mercredi 30 mai 2018

Lilousoleil - Toutes les mamas


Quand la guerre éclata, Eugénie avait 18 ans. A cette époque, elle travaillait depuis peu comme sténodactylo dans un cabinet d’avocats important de la région Lyonnaise. Elle avait rêvé de suivre des études, elle adorait lire, préférait parfois se priver de manger que de se priver de lire. Les circonstances de la vie ne l’avaient pas permis. Tout en aidant sa mère qui faisait des ménages pour vivre, elle avait obtenu son certificat et fait une année de collège ; ensuite elle avait dû se résoudre au cours du soir pour faire une formation de sténodactylo. Elle avait complété sa formation en apprenant la sténotypie ce qui lui permettait de faire quelques vacations aux audiences du tribunal de Lyon. La valeur n’attend pas le nombre des années !
Elle avait aussi entreprit de transcrire en sténo la thèse d’un jeune avocat, Hugo, et le tapait à la machine le soir. Elle avait un fiancé Maurice qui travaillait chez un joaillier et tout était programmé pour un mariage. Bref une vie simple.
La guerre ! Quelle horreur criait sa mère ! Pétain nous sortira bien de cette monstruosité. Si ton père était-là, il penserait comme moi répétait-elle à l’envi. Elle oubliait qu’il était mort depuis dix ans et que son opinion n’avait guère d’importance.
La capitulation ! Un cauchemar ! Ligne de démarcation ! Occupation ! Exode ! Mort de Maurice…
A l’étude ce n’était que discussions ; les pros Pétain, les septiques, les autres. Le discours du Général De Gaulle sonna aux oreilles d’Eugénie comme un coup de tonnerre. Avec ses quelques amies, elles parlaient souvent le soir de rejoindre l’Angleterre mais comment ?
La vie continuait difficile. Les privations, les tickets d’alimentation, de rationnement, les files d’attente pour s’approvisionner, le marché noir. La débrouille en somme ! Sa mère détricotait des pulls pour en faire des « neufs ». La voisine couturière retournait des vieux manteaux. Le troc s’était développé, la solidarité mais aussi la méfiance la prudence. Chaque parole devait être pesée car une autre guerre s’était déclarée, plus sournoise.
1942  Lyon jusque là en Zone libre fut à son tour occupée. On vit l’hôtel de ville occupé puis la kommandantur installée et on vit alors débarqué un certain Klaus Barbie.
Un jour qu’Eugénie était partie faire des courses, elle se trouva mêlée à un groupe de manifestants ; la police chargea ; Elle fut arrêtée mis en prison.
Elle fit appeler Hugo qui plaida avec force et courage le manque de preuves. Eugénie fut condamnée à deux mois de prison. Lorsqu’elle fut relâchée, elle reprit son travail à l’étude. Mais rien ne fut comme avant.
Un soir alors qu’elle était restée pour taper quelques paragraphes de la thèse d’Hugo, elle entendit des crachouillements, des grésillements dans la pièce d’à coté. Pensant être seule, elle s’inquiéta et fébrilement ouvrit la porte. Elle vit d’abord un poste de radio sur le bureau de son patron, puis celui-ci devant qui essayait de régler une station et Hugo derrière qui bricolait les prises électriques.
c’est alors que tout naturellement elle s’assit avec eux. Ils l’accueillirent sans un mot et écoutèrent radio Londres. C’est ce soir-là qu’elle s’engagea dans la résistance avec Hugo comme soutien. Eugénie devint Madeleine et agent de liaison.
En 1943, Jean Moulin fut arrêté mais avant lui une jeune femme nommée Oursonne agent de liaison ; Madeleine la remplaça et ne dut son salut qu’à un retard imprévu.
Madeleine suivit son chemin. De jeune fille bien sage, elle devint une militante de la cause des femmes, elle devint communiste. Elle eut deux enfants qu’elle sacrifia à la vie politique et quand sa fille lui demanda pourquoi cet engagement total elle lui répondit simplement : « Si tu savais ce que j’ai vu et entendu dans la prison Saint Paul, tu comprendrais et tu aurais fait pareil. »

Eugénie était ma mère !

Où lire Lilou

Béji - Toutes les mamas


Anniversaire. 

Elle avait déjà sonné deux fois mais aucun pas ne s’étaient fait entendre derrière la porte plaquée acajou de l’appartement situé au troisième étage d’un immeuble sans charme. Elle se demandait pourquoi sa mère était venue s’installer dans cette ville qu’elle n’aimait pas, dans ce quartier de pierres grises, dans cette rue trop pentue pour ses jambes âgées, dans cet immeuble à l’architecture déprimante éloigné des commerces.
Elle fit une troisième tentative ; elle pouvait ne pas avoir entendu. A son coup de sonnette bref, une porte s’ouvrit dans son dos.
- Inutile d’insister comme cela, Madame C. est absente.
Elle se retourna. Dans le couloir mal éclairé, une dame aux cheveux blancs, plus grande et plus étoffée que sa mère, des charentaises aux pieds malgré la chaleur suffocante, scrutait son visage d’un air soupçonneux. Sa mère lui en avait parlé. C’était « la voisine serviable ». Elle ne l’avait jamais rencontrée ni croisée jusqu’à ce jour mais il est vrai que ses visites étaient rares.
- Vous savez quand elle rentrera ?
- Non, c’est pourquoi ?
Elle montra, suspendu à sa main gauche par un ruban doré, le paquet enveloppé de papier blanc imprimé du nom du pâtissier le plus réputé de la ville.
- Pour son anniversaire, un gâteau au café, son parfum préféré.
La véracité du propos amena un sourire sur le visage ridé.
- C’est vrai, elle adore le café, surtout les glaces.
- Oui mais il fait trop chaud aujourd’hui pour traverser la ville avec un parfait glacé.
- Madame C. est sortie avec la femme de ménage faire les courses du mois. Je ne sais pas à quelle heure elle rentrera mais elle ne part jamais longtemps. Voulez-vous l’attendre ? lui demanda la vieille dame. 
- Quelques instants alors.
- Entrez, entrez. Asseyez-vous dans ce fauteuil, il est plus confortable que mon vieux canapé. Voulez-vous un thé, du café ? J’ai de la citronnade aussi.
- Une citronnade, merci Madame.
Elle s’assit dans le fauteuil recommandé, cala son dos contre un coussin couleur bouton d’or recouvert d’une dentelle brodée. La vieille dame revint de sa cuisine, un plateau décoré de fleurettes dans les mains. Elle le posa sur la table basse avec des gestes lents. Près du verre de citronnade elle n’avait pu s’empêcher d’ajouter une assiette de biscuits; de légères traces blanchâtres en sillonnaient le chocolat. Au goût, elle se dit que le paquet était périmé mais la citronnade était fraîche sans être glacée.
- Je ne suis pas certaine que les fils de Madame C. aient pensé à son anniversaire.
- Vous connaissez ses enfants demanda-t-elle intriguée.
- Oui, elle a deux fils. L’aîné est bien gentil et poli. Il déjeune régulièrement avec elle. L’autre, promet de venir. Elle est toute gaie, l’attend et le téléphone sonne….annulant tout au dernier moment.
- Elle a de la peine ?
- Oh ! oui mais elle accepte ses raisons et l’excuse toujours, C’est ….vous voyez ce que je veux dire ?
- Je vois très bien….son préféré. Elle a d’autres enfants ?
- Non.
- Je ne peux pas m’attarder plus longtemps. Vous voudrez bien lui donner la pâtisserie ?
- Oh oui bien sûr, de la part de qui ?
Elle se leva avec ce maudit poids tout à coup dans son cœur.

….De sa fille….

Mister K - Toutes les mamas


Il y a un peu plus d’un an
Ma maman, notre maman
A fêté ses quatre-vingts ans
Nous avions un plan !
J’ai plaisir ici à en partager un pan.


Prologue

Lorsque, courant 1703, j’ai commencé à réfléchir un peu à l’anniversaire de Maman alias Mamie, j’ai écarté d’emblée l’idée du cérémonial confit, trop cuit, en un mot académique.
Je ne vais pas me refaire, à mon âge !
Lentement mais sûrement, vers 1817, à l’automne, quelque chose est apparu. Un principe – à défaut de concept- se dégageait peu à peu sans que les lignes soient parfaitement claires et bien définies.
Et un jour, je garais ma diligence aux alentours de 1878 et au parking souterrain quand ce fut le déclic.

Quatre-vingts, le nombre. Un fil conducteur.
Et l’histoire, évidence, une des passions de Maman alias Mamie se devaient d’être présents. Le nombre et l’histoire.

Et, pour se jouer habilement du préfabriqué, du « tout fait » ou du « tout prêt » par trop impersonnel, l’artisanat, le fait-maison dirait-on aujourd’hui et non pas en 1903. 
C’est donc avec nos petites mains et nos petits cerveaux que nous avons confectionné un triptyque. En voici le premier volet.


QUATRE FOIS VINGT ANS …ou BON ANNIVERSAIRE

En un mot comme en cent
La vie… les trois coups sont frappés
Faut pas traîner, en moins de deux
Pour être reçu cinq sur cinq
Car ce n’est pas une de perdue dix de retrouvées
On n’a pas trente balais
De sept à soixante-dix-sept ans
Et en cinq sec
Faut déjà être sur son trente-et-un
En deux temps trois mouvements

C’est comme une Guerre de Troie
Qui commencerait à la gare de Troyes
C’est déjà monter dans le grand huit
Lutter contre les quatre éléments déchaînés
Et en trois coups de cuiller à pot
Faut se mettre en quatre
Comme tenir un pari à cinq contre un
Accomplir les douze travaux d’Hercule
Et même pour certains treize à la douzaine
Car la vie fait parfois plus que quatre cents coups

Non, elle n’est pas un conte des mille et une nuits
Bardé de trèfles à quatre feuilles
Comme deux et deux font quatre
Non, ça peut faire voir trente-six chandelles
Et, jamais loin, le jamais deux sans trois
C’est surtout cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage
Et pas tous les trente-six du mois
C’est du vingt-quatre heures sur vingt-quatre
Sept jours sur sept
Sans chercher midi à quatorze heures

Quitte à s’y mettre à dix contre un  
A quatre pelés et un tondu
Ou avec les Trois Suisses
Même pliés en quatre
Et c’est tous les jours les douze coups à minuit
Et les compteurs jamais remis à zéro
Toujours repartir comme en quatorze
Ne pas y aller par quatre chemins
Au début certes marcher à quatre pattes
Toujours y regarder à deux fois

Il n’y a pas cinquante manières de s'y prendre
Pour faire d'une pierre deux coups.
Pour ramasser le dix de der
Profiter des sept couleurs de l’arc-en-ciel
Et connaître peut-être ses trois glorieuses
Car un "tiens" vaut mieux que deux "tu l'auras"
Pas besoin de règle de trois
Mieux vaut avoir les deux pieds sur terre
Comme les cinq doigts de la main
Et chausser ses bottes de sept lieues

Pas la peine de téléphoner au club des cinq
De couper les cheveux en quatre
Ni La poire en deux
Pour avoir la preuve par neuf
Sans demander aux sept nains
Et grâce à une vision dix sur dix
Dans les sept boules de cristal
On se passera des lumières des quatre-vingts chasseurs
Avec leurs cent-un dalmatiens
Et d’Ali Baba et de ses quarante voleurs

On relira les trois petits cochons 
Mais sans courir deux lièvres à la fois :
Au risque de le regretter neuf fois sur dix
Et jusque vingt ans après
Comme disaient les trois mousquetaires
Sachons donc freiner des quatre fers
Ne pas se moquer comme de l’an quarante
Évitons à la fois le zéro de conduite
Le vingt-deux les v’là
Ou le dîtes trente-trois

Il n'y a pas trente-six mille solutions
Ne faire ni une, ni deux.
Tourner sept fois la langue dans sa bouche
Ne rien faire à la six quatre deux
Se ranger des quatre quatre
Ne pas faire cinquante-cinquante, car ça fait quatre-vingts
Plutôt repartir comme en quarante,
Et même se le faire dire deux fois, là, ça fait quatre-vingts !
On dit que Paris ne s'est pas fait en un jour,
Là ça fait juste quatre-vingts ans qu’elle s’en occupe.

ENVOI

On peut se dire je n’ai plus vingt ans
Si, pourtant, juste quatre fois
Et pas besoin de datation au carbone 14
On te le donne en mille,
On ne va pas attendre cent sept ans
Mille milliards de mille sabords
Pour un bon anniversaire.

mardi 29 mai 2018

Brizou - Toutes les mamas

Maman

Tu n'as pas eu une vie rigolote Maman et j'en suis triste pour toi mais je n'y suis pour rien
Ton Papa est mort alors que tu n'avais que huit ans, alcoolique
C'est ce que tu m'as dis, c'est ce que disais aussi Mémé qui, veuve à trente ans, a porté le deuil toute sa vie
Après il y a eu la guerre, l'occupation et ta rencontre avec Papa
Je crois que tu as vécu là tes belles années, même avec six enfants en neuf ans.
La sixième, c'était moi, un accident comme tu me l'as dit plus tard
Tu n'as pas eu une vie rigolote Maman et j'en suis triste pour toi mais je n'y suis pour rien
Un accident de préservatif, voilà ce que je suis et resterai toute ma vie car c'est ce que tu m'as dit
Tu m'as dit la luzerne, l'été, votre jeunesse et c'était beau
Tu m'as aussi dit que tu ne me voulais pas et tes efforts pour me décrocher de toi
Tu n'as pas eu une vie rigolote Maman et j'en suis triste pour toi mais je n'y suis pour rien
Et puis Papa est parti nous laissant tous les sept, pourquoi lui as-tu dit que tu ferai de moi, la petite, la dernière une garce ?
Pourquoi me l'as-t-il dit lui ?
Tu m'as câliné, Maman, tu m'as tendressé infiniment comme un remord, peut-être
Tu ne t'es pas remarié, tu en voulais trop aux hommes
Tu n'as pas eu une vie rigolote Maman et j'en suis triste pour toi mais je n'y suis pour rien
Certaines disaient que tu te sacrifiais pour nous...
Je n'ai jamais voulu de ce sacrifice
J'ai grandi, je suis partie
J'ai fui ?
Tu n'as pas eu une vie rigolote Maman et j'en suis triste pour toi mais je n'y suis pour rien
Je t’aimais Maman mais tu m'étouffais
Et puis la vie, les années sont passées, ta jeunesse aussi
Ta vie, j'en suis consciente est devenue triste, monotone
Tu n'as pas eu une vie rigolote Maman et j'en suis triste pour toi mais je n'y suis pour rien
Oui, quelque part en moi, je sais que je t'ai fuie
Pour vivre, pour être heureuse
La maladie, la tristesse t'ont emportée et je n'étais pas près de toi
De cela, j'y suis pour quelque chose et t'en demande pardon, Maman

Où lire Brizou

Gregory - Toutes les mamas

Quand je la regarde avancer tant bien que mal
J'ai mal
Le corps se courbe encore sous la douleur
J'ai peur
Mais dans ses yeux qui se lèvent et s'éclairent
Je vois
Mon enfance qui danse et de la joie
J'espère
Que mes enfants verront tout cela...

Vegas sur sarthe - Toutes les mamas

Notre Hachélèm

A toi qui nous as mis sur la paille mes frères et moi, je dis merci car je réalise à présent que c'était pour notre bien.
Il y avait souvent des prises de bec à la maison; faut dire qu'on en avait assez de ce défilé de coqs du matin au soir... surtout le soir car le matin ces messieurs étaient trop occupés à claironner pour songer à ton cloaque !
Faut dire qu'une Charollaise à la peau blanche et à la crête frisée, ça leur filait une sacrée envie de côcher.
Pourtant tu as toujours su nous réchauffer dès le sortir de l'oeuf; tout ce qu'on cherchait c'était la chaleur de ton aile et nos gazouillis te rassuraient.
Chez nous pas de chouchou, premier né premier servi et c'était bien.
Bien avant que j'aie brèché mon cocon tu me parlais déjà. Il faut dire que j'étais le plus costaud et que je n'ai pas eu besoin de couveuse contrairement à mes frangins.
Finalement on a grandi trop vite mais tu savais être présente; n'en déplaise à tes machos emplumés, tu étais avant tout notre mère poule

Combien de fois t'a t-on perdue mais on savait toujours te retrouver sans se tromper car tes gloussements d'amour n'étaient que pour nous seuls.
Tu nous protégeais – bec et ongles si on peut dire – des attaques de buses et des rivalités jusqu'à ce qu'on décide de voler de nos propres ailes…

On n'avait que quatre mois mais tu t'es effacée – tendrement mais fermement – et on ne t'a pas oubliée pour autant.
Les mauvaises langues à qui on rabattait leur caquet disaient que tu partais avec un jeune coq alsacien – un coq au Riesling – mais nom d'une cocotte en fonte ! on n'en a jamais cru un seul mot, tu partais car il en est ainsi dans toutes ces cages à poule qu'on nomme Hachélèm.
J'ignore où tu es aujourd'hui mais sache que je reste à jamais ton petit poussin.

Où voir piailler Vegas sur sarthe

Manoudanslaforêt - Toutes les mamas

J’aimerais pouvoir prononcer ce mot
Mais je préfère utiliser celui qu’ont inventé tes petits enfants..
J’aimerais pouvoir te dire je t’aime
Mais je ne peux pas…
J’aimerais parler avec toi du passé
Mais tu ne veux pas…
J’aimerais te parler de moi
Mais tu n’écoutes pas…
J’aimerais garder te toi l’image d’une mère aimante
Mais ce sera celle d’une mère « vampire » et « martyre »
Difficile de faire ce constat…

Mapie - Toutes les mamas

En écrivant à ma maman, c'est à ma sœur, à ma marraine, à mes belles-sœurs, à mes grand-mères, à mes amies à moi même aussi que j'écris. Bien sûr maman est une, elle est la seule; mais je ne parle pas d'elle je parle d'Elles.... Ces femmes qui deviennent, ces femmes qui se transforment, ces femmes qui se donnent parfois au risque de se perdre. Ces femmes "phagocytées" par leurs propres enfants avec délectation ou dépassement.

Maman c'est moi, c'est toi, c'est  même la femme qui me caresse la joue à l'hôpital  à la prise du médicament...  maman, c'est cet être qui parfaitement ou imparfaitement veille sur moi et se trouve en zone d'inconfort permanent.

Des nombreuses  qualités que peut avoir une mère,  toutes ne sont pas en chaque maman mais il me semble reconnaitre à chaque fois,  ce lien viscéral qui dépasse les sentiments, sorte d'implication qui la rend vulnérable et forte à la fois. 

Maman c'est celle qui a prit un risque en donnant Vie et qui en paie le tribu toute sa vie.

Ma maman à moi, je n'en parle pas. A l'heure où l'on parle d'héroïsme de mythe, d'exemple... à l'heure où l'on décerne des palmes, des médailles, des diplômes... Ma maman, elle, œuvre à rester celle qu'elle a toujours été... celle que j'ai toujours aimée...sans chercher, sans attendre, autre chose que le bonheur des siens là où il est,  avec la sagesse de celle qui sait que donner la Vie n'est pas la posséder.

Gibulène - Toutes les mamas

Qui c'est maman ?

J'aimerais en quelques mots vous dire
ce que le nom "maman" m'inspire;
mais voilà, ces mots sont bloqués !
comment pourrais-je expliquer ?
Ma maman, c'est une présence
depuis le jour de ma naissance
dans les bons, les mauvais moments,
elle me soutient farouchement,
toujours prête à venir m'aider !!!
trop, peut-être ??? car lorsque j'étais
une ado à moitié rebelle
j'aurais aimé avoir des ailes
pour loin d'elle m'envoler
et vivre en toute liberté.
Maman, qui s'organisait,
Les jours où tout dérapait :
c'était les longues nuits de veille
pour les rhinos, les maux d'oreille
Elle n'a jamais laissé tomber :
malgré son asthme, son eczéma,
pour moi, elle était toujours là !!!
Maman, c'était aussi l'angoisse
lorsque j'arrivais en retard
de l'école, ou de la paroisse,
et je voyais dans ses prunelles
toute la détresse du monde
se disperser en vingt secondes
car j'étais de nouveau près d'elle....
Enfant, maman c'était câlins,
c'était dodo, main dans la main,
sous l’oeil attendri de mon père
qui, silencieux, la laissait faire
lui qui peut-être aurait souhaité
échanger son autorité
contre une douceur féminine
dont je me nourrissais, gamine.
Maman, parfois, c'était colère,
gronderie, fichu caractère,
c'était aussi une fessée
lorsque je l'avais méritée !!!!!
Maman, souvent, c'était des larmes
qui lui conféraient tout son charme
et prouvaient, si besoin était,
sa trop grande fragilité.
C'était aussi l'envie de plaire,
de rire, de chanter, de danser :
ce que je n'ai jamais su faire
et que je lui ai reproché....
Et puis un jour, je suis partie.
C'était normal, j'avais grandi !
les enfants partent tous un jour
en emportant dans leurs bagages
des valises pleines d'amour,
tout en laissant dans leur sillage
une sensation douce-amère
de trop peu, de trop mal, de trop court....
un désir de marche en arrière,
un sentiment de non-retour !
Et j'ai vécu ma vie de femme
sans d'elle me préoccuper :
je l'ai laissée se "débrouiller"
avec papa, avec mémé,
qu'elle a soignés, qu'elle a aidés
sans jamais déposer les armes....
Puis un jour, seule elle est restée.
Elle n'a pas voulu m'encombrer :
elle a accepté de reprendre
sa vie longtemps interrompue
et, décidée, sans plus attendre,
un an ou deux elle a vécu,
en avalant les kilomètres
dans des voyages insensés :
elle aimait beaucoup voyager,
dans cet art elle était passée maître !!!
Mais bientôt vint la maladie !
et après qu'elle s'en fût guérie
en luttant avec âpreté
est arrivée la cécité !!!
Là encore elle s'est adaptée,
préoccupée comme elle l'était
de me laisser prendre le large,
de ne pas rester à ma charge.....
Et puis un jour, quand j'ai vécu
ce que la vie avait de pire
sa main de nouveau s'est tendue
pour m'aider et me soutenir.
Ma petite mère courage
qui a essuyé tant d'orages !
plus qu'on ne peut en supporter,
tu n'as jamais démérité....
et quand je te vois vieillissante
tes yeux sur le vide posés
que crois-tu que je ressente
sinon une immense fierté ?
Presque 60 ans pour comprendre
tout l'amour que tu m'as donné....
Il était temps! sans plus attendre
je veux par ces mots témoigner :
au crépuscule de ta vie
ma maman, je te dis MERCI.

lundi 28 mai 2018

Jacques - Toutes les mamas

Toutes les Mamas

"Ils sont venus, ils sont tous là, dès qu’ils ont entendu ce cri..."
Elle résonne, cette chanson, car chaque fois que je l'entends elle me rappelle ce camarade de classe, un rejeton d'immigré italien, mais auquel il aurait manqué le bon vin et les filles, en quelque sorte.
Un peu rude, brutal parfois si on lui cherchait querelle, ce que personne ne faisait car il dégageait une force qui intimidait tout le monde. Pas le genre harceleur, plutôt gentil, mais qu'il ne faut pas chercher.
Il était là, souvent morose, dans la masse des élèves de cette école d'un quartier plutôt aisé, indifférent à nos jeux, trop mûr sans doute pour notre puérilité de petits bourgeois.
Ni rebelle, ni cancre, il supportait sans flancher les engueulades des instituteurs les plus redoutés de l'école, exaspérés de le voir assister passivement à l'année scolaire, rongeant son frein en attendant l'âge d'embaucher comme docker, sans pouvoir admettre que ce jour là, Marseille n'embaucherait probablement plus de dockers.
Un matin, vers la fin de la récréation qu’un directeur poète laissait parfois traîner au-delà du raisonnable, je l'ai trouvé dans un recoin isolé de la cour, théoriquement interdit aux élèves. Qu'il s'y trouvât ne me surprenait pas, le concept de règlement intérieur lui étant assez flou.
Ce qui m'empêcha de passer mon chemin, c'était sa posture inhabituelle, blotti dans l'angle de deux murs, assis sur le ciment sale d’une poussière de feuilles de platanes desséchées, le front posé sur ses genoux relevés, les bras croisés au-dessus de la tête, prostré. Et surtout, les spasmes qui secouaient ses épaules.
Il n'était pas en train de pleurer tout de même ?
Je me suis approché, je l'ai appelé, par son nom de famille que j'ai oublié. "Ça va ?"
Il a soulevé sa tête, m'a regardé, hébété, le visage baigné de larmes.
"Que se passe-t-il ?" ai-je demandé, syntaxe à la hauteur de mon statut de fils de la plus redoutée des institutrices.
Sa lèvre a tremblé un peu, devant l'énormité de sa douleur, et il a murmuré, avant d’éclater en sanglots :
"Ils ont insulté ma mère !"