans mon Imagination par Résonance Magnétique A chaud monsieur IRMA me semblait très zarbi et sa blouse blanche y était pour beaucoup. Il faut dire que je n'avais que treize ans et ce treizième étage de l'institut Gustave Roussy de Villejuif avec tous ces gamins complètement chauves comme moi me sortait quelque-peu par les oreilles.

Même pas mal...non je n'avais mal nul part et pourtant un crabe me mangerait l'estomac si l'on ne faisait rien, selon les prédictions du vieux barbu zoroastrien de la « Médecine ». Bon.

- Dans 37 ans tu seras encore vivant et tu rencontreras la femme de ta vie !
- M'en fous, j'veux sortir d'ici et retrouver mon amoureuse Christine qu'a des mains supers que j'aime avoir dans les miennes, dis-je négligemment.

Chploc ! Sans avoir vu le temps passer je me retrouvais 37 ans plus tard et v'là t-il pas que je vois Christine qui sort de la salle de bain (qu'est-ce qu'elle est belle)...
- Ca va mon amour, t'as l’air tout chose ?

A ben le vieux con de « mes deux seins » avait raison alors ? J'ai retrouvé la femme de ma vie. Y a juste un petit contretemps...je ne l'ai jamais quitter !

mardi 22 novembre 2016

Bricabrac - Irma

Mona Mour

Mona, je l’avais perdue de vue. Nous avions déjà fait le carrousel, le tir à la carabine, la grande roue, le chamboule tout, la maison hantée, les autos tamponneuses et le gyrotour. Nous soufflions un peu. Je regardais ses dents blanches qui mordaient une gaufre, ses cheveux qui moussaient comme de la barbe à papa, et ses grands yeux illuminés par les néons de la foire. Je me sentais sur un tapis volant, tandis que mon cœur faisait des montagnes russes. J’étais sur le point de lui dire que j’avais envie que nous essayions le kamasutra, mais elle me prit la main et m’entraîna en courant dans le Palais des Glaces. Je la vis une dernière fois se multiplier à l’infini dans les miroirs polis, puis ses reflets s’évanouirent. Mona Mour était devenue translucide.

Je sortis désespéré du labyrinthe. Je fis le tour des manèges pour la retrouver. J'allai voir du côté des balançoires, des tasses et des chaises volantes, mais en vain. Elle n’était pas non plus dans la chenille, ni sur la pieuvre ou l’éléphant volant. Je grimpai au star flyer pour tenter de la voir et crus l’apercevoir qui tournait au coin d’un stand. Quand je sortis de la nacelle, j’avais les jambes flageolantes, la tête me tournait et mon cœur battait à tout rompre. Je me lançai à sa poursuite dans les allées poussiéreuses, à un moment il me sembla la revoir, entrant dans un baraquement. Mais lorsque j’y parvins à mon tour, il n’y avait qu’une femme aux épaules blanches dans un tonneau, qui dodelinait de ses deux têtes. Découragé, je m’arrêtai à une buvette pour manger une barquette de frites. Je songeai que je ne retrouverais jamais Mona Mour. Sur mes chances j’étais lucide.

La fête foraine s’était installée sur un mail planté de platanes. Je m’éloignais déjà quand j’aperçus dans la pénombre des arbres la roulotte d’Irma, voyante et diseuse de bonne aventure. Qu’avais-je à perdre, à part ma vertu ? Je frappai à la porte en haut des trois marches. Cela sentait tout à la fois le soufre, l’encens et la fleur d’oranger. Des volutes de gitane serpentaient dans l’air. Je pris la place d’un chat qui ronronnait sur un coussin de serge rouge brodé à l’or. « Retourne à la fête, me dit Irma. Prends un ticket pour le train fantôme, ne prête pas attention aux squelettes. Puis embarque sur le bateau pirate, mais n’écoute pas les sirènes. Ensuite, chevauche un flying scooter et attends. » A peine avais-je mis les gaz que Mona Mour sauta en croupe. « Où étais-tu passé, me dit-elle ? » Irma est extralucide.

Tiniak - Irma

LEVIATHAN BLUES

Il marchait sur les noms qui maudissaient le sien
en rappelant tous ceux qui n'avaient plus d'histoire
Il n'avait qu'un bagage et c'était sa mémoire
et riait comme on pleure, ignoré, dans son coin

Il portait à son cou un lacet sans couleur
et mâchait le coton qui lui bouffait les doigts
les yeux et l'attention qu'il réservait pour toi
le seul qui survivrait à son lot de malheur

Il ployait sous la charge en avançant toujours
sous le knout ou le fouet, l'opprobre ou l'invective
Il voyait dans le ciel une lointaine rive
et chantait, comme on prie un véritable amour

Il est tombé, sans nom, sous les coups d'un idiot
trop laid pour s'attacher une folie heureuse
Mais tu es né(e) de son audace, aventureuse
quelques générations plus tard, de maux en mots

Tu marches, tu le portes, ne ploies, ni ne tombes
aujourd'hui affranchi(e) de tout, sauf du passé
Tu vois le ciel changeant réclamer sa beauté
mais tu lui fais la nique, un géant dans ton ombre

Et c'est beau !
Pas tant le sacrifice ou le chemin de croix
Pas tant tel artifice ou tel mea culpa
Mais le mot...

Celui qui dit ton nom, le mien, le nôtre
sans e(r)go(ts)
"Humain ! Eh, oh ! ?!!
Où qu'est la faute"




Vegas sur sarthe - Irma

Tornado

Une nuit je m'étais réveillé en sursaut alors qu'en bon justicier je sauvais pour la millième fois la veuve et l'orphelin des griffes du sergent Garcia... la routine, quoi.
Je réalisai soudain que ce De la Vega ne pouvait être que de ma famille puisqu'on portait le même nom... mon héros était mon ancêtre et forcément j'étais son héritier!

A la première heure je fonçai chez Irma Ladousse dite Irma qui possédait entre autres dons celui de prédire l'avenir dans les cartes d'un jeu de mille bornes et de voir dans le passé au fond d'un bol de café nauséabond que masquait une omniprésente odeur de soufre.
Certains disaient qu'elle fuyait les chats comme la peste et les repoussait d'une traînée jaunâtre sur le pas de son officine; d'autres racontaient que l'odeur venait de la réputation sulfureuse d'une vie antérieure où elle se serait appelée Zahia et michetonnait dans les alcôves de Sodome et Gomorrhe...
Bref après avoir écouté mon histoire elle me persuada à juste titre qu'en cherchant le cheval, je trouverais le cavalier.
J'ignore comment elle put voir l'animal noir dans sa mixture noire mais elle m'indiqua ce lieu où je ne serais jamais allé le chercher: à la cave!

Il était froid, raide et poussiéreux mais il était bien là comme elle l'avait dit, celui que je chevauchais et que j'éperonnais dans le grand couloir de la maison familiale... je devais avoir huit ans et des poussières aussi.
Son nom rutilait encore en lettres chromées sur la bakélite usée par tant de cavalcades pour rattrouper les moutons sous les lits: notre Tornado !
J'eus beau retourner tout le bric à brac je ne trouvai rien d'autre du cheval que quelques accessoires de l'aspirateur – je devrais dire l'inspirateur – de ma jeunesse.
En remontant de la cave j'ai croisé notre concierge en train de conduire son attelage de poubelles, un certain Garcia!
Sur son tee-shirt moulant bandé par un muscle Kronembourg mâtiné sangria il y avait une initiale tarabiscotée, certains auraient pu y voir un Z.
Je réalisai que j'ignorais le prénom de celui qui gardait l'immeuble depuis plus de vingt ans.
Ça pouvait aussi bien être Zinedine que Zacharias ou... le nom signé de la pointe de l'épée de mon ancêtre surgi hors de la nuit !!
Alors mon héros habitait l'immeuble, partageait mon toit, mon gardien, mes charges locatives?
Je fonçai chez Irma – ça devenait une habitude – et la trouvai en plein orgasme tantrique avec deux clients que je n'osai déranger.
Pourtant j'avais reconnu l'un d'eux, Bernardo mon voisin de palier mais je repartis sur la pointe des pieds, ne voulant pas bousculer leurs chakras.

Le lendemain matin c'est Irma qui m'appela au téléphone :”Bernardo a parlé” me dit-elle avec un accent victorieux plus Sodome que Gomorrhe.

J'étais stupéfait. La séance avait dû être torride pour que Bernardo, muet de naissance se soit exprimé.
“Comment est-ce possible?” demandai-je, sidéré.
“Secret professionnel” me répondit Irma en déveine de confidences.
Je devais savoir : “Mais qu'a t-il dit, Bon Dieu?”
“Je n'ai rien entravé à ses gestes” chuchota t'elle sur le ton du secret “mais j'ai pigé qu'il échange des SMS avec votre héros et que Bernardo lui aurait écrit la dernière fois: Faudrait que tu arrêtes de m'appeler en masqué, c'est chiant”
J'étais déçu, écoeuré.
Il ne me restait plus qu'à cuisiner Garcia. Ce portos allait cracher le morceau ou je ne m'appelais plus Vegas! 

Où voir chevaucher Don Vegas sur sarthe 

Laura Vanel-Coytte - Irma

Après avoir prié Dieu, Jéhovah, Allah, Bouddha
J’étais allé invoquer les dieux romains au Panthéon
Après avoir lu Socrate, Epicure, Empédocle, Platon
Je se suis partie en Grèce pour parler Athéna

La tête pleine de paysages et les yeux remplis de pages
Je ne savais toujours pas comment faire pour réaliser
Le rêve que je faisais depuis mon plus jeune âge
Comment vivre de mon écriture, écrire pour exister

Je rentrais dans l’office d’Irma la douce avec la curiosité
De celle qui croit aux esprits et s’est beaucoup penché
Sur les sciences occultes avec Victor Hugo et Gérard de Nerval
Je m’asseyais en face d’Irma, m’attendant à du paranormal

« Vous écrivez et vous lisez » me dit-elle, en préambule
Elle avait du me voir lire dans sa salle d’attente
« Vous voulez vivre pour écrire et lire pour vivre ?
Venez avec moi » et je me retrouvais au milieu de mes livres

Qui semblaient non seulement étrangement vivants
Comme mes rayonnages au passé et au présent
Il n’y avait pas seulement mon salon, mon bureau, ma bibliothèque
Mais aussi tous les livres perdus et toutes les médiathèques

Que j’avais fréquentées au cours de ma vie : de la Champagne au Maroc
Les livres vivaient parmi leurs paysages sous un ciel baroque
Plus surprenant encore, les personnages de mes lectures
Vivaient et lisaient autour de moi, se livraient même à la luxure

Toute à mon rêve éveillé, j’entendis à peine Irma la douce
Me demander : « Quel personnage de vos lectures
Souhaiterez-vous rencontrer ? Il y a aussi des acteurs
Des personnages de série télé. Vous avez un choix de seigneur. »

La tête m’en tournait de sa voir que je pourrais rencontrer « Alice »
Le personnage de Caroline Quine dans la bibliothèque verte
Que je voyais enquêter là-bas au loin avec sa couverture cartonnée
Ou bien Candy dans son pays où « on s’amuse, on pleure, on rit », assez !

Si je choisissais Marylin Monroe, je voudrais tant savoir la vérité
Sur sa mort, je préférerais une fin rocambolesque à la thèse du suicide
Qui ne donnerait pas une réponse encourageante à la question posée
Par Irma avant que nous partions pour ce voyage au cœur de mes rêves

De livres et de films : j’apercevais Virginia Woolf qui rentrait dans l’eau,
Les poches lourdes et je tentais de courir pour empêcher sa noyade
Mais je butais dans la couverture Rouge et Or des Bons petits diables
Et je me retrouvais par terre au pied d’Elvis Presley chantant Love me tender

Pendant que je marchais parmi tous les livres que j’avais lus
Chez moi, au travail ou en bibliothèque, au cœur de paysages vus
Au cours de ma vie des Hauts de France aux Calanques de Cassis
Je cherchais qui pourrait le mieux répondre à mes questions existentialistes

Le problème est que de livre en livre, de film en film, d’un paysage
A l’autre, loin d’épuiser mes questionnements, d’autres interrogations
Naissaient qui nécessitaient de rencontrer d’autres personnages
Ida me tirait par le bras vers le réel de son office mais sans hésitation

Je continuais à évoluer entre les sublimes couvertures d’Hetzel
Rencontrant Jules Verne entre Nantes et Amiens, fuir le réel
Etait illusoire car le réel était là lorsque Gérard de Nerval
Me tendit une main que je serrais très fort : normal ou paranormal ?

dimanche 20 novembre 2016

Semaine du 21 au 27 novembre 2016 - Irma

Irma, voyante et diseuse de bonne aventure dont l'office exhalait une odeur de soufre, vous a aidé à retrouver l'idole de votre jeunesse (ou le héros de votre enfance), dans un incroyable jeu de piste.

A vous de nous raconter cette folle histoire (en vers ou en prose)


Votre texte devra nous parvenir avant dimanche 27 novembre à minuit, à l'adresse habituelle : impromptuslitteraires[at]gmail.com

vendredi 18 novembre 2016

Célestine - Ascenseur

Ascensumophobie

"Henry avait peur des ascenseurs."
Il avait … comment disait son médecin, déjà ? Une ascensumophobie de type I.
Une difficulté ennuyeuse quand on est garçon d’étage dans un hôte de luxe américain.

Il avait pris l’habitude de se réjouir de monter et dévaler les escaliers toute la journée (même qu’il y en avait vraiment beaucoup dans cet hôtel) et montrait fièrement le galbe de ses mollets d’acier à qui voulait bien s’y arrêter.
Tout en vantant son cœur de jeune homme en béton trempé.

Suzanna, la petite blonde de l’accueil, rêvait secrètement de ce qui devait se passer dans les hauteurs de l’édifice, quand elle était coincée du matin au soir derrière son comptoir et n’avait jamais quitté son rez-de-chaussée. Il lui arrivait de rêver à Henry aussi. Et de passer ses mains sous sa chemise impeccable pour lui décoiffer le torse.
Henry et Suzanna étaient faits l’un pour l’autre mais ils ne le savaient pas. Enfin pas encore.

Or, un soir, vers 21 heures, un cri déchirant fit ce qu’on attendait de lui : il déchira l’air calme du soir. Ce cri provenait de l’ascenseur. La cliente coincée dans le noir ne trouvait plus le bouton pour actionner l’ouverture des portes.

Mus par le même élan altruiste, Henri et Suzanne se ruèrent vers l’ascenseur, l’ouvrirent et se précipitèrent vers la grosse dame allongée qui venait de faire un malaise.
C’est alors que les portes se refermèrent…

- Et alors ? C’est tout ? La suite ? Il l’a embrassée ? Elle a aimé ?
- Je ne sais pas, je vous laisse terminer l’histoire, j’ai trop peur des ascenseurs !

Où lire Célestine

Bricabrac - Ascenseur

Le coup de la panne

Je venais juste d’entrer dans l’ascenseur et d’appuyer sur le bouton du 68e  étage quand mon portable sonna. Le big boss. « Qu’est-ce que vous foutez, Bricabrac ? Il est 9 heures et demie passées. Bon sang, on avait dit 21 heures. »

Courir. Courir toute la journée. Même pendant un séminaire. Même après une journée entière de brainstorming à imaginer des plans d’économie, des restructurations, des relais de croissance, enfermés dans une salle de réunion sinistre avec un paperboard et une machine à café. Courir. Déborder sur l‘horaire puis courir. A peine le temps de repasser à ma chambre pour écouter mes messages, lire mes mails, prendre une douche et me changer. Courir.

« J’arrive, John. Je suis dans l’ascenseur. » « Thomas est avec vous ? Et Charles ? » « Je les récupère au  12e. » « Grouillez, Bricabrac. »

C’est vrai, la consigne était claire : 21 heures, trois personnes, et comme il a pris une suite au dernier étage, l’ascenseur. J’aurais préféré rencontrer le patron seul à seul, j’aurais voulu discuter avec lui primes d’objectifs et stock-options, avant le rush général sur le buffet à volonté dans le restaurant du grand hôtel où se tenait le séminaire, puis la soirée libre et la probable virée au casino. Mais le patron avait dit no. Les deux autres aussi avaient demandé à le voir, alors il nous avait dit de venir ensemble, time is money.

L’ascenseur se mit en route en bringuebalant, après que j’ai appuyé trois fois sur le bouton. J’entendais grincer des poulies et des câbles métalliques. Il flottait un parfum bon marché. La cabine vétuste, de ferraille grise mouchetée de rouille, montait lentement. Les chiffres lumineux indiquant les étages se brouillèrent au 7e  étage, en même temps que se taisait la voix de synthèse qui les annonçait, mais un heurt accompagné d’un bruit sourd continua de signaler leur franchissement.

Jusqu’à ce que, vers le 10e étage si j’ai bien compté, la cabine s’arrêtât avec un soupir de locomotive à vapeur. Une fumée âcre l’envahit et, après un dernier soubresaut, la lumière s’éteignit. Je restai quelques minutes dans le noir, puis, m’éclairant de mon téléphone, je me mis à appuyer sur tous les boutons. En vain. Le bouton d’appel d’urgence me resta dans les mains, au bout d’un fil torsadé.

Je commençais à paniquer quand mon portable sonna. « Mais vous êtes où, à la fin, Bricabrac ? Ça fait vingt minutes que Thomas et Charles sont là. Heureusement qu’ils se sont découragés de vous attendre. » J’entendais des voix, des rires, et le bruit d’une bouteille de champagne qu’on débouche. « Euh, c’est pas de ma faute, je suis désolé, John, je suis coincé dans l’ascenseur, je ne sais pas ce qui se passe. »

Bon. Le patron, qui a le bras long, a organisé le sauvetage depuis sa suite. La maintenance de l’hôtel a fini par arriver. Avec un treuil, ils ont hissé la cabine jusqu’à un palier et m’ont sorti. Je me suis épousseté. Afin que personne d’autre ne se fasse avoir, ils ont accroché une pancarte qui disait : « L’ascenseur social est en panne. »

Je suis monté par l’escalier de service jusqu’au dernier étage, où je suis arrivé épuisé. Le patron et mes deux collègues s’apprêtaient à sortir pour aller en boîte. En me voyant, ils sont partis à rire en se tapant sur le ventre, ils ne pouvaient plus s’arrêter. Je les entendis encore longtemps s’esclaffer, alors qu’ils entraient dans l’ascenseur dont le groom leur tenait la porte : « Ah l’imbécile, il s’est gouré d’ascenseur, ah l’imbécile, il a pris l’ascenseur social. »

jeudi 17 novembre 2016

Lilousoleil - Ascenseur

Ginette rongeait son frein. quel désastre ! Tout était combiné et maintenant... Une heure avant.

Ginette avait bien ouvert le premier bouton de son chemisier en soie sauvage bleu roi qui laissait paraître juste ce qu’il fallait et où il fallait. Elle petite secrétaire du DRH, avait été invitée au forum des entreprises. Peu intéressée par les badauds qui s’agglutinaient devant son stand, elle avait vite repéré que Guillaume, consultant de la boîte avait des arguments autres que professionnels. Cela faisait un bout de temps qu’elle ramait pour le rencontrer alors là elle atteignit la moitié du Nirvana, l’autre moitié consistant…. Depuis quatre jours, elle épiait ses habitudes, guettait ses pas dans les couloirs et ses stations au bar. Quand elle l’avait vu se diriger vers l’ascenseur, elle s’était précipitée pour entrer dans la cabine, abandonnant sa pêche Melba. Las, la cage était minuscule et maintenant, pressée contre la paroi métallique qui lui gelait les fesses, elle luttait pour ne pas frôler ce vieux chameau sentant la sueur mêlée aux effluves d’un déodorant citronné. Encombrée de son sac à main fortement tenait serré contre sur sa poitrine pour cacher l’échancrure du corsage qu’elle avait eu tant de mal à rendre affriolante. Son grand jeu de séduction tournait en eau de boudin.

Cet intrus gâchait tout. Elle avait tant espérer poser se jalon. Elle savait par Lulu, la secrétaire de la compta qu’il était « seul ». Elle avait imaginé un scénario original comme laisser tomber ses clefs, son sac à main, un livre, un mouchoir enfin quelque chose. Elle jeta un œil à sa montre bracelet ; elle en avait un peu honte, elle avait gagné ce bijou en participant à la « Valise de madame RTL ». Pas de chance, pas de valise, ni de voyage ni les mille euros, juste la consolation d’avoir « causé avec Laurent R » et une montre. Nous étions au quatrième. Le chameau grimaçait comme un singe. Il lui restait encore huit étages à monter comme à Guillaume d’ailleurs mais elle avait fort envie de descendre au prochain arrêt. Elle ne serait jamais prête pour le briefing de 21h. C’est alors que l’ascenseur se mit à exécuter un drôle de danse. Il montait et descendait au gré des appels des clients pressés d’aller dîner ; comme la cabine était pleine comme un œuf, personne ne montait. Finalement à sa grande surprise Guillaume sortit de cet enclos. Restée seule avec le vieux chameau, Ginette hésita ; soit elle lui collait une mandale directement soit… Elle pensa à Guillaume, le beau Guillaume allait revenir, tel un chevalier servant, défendant la veuve et l’orphelin. La porte s’ouvrit brusquement ; elle resta bouchée bée. Le sang afflua puis se retira de son visage et elle frissonna malgré la chaleur confinée. Le type venait de sortir.

Pauvre Ginette, il lui fallut une dizaine d’étages pour réaliser qu’elle avait vu, oui vu de ses yeux vu, le vieux chameau grimaçant, embrasser goulûment Guillaume…

Ah non ! ça Ginette ne pouvait l’imaginer…

mercredi 16 novembre 2016

Adrienne - Ascenseur

Quand l'ascenseur s'est arrêté pour Muanza au premier étage, il y avait déjà trois autres personnes dans la cabine, un vieux monsieur et une dame tenant un petit garçon par la main. 
- Regarde, maman! Il est tout noir, le monsieur! 
- Chut, a dit la mère en lançant un regard gêné vers Muanza, qui s'est placé dans un coin après avoir appuyé sur le bouton du 8e. 
Son téléphone a sonné. C'était Rosemund, évidemment.
- Il parle une drôle de langue, le monsieur tout noir, a dit le petit garçon. C'est de l'anglais, ça, maman? 
- Chut, a répété sa mère. Ne dis pas ça, non ce n'est pas de l'anglais. 
Dans l'autre coin, le vieux monsieur rigolait doucement en regardant Muanza, quand tout à coup, après quelques hoquets, l'ascenseur s'est arrêté entre deux étages. 
- Ça y est! s'est exclamé le vieux monsieur. C'est la panne! 
- C'est la faute du monsieur tout noir? a demandé le petit. 
- Chut, non, ne dis pas ça, a soufflé la mère en regardant Muanza avec inquiétude pour la troisième fois. 
Celui-ci tapotait sereinement son clavier pour appeler Atuahene, qu'il les tire de là, quand la lampe s'est éteinte dans la cabine. 
- Je ne veux pas rester dans le noir avec ce monsieur tout noir! a gémi l'enfant. J'ai peur! 
- Ce n'est rien, a dit la mère, tu verras, ça ne va pas durer longtemps. 
- C'est l'affaire de quelques minutes, a renchéri le vieux monsieur. 
L'enfant s'est mis à hurler: 
- C'est la faute au monsieur tout noir! 
L'ascenseur s'est ébranlé, la lampe s'est rallumée. 
- Ouf! a dit Muanza. La dernière fois, on est restés bloqués plus d'un quart d'heure! 
C'est alors que la mère a donné une taloche à son gamin. 
Il n'a jamais compris pourquoi. 

mardi 15 novembre 2016

Jacques - Ascenseur

L'ascenseur
(pièce en une scène)


L'ascenseur : « ding »
La montre du quidam : « bip ! »
L'homme au chapeau : « il est neuf heures »
Le groom : « du soir »
L'homme au chapeau : « vingt et une heures, donc. Si vous préférez »
Le quidam (regardant sa montre) : « vingt et une heures, précises ».
L'homme au chapeau : « plus maintenant »
Le quidam : « certes, si vous êtes d'humeur à pinailler »
L'homme au chapeau : « ce n'était qu'une plaisanterie »
L'ascenseur (ouvrant sa porte) « ding »
Le quidam : « ce n'est pas mon étage ! »
L'homme au chapeau : « ni le mien »
Le groom : « sans doute quelque impatient... »
Le quidam : « ...manquant d'urbanité »
L'homme au chapeau : « un amant débordant d'enthousiasme, peut-être »
Le quidam : « ou un mari jaloux »
L'homme au chapeau : « peu importe. Je ne suis pas pressé. »
Le quidam (avec un soupir agacé) : « oui, peu importe. Enfin... »
Le groom (redémarrant l'ascenseur) : « Eh bien, en route messieurs, hâtons-nous »
Le quidam (avec un tic nerveux) : « merci »
L'homme au chapeau (regardant sa montre) : « »
Le quidam (regardant sa montre) : « »
L'ascenseur : « ding »
Le quidam : « Enfin ! »
Le groom (regardant le couloir) : « Une impatience justifiée, si monsieur me permet »
L'homme au chapeau (ajustant son chapeau) : « Je vous en prie. Rousse ? »
Le groom (refermant l'ascenseur) : « Blonde »
L'homme au chapeau (haussant les épaules) : « Neuf heures une, déjà »
L'ascenseur : Bruit d'ascenseur.
Le groom (bombant le torse) : « Sed fugit interea, fugit inreparabile tempus, singula dum capti circumuectamur amore...»
L'ascenseur : « ding !»

Le temps s'enfuit cependant, il fuit, le temps irréparable, pendant que, saisis par l'amour, nous parcourons chaque point un a un. (Virgile, Georgiques Livre III, 284, traduction Jeanne Dion, Philippe Heuzé et Alain Michel).


lundi 14 novembre 2016

Vegas sur sarthe - Ascenseur

Vapeurs





New York, 23 mars 1857
Enfermés dans une étrange cage avoisinant la demi tonne, trois ascensionautes s'apprêtaient à monter au ciel à la vitesse vertigineuse de 20 centimètres par seconde... du moins était-ce la perception des reporters de presse écrite du New York Times et du New York Post agglutinés au pied de l'hôtel Saint-James.

“A vous l'honneur, très chère... et à votre joli doigt innocent” sussura le ministre en désignant la rangée de boutons nacrés à sa ravissante voisine qui en arborait tout autant sur un corsage amplement rempli.
“J'irais bien au septième si ça vous dérange pas” répondit miss Barbara en rosissant.
“Au Septième ciel! Bien sûr, j'aurais dû deviner” se rengorgea le ministre en esquissant une courbette contrariée par l'étroitesse de la plateforme.
“Euh... c'est que l'hôtel Saint-James ne possède que cinq étages” coupa Phileas, l'ingénieur en chef préposé à la manoeuvre.

“Alors va pour le cinquième” trancha le ministre, déçu de ne pouvoir accéder aux désirs de sa ravissante voisine.
Miss Barbara titilla le cinquième bouton d'un ongle savamment manucuré: « C'est original ce bouton... renflé»
“Ils le sont tous” rétorqua Phileas “c'est le principe même des boutons d'ascenseur: bakélite nacrée sur plaque de bronze et décor en chène”
“C'est que... c'est ma toute première fois” avoua t-elle en rosissant de plus belle “d'ordinaire je bosse au pied des escaliers chez Lord & Taylor”.
Si le racolage au pied des escaliers sur Broadway était des plus lucratifs, miss Barbara entrevoyait dans cette invention un véritable ascenseur social pour l'essor de son petit commerce.

Cabré tel un cheval fougueux, l'équipage se mit à vibrer de toutes parts tandis que la centrale à vapeur s'époumonait dans d'épaisses volutes de fumée.
“Je sens que ça vient” toussa Phileas, rompu aux expériences les plus improbables depuis qu'il était sorti Major de sa promotion à l'Ecole des Mines.
“Croyez-vous qu'on va grimper?” s'inquiéta miss Barbara éprise d'ascension.
“Depuis Archimède, Miss, nous autres scientifiques avons eu le temps d'y travailler” voulut rassurer Phileas.
“Et si ça flanchait quand même et qu'on allait se viander?” poursuivit-elle.
Phileas eut un rire faussement assuré “Ne vous inquiétez pas. Ce serait une excellente occasion d'éprouver nos parachutes”.
“Nos parachutes? Mais je n'ai pas eu droit au parachute, moi” s'écria le ministre.

Phileas décocha un clin d'oeil à miss Barbara :”Imaginez un peu ce parachute: un ressort de charrette au-dessus de la plate-forme du monte-charge et une barre à cliquets fixée aux rails guidant celle-ci. Le câble est attelé au ressort de charrette de sorte que, par son seul poids, la plate-forme exercera un effort suffisant pour l'empêcher de toucher les barres à cliquets et éviter que...”
Blême, le ministre l'interrompit :”Vous êtes certain de la fiabilité de ce... ressort de charrette?”

"Toujours plus vite, toujours plus haut" déclama Phileas, une main sur le coeur et l'autre insidieusement plaquée dans les reins de miss Barbara.
“Comme vous y allez” roucoula t-elle “attendez au moins d'être au cinquième”.
Le ministre s'étant rapproché, miss Barbara se trouva emprisonnée au point d'en perdre le souffle.
Le cinquième bouton ayant été titillé depuis une bonne minute, la cage se décida enfin à prendre de la hauteur dans un chuintement éléphantesque entrecoupé d'inquiétants grincements de poulies à moins qu'il ne se fut agi des glapissements d'effroi de miss Barbara.
Au premier étage elle se pâma.
Au second elle retrouva ses esprits et appela sa mère.
Au troisième – sa mère n'étant pas intervenue – elle songea à sauter mais ses deux compagnons d'infortune se cramponnaient fermement à cette ravissante bouée de sauvetage.
Au quatrième étage soit une minute plus tard l'équipage stoppa net dans deux derniers soupirs... celui de la centrale à vapeur et celui d'un ministre déshonoré.
“J'ai touché un truc qu'y fallait pas?” pleurnicha miss Barbara avant de se pâmer à nouveau.

Les reporters de la presse écrite rapportèrent ceci:
Les grincements de poulie n'ont pas cessé, preuve indéniable qu'ils émanent de l'organe de miss Barbara.
Au pied de l'hôtel Saint-James on craint pour la vie du ministre tandis que Phileas tente de ramener ses compagnons à la vie.
En ce 23 mars 1857, le prénommé Phileas – ingénieur en chef et Major de sa promotion à l'Ecole des Mines – expérimente avec succès et à pleine bouche ce qu'on appellera plus tard la ventilation artificielle décrite dans le Guide médical des familles en 1862.
Le ministre respire à nouveau à pleins poumons. Il est 21 heures. Il est sauvé.

Laura Vanel-Coytte - Ascenseur

Il voulait

Il voulait qu’elle aime ses autres femmes
Elle avait essayé d’être lesbienne avec l’une
Et là, il voulait lui faire essayer le triolisme
Avec lui, elle et une autre de ses femmes.

Avant lui, déjà, l’homosexualité littéraire
L’intéressait, l’excitait même, dans la pratique
Elle l’avait embrassé, caressé mais sans être
Dans l’état où la mettaient certains livres

Avec lui, elle avait développé sa culture artistique
Il l’avait peint et elle avait aimé être son modèle
Habillée, nue et souvent le désir dépassait l’œuvre
Et les entraînait vers des plaisirs plus physiques

Dans l’ascenseur qui les menait vers leur chambre
Il les regardait toutes deux avec concupiscence
L’autre femme était une habituée de cette pratique
Elle sentait la pression monter, plus que le désir pour elle

Elle convoquait le « Journal » d’Anaïs Nin pour se
Motiver, elle revoyait leurs jeux de plaisirs solitaires
A deux pour avoir envie d’elle sur lui et lui avec elle
Elle visualisait des gravures érotiques d’Egon Schiele

Pour se détendre et se dire que pour sa libido, cette expérience
Etait indispensable, sa culture du plaisir serait incomplète
Sans avoir réalisé ses lectures avec une seule main coupable
Cela ne pouvait qu’être mieux que Rodin dans ses meilleures planches

Les chiffres augmentaient en même temps que le désir des deux autres
Sa bouche gourmande à elle plongeait déjà en esprit dans son sexe
Et elle le caressait, lui, d’une autre main, pressante et experte
Ils attendaient d’elle autre chose qu’un discours sur l’art de la caresse.

Elle regarda sa montre, serra son sac où Sade voisinait avec Colette
Elle aimait lire et voir le sexe à deux, trois ou plus, le regard d’un groupe
Même sur son intimité ne l’avait pas répugné ; il était vingt et une heure
A l’étage vingt- un, devant la suite vingt et une de cet hôtel de luxe.

Elle eut le temps de compter jusqu’à vint et une comme elle le
Faisait le soir pour plonger dans le sommeil, une semblable aventure
Où l’abandon pouvait mener à un orgasme extatique
Leurs mains à eux s’affolaient déjà et leurs regards lubriques

La déshabillaient avant même le seuil de la porte
Qui ne s’ouvrait pas assez vite, seuls enfin, deux sexes
Se tournaient vers elle, occupés en même temps l’un à l’autre
Réclamant sa complicité et sa participation, ils ne la virent

Cependant pas, quitter la chambre en courant en larmes
L’ascenseur n’arrivant pas assez vite, elle dévala les étages à pied
Pour se retrouver entre regret et soulagement à l’air libre
A tenter d’oublier ce couple complice et avide d’elle.

dimanche 13 novembre 2016

Semaine du 14 ou 20 novembre 2016 - Ascenseur

L'histoire commence dans l'ascenseur d'un hôtel, à 21 heures, avec trois personnes.
A vous d'imaginer la suite.


Prose ou vers, comme il vous plaira.
Votre texte devra nous parvenir avant dimanche 20 novembre à minuit, à l'adresse habituelle : impromptuslitteraires[at]gmail.com

samedi 12 novembre 2016

Gene M - Lointains

Assise sur un banc, face à la Méditerranée scintillante sous le soleil d'Avril, je rêve.
J'ai 15 ans et une âme romanesque. L'idée de l'au delà des mers me fascine. J'imagine des pays magnifiques où je vivrai des aventures mystérieuses...
Plus tard, pensai-je, je voyagerai loin, très loin. Ce que je fis.

Bien sur, la réalité du vécu efface un peu la magie du rêve et de l'imagination, mais découvrir ces pays lointains et fantasmés ouvre d'autres horizons tout aussi intéressants.

Toutefois, je reste émue jusqu'aux larmes lorsque j'entends Rex Harrison s'adressant à Gene Tierney endormie dans le film "Le fantôme de Mrs Muir"" de Joseph Mankiewicz /

"Ah comme tu aurais aimé le Pacifique et les fjords au soleil de Minuit ! Naviguer parmi les récifs des Barbades où les eaux bleues tournent au vert ! Vers les Falklands où le vent du Sud souffle et fouette les vagues blanches d'écume. Que de choses nous avons perdu, Lucia...."

vendredi 11 novembre 2016

Pascal - Lointains

Les petits riens 

En pleine mer, il y avait des moments incroyables, des moments irréels, de ces moments aussi improbables que mémorables, qu’on ne peut effacer de ses souvenirs même si d’autres se sont entassés par-dessus comme pour les ensevelir par jalousie.

Les naissances des uns, les mariages des autres, tous ces grands bonheurs factuels, prévisibles, somme toute ordinaires dans la vie d’un humain, n’ont aucune incidence sur nos souvenances extraordinaires. Quand on a touché à cette indicible indépendance, celle impalpable du bout de la vague, jusqu’aux confins des océans, s’il on considère qu’être enfermé entre les tôles froides d’un navire puisse disposer à la liberté, ces souvenirs, on ne peut que les choyer, les bercer, les entretenir, les embellir, avec un amour inconditionnel.

Les marins ont l’Imagination que les terriens n’ont pas. Dans notre sillage, c’est plein d’espoir ; il y a les réponses les plus tendres à toutes nos lettres énamourées ; il y a les figures géométriques d’un futur auréolé de gloire, de fortune, d’Amour, d’ambition et de réussite ; il y a des sensations mirobolantes courant à fleur d’eau et qui prospèrent sans jamais se noyer ; il y a des visages souriants qui n’ont de cesse de nous appeler par notre prénom…

Quand, le matin, allant au petit déjeuner, on remontait la coursive centrale et que les parfums des brioches du dimanche venaient titiller nos narines ; quand, au stade d’étanchéité qui laissait les portes ouvertes, on appréciait le spectacle éblouissant de notre avancée sur la mer ; quand, en marchant sur le pont, on avait cette sensation étrange d’aller plus vite que le bateau ; quand, pendant nos ronds dans l’eau, surgissaient des chimères insaisissables, habillées d’étoffe d’écume bourgeonnante, aux reflets caraïbes et aux impressions d’abysses insondables…

Avant de reprendre le quart, cette cigarette fumée à la va-vite devant le compartiment et jetée d’une pichenette rebelle par-dessus bord ; et ces repas améliorés, avec une simple canette de bière sur le plateau, pour festoyer et trinquer entre potes de la même bordée. Et ces lettres enflammées qu’on écrivait au coin de sa bannette, avec cette écriture plus penchée que la gîte du navire, et ces interminables parties de tarot dans l‘avant-poste, nos accents régionaux à la même table pour priser, pousser ou garder, et les courses de cafards entre chaussettes sales d’élecs et de mécanos, et ces arpèges mélodieux déclinés au fond du poste, la musique d’un magnétophone rabâchant des solos de Pink Floyd, ces éclats de rire comme des fracas de vitre, et ces vagues soupçonneuses venant nous questionner quand, pris d’ivresse solitaire, on s’isolait sur le pont…

Et la descente au trou, le nombre de tours des lignes d’arbres supposé au courant d’air du TVC, les sourires des collègues tout contents de voir arriver la relève, et nous demandant le menu de la caf comme seul futur heureux ; et l’eau chaude dans les douches, et le PQ dans les chiottes, et le courrier lancé à la volée dans l’avant-poste par le vago, comme des oiseaux appelés à notre main levée ; et le parfum soufré des cheminées aux changements d’allure, celui des mouvements de mazout dans les coursives, de l’étoupe imbibée d’huile, des champignons dans les vols au vent, du fer à repasser courant sur nos blancs…

Et le goût de l’océan sur nos lèvres, celui du café partagé dans le poste, du pain frais à la caf, du timbre qu’on lèche sur l’enveloppe, du dentifrice du collègue, du pinard dans la timbale, de l’américaine détaxée…

Et la mer, tantôt bleue, tantôt verte, tantôt grise, tantôt rugissante, tantôt berçante, défilant par le hublot, obsédante, furieuse, lascive, arrogante, seul fil conducteur entre le passé et le futur dans un présent illusoire ; et toutes ces damnées tempêtes, pour ainsi dire « rapprochantes », celles qui nous questionnaient quant à nos croyances, celles qui nous faisaient croire en Dieu, celui du baptême, celui enroulé autour de notre cou et qui dansait Saint Guy sur sa croix ; et en communion privée, ce pain qu’on rompait à pleines mains, cette boîte de conserve qui partageait naturellement ses sardines, cette canette qui passait de bouche en bouche, et cette Gauloise bleue qu’on coupait en deux, ou qui jouait les calumets entre nos doigts affamés, et toutes ces valeurs de fraternité qui scellaient l’Amitié éternelle…

Toutes ces petites choses, ces petits riens, étaient notre quotidien fabuleux ; c’est pour cela qu’ils sont mémorables. Tous ces plans de comète qu’on a tirés en admirant les étoiles, toutes ces figures astrales qu’on traduisait avec nos desseins fous et qu’on pliait pour les cacher dans notre poche.

Ces couchers de soleil tant de fois admirés de la plage arrière ! Phébus se jetant à la mer avec les éclaboussures d’un roi magnanime jetant ses pièces d’or à tout l’horizon ; ces limbes de nuages colorés comme seules guirlandes scintillantes à la fête du crépuscule ; la nuit féerique, bercée par le ronronnement des hélices ; le petit matin, l’aube insouciante, défenestrant la nuit avec des nouvelles couleurs sensationnelles, celles-là même qui s’imprimaient en relief pendant nos contemplations de petits voyeurs du bout du monde ; ces jours de grisaille où la mer, le ciel et le bateau mêlaient leur peinture dans le même tableau…

La terre d’Amérique, la terre d’Afrique, la terre d’Asie, où seule notre tenue de taf faisait office de passeport. Ces escales de feu, ces yeux bleus, ces feux d’artifices vomis en riant dans les caniveaux, ces serments d’une nuit jetés en pâture à des belles sirènes en faction, ces cartes postales en filigrane pour se consoler des êtres chers ; ces cuites dans la basse ville, celles qui ne devaient rien à personne ; celles, grandioses, juste pour le plaisir de brouiller les étoiles quand on pissait dans la darse, celles qui nous faisaient grandir et vieillir plus vite que l’aube assassine…

Un marin, c’est fragile quand il ne navigue pas. En dehors de son élément, il est comme un poisson hors de l’eau ; ses soupirs sont sa respiration, ses mirages sont des flagrances d’horizon, ses heures de quart sont des tête-à-tête avec sa passion. Les réalités sont tellement désastreuses ; elles sont plus perfides que les tempêtes les plus violentes.

Nos désirs étaient des évidences et cela nous poursuit encore aujourd’hui. L’arrogance et l’inconscience étaient multipliées par mille ! C’était normal, puisqu’on ne connaissait rien aux choses de la terre ! Plus que la distance, c’est le dépaysement sidéral qui m’a fait prendre conscience de l’Amour que j’avais pour les miens et mon pays de France. La Marine m’a appris à rêver ; c’est vrai, sur la mer, on n’a plus les pieds sur terre… Tout cela, c’est indélébile, c’est gravé dans ma peau, bien plus profond qu’un tatouage tribal. On était connectés à l’Univers et la vibration du navire sur l’eau était notre message d’avenir pressant, lancé à la postérité…

En pleine mer, il y avait des moments incroyables…

Jacques - Lointains

"And then with a little shudder the elf became quite still, and his eyes were nothing more than great glassy orbs, sprinkled with light from the stars they could not see."

Toujours, j'ai rêvé les rives du Nord. Les dunes, les oyats, le sable chassé par le vent qui gifle le visage.
Donnez moi le Lavandou, et je vous l'échange contre Berk.
Pour moi, natif des berges du Lacydon, élevé aux gerbes d'embruns du Golfe du Lyon sous le bleu éclatant du ciel lavé par le Mistral, m'asseoir sur un banc face à ces ondulations sablonneuses à perte de vue où jouent les marées est le comble du plaisir maritime.
Il pourrait m'être difficile de justifier cette fascination pour ce repoussoir absolu quand les stéréotypes de mes origines n'attendent la vague qu'au-dessus de vingt cinq degrés celsius et font du "Nord" – prononcé avec emphase et une once de terreur mal contenue dans la voix – le neuvième cercle de l'Enfer, mais la Littérature, qui mérite sa majuscule, vole à mon secours.
Mais voilà, il y a le charme de ces constructions biogéomorphologiques, cet équilibre délicat de l'eau, du vent, du soleil, de toute une cohorte de plantes luttant pied à pied contre le sable. Et puis, surtout, toute la littérature qui s'est approprié les infinis côtiers.
A moi, les épopées marines dans les mers septentrionales, la route du Nord Ouest, récits épiques des Terre-neuvas, que plus tard ont enrichi les chroniques d'expédition Viking des Sagas d'Islande, et Pierre Loti donc ! Et Thor Heyerdahl !

Jusqu'à l'incipit de ce texte, quand l'Elfe libre Dobby expire dans les bras de Harry Potter, sur une dune sablonneuse, je m'évade du récit et j'imagine au loin l'habitat néolithique de Skara Brae, le Broch de Gurness, derrière la lande battue par le vent de l'arctique, le formidable Gunnar Hámundarson assis sur un banc anachronique devant une pierre tombale à l'épitaphe maladroite.
Je me vois marcher sur une plage ou l'écume de la marée a laissé des festons de glace, et les draperies ionisées d'une aurore boréale viendront clore la scène de mes rêves d'exotisme loin des oliviers, certes, mais nés entre des pages, toujours.

Bricabrac - Lointains

Des lointains qui se rapprochent

Le premier jour, j’y allai les mains dans les poches. Il avait plu pendant la nuit. Des gouttes brillaient sur les feuilles des oyats. Je m’assis sur le banc face à la mer. Au-delà d’une frange d’œillets des dunes et de lavande de mer commençait la plage. Un ballon multicolore, une pelle jaune, un seau avec le dessin d’une étoile de mer, un paquet de gâteaux vide, étaient abandonnés sur le sable, où scintillaient des cristaux de quartz. Des enfants creusaient les douves d’un château. Des petites filles ramassaient des galets et des coquillages pour le décorer. Un petit garçon tenait des roses pimprenelles dans ses poings serrés. Une mouette rieuse picorait des miettes de biscuits.

Le lendemain, j’avais pris mes jumelles. Il était tombé une ondée au renversement de la marée. J’essuyai le banc avec mon mouchoir. Un cormoran séchait ses ailes sur un rocher. Des tournepierres à collier et des pluviers argentés couraient sur la laisse de mer. Une méduse était échouée, l’ombrelle comme un ballon crevé. Les surfeurs avaient planté leurs planches dans le sable et scrutaient la mer, guettant la vague du siècle comme on attend le grand amour.

Hier, j’ai emporté ma longue-vue. Le vent avait déposé des paquets d’écume sur le banc. La tempête de la nuit avait fait se lever la houle. Au large, des océanites volaient au raz des vagues. Les puffins filaient sur les crêtes. Autour d’un chalutier que secouait l’océan, une nuée de mouettes de Sabine dansait. Les fous de Bassan tombaient comme des pierres du ciel plombé et plongeaient dans la mer qui broyait du noir. J’aperçus un vol de sternes qui faisaient le tour de la terre, voyageant entre deux étés.

J’y suis retourné aujourd’hui avec mon transistor. Une planche s’étant défaite, deux clous rouillés hérissaient le banc à un bout. Le temps était devenu franchement mauvais depuis la veille. J’écoutai les nouvelles d’Amérique. Des bourrasques de neige étaient arrivées de Staten Island et le blizzard amassait des congères dans la 5e avenue, où l’on entendait crisser les pneus des Cadillac. A l’Oyster Bar de Grand Central, circulaient des plateaux d’huîtres chaudes au champagne. Mais dans les rues alentour, où mugissaient les sirènes des voitures de police, des femmes affolées, des cireurs de chaussures et les vendeurs ambulants de hot-dogs, tirant leurs chariots métalliques, s’enfuyaient vers le Bronx et Harlem.