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jeudi 23 mai 2019

Landrynne - Flânerie

Accrochées amoureusement au vieux moulin privé d'ailes,
Des cascades de fleurs, comme autant de ritournelles.
Des notes de couleurs, des parfums, à la faveur du soleil,
Bourdonnant gentiment du chant tranquille des abeilles.


À son pied, des iris en écume mauve, coulant jusqu'au chemin,
Celui longeant la rivière à l'éclat sublime dans le petit matin..
Une immense roue couverte d'algues caresse le courant,
lui imprimant la saveur de la vallée et de ses champs.


Loin là bas, le lit de la fileuse se jette dans la mer,
rejoignant gaiement l'agitation d'un tout autre univers,
par delà le grand phare surplombant les falaises,
libérant dans ses alluvions des histoires et de la glaise.

mercredi 24 avril 2019

Landrynne - La dernière séance

Face à la petite fontaine sur la place pavée, ses murs délavés, sa porte de verre abîmée... Vraiment, il ne payait pas de mine.
C'était une petite bâtisse à l'angle d'une courte ruelle et d'une petite place, perdue au milieu du centre ville. Sans les trois grandes affiches collées au mur, personne ne se serait douté que c'était un cinéma de quartier.

J'étais passée par hasard devant lors d'une promenade. Le tout nouveau gérant distribuait des tracts, sans grand succès apparemment, mais gardait un sourire avenant. Il avait l'air jeune et sympathique, un brin rêveur. J'ai tout de suite senti que je lui souhaitais bonne chance. Alors j'ai fait ce que je ne faisais jamais. Quand il s'est approché pour me parler, j'ai pris le papier tendu, et j'ai même "discuté" un peu avec lui. J'ai promis de répandre la nouvelle, d'y revenir, et même d'y amener des amis. Naturellement, je l'ai fait - je tiens toujours parole.
À compter de ce jour, ce petit cinéma s'intégra dans mon adolescence. Et celle de bien d'autres d'ailleurs, l'opiniâtreté du jeune homme avait payé. Bien que personne n'ait misé sur son rêve, le petit cinéma se fit une place indéniable dans le coeur des citadins, et devint rapidement un point de rendez-vous incontournable.
Il a vu naître mes premières "sorties entre filles", m'a vue dévorer mon premier "pop-corn", dégoter mon premier "poster". Il a été témoin de larmes, de fous-rires, parfois mal placés par rapport au film, et d'évènements en tous genres.
Comme un traquenard mémorable, orchestré par une amie qui m'avait prise comme chaperon lors d'un rendez-vous avec un garçon, et n'est jamais venue nous rejoindre. Un garçon incroyablement imbu de lui. Un film de deux heures et demi. La séance la plus longue de toute ma vie.
Un cinéma qui m'a en quelque sorte vu grandir, à chaque visite, de plus en plus espacée.

Des années que je n'y étais plus allée.
Il était resté dans sa ville, ville que j'avais quittée. Cela avait un peu le goût d'inachevé.
Alors en passant dans le coin, un jour, j'y suis retournée.

La main de mon homme dans la mienne, nous marchions en rythme, sur les pavés luisant de gouttes de ciel éploré. J'avais tellement changé.. mais le bâtiment, lui, n'avait pas bougé.
Quel film étais-je venue voir ? Je ne m'en souviens pas, mais c'était mon "au revoir". Mon adieu au cinéma de mon adolescence. Notre dernière séance.

mardi 2 avril 2019

Landrynne - Curieux évènements

Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en un temps reculé, à l'orée d'un balcon d'étudiante.

Depuis le poste d'observation en pierre, la vue était dégagée sur un petit îlot de terre qui allait ce jour-là être en proie à une étrange succession d’événements.

Alors que l'atmosphère prenait des airs marins à l'heure du déjeuner, le vent pris le parti de déloger manu-militari une feuille ayant résisté à la saison précédente. La feuille morte, effondrée, alla jouer les jonques au milieu des quelques jonquilles, alignées comme des quilles sur le carré de verdure, dur dur.
Dans la foulée, un bataillon de fourmis en colonne cria à l'abordage et alla s'emparer du navire d'infortune. Ne soyons pas apocrites, ce fut une victoire trop facile. Les ouvrières pirates guettèrent les autres faces de l'île...
Non loin sur le petit continent vert, un essaim d'abeilles comme un escadron d'alouettes se mit en tête de partir à la conquête d'un contingent de primevères pour se venger de l'hiver. Elles semblaient bien décidées à ensuite explorer ces terres..

Un chat-pitaine de gouttière bullant à la frontière, observait cette effervescence. Il se dit alors qu'une guerre pourrait bien éclater le privant de sa sieste en paix. Fédérer tout ce petit monde garantirait le calme, et pour cela, quoi de mieux qu'un chat-foin pour prendre la main en douceur ? Il serait ainsi en mesure de se dorer la pilule au soleil, confortablement allongé dans l'herbe. Ni une ni deux, il alla parlementer avec les fourmis...
Il n'eut pas le temps de finir son coup d'état des lieux.

Au milieu de ces manœuvres, un chien-flou déboula en trombe dans une traînée grise comme un char d'assaut, et sonna la charge. Pris d'une panique major, le chat-perlipopette déserta sans demander son reste là où nul crocs ne pouvaient l'atteindre. Il escalada le mur avec l'énergie du désespoir, les nerfs giflés par le stress post-traumatique de cette expérience éprouvante.

Tout ceci amena le chat-d'oc à se précipiter sur le balcon de l'étudiante, avant de se ruer à l'intérieur et d'investir le dessous du lit. A l'abri, bien que son hôte tenta par plusieurs fois de le déloger gentiment, il finit par reprendre du poil de la bête. Il eut alors une idée au poil, il n'était pas si bête : au diable l'achat du carré d'herbe à chat. Ce matou-là en guise de toit lui plus davantage. C'aurait été à fendre le cœur chat-viré. Après quelques pourparlers et minou-deries, le chat-p'ardeur eut gain de cause et fut autorisé à emménager.

Chatisfait de sa colocataire mate-l'eau, il ne hissa plus les voiles, bien qu'entre lit et rambarde, il se mit à régulièrement naviguer.
Ainsi le balcon accueillit à sa margelle un nouveau chat-pitre.

lundi 4 mars 2019

Landrynne - Plaisirs minuscules

Les plaisirs minuscules, ce sont mes éternels,
ceux qui font qu'on agrandit sa bulle, et qu'on se sent pousser des ailes.
Ils sont partout, pour peu qu'on ouvre son coeur,
Et mis bout à bout, ils sont le chemin du bonheur.

Depuis quelques années, j'ai des plaisirs minuscules préférés. Ceux que ta présence et la vie m'offrent dès le petit matin... une accumulation de petits moments parfaits.

Deviner un rai de lumière me caressant la joue, et sa chaleur timide tentant de contrer le frais de la pièce.
Apprécier le chaud et doux cocon de la couette, sachant que dehors le jour se lève. Ouvrir les yeux, et te voir, encore paisiblement endormi à mes côtés. Me coller contre toi et savourer ta respiration tranquille.
Entendre au dehors les oiseaux déjà debout, et attendre paresseusement les quelques minutes qui nous séparent du réveil...

Soudain la musique, et tes sourcils qui se froncent un peu, c'est si mignon.
Guetter le moment où tes paupières vont dévoiler tes yeux d'océan. Plonger dedans, des étoiles au coeur, et chaque fois se dire la même chose "c'est toi que je choisis, encore aujourd'hui". Te murmurer "Bonjour, mon amour".
Voir un sourire se dessiner et éclairer ton visage qui s'approche de moi. Avec tendresse, goûter tes lèvres offertes, saveur sérénité.

Frémir le temps d'un courant d'air quand tu déplaces la couette, puis s'abandonner à l'étreinte de tes bras presque brûlants. Ecouter tes gestes me dire ce que ta voix ne dit pas toujours, et en réponse, te murmurer en esprit : "je t'aime".

Rester là dans la beauté de l'instant, respirant au rythme des battements de ton coeur, le mien à l'unisson.

Le temps nous rattrape, la sonnerie retentit à nouveau, et commence doucement la course d'une nouvelle journée déjà pleine de charmes. Chacun de son côté, jusqu'au soir où, pour un peu plus de temps ensemble à partager, je sais que je te retrouverai.


Où lire Landrynne

mardi 26 février 2019

Landrynne - Escape game


Il vivait une vie morne et isolée dans un univers sombre, et froid comme le néant.
Blasé, du monde il ne voulait plus rien savoir, ni rien voir, à l'abri bien au flou.
Son âme d'enfant évaporée, ses pas d'adulte suivaient les ombres machinalement.
Dans l'existence comme emprisonné, il luttait seulement pour ne pas devenir fou.
La porte de son coeur était fermée à clé. À double tour, c'est plus prudent.


Mais la vie, elle, a bien plus de tours encore dans son sac élégant.
Comme par magie, elle lui glissa un jour sur le nez des lunettes, l'obligeant à voir,
Les pavés de la rue, le crépi gris des murs, le ciel bleu et nu, et puis les gens.
Et c'est sur une nymphe fière, radieuse et légère, qu'il posa son regard,
Une rousse astucieuse, avec dans la poche de l'âme, un morceau de fer blanc..


Leurs yeux se croisèrent dans le tumulte ambiant, figeant leurs pas et le temps.
En un rayonnant sourire, elle fit du monde entier vibrer les couleurs,
Et en quelques paroles à peine, tourna la clé de leurs coeurs gentiment..
Alors main dans la main, libres, ils commencèrent l'aventure du bonheur,
Sourires aux lèvres, portes et yeux grands ouverts, comme deux enfants.


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mercredi 13 février 2019

Landrynne - Au Chili

Chère Amalia, illustre inconnue,
toi que sur une photographie, telle un tableau, j'ai aperçue. Nous ne nous connaissons pas. Nous ne nous sommes même jamais vues, et ne nous verrons sans doute jamais. Je ne sais de toi que ton nom et ton image, insolite et hypnotique, qui gambade nonchalamment sur la toile...
J'aurais aimé te rencontrer lorsque tu étais dans la fleur de l'âge, au sommet de ta gloire.
J'aurais aimé de mes yeux, contempler l'impavide bleu pétrifié de ta pèlerine. M'émerveiller devant les reflets lumineux sur ta peau d'albâtre. Admirer les dentelles de soie gelée sur ta chevelure. Sentir le souffle de ta froidure qui empli l'atmosphère quand vient le soir...

Il aurait fallu pour cela, m'armer de courage et de patience, et d'un brin d'impudence, pour gagner ton pudique royaume de silence.
J'aurais traversé les océans, dompté de capricieux courants, de sinueux torrents, j'aurais perturbé d'autres flots plus tranquilles, pour me rendre jusqu'à ton reculé domicile.

Je serais arrivée enfin, comme dans son bateau l'aventurier marin, en vue de ta magistrale silhouette sur la rive, et j'imagine que tout se serait figé dans un instant d'indicible poésie. Offerte à la brise légère, ta robe savamment crénelée se serait détachée du décor et du ciel pour plonger au creux de ma mémoire, y peignant une aquarelle jolie.
Je sais que d'autres parmi mes navigateurs amis, plus profanes ou plus hardis, seraient allés jusqu'à toi, irrésistible beauté pâle, jusqu'à caresser de leurs mains curieuses ton coton glacé disposé en rempart...
Je ne sais pas si j'aurais, comme eux, osé fouler de ma présence ton inaccessible manteau immaculé. Je pense plutôt qu'à distance respectueuse, je n'aurais provoqué la rencontre que de nos regards.
Sans doute aurais-je poussé l'audace jusqu'à te prendre en photo, en souvenir du long chemin tortueux parcouru pour arriver jusqu'à toi, et de l'émoi inaltérable que ton image aurait gravé en moi.

Les bleus de nos âmes se seraient croisés, et connus, peut-être même reconnus. Nous aurions discuté en silence du temps qui passe et de la vie. Des cycles que tu as contemplés, de ceux que l'on ne verra jamais. Jusqu'au bout de la nuit. Et jusqu'à l'heure bleue.
Entre ma froideur apparente et ta splendeur glaciale, nous nous serions entendues toi et moi, j'en suis sûre. Bien que j'eusse certainement été la seule de nous deux à être subjuguée, figée d'admiration devant toi, sublime majesté, éclatante au jour telle un diamant pur.
Du haut de ton charme enivrant, avec ton ébouriffée crinière couronnée de glace, tu aurais continué à toiser l'océan.
Chaque jour tu le regardes alors que lentement, mais sûrement, ton éternité se fane peu à peu, inexorablement. Ouvrage cruel et des hommes et du temps.

La vie, chaque jour, gagne du terrain sur tes parcelles austères qu'elle n'aurait jamais du souiller, érodant et colorant le pastel de tes formes si fières. Ton corps s'étiole, petit à petit, tu t'effondres. Paradoxalement, plus la vie avance en ton sein, et plus tu te meurs...
Un jour les épis de ta chevelure auront tous disparu, ne laissant que ta moraine à nu, à force d'usure. Pour combien de temps encore tes reflets d'azur au soleil exposeras tu ?
Pardonne-moi, chère Amalia. Je ne peux rien pour toi, rien de plus que ce que je fais déjà, à l'autre bout du monde.
Je n'admets pas pourtant, tout comme ton coeur, que doucement mes rêves fondent.

Alors je vais continuer à faire de mon mieux, et à rêver, même en sachant que c'est utopiste un peu.
Rêver qu'un miracle rendra l'humanité à la raison et au désir de préserver notre monde à toutes deux.
Rêver de la reconquête de ton immortalité, afin qu'à jamais mon imaginaire et certains yeux aient la chance de se nourrir de ta vue d'immense glacier bleu.

Belle Amalia, adieu.
Landrynne.

/NB/ Amalia est le nom d'un glacier de la cordières des Andes, au Chili.

vendredi 1 février 2019

Landrynne - Vie de château !


Ce jour là, nous piétinions dans les salles d'un château parcouru de centaines de visiteurs. Le brouhaha des touristes m'empêchait d'entendre le guide, alors que j'avais déjà bien du mal à m'intéresser à l'année de construction du balcon et au style des vantaux.

Je te voyais boire ses paroles, un sourire ravi sur les lèvres. Tu aimes apprendre, écouter les histoires. Ta curiosité de tout est incroyable. Je crois que c'est l'une des choses qui m'a le plus plu à notre rencontre.

Mais aujourd'hui, je te laisse seul à ta curiosité. Le discours inarticulé et précieux de notre hôte m'a perdue. Je me laisse petit à petit distancer, flânant dans les lieux soudains vidés.

Le brouhaha devient bourdonnement, et les échos en dessinent une autre pièce. Libérée des mouvements sans logiques de la foule, elle a une toute autre dimension, et j'en perçois enfin les détails. La fêlure de cette porcelaine exposée, ses crénelures finement ouvragées, le pli du drap sur le lit jamais défait, la couverture aux motifs ciselés. Cette entaille naturelle sur le meuble en noyer massif, les preuves évidentes du passage du temps. Le morceaux de peinture qui est tombé du plafond, aux couleurs délavées...

Dans ma tête, l'histoire se reconstruit, la pendule remonte. C'est comme appliquer un filtre sur une image, pour lui rendre son éclat d'origine.

Enfin la pièce me parle, et mon esprit à son écoute se remet en marche. Les images se révèlent, comme tout droit sorties des songes, évanescentes. Une femme diaphane s'apprête avec enthousiasme devant la coiffeuse, ses longues boucles châtains caressant la dentelle de sa toilette.
Sur son regard trônent de longs cils noirs qui papillonnent légèrement. Ses mains raffinées, aux doigts si délicats, effectuent chaque geste avec une féminité étudiée.
Elle lève les yeux, et se regarde dans le miroir brisé. Elle se voit certainement en entier à l'époque mais moi, en cet instant, je vois des dizaines de femme, sous différents angles, de différentes tailles, chacune dans son morceau d'éclat. Les voilà qui rient soudain : la femme est satisfaite de son apparence. Je pourrais presque entendre son rire cristallin. Les brisures s'effacent alors, et son visage émacié me fait un unique clin d’œil.


La voici qui se lève pour se mirer davantage. Elle tourne, guillerette, faisant jouer ses volants de tissu. Elle est prête. Devant la porte, je la vois inspirer longuement, avant de poser la main sur la clenche. Le port altier, la tête droite, elle s'avance brumeuse vers la pièce suivante. Sans réfléchir je la suis, comme une enfant épiant une princesse. Je découvre les pièces suivantes avec émerveillement, tandis qu'elles prennent vie sous mes yeux ébahis.

Je vois des flammes à chaque bougie, des plateaux richement garnis de fruits sur les tables, des vases fleuris sur les commodes. J'entends un air de piano dans les couloirs, et les tableaux ont repris leurs teintes d'autrefois.
Elle traverse le tout lentement, avisant à peine la beauté des lieux. On la croirait se retenant de courir. Je ne prends pas la peine de visualiser les ombres qui s'affairent de ci de là, j'avance au même rythme que l'élancée coquette.


Quand enfin elle s'arrête, nous sommes dans une salle de réception. La table est dressée, pleine de victuailles, et la cheminée flamboie. Aux murs des draperies imposantes ajoutent à la cordialité de l'endroit. Des chaises astucieusement travaillées proposent leur moelleuse assise à un bout de la table, ce pendant que sur les côtés, des bancs plus austères donnent l'avantage à la commodité plus qu'au confort. Cet immense tableau n'est qu'une partie du décor, indéniablement le plus chaleureux.
Mais la femme le délaisse pour un autre espace. Ici, sous un majestueux lustre de cristal, se tient un homme élégant qui l'accueille d'une profonde et admirative révérence. Je n'ai que le temps de noter son allure, et sa tenue peut-être quelque peu anachronique mais si distinguée, mon esprit en effervescence les fait se mettre tous deux à danser.


Une joie non feinte leur fait esquisser une valse légère, leur reflet lumineux sur les carreaux gelés. J'ai devant l'écran de mon esprit un tableau de Renoir qui s'anime pour moi.

J'ai l'impression de voir la douceur à son plus pur état, et de goûter par procuration au bonheur de ces deux là. Je revois ton sourire lorsque nous dansions, toi et moi, et j'ignore qui est l'écho de qui, du souvenir ou de la fiction.

Le moment d'après, dans une étrange translation, je deviens cette femme, si gracieuse, et c'est moi qui danse avec le toi d'un autre temps. La musique résonne sous la charpente, à la fois puissante et charmante, et nos pas enjoués ne font plus qu'effleurer le sol. Qu'importe leur partition quand le cœur tout à coup chante la passion. Ma main dans la tienne, nous nous serrons avec ardeur, les notes comme autant de mots que nous ne laissons pas s'échapper. Nos yeux écrivent les discours que le reste déroule en entrechats de velours, et le temps suspens son vol.

Il est infini le ballet de nos corps enchantés, drapés de soie brodée, éclairés de bougies et de l'âtre rougie. Les flammes accompagnent notre chorégraphie, la lumière soulignant la moindre cabriole, l'ombre soustrayant nos enjambées frivoles au regard des badauds.

Alors que doucement, la mélodie s'estompe et les pas ralentissent, le jour s'infiltre par une porte latérale, la cohue dans son sillage.
Je suis de retour au présent, je ne sais plus trop où, et le groupe suivant prend possession des lieux. Je te cherche alors du regard, inquiète un instant, puis te repère rapidement, dans le coin d'une alcôve. Tu me regardes en souriant, inondé de lumière.


Alors que je te rejoins, je te prends la main, et je t'interroge : "Désolée, je t'avais perdu. Tu m'attendais depuis longtemps ?"
Dès que tu avais vu que je ne suivais plus, tu étais revenu me chercher. C'est alors que tu m'as vue comme un somnambule déambuler dans les chambres du château, puis arrivés ici, tu m'as vue m'extasier devant le vide, et tu t'étais écarté pour m'observer.
"Pourquoi ?" te demandais-je alors.

Avant de m'embrasser, ta paume sur ma joue, en un murmure tu m'as soufflé :
"Tu dansais."