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samedi 6 mai 2017

Arpenteur d'étoiles - La loge

Dimitria et Partito

Partito était de taille modeste. Eut-il été de race équine qu’il eut été considéré double poney, le gabarit demi-cheval n’existant pas ou sinon peut-être en termes de boucherie, activité que par ailleurs il réprouvait. Admettons, pour simplifier la compréhension de cette histoire comme la description scrupuleuse de Partito : il mesurait environ un mètre soixante non pas au garrot, mais au sommet de son crâne. Crâne qu’il avait copieusement garni de cheveux noirs, assez mal arrangés, lui donnant l’air d’un balai brosse. Noir de poils et mat de peau, Partito était en revanche doté d’une certaine prestance due vraisemblablement à un léger embonpoint et à ses costumes invariablement bleus marine. Son visage, sans signes particuliers en dehors d’une fine moustache quotidiennement huilée, était animé d’un tic consistant à cligner l’œil droit quand il rencontrait un homme et l’œil gauche, mais avec une fréquence plus élevée, quand il croisait une femme ou une jeune fille. Croiser un couple lui était quasiment insupportable.

Sa mère était concierge dans un immeuble de grand standing. Elle vivait dans un petit appartement au rez-de-chaussée de classe, mais calfeutrée dans sa loge elle priait en vain tous les matins afin que son fils grandisse un peu. Elle était belle, des cheveux flavescents entre blonds et clairs. Elle était aussi musicienne et avait quelques écolières de l’immeuble qui apprenaient chez elle le chant. Une fois par an elle faisait avant les vacances, un chorège qui lui apportait un peu d’argent. Elle se nommait Dimitria, née à Athènes ; son mari était aztèque. Son fils alors adolescent l’avait surpris à califourchon sur son père. Il avait refermé la porte de leur chambre et avait regardé la télé. Sa mère était descendue dans le salon, et un peu ambigüe, elle lui avait dit que leur chambre était un sanctuaire et qu’il n’avait pas le droit d’y entrer. Partito n’avait rien dit et tout était rentré dans l’ordre.
Le trait principal du caractère de Partito était sa fierté. Il était fier de lui, simplement, de sa culture immense ou du moins la jugeait-il ainsi, de ses costumes bien ajustés, de sa moustache si fine, mais par dessus tout, il était fier de son appartenance à un groupe ethnique fort ancien, les Pipils. Ses ancêtres descendaient de Usulatán, petite province de l’ouest du Salvador, bordurière du Pacifique. Du plus loin qu’il put remonter, car les recherches généalogiques constituaient son seul hobby, on retrouvait trace de sa famille dès le quatorzième siècle. Il éprouva un bonheur sans limite lorsqu’il découvrit que le Nathuatl, sa langue paternelle était celle des Aztèques, et qu’elle était encore parlée aujourd’hui par les élites mexicaines. Une ascendance légendaire, une élégance naturelle à peine dépréciée par ses tics qu’il arrivait de mieux en mieux à maîtriser, un poste convoité de gardien de nuit chef au siège d'une multinationale, Partito avait tout pour être parfaitement heureux. Et pourtant ...
Une ombre le suivait sans cesse et parfois même se posait lourdement sur son épaule : son patronyme. Partito se nommait Primonxien. Or, en Nathuatl, Primonxien se prononce Primonchien … Et depuis qu’il était entré dans sa fonction (certes enviée) de gardien de nuit chef, il était en proie aux lazzis et aux quolibets de ses subalternes, par ailleurs infiniment plus costauds que lui. Alors le chef "parti tôt, pris mon chien", devenait au gré de leur fantaisie "parti tard pris mon clébard", "parti où pris mon toutou", "parti seul pris mon épagneul", "parti à Pâques pris mon braque", "parti dehors pris mon labrador", "parti chez moi pris mon pékinois" voire même "parti aux gogues pris mon bouledogue" qui l’avait mis dans une colère folle.
Partito se lamentait et enrageait de ne pouvoir les corriger comme ils le méritaient. Mais si son intellect valait largement tous les leurs réunis, sa force physique dépassait tout juste celle d’un bébé chihuahua, et il subodorait que cela fut insuffisant. Alors, il traînait comme un boulet ce nom de famille, déchiré entre le désir maintes fois effleuré d’en changer et l’honneur inaliénable d’une lignée ancestrale d’Aztèques qui avaient tout de même commandé le monde.
Et puis un soir qu’il se rendait à son travail, il croisa une jeune fille menue, coiffée de ce qu’il crut être un ravissant chapeau de paille, mais qui n’était en fait que sa chevelure blonde, abondante et assez rebelle. Son œil gauche ne broncha pas, pas mieux que le droit, et il osa l’aborder. Elle lui parla avec douceur. Il remarqua à peine le léger frémissement de son sourcil gauche. Ce soir-là, Partito se fit porter pâle et passa le plus merveilleux moment de sa vie. Elle était d’une très noble famille française remontant aux croisés ("pas aux fenêtres", avait-elle dit en rosissant, "aux croisés ... de Jérusalem"), les Aymar de Monchat et se prénommait Jeanne.

On les maria dans la cathédrale en présence de chevaliers en armure et d'Aztèques dûment emplumés venus spécialement d’Amérique centrale. Ils accolèrent leurs deux noms. Les Primonxien-Aymar-de-Montchat forment depuis une famille végétarienne, respectée et respectable, quoiqu’un peu originale aux dires des mauvaises langues de la paroisse. Dimitria était aux anges de ce mariage, son père également. Ils avaient divorcés quelques années auparavant, mais se retrouvaient le dimanche à l’église avec compagne et compagnon … Leur vie était belle !!

jeudi 4 mai 2017

Marité - La loge

Le petit monde de Rachel

Calfeutrée dans sa loge, la concierge priait en vain chaque mercredi soir pour qu'Albert, le locataire du second, ne rentre pas pompette. Pas ce soir, se disait-elle. Surtout pas ce soir. Elle ne voulait pas perdre une miette du débat entre le p'tit jeunot et la donzelle aux dents pointues - ce qui lui donnait un sourire carnassier - et aux cheveux flavescents. Elle aimait bien utiliser ce mot qu'elle trouvait joli depuis que Madame Meyer, la prof de Français du troisième étage l'avait prononcé devant elle. Elle avait cherché la définition et l'orthographe dans son Larousse, l'avait noté sur son carnet. Ben oui. Rachel aimait les mots et chaque fois qu'elle faisait une découverte, elle inscrivait soigneusement sa trouvaille dans son répertoire. Elle écoutait religieusement Madame Meyer. Même quand celle-ci parlait de la pluie et du beau temps. Rachel l'admirait beaucoup. Vous pensez : une prof de Français ! Elle en savait des choses, Madame Meyer et, n'est-ce pas, ce n'est pas parce qu'on est concierge que l'on n'aime pas la littérature.

Mais, revenons à Albert, un des jumeaux du second. Ils vivaient, lui et son frère, dans l'appartement de leurs parents décédés depuis belle lurette. D'ailleurs, Rachel ne les avait pas connus. Gentils, Albert et Maurice. Tous deux célibataires. Et retraités depuis peu de la Retape comme ils disaient. Il ne fallait pas les brancher sur leur ancien boulot : ils étaient intarissables sur les lignes de métro, les stations et avaient toujours une anecdote à raconter.

Maurice ne sortait pas beaucoup. Juste pour faire le marché et les courses. Albert, au contraire, suivait tous les matches de rugby du CABCL quand ils se déroulaient dans la ville et s'autorisait parfois un déplacement pour soutenir son équipe. Il rentrait le cœur en joie et la semelle titubante quand "ses petits" comme il les nommait en copiant le défunt Roger Couderc, avaient gagné.
Il rentrait en beuglant l'Internationale ou "Tiens, voilà la Coloniale", grimpait au premier comme il pouvait, et à califourchon sur la rampe d'escalier, redescendait en trombe. Juste quand Rachel, devant sa télé regardait Ben et Arnaud chez Drucker. Elle les adorait, ces deux-là. Allez donc savoir pourquoi ! Peut-être à cause de leur chien en peluche ? Maurice lui gâchait sa soirée, voilà tout. Aussi était-elle contente quand le CAB perdait. Au moins, elle avait la paix.

Le mercredi, Albert passait l'après-midi au café de la gare à jouer à la belote avec ses potes. Surtout, à vider les canons de rouge. Le patron avait l'habitude : quand Albert était dans l'incapacité de mettre un pied devant l'autre, il téléphonait à Maurice. Celui-ci allait chercher son frère et avait bien du mal à le conduire à l'étage. Le frangin, plein comme une outre, stationnait devant la loge, frappait, déclamait des mots d'amour à Rachel qui ne pipait mot et restait enfermée.

C'était toujours la même chose : le lendemain, penaud, Albert lui présentait ses excuses et elle ne pouvait pas lui en vouloir. Il lui achetait des fleurs parfois ou lui portait une part de gâteau, la pâtisserie étant l'une de ses passions. Les échaudés à l'anis était sa spécialité et Rachel en raffolait.
Toutes ces attentions faisaient dire à Adeline Pichon du premier étage : "Rachel, vous ne trouvez pas ambigu le comportement d'Albert ? Moi, je pense qu'il est amoureux de vous et qu'il n'ose pas se déclarer. Vous savez bien : in vino veritas."

Rachel haussait les épaules et assurait à Adeline Pichon qu'il n'en était rien. Elle soupçonnait d'ailleurs cette dernière d'être un peu jalouse. Elle l'avait vue maintes fois dévorer des yeux les deux célibataires. Ce pouvait être de bons partis et comme elle se plaignait toujours de ne pas joindre les deux bouts avec son salaire de misère…
Rachel aimait bien tout son petit monde. A part les escapades alcoolisées d'Albert, le calme régnait dans l'immeuble. Elle s'occupait tranquillement du ménage, distribuait le courrier, rendait service quand elle le pouvait. Son temps libre ? Elle le passait à la bibliothèque de la ville ou dans les librairies. Elle adorait lire et ne pouvait résister parfois à se faire un petit plaisir : acheter un ou deux ouvrages dont elle appréciait les auteurs.

Mais ce que personne ne savait, le jardin secret de la concierge, c'était son adhésion à l'association Chorège. Rachel y pratiquait la danse classique et c'était là son plus grand bonheur. Mais elle n'en parlait jamais.

mercredi 3 mai 2017

Laura Vanel-Coytte - La loge

Calfeutrée

Calfeutrée dedans sa loge, la concierge priait en vain pour que ce rêve
Ne s'arrête pas ; elle qui dormait si mal et craignait que ses yeux se ferment
La nuit ou le jour, aurait voulu que ses yeux ne s'ouvrent plus car ce rêve...
Le paysage flavescent qui lui rappelait un champ de blé non celui peint par Corot [1]
Mais ceux de Van Gogh [2], d'un jaune flamboyant, une couleur qui ensoleille le paysage.
"Les moissonneurs" de Brueghel [3] n'étaient pas encore passés dans ce paysage
Où la concierge ne faisait pas "La sieste [4]" comme les paysans de Van Gogh.
Dans son rêve paysagé, la concierge était à califourchon sur le chorège
Qui présidait le spectacle dont le décor était le paysage-tournesol et où son rôle
Ne semblait pas ambigu : loin de se sentir gênée par sa position plutôt érotique,
La concierge se sentit envahie d'une douce chaleur humide alors que sa loge
Apparaissait à ses yeux ouverts; pour une fois, elle souhaita sur rendormir pour ce rêve-paysage érotique.

[1] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2017/05/03/champ-de-ble-dans-le-morvan-camille-corot-5939788.html
[2] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2017/05/03/le-champ-de-ble-5939789.html
[3] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2017/05/03/pierre-bruegel-l-ancien-les-moissonneurs-5939792.html
[4] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2017/05/03/la-sieste-vincent-van-gogh-5939794.html

mardi 2 mai 2017

Stouf - La loge

La loge de tati Danielle
ma tata bignole de Paris

Madame Fumeron notre institutrice on l'appelait Tamalou à cause de son teint de peau flavescent, ses jérémiades incessantes et sa propension à se plaindre incessamment de tout et de rien. Telle un chorège et ses liturgies maladiesques, elle nous gonflait dès le début du court avec toutes ses plaintes ambiguës concernant sa rate qui se dilatait de façon permanente ou son foi qui n'était pas droit. Je pense que c'est à partir de ces années là que j'ai aimé écouter du blues américain auquel je ne comprenais absolument que pouick mais dont la musique triste me détendait les nerfs.

Tout à coup elle se mettait à califourchon sur une chaise devant le tableau noir et nous haranguait, telle Lénine le vindicatif bolchévique (ouais … elle était communiste en plus, ce qui n'arrangeait rien ).

- Bande de jeunes puceaux de la vie, se mettait elle à éructer avec son odeur de bouche tout à fait désagréable ( ses problèmes de foi très certainement ), mais vous allez quand vous mettre à travailler à l'école … laissez moi vous affirmer que vous êtes nuls et que ça risque de durer si vous n'y mettez pas du vôtre.
Il faut bien avouer que pour ma part ça me foutait légèrement le bourdon mais j'ai jamais vraiment réussis à m'y mettre … au bossage des courts .
Après y avait la sonnerie et la sortie de cette prison ( mon royaume à moi le gosse liseur de Gilbert Cesbron ) et puis le goûter chez Tati Danielle mon amie la bignole de la rue de Tournon en face du sénat.
C'est simple, Danielle je la trouvais toujours calfeutrée dedans sa loge, la concierge priait en vain.

Elle priait Krishna, bouddha ou Jésus Christ, ça dépendait de son humeur. Ancienne dresseuse de lions à Médrano elle avait aussi fait une tournée mondiale grâce à une chanson très connue encore « Mon cul c'est pas les miches à Bardot, tout nu il est bien plus rigolo » et elle fumait un peu trop d'herbes que lui livrait Adil le gars sympathique et africain noir qui ramassait les poubelles derrière le camion poubelles dans sa rue le lundi matin.
D'un seul coup elle chantait avec Charles Aznavour dans le poste, la loge sentait bon le lilas de son parfum sur elle et aussi l'herbe d'Afrique, je buvais un chocolat Banania et c'était assez merveilleux à vrai dire. Après elle regardait mes devoirs du jour ou je n'avais encore rien écrit et puis elle parlait fort pour m'expliquer les trucs que me demandait madame Fumerons et les autres profs.

Danielle fut une sacrée intellectuelle, d'après son frère Max, elle était Physicienne quantique, certainement dans la coiffure et le chant … où un truc comme cela. Avant d'aller dans la résistance contre des gens qu'on appelait les nazis.

Le max faisait lui aussi partie d'une loge et il était maçon mais son air pas trop franc lorsqu'il avait bu du whisky écossais ne me laissait pas vraiment certain de ce qu'il me disait. Alors je préférais lorsque c'était Danielle qui me parlait de sa loge des « droits humains » parce que c'était mixte.

Elle m'a initié un jour avec plein d'autre gens et depuis ( depuis qu'elle est morte et enterrée au Père Lachaise, pas loin d'Edith Piaf ) je continu son histoire dans une obédience que je tiendrais pour moi … au cas où la Lepen serait élue par les gens qui ne se souviennent plus du passé ;o)

Jak - La loge

Ya pas de sots métiers

Sans ressources depuis longtemps, Irène, septuagénaire, avait accepté sans ambiguïté ce nouveau travail. D’autant plus qu’elle n’était pas à califourchon sur des idées fixes de métiers à exercer : elle était prête à accepter un emploi de n’importe quel chorège de la place, pourvu qu’il lui fournisse les subsides pour vivre.
Et cette fonction restait dans ses cordes, avant son AVC elle pratiquait quelque peu déjà en amateur dans sa cuisine.
Maintenant bien remise, sans séquelles, du moins apparentes, elle était sortie du gouffre où elle avait été plongée il y a 4 ans.

Elle se présenta au 10 du boulevard Montmartre.
Un portier efflanqué, le regard vitreux, l’haleine pestilentielle lui demandât sa carte d’identité.
Obnubilée par l’aspect insolite de ce gardien du temple arborant une crinière folle, aux cheveux d’or flavescents, noués en queue de cheval, elle fut très troublée, et ne pouvait trouver ses papiers, dans le fouillis de son sac.
L’homme bougon la tança avec une voix étrangement féminine :
Alors Mémée on se presse !
Indignée, elle jetât à la tête de ce malotru ses certificats enfin dégotés.
Le gardien la laissa passer après avoir informé par bigophone la concierge sa présence sur les lieux.
Celle-ci peu amène arriva pour la prendre en charge.
Elle fut introduite dans une salle immense de ce musée où l’on pouvait voir des Expositions permanentes et temporaires.

La responsable du lieu, sans sourire, lui remit en mains un plumeau, et lui expliqua qu’elle devrait épousseter toutes les mises en scènes de cinéma qui avaient été si bien reconstituées. Elle devait commencer, par la fameuse scène mythique où l’on voit,

Jean Gabin dire à Michèle Morgan « T’as de beaux yeux tu sais »

Irène mis du cœur à l’ouvrage, elle voulait garder la place qui en plus de subsides, lui permettrait de voir de belles choses.
Et calfeutrée dedans sa loge, la concierge priait en vain pour que cette énième femme de ménage ne fasse pas l’affaire, car elle avait promis de pistonner sa nièce pour cet emploi.

Où lire Jak

lundi 1 mai 2017

Andiamo - La loge

Quand Chauguise  le célèbre commissaire du 36, entra dans la loge de la bignole du 12 de la rue des petites écuries, dans le X ièmle arrondissement, elle était justement en train de se les curer ses écuries, assise à califourchon sur une chaise sans âge, dont le cannage follement épris d'indépendance pendouillait lamentablement entre les énormes jambons qui lui servaient de cuisses. Ses gros doigts boudinés fourrageaient consciencieusement dans chacune de ses narines.

- Arrête ta perquisition,tu vas t'arracher une gobille, lâcha laconiquement le commissaire devant ce tableau affligeant.

Calfeutrée dans sa loge  la concierge priait en vain depuis matines, implorant le ciel, à grands coups  de "Pater Nestor" et autres "Lavez Maria" comme elle disait, sa supplique n'était pas ambiguë, toujours la même litanie : "Mon Dieu faites que ce soye pas mon Célestin"...

Ses cheveux gras lui collaient aux joues, le merlan du coin lui avait fait une teinte pour la rajeunir  : "Flavie Flament" avait il déclaré, je pense qu'il avait dit  flavescent, mais à force de lichtronner, sûr que la bignole n'avait plus les portugaises en face des tympans, et entravait lapuche !

- Dites voir Sissi impératrice, demanda Chauguise s'adressant à elle, au juste, c'est pourquoi le coup de biniou que vous nous avez adressé tout à l'heure ?
- C'est rapport à mon Célestin, mon mari, y z'ont monté un collège avec des locataires, et tous les après midi y s'réunissent au troisième depuis qu'il est à la retraite des chemins d'fer, y poussent la goualante jusqu'à pas d'heure, ça en fait un raffut, d'autant qui y'a de plus en plus de monde, qui vient dans c'te collège.
- Dites voir votre Célestin, ce serait pas plutôt une sorte de chorège ?
- Qu'est ce j'en sais moi mon commissaire ? Le fait est qu'à six plombes du mat' j'ai entendu un de ces bruit ! comme une chute M'sieur l'commissaire, j'vous jure... Alors depuis je prie pour que ce soye pas mon Célestin qu'ai fait une mauvaise culbute... Moi j'ose pas y aller vous m'comprenez ?
- Se tournant vers son jeune adjoint Crafougnard, Le commissaire Chauguise lui dit :
- Toi Dugland grimpe au troisième, et fais toi ouvrir la lourde, verstehen ?
-  Oui commissaire.

En moins de temps qu'il en faut à un manouche pour te faire les poches, Crafougnard est devant la lourde du troisième gauche.
- Police... ouvrez !

La porte s’entrebâille, et là devant un Crafougnard interloqué, une vingtaine de mecs et de gisquettes complètement à poil !

Crafougnard redescend sourire aux lèvres, pousse la lourde de la loge, puis sur un ton goguenard dit en regardant Chauguise droit dans les yeux : Ils sont en train de répéter la chanson de Bézu :  "à la queue leu leu " !

Bricabrac - La loge

Mauvaise pioche

Quand je sortis de prison, où j’avais passé trois tours, je vis la vie en rose, et je flânai, heureux, sur le boulevard de la Villette. Ensuite, longeant l’immeuble illuminé de la compagnie d’électricité, je me rendis à la gare de Lyon par l’avenue de Neuilly et la rue de Paradis, et quand le feu fut à l’orange, j’arrivai avenue Mozart, où je m’assis sur un banc.

Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que, pendant mon court séjour en prison, un chorège avait racheté plusieurs maisons de l’avenue. Il n’eut aucun scrupule à me réclamer un loyer, afin, me dit-il, de subvenir aux frais d’entretien de son chœur lyrique. Je m’en acquittai avec mauvaise humeur et, préférant ne pas m’attarder, j’enfilai le boulevard Saint-Michel et me dirigeai vers la place Pigalle. Passant devant un bar aux lumières tamisées, j’aperçus une belle rousse, installée au comptoir à califourchon sur un tabouret, m’envoyer un clin d’œil qui n’avait rien d’ambigu.


« Tu rêves, dit ma sœur. C’est ton tour. On joue pas aux dames.
- Oh, excuse-moi, fis-je en lançant les dés. »

Je sautai par-dessus les quartiers rouges et j’évitai la gare du Nord, poursuivant mon chemin jusqu’à ces rues qui forment ce qu’on appelle le triangle d’or. J’y possède, au-delà du faubourg Saint-Honoré et de la place de la Bourse, juste après la façade blanche de la compagnie de distribution des eaux, un petit hôtel particulier rue Lafayette, acheté, en des temps meilleurs, à l’occasion d’une erreur de la banque en ma faveur. À chaque tour, j’espère que ma sœur va s’arrêter, ce qui me permettrait de lever l’hypothèque de la rue de Belleville, mais elle prend chaque fois un malin plaisir à me narguer, filant directement jusqu’à l’avenue de Breteuil, plantée de platanes à l’écorce flavescente.

J’entrai sous le porche. Il y régnait un grand désordre. Des sacs de ciment traînaient sur le tapis, des pelles et des pioches étaient appuyées contre le marbre. Dans la cour gisaient des échafaudages et des planches grises, une benne à gravats trônait. Je frappai à la porte de la gardienne. Calfeutrée dedans sa loge, la concierge priait en vain le chef de chantier pour que les ouvriers fassent moins de bruit et de poussière, et qu’au moins il donne l’ordre de protéger d’une bâche les boules de cuivre de l’escalier, qu’elle avait astiquées le matin même. Sans un mot, elle me tendit une carte de chance, sur laquelle je lus : « Faîtes des réparations dans toutes vos maisons ». Suivait le devis, exorbitant.

Le plus cruel fut que j’aperçus ma sœur au loin, sortant de la rue de la Paix. Avant de pénétrer dans la banque qui se trouve sur la case départ, elle se retourna dans ma direction et ricana. Elle devrait savoir, depuis le temps, que, sans être mauvais joueur, je déteste perdre
.

Vegas sur sarthe - La loge

La guerre de Troie

Depuis que son mari avait été élu chorège par décision du Conseil municipal pour le concours de tragédie grecque d’Issy-les-Moulineaux, madame Dugenou la concierge ne vivait plus ou plutôt elle vivait à l’heure d’Eschyle et de Thémistocle soit quinze bons siècles d’écart.
Je l’avais baptisée madame Dugenou car c’est dans cette position ambiguë que je l’avais toujours croisée pour ne pas dire enjambée dans l’escalier en partant à mon travail.
Dans son bel enthousiasme et par souci du détail le mari l’avait obligée à chausser des cothurnes ce qui lui faisait une belle jambe pour passer la serpillière!
Car un va-et-vient incessant d’artistes amateurs et de va-nu-pieds animait l’immeuble du rez-de-chaussée jusqu‘au “ciel“, le dernier étage où s’entraînait la troupe composée à la hâte.
Par le judas de sa loge Madame Dugenou crut reconnaître tour à tour les serveurs du Café de la Paix, un contrôleur du RER, un chargé de clientèle de l‘agence Picsou, le bedeau de la paroisse saint Benoît et même une besogneuse du quai Stalingrad à la crinière flavescente et au décolleté bien rempli.


Calfeutrée dedans sa loge, la concierge priait en vain pour que cesse ce marathon de satyres beuglants et de bacchante dépoitraillée. Son mari ne l’appelait-il pas maintenant Hélène dans ses nuits au sommeil agité ?
Elle l’aurait bien envoyé se faire voir chez les grecs mais Monsieur Dugenou était devenu intouchable au propre comme au figuré, il avait pris la grosse tête: c’est qu‘il montait la guerre de Troyes, et non pas la guerre de Troie car ses origines champenoises venaient de ressurgir sous la forme de bouffées d’orgueil qui lui donnaient le teint rubicond et l’oeil pétillant du créateur investi d’une haute mission.

Dorénavant le Maître ne portait plus que socquettes Olympe et slips Athéna.
Pour monter une telle tragédie, monsieur Dugenou se perchait dès le matin à califourchon sur une haute chaise d’arbitre empruntée au club de tennis voisin; de son perchoir il dirigeait sa troupe hétéroclite au rythme désordonné d’un absentéisme sauvage et au gré des vocations contrariées…


Dans l’escalier qui mène à la gloire, la belle Hélène – j’appris plus tard qu’elle se prénommait Raymonde – chaussée de ses cothurnes s’échinait de plus belle.

“Je vois bien que nous ne sommes, nous tous qui vivons ici, rien de plus que des fantômes ou que des ombres légères“ déclamait celui-là même dont elle décrottait les traces boueuses sur les marches.

“La parure des femmes, femme, c'est le silence“ clamait un autre quand elle se retenait de crier “Essuyez vos pieds, Bon Dieu!“.

Et dire que la copropriété unanime avait rejeté toute idée d’un ascenseur!

Un acteur peu scrupuleux osa même : “Un jour suffit pour faire monter ou descendre toutes les fortunes humaines“ sous les applaudissements de la troupe conquise

C’en était trop!
Monter ou descendre… telle n’était plus la question, elle fit son choix.
Raymonde Dugenou dite Hélène quitta sur le champ ses cothurnes pour des chaussures plus adaptées à la fuite et apposa ce petit mot sur la loge – non sans avoir hésité sur l’accent circonflexe – à l’attention de son mari:

Je quitte Issy pour Pâris.
Adieu

La guerre de Troie était officiellement déclarée.
Monsieur Dugenou chercha vainement Hélène pendant huit ans dans le 16ième rue Giraudoux où ils avaient vécu autrefois…
Pourquoi diable quitter ici pour Paris? Il cherche encore la réponse

Semaine du 1 au 7 mai 2017 : La loge


Après nous avoir décrit comment vous aimez l’amour, voici un tout autre exercice puisque vous devrez utiliser les 4 mots suivants: flavescent, califourchon, ambigu(ë), chorège ainsi que la phrase : Calfeutrée dedans sa loge, la concierge priait en vain  en les plaçant à l’endroit qu’il vous plaira dans votre texte.
Merci souligner ou mettre en gras les 4 mots et la phrase imposés.

Votre texte devra nous parvenir avant dimanche 7 mai à minuit à l’adresse habituelle impromptuslitteraires[at]gmail.com