vendredi 30 juin 2017

Pascal - Le sacre de l'été

Les cousinades

C’est dimanche ; dans un coin de campagne, on a réuni la grande famille au banquet des agapes. Comme chaque année, on a fêté le temps qui passe, on a encensé les vieux qui répondent encore à l’appel et célébré les anniversaires qui font, des enfants, ces beaux adolescents à la tête qui, aujourd’hui, nous dépasse.

L’après-midi transpire ; sous leurs robes, les femmes écartent un peu les cuisses pour donner un semblant d’air frais à leur intimité. Les mains sur les genoux, elles jouent de l’accordéon avec leurs robes dépliées. Leurs refrains sont ritournelles ; comme d’habitude, elles racontent leurs aventures d’accouchement, l’effort des contractions, la féerie du dédoublement. Elles ont des petits rires, aussi ; des petits rires de connivence qui ne parlent plus mais qui disent tout, et les fruits de leurs entrailles s’endorment dans leurs bras-berceaux moites. Loin des hommes, elles parlent fort quand la discussion est bienséante ou doucement, pour ne pas effaroucher les adolescentes alentour, quand leurs propos deviennent embarrassants. En catimini, elles rosissent, elles rougissent, elles « s’écrevissent », toutes fières d’avoir pu écarter ces cuisses, et à cette heure de confession, on ne sait plus si elles parlent de conception ou de délivrance.

À l’intérieur de la famille, les castes rigoureuses de l’instruction et de l’intelligence se forment naturellement ; pendant que les parvenues pérorent, quelques dévouées débarrassent les tables comme si c’était dans leur contrat de généalogie ; c’est peut-être pour cela qu’on les invite aussi. De nappes en miettes et de taches en ronds de serviette, elles rient sans comprendre ou sourient sans véritables remarques.

Dans les flûtes esseulées, le champagne tiède s’immobilise par manque de frénésie gestuelle ; les bulles noyées ne remontent plus à la surface respirer l’air suffocant de l’été.

Aujourd’hui, c’est quartier libre ; au cours du repas, les hommes ont souvent levé le coude sous l’œil comptable de leurs bourgeoises attentives. Pourtant, la griserie s’évapore sous le soleil ; au jeu de boules, les éclats de voix des hommes, les carreaux sur place, les engueulades, se volatilisent en rythmant le temps qui passe. L’échelle sociale des uns et des autres se mesure à la qualité de leur exhibition adroite ; on mesure, on commente, on tente, on apprécie, on encourage, on brille au soleil…

Là-bas, sur une balançoire de fortune, des jouvencelles espiègles s’amusent avec leurs rubans et leurs dentelles pour attirer sur leur branche quelques damoiseaux éventuels. Au moindre prétexte, elles gloussent, rient plus fort que de raison ou boudent à l’orée de la clairière avec des grimaces indigestes. Plus loin encore, le paysage se flaque en fascinants mirages ondulant sur l’horizon. Si la montagne est belle, elle vacille comme si le poids de la chaleur était un pénible tremblement de terre. De la forêt lointaine, la verdoyance se dilue au feu ardent du soleil, et une aura azurine se disperse au-dessus des cimes.

Par affinités de conversation, accordance de génération ou par silences de digestion, les convives cherchent l’ombre ; à la mesure de l’après-midi passant, c’est à celui qui trouvera la meilleure place ; c’est un jeu de chaises musicales où chacun anticipe les rayons du soleil avec des calculs savants d’ombrages et des perspectives salutaires. Pour montrer qu’on est bien dans l’ambiance, on rit de rien, on rit de tout, surtout si on n’a pas compris l’histoire.

L’aïeul ne dit mot. Quand il a soif, il lève son verre ; quand il tend son assiette au « Qui en reveut ? », une généreuse tranche de gâteau vient s’échouer au milieu ; quand il ferme un œil, on baisse la voix. Par moments, la fumée de sa pipe se répand dans l’ambiance. Elle stagne dans un halo sans avenir que les gestes des gosses pour la faire s’envoler en volutes bleutées. En inspirant, on garde instinctivement ce parfum de souvenir dans un coin de sa mémoire.

L’air se découpe, la sueur est casanière, l’apathie est volontaire. Les mouches piquent, les guêpes sont musicales, les fourmis attaquent, les oiseaux se terrent. La chaleur énerve ; les gosses courent comme des dératés avec des caprices épais au bout de leurs cris. Ils réclament un sirop sans soif, un ballon qui ne les fait plus hurler, un bout de gâteau qu’ils oublient de manger. On voudrait bien en calotter un ou deux, pour faire taire les autres, pour faire l’exemple, pour l’offrir en larmes sacrificielles à cette chaleur oppressante.

L’été se ménopause du côté des tantines affalées sur des sofas de fortune ; elles s’éventent, ces dames, refoulant leurs bouffées de chaleur avec des éventails de lointaines vacances espagnoles. Avec force de discours, elles s’inventent des voyages sous les alizés, des printemps de fleurs luxuriantes et des amants à la peau bronzée. Par manque de salive, leurs conversations se tarissent aussi.

On sent des effluves de résine collante, d’herbe séchée et de chemin caillouteux. Même la poussière est sans élan ; pour flotter sans se disperser, elle se flanque sur les souliers vernis des gamins ou se fige sur les peintures des bagnoles. Entre les ombrages du platane, l’été incandescent se cocarde en flamboiements intempestifs ; les branches plient sous le poids de la canicule ; les feuilles se brûlent au soleil ; irrésistiblement, elles jaunissent, elles rougissent, elles brunissent, elles ternissent. Entre deux éblouissements, on scrute le ciel, on languit un nuage, son ombre passagère. On attend l’orage et sa fraîcheur, la nuit et sa pluie d’étoiles ou l’aube et ses quelques courants d’air. En pleine chaleur, climatisation imaginaire, on a alors quelques frissons de volupté involontaires…

Célestine - Le sacre de l'été

Le sac creux de l’été

Cet été, par un temps de chaude langueur où je lézardais mollement au bord de la mer, avec cet entrain de bulot macrocéphale et anémique que confère l'oisiveté prolongée en position parallèle au sol, toute velléité de bouger anéantie sous une couche d'écran total indice soixante-cinq, j'ai longtemps regardé s'ébattre quelques jeunes gens aux couleurs assorties, purs produits de nos cultures cosmopolites, tapant chacun à son tour dans un ballon mou avec des grâces animales, poussant des hurlements d'envahisseurs extraterrestres qui se livreraient une guerre astrale et sans merci pour survivre dans un univers hostile avant d' être aspirés dans le néant sidéral, alors qu'ils étaient tout simplement en train de faire une partie de beach-volley, je vous le rappelle...

Et là, mue à la fois par une noire pulsion métaphysique et une association d'idées saugrenue, et agacée par leurs cris de sauvages réduisant à néant mes espoirs de sieste, je me suis prise à rêver d'un monde sans ados ! Ah, quelle tristesse sans nom ce serait, de rayer de la surface de la terre ces êtres délicieux pratiquant avec un bonheur sans partage le borborygme matinal et le monosyllabe intempestif, la moue expressive et le haussement d'épaules exaspéré, tout en déversant dans leur journal intime une haine logorrhéique des adultes, tous devenus des vieux cons sous leur plume intransigeante, écriture script et points sur les i n'allant pas sans rappeler les comédons séborrhéiques dont ils sont affligés, certes moins qu'avant, grâce aux progrès certains de la cosmétique.

Comment concevoir de supprimer de la mappemonde ces êtres étranges dont la voix qui mue évoque toujours, chez les spécimens de type mâle, dans les aigus, le doux timbre indicible du frein humide qui crisse et, dans les basses, le grognement délicat du gnou en rut…

Comment ne pas déplorer la fin de la mèche revenant gracilement sur l'œil (torve de préférence), du slip dépassant généreusement du jean débraillé, et de cette nouvelle prothèse prolongeant le bras de l'ado et lui servant à communiquer au moyen de Signes Méchamment Secrets ?

Comment se passer de cette douce nonchalance négligée et indolente des garçons, alliant le charme et l'élégance aérienne d'un éléphant égaré dans le rayon vaisselle d'Ikea et de celle, plus affectée, des Lolitas partant à la découverte fébrile de leur séduction, cuisses de nymphes, mini-shorts et bustiers ravageurs, petits seins qui piquent et qui mordent, œillades encharbonnées par trois tonnes de mascara chouré à la supérette du coin, mines alanguies et textos sibyllins où l'on se console au féminin pluriel d'avoir peur du masculin singulier.
"- T'es trop belle !
- Nan, chuis moche, Kevin m'a même pas regardée !
- Nan, sérieux t'es trop la classe, c'est lui qui est trop moche !"

Eh, les gens, sérieusement, vous voyez d'ici l'immense perte que ce serait pour la grandeur de l'Humanité et de Facebook réunis ? Non mais allo, quoi…

Un monde sans ados ? Tout simplement inimaginable.

Où lire Célestine

Daniel Hô - Le sacre de l'été

étalé en galette
sur le sable blanc
qui me colle à la peau
j’entends les cris
les rires des enfants
leurs plongeons
leurs barbotements
dans cette eau transparente
le ressac métronome
en symphonie mineure
s’entremêle aux sons
à en devenir bouillie
si douce
si apaisante
à me noyer
dans un abîme
un océan de léthargie
où plus rien n’existe
rien ne compte
si ce n’est toi à mes côtés
tu vois
reste toujours vivace
le souvenir
de ces instants magiques
de la plénitude
de nos vingt ans
de ces étés brûlants
avec toi
mon amour

Plume Vive - Le sacre de l'été

La dernière rose fane sa couleur délicatement poudrée au milieu d'une herbe roussie. Les insectes stridulent à tout va, pour quelques minutes encore... Le soir arrivant, l'horizon se pare de chaudes teintes savamment mêlées à un turquoise qui semble avoir été créé pour l'occasion. L'air est tiède, chargé d'une odeur inimitable, de celles que l'on ne peut définir et qui invitent pourtant mille images derrière nos paupières fermées : la douceur d'un grain de peau ensoleillé, une mer translucide et parfaitement iodée, le vert tendre d'un végétal au toucher léger comme l'air, un chat qui s'étire dans le bien-être le plus total…

Et soudain, l'odeur change, présageant un orage dans l'heure. Il est même déjà là.

La pluie fait teinter la moindre partie métallique qu'elle trouve à sa portée, se contentant d'un bruit mat mais net sur les minéraux, le verre, les plastiques. Son rythme effréné, s'intensifiant à mesure que le grondement encore lointain se rapproche, rythme les battements des cœurs environnants. Le luxe ultime de ces moments précieux réside dans le temps que l'on va prendre pour apprécier le spectacle… Se délecter du nettoyage minutieux de chaque relief terrestre… Laisser les corps résonner au son d'une musique unique et éphémère, inspirer profondément les effluves résultant de l'union de la terre et du ciel…

Puis revenir à la réalité, sortir d'un songe d'une nuit d'été, au cœur d'une fraîcheur noctambule et d'un silence à couper le souffle. Savourer le moment suspendu, comme le privilège de goûter à l'après d'une communion sensuelle de la Nature et des éléments.

jeudi 29 juin 2017

Marité - Le sacre de l'été

Le feu du solstice d'été.

Dans ma campagne limousine où la religion était encore fortement ancrée dans les années 60, nous honorions l'arrivée de l'été par une fête païenne. On l'appelait sans doute hypocritement ou pour conjurer le mauvais sort, la fête de la Saint Jean. Mais il s'agissait bien de rendre hommage au dieu soleil qui apportait lumière, vie et abondance. Et la lune qui regardait là-haut prenait aussi sa part de la célébration en éclairant le spectacle de toute sa force pâle. La divinité importait peu en somme. Seul, le rituel avait de l'importance.

L'été commençait comme indiqué sur le calendrier des Postes le 21 juin. Ce jour-là annonçait pour moi la fin, teintée de quelques regrets, de l'année scolaire et le commencement des travaux des champs à la ferme. Mais en ce 21 juin, c'était surtout la promesse d'une soirée tardive où se mêleraient les jeux, les chants et les rondes. Et la fascination du feu.

A l'heure de la sieste, les hommes du village volaient quelques instants à leur repos pour amonceler du bois sec assez loin des maisons et surtout loin de la place de l'église. Tout le monde savait que le curé ne voyait pas d'un bon œil cette manifestation qu'il taxait de diablerie. Le bûcher s'élevait à l'embranchement de chemins devant une croix en granit. Par superstition sans doute ou, sans en avoir l'air, pour se mettre sous la protection d'en Haut.

Chaque foyer apportait une part de ses fagots habituellement réservés à la chauffe de son four à pain. On construisait un bel échafaudage autour du "mai", le mât au sommet duquel on attachait un bouquet de fleurs pour honorer une jeune fille à marier. Quand il y en avait une. On entourait le tas de bois de pierres rondes qui avaient leur importance. Surtout pour moi.

Il incombait aux enfants de ramasser les herbes : digitales pourpres, fleurs de sureau, lierre, d'autres encore et surtout le "chou d'âne". Nous ne nous faisions pas prier. C'était l'avant-goût de la fête. Nous connaissions bien sûr, du moins les aînés, toutes les plantes qu'il fallait glaner au bord des prairies, des chemins, à l'orée des bois ou bien dans les fossés. Elles étaient disposées en jonchées odorantes près du bûcher.

J'attendais la tombée de la nuit avec impatience. Je garde le souvenir de soirs enchantés où j'allais m'installer, seule, sur le talus, au pied de la croix avant que les voisins arrivent. Je respirais fort l'odeur du foin coupé, écoutais les stridulations de milliers de grillons et, les dominant de son cri mélancolique, le chant d'un crapaud tapi dans un creux tout proche.

Je regardais passer en coup de vent les hirondelles affairées. Le soleil, grosse boule orangée, tirait peu à peu sa révérence faisant place, par petites touches, au soir descendant. Alors la nuit arrivait sur la pointe des pieds. Une nuit bleue cloutée d'étoiles d'or où la lune se montrait en majesté. Alors je me levais et faisais la course avec la belle dame qui semblait, là-haut, s'amuser à mes dépens.

Oh, cette nuit de juin ! Une nuit où je me perdais dans les rêves.

Le calme seulement troublé par le vol velouté des chauve-souris, se rompait soudain. Les enfants se précipitaient en riant pour voir s'allumer le grand feu. Les adultes les suivaient en s'apostrophant : "alors, Eugène, pas encore couché ? Tu veux nous montrer que tu es toujours capable de sauter le feu ? " Et Eugène de répondre malicieusement : "Si je ne peux plus, alors ma canne me remplacera. Mais fais attention : au passage, elle pourrait bien te donner un coup !"

Les flammes partaient bientôt à l'assaut des fagots et s'élevaient en crépitant. Les langues de feu jouaient sur les visages, tantôt les éclairant de lueurs pourpres, tantôt les plongeant dans une semi-obscurité. Le feu hallucinait les silhouettes figées, groupées autour de lui leur conférant une étrangeté surprenante. Je regardais, fascinée. Un silence religieux accompagnait la cérémonie. Quand l'incendie faiblissait, les plus jeunes se prenaient par la main pour danser une farandole autour du bûcher. Les chants s'élevaient, joyeux.

Enfin arrivait le moment attendu : sauter le feu. Les hommes s'élançaient souplement en ayant pris leur élan pour sauter haut et le plus loin possible tandis que les femmes poussaient des petits cris effrayés avant de bondir à leur tour. Il fallait que tout le monde se prête au rituel. Les plus âgés, plus sages et moins agiles passaient prudemment une jambe après l'autre au-dessus du brasier.

Mais c'était nous, les enfants qui nous en donnions à cœur joie attisant en douce le feu pour que dure la fête. Nous nous faisions gronder par les parents fatigués et pressés d'en finir mais il était interdit d'éteindre les flammes sous peine de malheurs à venir. Il fallait qu'elles meurent d'elles-mêmes. Et nous le savions bien, nous, les garnements du village.

Quand, enfin, le feu n'était plus que braises incandescentes, les chefs de famille prenaient un tison, le lançaient en l'air pour la promesse de belles récoltes à venir. Des gerbes d'étincelles retombaient alentour et il valait mieux les éviter. De leur côté, les femmes passaient au-dessus des braises des bouquets de tilleul, de camomille, de sureau qui mêlaient leurs senteurs entêtantes. Toutes ces plantes médicinales serviraient aux tisanes à guérir pendant l'hiver.

Mon père prenait alors les "choux d'âne", les promenait avec des gestes larges sur le brasier. Il me semblait le voir murmurer. Sans doute une prière pour demander - à qui ? Dieu ? Le soleil ? la lune ? - de protéger son bétail.

On abandonnait les cendres fumantes en ayant pris soin de rassembler les pierres rondes autour du foyer. Chacun regagnait sa ferme en emportant qui, un brandon noirci avec lequel on ferait des croix sur toutes les portes d'entrée pour conjurer le mauvais sort, qui les herbes de la Saint Jean que l'on conserverait précieusement dans des bocaux. Mon père allait directement à l'étable déposer ses "choux d'âne".

Le lendemain matin j'étais la première levée et je courais vite vers le tas d'escarbilles. Je me penchais sur les pierres chaudes et cherchais un cheveu de la Vierge. Ma grand-mère m'assurait qu'elle venait, la nuit de la Saint Jean, se peigner sur notre feu. Hélas, les cheveux avaient brûlé ou bien quelqu'un était arrivé avant moi.

C'était la plus belle fête de l'année pour moi. Elle m'a toujours porté bonheur et a été le témoin, bien plus tard, d'un autre sacre d'été qui a bouleversé ma vie.  

Arpenteur d'Etoiles - Le sacre de l'été

Une chanson de Claude Nougaro :
L'île de Ré
(poème de l'Arpenteur)

Une nuit d'été
Ma belle effrontée
Comme éternité
Douceur
Ton corps me transporte
Plus rien ne m'importe
Ouvre-moi ta porte
Encore
Au champ des étoiles
Claque la grand-voile
D'un navire à voile
Désir
Aux creux de la chambre
Ta peau couleur d'ambre
Tes reins qui se cambrent
En tendres soupirs

Une nuit d'été
Ma belle effrontée
Seule vérité
Toujours
Nos doigts qui s'emmêlent
Complices et rebelles
Peignent une aquarelle
D'argent
Tes lèvres brûlantes
Ta main caressante
Me guident vers l'antre
Secrète
Des mots s'entrechoquent
Syllabes baroques
Parfois équivoques
Rudiments d'amour

Nos cœurs caracolent
Ballet de lucioles
Qui bientôt s'envolent
Plaisir
Le ciel se déchire
D'un azur saphir
Où vont s'assouvir
Nos corps
Ma belle amazone
Dans l'œil du cyclone
Le rythme asynchrone
S'apaise
Comme un fleuve roule
Des eaux qui s'enroulent
Puis lentement coulent
Vers l'océan clair

Là-bas les fontaines
Murmurent lointaines,
Le chant des sirènes
Dort
La nuit qui s'achève
Prolonge les rêves
Et leur long cortège
D'or
Un rayon de lune
Lumière opportune
Caresse les dunes
Galbées
De tes hanches fières
Où dort le mystère
Que je saurai taire
De nos amours vraies.


Laura Vanel-Coytte - Le sacre de l'été

Paysages d'été

Je n'ai jamais joué dans une "Scène de plage, sous un ciel d'orage" d'été comme l'a peint
Boudin : j'ai par contre marché en un juillet brûlant dans sa Venise : Adriatique torride.
J'aimerais un jour rentrer dans sa "plage de Trouville" avec chapeau et ombrelle..
Je me suis souvent baignée comme les jeunes hommes de Bazille en été dans une rivière
Sa fraîcheur était bienfaisante sous la morsure du soleil et des amours de bal d'adolescence.
Je ne connais pas le lac du Bois de Boulogne où Berthe Morisot situe sa scène d'été :
Des jeunes femmes dans une barque pour une femme exposée parmi les impressionnistes.
Je crois avoir déjà vu un "bateau-pousseur" que Turner place sur une plage de Cornouailles :
Un paysage à parcourir parmi tant d’autres à admirer en tableau ou en nature.
M'asseoir aussi un instant avec les "Femmes de Tahiti" tout près de la "Maison du jouir"
De Paul Gauguin : sortir du Musée d'Orsay pour rentrer avec un paréo sur la plage.
J'ai parcouru beaucoup de paysages d'hiver de Courbet, remonté à la source
Mais je n'ai pas posé mes pieds dans ses traces de peinture de plage normande.
Aux Saintes Maries de la Mer, j'ai cru apercevoir au loin les bateaux de pêche de Van Gogh.
Son ombre m'a suivi à Saint Rémy de Provence et Arles.
L'été d'Arcimbolodo est un homme dans la force de l'âge et la saison des moissons.
Ruth obtient de Booz l'autorisation de glaner dans les champs dans l'été de Poussin
Dont j'ai étudié les paysages d'Arcadie.

mercredi 28 juin 2017

Tisseuse - Le sacre de l'été

L’été à l’odeur sucrée
Vaguement écœurante
Des beignets et des fêtes foraines
Des chaleurs soudaines
Et des corps libérés

Sous les étoiles filantes
Les amants font vœux d’éternité
Les illusions pleuvent à la peine
Approchez, approchez
Des attractions dissonantes

C’est le sacre rêvé
Des nuits ardentes
Et des fêtards avinés
Que le blues emmène
Sur les quais de dégaine

Le temps pourrait s’arrêter
A ce solstice d’été
Où les passions exacerbées
S’embourbent dans des traînes
Décadentes

mardi 27 juin 2017

Vegas sur sarthe - Le sacre de l'été

"Le sacre de l'été" pour les Nuls

Contrairement au sacre de l'hiver composé par des gens avec des noms en ski – Stravinsky, Nijinski – le sacre de l'été a été composé en solstice majeur par des gens avec des noms en icule: Canicule pour la musique et Gesticule pour la chorégraphie.

Inspiré du deuxième concerto des 4 saisons en sol mineur des Houillères de Lorraine, ce ballet de paille de riz évoque en deux tableaux l'euphorie des transhumances estivales et l'atmosphère fiévreuse des plages envahies de corps laiteux.

Premier tableau: La transhumance (Lento).
Le bitume est envahi de congés payés. Une grande joie règne sur la Terre.
La maréchaussée aboie. Les caravanes passent (Moderato). Les hommes gesticulent et interrogent bison futé (Banderillero). Chacun arpente l'asphalte avec extase jusqu'à l'entrée du camping (Apero).

Deuxième tableau: La cuisson (Al dente).
Sur un immense patchwork de serviettes étendues (Acaro ou à carreaux) coulent Coca et huile solaire. L'eau est mouillée, le sable sec. Recto-verso (Molto allegro), que de morceaux, que de dorsaux, que de sursauts (Noiro) jusqu'à la danse sacrale du retour.

L'orchestre symphonique est pour l'occasion composé d'instrumentistes à cordes et en strings et de flûtistes dits verres à pied ou piccolo.
Les claviers évoquent la faune: xylofaune, vibrafaune et ifaune7 étanche aux éclaboussures.
Les clarinettes de Die sont d'appellation d'origine contrôlée, les trompettes sont renommées alors que les timides trombones jouent en coulisse.
Les percussions exotiques comprennent des timbales de fruits de mer surgelées, des tam-tams et des bambous et c'est numéro un de chez Barbelivien ainsi qu'une paire de castagnettes oubliée dans un boléro de marque Ravel.
Le triangle des Bermudes ou idiofaune monté sur pied de parasol majeur apporte sa note de mystère.

Enfin, dixit C. François :toutes les cymbales du carnaval qui font moins de bruit que les coeurs... Oh oh oh oh viennent compléter cet ensemble tropical.
Le Sacre de l'été a surtout consacré la chanteuse LaDonna Adrian Gaines dite Donna Summer, plantureuse cantatrice proche de Bonnet M. dont on se souviendra du sacré tube de l'été : Love to Love You Baby.


A venir: "Chère Rasade" pour les Nuls

Où lire  Vegas sur sarthe

Andiamo - Le sacre de l'été

Le sacre de l’été.

Mon sacre de l’été ce furent des vacances en Auvergne, avec ma sœur, mon frère, et… Ma mère.

Ils étaient trois, trois petits enfants, ils n’allaient pas glaner aux champs comme dans la chanson.

Il y avait une fille et deux garçons. Le plus jeune avait neuf ans, l’aîné douze ans et, entre deux, juste au milieu, leur sœur.

Ils passaient leurs vacances en Auvergne, leur Maman les accompagnait. L’après-midi se passait en pêche aux vairons, en tentative d’attraper une pauvre grenouille et, quand ils y parvenaient, ils la relâchaient bien vite : courageux les Parigots, mais pas téméraires, des fois que ça morde ?

En baignades aussi dans ce qu’ils rebaptisaient le fleuve Amazone (deux mètres de large à tout casser, le fleuve Amazone de leur enfance) rempli de piranhas, de crocodiles et surtout d’anacondas énooooormes et extrêmement voraces.

L’heure du goûter arrivait, la Maman sortait d’un grand panier d’osier pain de campagne en tranches, carrés de chocolat ou confitures, un peu de beurre conservé dans un pot de grès, mais non pas celui du petit chaperon rouge, je vous vois venir !

Ils avaient faim, les minots, après une journée pareille. Alors commençait la cérémonie. La Dame, très jeune elle n’avait pas trente-trois ans et déjà trois grands enfants ! Elle s’asseyait dans l’herbe, les jambes sagement repliées sous elle, sa robe disposée en corolle afin qu’elle ne se froissât pas. Puis elle saisissait un grand écrin en bois verni, l’ouvrait précautionneusement, il était garni de feutrine rouge, je m’en souviens encore, elle en sortait un violon, puis délicatement saisissait l’archer, enduisait les crins de ce dernier de colophane afin qu’il glissât mieux sur les cordes.

Pendant un moment, elle accordait l’instrument, tournant les petites clefs prévues à cet usage, elle réclamait le silence, car il faut une oreille exercée pour mener à bien l’opération, et elle avait « de l’oreille » comme on dit.

Puis elle commençait à jouer, les enfants oubliaient les tartines, les yeux rivés sur les doigts qui vibraient sur les cordes, elle fermait les yeux pour mieux s’imprégner de la musique, elle commençait toujours par ceci : La méditation de Thaïs de Jules Massenet.

Immanquablement, les trois durs avaient de grosses larmes qui coulaient sur leurs joues… Durs les Parigots, mais pas trop !

Alors, afin de leur redonner le sourire, elle enchaînait : Le concerto pour violon en ré majeur de Brahms, c’est enlevé et le sourire revenait.

Puis, le goûter avalé, ils retournaient à leurs jeux. Au retour, c’était la dispute à celui qui porterait l’instrument merveilleux.

Elle a joué de moins en moins, la Dame, ses doigts devenaient plus gourds, « moins déliés » comme elle disait.

La dernière fois que je l’ai entendue jouer, elle avait environ quatre-vingts ans. Puis, petit à petit, la Dame s’est recroquevillée, elle s’est voûtée. A la fin, on aurait dit qu’elle se mangeait elle-même, il n’en restait plus comme on dit, mais, toujours l’œil vif à plus de quatre-vingt-dix ans, elle lisait sans lunettes, l’esprit affûté comme un rasoir coupe-chou ! Et puis à quatre-vingt-douze ans, elle s’est envolée légère comme un arpège, sans faire de bruit…

Elle s’appelait comme moi, plutôt c’est moi qui m’appelait comme elle, c’est normal dans la même famille.

Où lire Andiamo

lundi 26 juin 2017

Arpenteur d'Etoiles - Le sacre de l'été


Chronique d’une époque révolue !
et le Tour de France

C’était l’été.
Le grand cerisier en majesté étirait ses branches devant la cuisine. Sur le rebord de la fenêtre grande ouverte, il y avait toujours une boîte de conserve retournée sur laquelle on posait un vieux plat à œuf garni de beurre, de saindoux en hiver ou de graines en été. Les mésanges bleues et charbonnières se les disputaient allègrement faisant peu de cas de notre présence. Parfois elles venaient picorer sur la table même, bien peu dérangées par nos mouvements. La cuisine était alors le point central de la maison. Nous y mangions, lisions, travaillions. Les discussions familiales se tenaient là, toutes les décisions s’y prenaient. Ma grand-mère, emblématique, blouse bleue ou grise, chignon blanc et un regard clair rempli d’une bonté espiègle, préparait sans cesse les plats, gâteaux, pâtés, confitures, conserves. Une marmite mijotait toujours sur le coin du vieux fourneau à barre de laiton. Quand elle ne cuisinait pas, elle cousait à l’aide d’une antique machine Singer que mon père avait « électrifiée ». J’entends encore aujourd’hui son tactactactac caractéristique.

Mais l’été, il y avait un événement essentiel qui me tenait en haleine durant tout le mois de juillet : le Tour de France. Dès le mois d’avril les deux courses annonciatrices des beaux jours, aussi fiables que le retour des hirondelles, étaient Paris-Nice et le critérium du Dauphiné Libéré. Mon père alors commençaient à raconter. Amateur et amoureux du vélo depuis l’enfance, il avait suivi passionnément les exploits de ces hommes hors normes. Il racontait et, sans le savoir vraiment, me fabriquait une mythologie sportive unique. Les Pélissier, Lapebie, les frères Maës, Raphaël Géminiani, Antonin Magne défilaient dans la cuisine, effectuaient des ascensions d’anthologie dans des conditions inimaginables, remportaient des sprints incroyables, traçaient des échappées inouïes. Il a du me dire plus de dix fois la légende d’Eugène Christophe, coureur du début du siècle (du vingtième !) qui dut forger la fourche cassée de son vélo, surveillé par un commissaire de course qui vérifiait scrupuleusement que personne ne lui portât assistance l’obligeant à actionner lui-même le soufflet du foyer. C’était au pied du Tourmalet, à Saint Marie de Campan. Coppi (« regarde cette photo, sa cage thoracique sur dimensionnée et ses hanches étroites lui donnent l’air d’un lévrier »), Bartali, Bobet, sont venus dans la cuisine à son invitation. Certains avaient des surnoms comme « l’ange de la pluie » en la personne de Charly Gaul, ou « l’aigle de Tolède pour Fédérico Bahamontès ». A cette époque pour moi, il y avait deux mondes. Celui de mes héros de lecture, du club des cinq aux trois mousquetaires, d’Arsène Lupin à Rouletabille, de Bob Morane à Angelo le hussard sur le toit, des héros cyclistes de mon père. De l’autre côté se trouvaient Jésus et Saint François. Puis je me suis fait mes propres héros d’épopée. Avant tout Jacques Anquetil, maître Jacques, l’idole de mes dix ans. Plus tard je vibrais pour Roger Pingeon, ou Bernard Thévenet qui sont venu à bout d’Eddy Merckx. Puis il y eu Ocana, Guimard et Hinault. Ma mère m’achetait à la fin du tour, le « miroir du cyclisme » et « le miroir du tour » où je relisais sans cesse les exploits et les drames de mes idoles. Je me souviens de titres ronflants à la Blondin comme « le masque du bergamasque » le jour où Felice Gimondi, champion italien avait été distancé par ses principaux rivaux. Je ne connaissais pas Bergame et n’ai compris la formule que plus tard, mais sa musique m’enchantait.

Dans la cuisine, le vieux poste en bois et son œil verdâtre avait laissé place au transistor. J’écoutais, l’oreille collée au haut parleur, les retransmissions des étapes, notant soigneusement les classements quotidiens et le général. Puis en fin d’après midi, je prenais mon vélo et partait faire mon tour sur un circuit immuable. Trois côtes un peu raides, trois descentes, un passage sinueux et une longue ligne droite : mes Tourmalet, Isoard, Galibier, et une arrivée au sprint. J’ai gagné cent fois la course, décroché les meilleurs dans les cols, descendu à tombeau ouvert et jeté mon vélo dans des sprints acrobatiques, seul sur la route. Mon imagination faisait le reste.

J’avais également une collection de petits cyclistes en plastique, plus vrais que nature. Certains montaient en danseuse, d’autres sprintaient, un levait les bras en passant la ligne d’arrivée. Le maillot jaune, le maillot vert, le maillot de champion de France. Tous étaient là. Avec mes cousins, on traçait un parcours dans le jardin. Les voitures dinky toys, agrémentées des noms des coureurs tapés laborieusement sur l’antique Remington dont les lettres ne cessaient de se coincer, puis scotchés sur leur capot, servaient de voitures suiveuses et de « caravane publicitaire ». Nous prenions chacun une équipe et nous les faisions avancer avec des billes. S’il pleuvait, on rapatriait tout le monde à l’intérieur. Le parcours se faisait alors sur le carrelage, les dés remplaçaient les billes, et le tour repartait. Je n’ai pas encore trouvé de meilleure manière de toucher l’été : mes cousins, l’enfance, l’insouciance, un bonheur simple et inoubliable.

Enfin et pour en terminer avec cette histoire sur un autre temps, le plus fabuleux cadeau c’était quand un coureur français remportait l’étape du quatorze Juillet. J’ai encore en mémoire l’arrivée de Raymond Delisle, dans un brouillard épais, surgissant seul en haut du Tourmalet, revêtu en plus du maillot tricolore. Ou encore le démarrage de Thévenet dans les derniers lacets du Ventoux, laissant sur place Eddy Merckx.

Ce bonheur là est équivalent à celui ressenti, quand l’équipe de France de rugby bat les anglais à Twickenam, ou celle de football les allemands à Munich.
Une sorte de moment de grâce, chauvin et délicieux, qui vous fait monter un instant sur le toit du monde.


Joe Krapov - Le sacre de l'été

Le Sacre de l’été 2017

- J’en ai mon baptême de l’emplacement 28 du camping des Flots bleus ! Tous les ans se cogner le Chirac et le Gatineau en gougounes ! On pourrait changer un peu, quand même, non ?
- Crisse ! Tu veux quand même pas t’installer au 12 près des bécosses ?

Batince ! On va encore se faire bouffer la couenne par les maringouins à planter la tente près de cet étang !

Bâtard de cagnard à particule caniculaire ! Quel épais, çui-là ! Y tape comme un sourd !

Câlice ! Se faire arrêter par ces tannants de la maréchaussée sur la route des vins ! Pourvu qu’ils me fassent pas souffler dans leur ivressomètre !

Calvaire d’aoutât ! Méchante bibitte !

Ciboire de parcmètre à touristes ! Après une heure dans les chars cul à cul par 38° ? Se sont tous ligués pour nous assommer ou quoi ?

Diable de colonies de fourmis rouges ! N’y a pourtant pas de sirop d’érable sur la nappe du pique-nique ! D’où c’est donc que vous sortez, diable de sales bibittes ?

Fuck ! Y va encore souffler longtemps le joueur de ruine-babines du bungalow d’à côté ?

Maudit Français ! Pas fermé l’œil de la nuit avec ce feu d’artifice suivi d’un bal populaire avec des tounes tout ce qu’il y a de plus ringardos !

Ostie ! Toutes ces agace-pissette amanchées les seins nus sur la plage et moi qui n’ai rien fait pour éliminer mes poignées d’amour ! J’vas ‘core être traité de balloune ! Quelle badeloque !

Bonyeu ! Je rentre même plus dans mes bobettes !

Sacrament de moules frite à vingt deux euros ! C’est dispendieux, la Côte d’Azur !

Simonaque de quinze août de mes deux ! Pas un seul dépanneur d’ouvert !

Tabarnak de bouchon au péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines ! C’est-y pas Dieu possible !

Viarge ! Je vas l’rester ! Aucune blonde qu’a voulu que je sois son chum ! Même pas necké ni frenché pendant le quart d’heure américain ! N’y a que des lambineuses icitte !

Jésus de plâtre de coup de soleil sur les orteils ! Ca aide pas à l’endormitoire ! Ouïlle !

Allez, vous autres ! Parmi ces sacres de l’été, votez donc à c’t’heure pour celui que vous préférez !

Semaine du 26 juin au 2 juillet 2017 - Le sacre de l'été

Tout en pédalant la semaine dernière sur votre amphibocycle, vous songiez qu’il était dommage que Stravinsky se soit arrêté au printemps, et qu’il vous revenait de vous atteler à écrire :

                                                      
Le sacre de l’été
 
Vous avez eu là une bonne idée, dont vous aurez à cœur de nous faire profiter. Vous avez pour cela jusqu’au dimanche 2 juillet à minuit pour nous faire parvenir votre texte, en prose ou en vers, à l’adresse habituelle impromptuslitteraires[at]gmail.com

dimanche 25 juin 2017

Célestine - Amphibocycle

Amère destinée de l’écrivain en panne
Mon esprit chahuté par ce mot si affreux
Pédalait comme un fou dans un désert insane
Honnissant l’inventeur de cet objet fâcheux
Imaginez ma peine et jugez mon courroux
Bloquée, étais-je, enfin, paralysée plutôt
Obnubilée d’un mot tiré d’on ne sait zoù
Cherchant le fil par où démêler l’écheveau
Y’a pas à tortiller, parfois ça ne vient pas
Clio, Thalie, Euterpe, m’ont abandonnée
Le texte fabuleux jamais ne sortira
Et mon amphibocycle peut se rhabiller

samedi 24 juin 2017

Stouf - Amphibocycle

Apabovélo (surtout si tu sais pas nager)

Et ta sœur ?
- Grooos … tu sais ce qu'est un Amphibocycle ?
- Un quoiii , longue maigre moche frangine ?
- C'est un Water Bicycle, espèce de nulos, t'as qu'a chercher sur Googleu !
- Goût de quoi … pfff … vous les grandes laides vous êtes nulles en zortografe !

- Ouais ben nous au moins on a des amoureux et toi t'es tellement imbécile que même à Noël dans plein d'années t'auras même pas un cadeau sous le sapin et y'aura pas de sapin !
- Hoiiin … t'es méchante, j'veux pas ête mort, chu'is qu'un enfant !
… Excuse moi frangin, chuis qu'une conne, j'voulais pas dire ça … chuis qu'une conne !
Smaaaaaaaack !


 

vendredi 23 juin 2017

Bricabrac - Amphibocycle

Vélobiographie

Cette année-là, j’avais 7 ans de plus que le siècle. À l’université de Vincennes, j’étudiais la féedulogie pour complaire à ma mère, qui disait qu’à l’aube du XXme siècle, un jeune homme moderne devait maîtriser cette science. Mais je redoublais la première année, car, à vrai dire, je séchais les cours magistraux du premier cycle dans l‘amphithéâtre, préférant essayer mon amphibocycle sur le lac Daumesnil. J’avais le projet de devenir explorateur. J’étais plein d’insouciance et si gai que

Je riais aux éclats des sonnets de Vegas,
Qui battra le record de Lope de Vega,
Lequel en écrivit trois mille au Siècle d’Or.


J’aurais aimé faire le tour du lac, mais craignais de me perdre. Amarré près du temple bouddhique, l’hydravion de L’Arpenteur était posé sur l’eau, tel une libellule. Je m’approchai. Il était affairé à la visite prévol. Timide comme une antenne d’escargot, je bredouillai

Qu’à défaut de sextant, comme en marine à voiles,
Un conseil de sa part sur la marche aux étoiles...
Mais il lança l’hélice et ma voix se perdit.


M’éloignant du rivage entre les touffes de littorelle et les joncs fleuris, j’aperçus Tisseuse, très chic dans une robe cousue main par une fauvette couturière, mais le front plissé par les jacinthes et les soucis d’eau, en équilibre sur une feuille de lotus, et qui lançait sur l’onde

De jolis vers, qui fusaient comme des gerris
Entre les nymphéas, la laîche et les iris
D’eau, tressant des poèmes joyeux ou songeurs.


L’après-midi finissant, déjà Lilousoleil dorait les frondaisons. Ah, Lilousoleil ! Longtemps, je m’étais pavané comme le paon bleu du lac, car tout le monde disait qu’elle tournait autour de moi, jusqu’à ce que Galilée,

En cours d’astronomie, démontrât le contraire,
Soit-disant, c’était moi, qui, pareil à la terre,
Tournais autour de Lilousoleil. Balivernes,
Sornettes et billevesées de Jules Verne !


Cette année-là, le siècle tenait ses promesses d’inventions et de paix. Mais quand il eut 14 ans, moi 21, on assassina Jaurès au Café du Croissant, et le monde en fut à jamais retourné. Je dus abandonner mes redoublements en féédulogie. On m’envoya étudier la maréchaldulogie sur le front de l’est, tandis que mon amphibocycle rouillait dans un fossé, à Saint-Maur-des-Fossés.

mercredi 21 juin 2017

Laura Vanel-Coytte - Amphibocycle

Amphibocycle : le miracle pour quelqu'un qui ne sait que faire de son corps,
Empêtré entre ses bras et ses jambes qui lui posent un problème de coordination.

Amphibocycle : le miracle pour quelqu'un que la gravité entraîne vers le bas
Malgré le port de tête, haute et fière, se tenir droit comme on lui a appris

Amphibocycle : le miracle pour éviter les chutes qui font perdre la face
Alors que faire bonne figure est la seule manière de sauver les meubles

Amphibocycle : le miracle de flotter sur l'eau alors que le fond attire
Flotter alors les poches chargées de cailloux du passé plombent

Amphibocycle : le miracle quand la tête haute permet de quitter les angoisses
Pour s'envoler avec les ailes des livres et de la connaissance, la curiosité allège

Où lire Laura

Joe Krapov - Amphibocycle

Succession entrepreneuriale à la mode de Bretagne

Se chante sur l’air du « Capitaine de Saint-Malo »

Le capitaine du pédalo
Ali Alo
Qui reliait Brest à Saint-Malo
Ali Ali Ali Alo Quel rigolo !

Il avait l’air un peu falot
Ali Alo
Il buvait l’chouchen au goulot
Ali Ali Ali Alo Quel alcoolo !

Il pédalait sur un Peugeot
Ali Alo
Mais c’était un as au pageot
Ali Ali Ali Alo Quel gigolo !

Il avait l’air un peu bigot
Ali Alo
Sa femme s’appelait Jeannick Longo
Ali Ali Ali Alo Quel marigot !

Il allait au triple galop
Ali Alo
Sur la surface bleue des flots
Ali Ali Ali Alo Quel matelot !

Il a publié un brûlot
Ali Alo
Sur l’art d’essuyer les bibelots
Ali Ali Ali Alo Quel ramollo !

L’aurait dû tirer les tarots
Ali Alo
Il se serait méfié de Turgot
Ali Ali Ali Alo Ah quel ballot !

Car son fils, un fou du mulot,
Ali Alo
Vient de lui piquer son boulot
Ali Ali Ali Alo Quel sale minot !

Il dézingue à tire-larigot
Ali Alo
Les cachalots, les paquebots
Ali Ali Ali Alo L’affreux marmot !

A coups de fusil Chassepot
Ali Alo
Et de lancers de javelots
Il a hérité du magot Ah quel culot !

Ces histoires de requins sur l’eau
Ali Alo
Qui se disputent un pédalo
A la force de leurs cuissots - Ça m’scie les pattes ! -

Ça ne m’a jamais emballé :
J’suis hydropathe
Je préfère lire Alphonse Allais
Et déguster du Clos-Vougeot Incognito.

Qu’ils fassent du bruit dans Landerneau
Ali Alo
Et se gavent de far aux pruneaux !
Moi je suis bien mieux dans ma peau près d’mon tonneau !

Où lire Joe Krapov

mardi 20 juin 2017

Tisseuse - Amphibocycle

Pédaler sur l’eau
Pas au ras des pâquerettes
Comme un chamallow

Sur une vraie bicyclette
Dominer d’en haut
Renoncules et massettes

Et les potamots
Que j’imaginais, simplette
Venir d’un poulbot

Un régal pour les esthètes
Et les passereaux
En costume ou en jaquette
Que c’est rigolo

Je me ballade follette
Au son des crapauds
Qui poussent la chansonnette
Dans leur marigot

Mais ces images, pauvrette
Autant que roseaux
Libellules et fauvettes
Réduites à zéro

Par la pollution abjecte
Rejet Seveso

Andiamo - Amphibocycle

L'amphibocycle.

Quelle invention fabuleuse ! En voyant cette image j'ai tout de suite pensé à l'exxxxxcellent film de Robert Dhéry "Le petit baigneur" un Robert Dhéry déjanté, mettant au point des inventions toutes plus farfelues les unes que les autres. Un De Funès au mieux de sa forme, je l'ai vu et revu, je ne m'en lasse pas, Andiamette non plus !

Et puis surprise que vois je dans les impromptus ? L'AMPHIBOCYCLE ! Une invention digne de Pierre Dac, et de son "Biglotron" qui s'en souvient ?

Une année j'étais allé au concours Lépine avec mes enfants très jeunes alors, quelle rigolade devant certaines inventions, manquait plus que la casserole carrée pour empêcher le lait de tourner !

Tenez il y avait un mec qui présentait un système permettant de passer du ski de randonnée, au ski de descente, bonne idée, sauf que pour faire la permutation il fallait se livrer au démontage de certaines pièces à l'aide de clés 6 pans dites clés "Allen" !

Alors j'ai demandé au Monsieur s'il pratiquait le ski, car se servir de clés Allen avec des gants et de surcroît dans la neige et le froid : "Bonjour les coulisses de l'exploit" !

Revenons à notre amphibocycle (au passage il n'y a que les impromptus pour nous balancer des sujets pareils) cette géniale invention remonte à 1909, et tout le monde (sauf moi) ignore qu'il y a eu une course organisée en 1910 dans une petite crique à l'embouchure d'un modeste fleuve situé entre Dinard et Saint Malo, pas moins de 9 engagés étaient présents, et cette course fut nommée : LE TOUR DE RANCE !

Où lire Andiamo

lundi 19 juin 2017

Jacou - Amphibocycle

L'amphibocycle

- Enfi ! Tu vois ce que je vois ?
- Mais que tu es grossier, ce matin!
- Quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait encore ?
- Oh, rien, juste tu as dit enf...voilà, à cause de toi, j'ai failli le dire.
- Boh ! C'est pas méchant !
- Enfi ! Beau! Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
- Hé-bé! Je te dis pas d'entendre, je te dis de reluquer.
- Reluquer quoi ?
- Là, l'amphi !
- Tu recommences !
- Mais non, j'ai pas dit enfigueille, j'ai dit amphi, comme amphithéâtre, amphigouri, amphi...
- Ah ! Tu veux parler de ce truc. Comment t'as dit déjà? Enfi..., non amphi...bof, c'est qu'un cycliste qui pédale sur l'eau.
- Bof !?! C'est tout ce que tu trouves à dire. Ça t'étonne pas, toi, un gonze à vélo, qui pédale sur l'eau.
- Cela doit être une variante du pédalo.
- Pédalo ? Qu'es aco ?
- Ben c'est un amphibocycle amélioré*.
- Hé-bé ! C'était pas la peine de faire toute une histoire pour mon amphi, non, enfi, toi aussi, tu l'as dit.
- Ce n'est pas un enfibocycle, mais un amphibocycle, du terme grec amphibie, signifiant pouvant vivre sur terre et dans l'eau.
- Enfi !

* Le pédalo, pas du tout amphibie (amphigourique, l'explication de notre savant , au sujet de l'engin uniquement aquatique**), est né en 1810, alors que l'amphibocycle a été inventé en 1909.
**- Enfi! Lui dites pas, vous me le mettriez encore fumace.

Où lire Jacou

Semaine du 19 au 25 juin 2017 - Amphibocycle

La nuit gourmande s'achève et maintenant c'est l'heure de faire de l'exercice avec cette invention qui a de l'avenir l'amphibocycle.  
A vous de nous raconter son histoire en vers, en prose comme vous le voulez mais avant dimanche 25 juin 2017...

à l'adresse habituelle impromptuslitteraires[at]gmail.com


vendredi 16 juin 2017

Célestine - Une nuit gourmande

Nuit gourmande


On ira marcher les pieds nus dans la luzerne, au frôlement velouteux des lapins qui, comme au vieux moulin de Daudet, s’enfuiront à notre approche dans la nuit tremblante de clarté. Mais l’un d’eux, peut-être, restera là, son regard étonné en bandoulière.

La lune décidera qu’il fasse un peu jour au-dessus de la prairie. Juste un peu. Pour rire. À la barrière de bois peint flotteront des cheveux d’anges, en oriflammes au-dessus de nos têtes.

Tu souriras quand je murmurerai dans ton cou des mots doux, des mots fous, des mots bijoux.

Tes dents adamantines seront dans ton visage comme de petits cristaux de lumière furtifs.

Chut ! Écoute ! Il y aura les parfums de la nuit, en avalanche, le foin, le jasmin, l’achillée qui nous chatouillera les narines comme un poivre. Les sons des oiseaux et le murmure des herbes.

Je serai poupée de porcelaine et de satin, tu seras magicien aux ailes douces. Je serai cerise de mes lèvres, pommes et framboises de mes seins, tu seras pain chaud et doré de ton buste, de tes bras. Tu auras un goût de brioche. Nos fruits gorgés et pressés s’emmêleront, en salade, en marmelade, en macédoine de caresses, en salmigondis de baisers. Mon corps de lait nuage. Ton corps de café brûlant. Et tout en haut, au zénith, Vega Deneb et Altaïr piqueront de leur grâce scintillante le plafond céleste de la plus belle des chambres d’amour.

Ce sera un festin.

jeudi 15 juin 2017

Marité - Une nuit gourmande

Les nuits gourmandes de Monsieur Paul

Juste minuit. Le réveil de Monsieur Paul le tire d'un sommeil agité. Dans une demie torpeur, il se dit que non, il n'ira pas. Il est fatigué. Il sait que ce printemps timide peine à vaincre les derniers soubresauts de l'hiver. Sa détermination habituelle faiblit avec la pensée que dehors, le froid sévit encore. Zut !

Il s'étire. Ses jambes fourmillent. Dans sa tête, se mettent à défiler des images précises. Il jubile. Bien sûr, il ira. Une sorte de frénésie le saisit. Il se lève, réchauffe un café très fort qu'il a préparé la veille, l'avale en vitesse et revêt ce qu'il appelle sa "tenue de camouflage" : imperméable informe, chapeau défoncé et baskets éculées. Il n'oublie pas son grand cabas et le voilà prêt à affronter la nuit et ses surprises. Go !

D'un pas pressé, il regagne les beaux quartiers de la ville, maudissant cet éclairage public trop vif qu'il qualifie de gaspillage. Qui donc, à cette heure, a encore besoin d'une telle profusion de lumière. Lui ? Sûrement pas. Mais il se rassure. Il sait bien que le dimanche soir surtout les gens ne traînent pas. Ils dorment sans doute, récupérant pour affronter la semaine qui arrive avec tous ses tracas. Il se glisse dans les ruelles d'un pas élastique et se coule comme une ombre le long des trottoirs. Il ne craint rien et surtout pas la police effectuant des rondes qui le prend depuis longtemps pour un clochard tranquille. Il fait tout ce qu'il faut pour cela. La nuit, tous les chats sont gris !

Il peut commencer. Il choisit une première poubelle. Méthodiquement et sans faire le moindre bruit, il la vide de son contenu qu'il inspecte minutieusement. C'est la bonne période et le bon moment. Au printemps et pendant le week-end, on s'astreint au grand ménage. On vide les placards qui, décidément n'ont pas capacité à s'élargir. Il faut faire de la place pour tout ce que l'on projette d'acheter. On a envie de changer de décor, croyant ainsi pimenter sa vie. Ah, cette société de consommation se dit Monsieur Paul !

Monsieur Paul étouffe un petit rire de plaisir. "Là, ma belle, tout doux. Viens. Montre-toi un peu". Il élève au-dessus de sa tête l'objet convoité, l'essuie amoureusement et le dépose avec précaution au fond de son sac. Une magnifique prise. Encore un fils indélicat qui s'est débarrassé de cette merveille faisant partie des trésors de la famille. Il marmonne en replaçant les détritus dans la poubelle. Plus de respect !

Plus émoustillé que jamais, Monsieur Paul continue sa quête gourmande. Il a du flair. Il délaisse quelques boîtes à ordures qu'il ne "sent" pas et s'enfonce plus avant dans le quartier. Son intuition le guide et le trompe rarement. Ici. Monsieur Paul pose sa besace. Il fouille sans se presser. La récompense ne se fait pas attendre. Il examine sa trouvaille d'un œil averti. Pas besoin de voir très clair. Au toucher, Monsieur Paul sait à quoi il a à faire. Pas aussi racée que la première, mais il n'attache pas une grande importance à la valeur de l'objet. L'essentiel pour lui n'est pas là. Il veut surtout empêcher une mort certaine. Et bien voilà, et de deux triomphe-t-il !

Monsieur Paul, malgré sa passion, sait se montrer raisonnable. Ça ira pour aujourd'hui. Et puis les éboueurs vont bientôt sévir. Il regagne tranquillement son domicile. Il va se recoucher un peu. Mais avant, il ne peut s'empêcher de déposer ses "friandises" ou "péchés mignons" comme il les appelle sur la table du salon. Il les caresse comme des maîtresses choyées. Il siffle de contentement. Deux belles pièces !

Monsieur Paul ne sait s'il rêve ou s'il anticipe les bons moments qu'il va s'octroyer tout à l'heure. La nuit prochaine quand tout sera calme. Il se voit devant son établi, sa double lunette loupe sur le nez, entouré de ses chers outils. Ceux qui l'ont accompagné toute sa vie : brucelles, tournevis, couteaux, clés, pinces, marteaux…

Il ouvrira délicatement le ventre de ses princesses, fouillera avec volupté leur intimité, guettant le moment où elles vont répondre à ses désirs par un tic-tac frénétique ou langoureux. Quelle jouissance !

Les deux petites dernières iront ensuite rejoindre le harem de Monsieur Paul dans la chambre réservée à cet effet. Elles côtoieront avec bonheur pendules en cristal taillé, en bronze, en marbre, dites d'officier, pendulettes en porcelaine polychrome ou en écaille, Cartels aux chimères, les bien nommées et préférées de Monsieur Paul. Un peu de poésie en toute chose !

Monsieur Paul s'endort apaisé et heureux. Il aura encore beaucoup de nuits gourmandes. Il le sait.

Tisseuse - Une nuit gourmande

Nuit d’étoiles
Nuit souriante
Le ciel se voile
La lune vient confiante

Il ne faudrait qu’un cœur amarante
Pour trouver cette heure ardente
Se sentir alanguie
En fantasme et en vie

Toute à ma gourmandise
De cette heure exquise
Où l’on peut paresser
Sans se lasser

Je me suis glissée
Presque enivrée
Dans des songes insensés
Qui m’ont fait chavirer

mercredi 14 juin 2017

Bricabrac - Une nuit gourmande

Émission spéciale

Nous sommes rentrés assez tôt dans l’après-midi du dimanche. Nous avions quitté la ville dans la nuit de samedi pour rejoindre la côte, épuisés par la campagne à perte de vue. La loi nous contraignant au silence, cette courte escapade avait été maussade, et c’est avec soulagement que nous avions repris l’autoroute pour rejoindre notre fief, où nous avions prévu de passer la soirée.

L’appartement était encombré par les télévisions du monde entier, coréenne dans le salon et la chambre à coucher, mais aussi japonaise, dans la cuisine, et chinoise dans la salle de bains, où nous nous arrêtâmes pour effectuer quelques retouches dans la cabine de maquillage, tout en lorgnant vers les écrans de contrôle, sur lesquels on pouvait voir nos nombreux invités qui arrivaient par d’interminables couloirs.

Mon mari s’enferma dans son boudoir, qu’il appelle son QG, avec sa garde rapprochée : dictionnaire de rimes, livre de recettes, rebrousse-poil et tire-larigot. On croyait savoir qu'il ferait une intervention en début de soirée. Ma femme se retira dans son alcôve avec ses plus proches conseillers : dictionnaire de citations, guide des millésimes et des accords mets-vins, brûle-pourpoint et va-comme-je-te-pousse. On prévoyait une prise de parole peu après 20 heures.

Il était temps de préparer le buffet. Nous nous affairâmes à la cuisine électorale. Nous avions prévu quelque chose de simple : quiches aux salicornes et aux écrevisses, roulés de pomme au crabe, artichauts poivrades rôtis au chorizo, et flans de laitue au curcuma. En dessert, minifiadones au broccio, pavlovas aux framboises, verrines de fraise à la crème mousseuse d’acacia, et pêches pochées à la crème citronnée.

Quand les premiers résultats tombèrent – attention, ce ne sont que des estimations, à prendre avec prudence - (résultats dont nous avions connaissance, en fait, depuis le péage de Buchelay grâce à quelques appels passés à des sources bien informées), et que tout fut consommé, bisque, velouté potiron aux ravioles croustillantes, à quoi certains journalistes sous-entendirent des brisures de châtaignes, la soirée commença vraiment.

« On attend une déclaration d’un instant à l’autre, vous nous le confirmez ? »

Je vis apparaître mon mari sur la mezzanine, appuyé à la rambarde et tapotant le micro. « On m’entend, là ? » Il y a toujours en lui cette anxiété, cette crainte que je ne l’écoute pas. « Vas-y, chéri, tu es à l’antenne. » « Allez-y, nous sommes en duplex. »

Effectivement, nous habitons un grand duplex, c’est pratique pour les émissions spéciales. « Je vous interromps, il semble que ma femme s’apprête à faire une déclaration. » Elle s’avança, tenant une feuille blanche à la main. « C’est laquelle, la caméra ? Je suis dans le champ ? » Elle feint parfois de redouter que je la regarde moins qu’autrefois, alors que je n’ai d’yeux que pour elle.

Leurs premiers mots se perdirent dans le brouhaha ambiant, ce sont les aléas du direct. Ils attendirent que le silence revînt, sans se quitter du regard ni cesser de sourire. « Je t’aime », dit-il. « Moi aussi, je t’aime », murmura-t-elle. Leurs visages étaient radieux.

« Que va-t-il se passer, maintenant, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? »

Il se passa que nous mîmes tout le monde dehors, les candidats, les militants, les experts, les cameramen et les preneurs de son, les curieux et les badauds, et éteignîmes tous les postes. Puis nous dînâmes en tête-à-tête, nos doigts se chargeant des traits d’union, avec un verre de Monbazillac, en écoutant des Gymnopédies et des Scènes d’enfants. Ensuite, nous allâmes dans notre chambre, mon amour, où nous continuâmes la fête à huis clos.

mardi 13 juin 2017

Joe Krapov - Une nuit gourmande

AU BOUT DE LA NUIT CROQUIGNOLE

- Il faut voir comme la Nuit est gourmande ! Tout ce qu’elle s’envoie dans le cornet et dans la voie lactée ! Ce qu’elle engloutit de croissants de Lune ! Elle ne fait pas de quartiers ! Jamais dans la demi-mesure. Il lui faut sa ration quotidienne de cette pâtisserie astrale car sinon, bonjour l’humeur : rien ni personne n’est plus sombre qu’une Nuit sans lune.

Son appétit de sucreries est si féroce que les gazelles s’enfuient à son approche afin de préserver leurs cornes.

La Nuit aime les éclairs qui zèbrent le ciel d’orage des étés et la dotent d’un beau pyjama à rayures. Sans aucune reconnaissance, elle les avale à la vitesse de Guy L’Eclair.

La Nuit dévore la galette tout autant que les financiers et les mendiants. On appelle ça la Crise. 1929 et 2008 sont des fringales célèbres de la Nuit. Il eût mieux valu pour tout le monde que ces financiers, florentins ou pas, le sussent ou les vissent venir, mais non. Elles arrivent sans tambour ni crumpets et tout le monde est douillonné sauf la Nuit qui se régale de nos déconfitures. L’économiche n’est pas une science exacte.

La nuit est une ogresse iconoclaste. Peu lui chaut la religion. Jésuite, sacristain, alleluia, colombe de Pâques, religieuse, pet-de-nonne et même Saint-Honoré, tout est bon pour son estomac qui ne croit que ce qu’il broie. Elle bouffe du curé, nantais ou pas, à tous les repas. N’en faisons pas tout un fromage, nous sommes déjà rendus au dessert.

Que vous soyez Congolais, Oranais, gens de Paris, Brest, Pithiviers, Monaco, Vitréais, Tropéziennes, que vous preniez la navette de Marseille ou fassiez des vers de mirliton à Rouen, sachez-le, un jour la nuit vous avalera, bande de glands et de struffolis ! Surtout vous, les boulets de Metz !

Il faut voir comme la Nuit est gourmande en lumière. Ce qu’elle nous coûte en énergie. Mais nous sommes déraisonnables, aussi ! Plutôt que d’aller dormir lorsqu’elle tombe et profiter de sa sagesse – car la Nuit porte conseil – nous voulons à tout prix éclairer ces merveilleux chemins qui mènent à l’opéra. Nous désirons élire la Reine de la Nuit, vérifier que tous les chats ne sont pas gris, voir dans nos cinémas, « sur l’écran noir de nos nuits blanches » « Queue de castor et Pompe à huile » et tant pis si les acteurs sont un peu tartes !

Mais c’est du flan, tout ça ! Dormez plutôt en paix, braves gens ! Le jour devrait suffire à notre bonheur. Lui n’est pas gourmand en lumière. Un seul gros projecteur en forme de brioche dorée dans la gueule et tout le monde est content. « Viens nous voir à Ganassouinda, y’a du soleil et des nanas ! ». Pas besoin qu’on lui découpe à l’emporte-pièce, dans le tissu du ciel, des sablés en forme d’étoiles pour y voir ! Ne dit-on pas « Clair comme le jour » ? « Bon comme le pain » ? « Simple comme bonjour » ? « Sans chichis » ?

La Nuit, laissons la faire son voyage, on la trouvera au bout, comme disaient Céline Renaud et Louis-Ferdinand Saint-Malo-Alanagecécostaud. Cette gourmande est une ogresse qui se nourrit de forêts noires, de cris de loups, de peurs d’enfants. Laissons-la faire sa chasseresse, remplir son chariot, allumer son fourneau, remplir sa casserole, déguster sa baguette de mesure de jade, sacrifier à l’autel de la gourmandise nocturne. Il faut bien que tout le monde vive et ça n’a rien de gênant : il n’y a même pas de lumière à l’intérieur de son silencieux réfrigérateur !

Nous, bien au chaud dans les draps, serrés l’un contre l’autre, on n’est pas bien, là, mon chou ?
- Eteins la lumière, mon amour ! Je vais te faire un truc qui te laissera baba !
- Oui, Charlotte ?
- Je vais te dévorer, mon bichon !

Où lire Joe Krapov

Jérôme - Une nuit gourmande

Un ciel de neige.
Un arbre gris.
Un maigre corbeau noir, perché.
Trop haut pour le maigre renard blanc – encore plus maigre que le corbeau – qui, au pied de l’arbre, fixe l’oiseau et lui lance un regard noir.
Une envie de rôti de corbeau lui tenaille le ventre.
Il a si faim qu’à défaut, même du fromage blanc et du pain bis feraient son affaire.
Las, le maigre renard s’enroule autour de la faim grise qui mord son ventre blanc et ferme un instant ses yeux noirs.
Voilà que derrière ses paupières, le corbeau grandit dans le ciel gris ; et que de ses ailes naît une vaste nuit noire percée d’étoiles – les miettes de pain bis ? – où roule une haute lune ronde et crémeuse.
Mais trop haute, bien trop haute pour le renard.
À quoi servirait de se plaindre ?
Il préfère rêver un matin vert et roux, orné d’un soleil jaune et d’un vrai repas chaud – pas du fromage blanc ou du pain bis, mais un vrai repas de renard avec trois entrées et quatre plats fumants, viandes rouges, pot-au-feu où nagent de mauves navets et des carottes oranges, chapelet de saucisses roses, et puis du pain doré, du vin rubis, un plateau de fromages bleus, des raisons verts ; et encore des pistaches, des tartes fauves et des compotes de fruits incarnats – ; un repas si copieux qu’il le partage volontiers avec le corbeau.
Passe la nuit noire.
Vient le matin gris.
Le renard blanc ouvre l’œil.
Que voit-il ? Un ciel de glace, un arbre gris.
Mais plus de corbeau : envolé, le piaf noir !
Plus maigre encore que la veille, le renard jure, mais un peu tard.

Où lire Jérôme

lundi 12 juin 2017

Arpenteur d'Etoiles - Une nuit gourmande

Le jeu de toutes les gourmandises.

L’été offrait le dais velouté d’un ciel sans nuage, piqueté des premières étoiles. Quelques voix lointaines venues du petit port caché par un ourlet voluptueux de la côte, montaient dans l’air du soir, soulignant un peu plus le calme du vieux parc. Un chat sorcier apparaissait et disparaissait dans les massifs ombreux. Une légère brise amenait par bouffées les notes adoucies d’un piano jouant du jazz.

Il avait dressé la table au bout de la terrasse que bordait la majesté souple et rectiligne des grands cyprès. Il avait choisi une nappe blanche très simple, tombant jusqu’à terre, et deux chandeliers d’argent. Puis il avait placé les nombreux verres, flûtes, timbales, avec un soin presque religieux, veillant à leur parfait alignement. Il avait enfin disposé des corbeilles de pain et de l’eau fraîche.

Il l’avait appelée la veille : " êtes-vous libre demain soir ? – oui – venez à la villa vers vingt heures – j’y serai – ah, ne mettez pas de parfum … s’il vous plait" Il avait entendu la légère hésitation, puis : "d’accord, à demain"
Il savait qu’elle ne s’attendait à rien, ce qui signifiait qu’elle était prête à tout.

Enfin, elle fut là. Diaphane apparition en robe de soie marine, une vapeur de cheveux blonds encadrant son visage ambré. Il l’installa sur une chaise à haut dossier et murmura à son oreille "je vous convie à la découverte de nous-même".

"Nous allons jouer à accorder nos vraies gourmandises. Vous avez devant vous une carte où sont nommés les vins et alcools dont nous disposons. J’ai ici autant de fromages portant chacun un numéro. Vous choisissez un numéro. Je vous donne le nom du fromage. Vous devinez le vin que j’ai imaginé pour lui. Si vous faites erreur, je vous embrasse où bon me semble. Si vous trouvez, vous faites de même avec moi. La règle vous convient-elle ? " Elle, dans un sourire sérieux : " Oui "

Le jeu commença.
Elle trouva sans hésiter le champagne blanc de blanc pour accompagner les dés d‘un parmesan de deux ans d’âge et elle posa doucement ses lèvres au bord de sa tempe, sur le fin réseau rieur du temps qui passe.
Il lui fut facile d’associer le comté et quelques noix avec un Château Chalon chambré : sa langue joua un instant avec le lobe d’une oreille.
Elle butta sur le cidre avec le camembert et il baisa le bout de ses doigts si longs. Puis il goûta l’intérieur de son poignet quand elle préféra un Aloxe Corton à un Chablis pour déguster un Brie à cœur. Il la laissa effleurer la veine bleutée de son cou lorsqu’elle perçut l’accord parfait Epoisses et Meursault.
Il eut sa revanche en appuyant sa bouche à la commissure de ses lèvres car elle ne sut marier le Stilton avec un vieux Xeres.
Puis elle osa un peu de Calvados avec un Livarot colonel et s’aventura sur le torse bronzé. Elle savait qu’un Chavignol ne pouvait qu’être à son aise avec un Sancerre et qu’un Pouligny Saint Pierre révèlerait toute sa grandeur d’âme avec un Pouilly fumé un peu vieux. Elle mordit la chair de son épaule.
Elle ne put se décider avec le Roquefort qu’enlaçait la subtile douceur du Maury, et il sut le goût de sa peau, juste à la naissance des seins.
L’Ossau-Iraty trouva naturellement son Jurançon et elle embrassa le creux de ses reins. Il pensait avoir porté l’estocade avec un fromage de brebis corsé, mais elle devina le muscat de l’île de Samos. Elle l’emporta enfin avec l’évidence d’un munster enchanté par un gewurztraminer vendanges tardives et une pincée de cumin.

Ils terminèrent avec un vieux banyuls sur un sorbet au chocolat amer.
Ils en savaient déjà beaucoup, et l’un sur l’autre et sur eux-mêmes.

Alors ils se goûtèrent tout entier et la nuit les enveloppa de sa douce magie.
La lumière du matin les trouva endormis dans un lit défait.
Le chat ronronnait paisiblement à leurs pieds.

Vegas sur sarthe - Une nuit gourmande

Sonnet gourmand

Une île surnageait sur le plafond flottant
le ventilo bruyant brassait la Chantilly
une quiche ventrue faisait des gargouillis
mon ventre distendu en faisait tout autant

J'ai repoussé du pied les draps en millefeuille
et reconnu sitôt l'odeur des pets-de-nonne
à moins que ce ne fut la tourte berrichonne
un fâcheux avait mis mon lit en portefeuille

D'un fumant waterzooï émergeait un poulet
sur les murs caramel coulait un kouign-amann
alors a retenti le chant du pétomane

Sur un gros financier fondaient des madeleines
je devais décamper, m'enfuir à perdre haleine
je n'aurais jamais dû reprendre un cassoulet


Andiamo - Une nuit gourmande

De bar en bar, de grandes avenues en ruelles sordides, je crois bien que j’avais frotté ce soir-là plus de zinc qu’un curé peut en bénir !

Deux ou trois échassières, qui en cuissardes, qui en escarpins, bas résilles et jupe au ras du trésor, attendaient le micheton.
Elle est entrée, fraîche, souriante, incongrue dans ce décor poisseux.

-Un mêlé-cass a-t-elle commandé au loufiat mal rasé, la clope « Boyard papier maïs » faisant corps avec ses babines violacées.
Rien qu’à son air abruti, j’ai tout de suite compris que la petite venait de lui parler en Inuit !
-C’est de l’eau-de-vie avec du cassis, plus d’eau-de-vie que de cassis, servi dans un verre à Martini. Tu mets des glaçons au moment de la préparation, mais tu ne les laisses pas dans le verre… Verstehen ?.

Une boisson d’une autre époque dis-je à la femme en me tournant vers elle tout en lui décrochant mon sourire à 4, 95, celui qui faisait chanstiquer les rombières, quand je n’avais pas dépassé la date de consommation.
-Une boisson d’homme aurait dit Audiard, poursuivit la belle rousse, car elle était aussi rousse qu’un tas d’rouille, au moins ça changeait des filasses rencontrées, celles qui pensaient qu’un coup de blond allait leur retirer une dizaine de berges, et la loi de la pesanteur hein ? Elles en faisaient quoi ?

On a parlé de tout, de rien, de « Trou du cul premier » qui venait d’être élu président, de ce quartier des halles qu’elle n’avait pas connu « avant », les petits troquets dans lesquels on servait le Muscadet quasiment à la pression ! La gratinée des petits matins, au milieu de la faune des louchébèms, grandes blouses autrefois blanches, tachées de résiné. Seules les prostiputes, étaient encore présentes, moins nombreuses toutefois.

Je m’appelle Adeline, Adeline Ferrero, et vous ?
-Mario Rodatti.
-Vous êtes Rital itou ?
-Si peu, ça remonte à mes arrière-grands-parents, je ne parle pas une broque de la langue de Dante, ou alors deux mots quand je suis bourré, trois sous la torture.
Ma réflexion l’a fait sourire, un si joli sourire. Mais vous, Ferrero, vous êtes apparentée au chocolatier ?
-Oui c’est vrai, nous sommes cousins germains !

Elle a siroté son mêlé-cass, moi j’ai terminé mon Bourbon, nous nous sommes regardés… On s’arrache ?
Elle a acquiescé, on boit un verre chez moi m’a-t-elle demandé ?.
-Excellente idée, mais je ne suis pas en état de conduire.
Ma voiture est là, une Giuletta sprint de 1959 était garée, une pièce rare !
Moteur 1300 cc, arbres à cames en tête, freins ventilés, une merveille pour son époque !
-Ah mais, voilà un connaisseur, et j’apprécie vivement.

Je suis monté, elle a embrayé sans sauvagerie, il faut ménager la vieille Dame a-t-elle murmuré à voix basse, et surtout ne pas la vexer !
Elle habitait rue de la Pompe, décidément cette gonzesse avait plus d’un talent…
Un chouette appartement au deuxième étage, ascenseur « à l’ancienne » avec porte en fer forgé, pas très sécurisant, mais un charme fou.
Elle m’a installé dans un superbe canapé second empire, en compagnie d’un Armagnac hors d’âge.
Un peu plus tard elle est apparue, seulement vêtue d’un déshabillé transparent, elle s’est plantée devant moi, a lentement fait glisser le voile…

Aux endroits sensibles de son corps magnifique, elle avait disposé des touches de Nutella, une nuit gourmande m’attendait.