vendredi 31 août 2018

Chri - La fête bat son plein

Le feu du soir.

Le jour n'était pas encore levé qu'il faisait déjà chaud. 
Nous avions passé une bonne partie de la nuit la bouche ouverte sous le robinet d’eau froide et pour certains sous le tuyau d’arrosage, nus, dans le jardin. Ces températures, par ici, ne surprenaient personne. Ce pays savait être gelé en hiver et brûlant comme un four de braises lors de quelques nuits de juillet. Ici, dans les rivières, à la fin du printemps, les truites avaient appris à nager sur le sable. Ici, dès juin, on donnait aux vaches des noms de dromadaires. Ici, vers le quinze de juillet, même les pierres avaient soif et transpiraient comme des coupables.
La veille, nous étions allés en douce acheter un nécessaire à feu d’artifice. C’était la surprise. Personne n’était au courant, sauf ceux qui venaient depuis quelques années déjà. La tradition s’était assez facilement installée, le douze au soir, à la nuit tombée, on tirait un feu. On avait choisi le douze pour éviter la concurrence avec ceux des villages alentour qui faisaient ça ou le treize ou le quatorze avant les bals des pompiers volontaires. On avait misé sur le douze pour qu’il soit tiré avant les autres, le nôtre étant évidemment moins prestigieux. Nous n’avions pas les moyens d’une mairie. Le nôtre était vu de nous, de nos voisins les plus proches et de certains habitants du hameau. Il faut ajouter à cette liste les deux ou trois familles qui vivaient dans les gîtes pour cette période. Ce qui finalement faisait un joli petit public.
Nous avions rapporté de la supérette de la ville la plus proche un kit de feu domestique qui comprenait une dizaine de fusées, cinq ou six feux de Bengale, deux fumigènes comme ceux qu’on voit lors des arrivées de transat, quelques abeilles stridentes et vrombissantes, un paquet de pétards en rafale et cinq ou six autres trucs qui sentaient la poudre et la Chine à plein nez.
Le repas, nous l’avions pris comme d’habitude à l’abri du vent qui soufflait légèrement ce soir-là, entre les deux maisons. Nous avions dévoré des salades et des grillades, arrosées d’un Morgon un peu frais. Les bouteilles s’étaient descendues gentiment toutes seules et, ma foi, en nombre pour les participants. Sur le liquide, nous n’avions pas été raisonnables. Mais on s’en foutait, on n’avait plus à conduire. Juste à aller, dans le noir, s’installer avec nos chaises au bout du terrain, sous le massif de lilas vers la grande prairie. Et ceux qui n’avaient plus l’envie ou la force de porter leurs chaises pouvaient y aller avec un coussin. Dès le fromage, un petit groupe avait filé installer les fusées dans les restes des bouteilles d’eau minérales en plastique alourdies de sable pour que le tout ait quand même un peu d’allure. On avait aussi acheté des briquets tempête pour ne pas tomber en panne de flamme. Bref, malgré la modestie des moyens, on essayait d’en faire un spectacle qui marque. On n’allait pas être déçus.
Un peu ivre, c’est une troupe vacillante et joyeuse qui est sortie de table ce soir-là et s’est dirigée vers la Prairie. Patou avait embarqué la dernière bouteille dans laquelle il restait de quoi écluser quelques verres. C’est Marie qui s’est mise à chanter la première. Cathy a embrayé assez vite. Bernard, quant à lui, était passé dans la maison pour attraper une flasque de génépi de l’Encombrette qui restait de l'hiver dernier. Enfin, chacun à sa manière s’est préparé au feu.
Le ciel dans ce coin-là était noir comme dans une chanson de Miossec que Marthe s’était mise à brailler à tue-tête et personne ne lui disait: « Moins fort ! » vu que, maintenant, tous les autres s’égosillaient avec elle. Au-dessus de leurs têtes qu'ils commençaient tous à perdre, des milliards d’étoiles s’étaient pointées au concert et certaines se détachaient pour venir, en pluies de lumière, dégringoler sur les crânes de cette bande d’hurluberlus vaguement soûls, mais encore présentables.
Ils se sont assis où ils ont pu, certains à même le frais de l’herbe. Au loin, on devinait les lueurs du village, celles qui restaient allumées toutes les nuits « à cause que les malfrats y commettent des méfaits » comme le susurrait d’un air entendu cet imbécile de conseiller municipal, fraîchement élu…
La première fusée a fait flop juste après le décollage. Ce qui les a tous pliés de rire. La deuxième est montée droit au noir, puis a éclaté. Elle est retombée en corolle rouge sous des exclamations béates et un peu forcées. C’est dès la troisième que ça a commencé à merder. En retombant, elle a foutu le feu à l'herbe sèche comme un Apache en colère. L’incendie poussé par une brise légère a remonté vers la compagnie qui s’en est bien amusée, au départ…
Quand les flammèches ont léché les premières tongs, ils ont levé le camp en catastrophe et ils sont remontés vers la maison en courant. Mais le feu les a poursuivis dévorant tout ce qui se présentait. Les lilas avaient fini de fleurir… C’est Paul qui a eu l’idée de génie : il a enclenché l’arrosage automatique et a ordonné à tout le monde de plonger dans la piscine…
Quand les pompiers du coin se sont pointés, sortis du lit, le feu était éteint depuis longtemps… mais, à cette heure de la nuit… ils ronchonnaient dans leurs moustaches: « Savent plus quoi inventer pour se désennuyer, ces vacanciers... »
Ils n’ont pas tardé à sourire en apercevant tout le beau monde, à demi débraillé, trempé, tenant à peine debout dans la minuscule piscine gonflable et flapie de plastique bleu… 

mercredi 29 août 2018

Marité - La fête bat son plein

La fête en forêt.

Je suis assise comme très souvent sur ma vieille souche à l'ombre d'un pin maritime dans la forêt des Saulières. En ces derniers jours d'été, la lumière filtrant à travers les arbres se fait plus douce et plus dorée. La chaleur, encore présente alanguit le bois plongé dans une moelleuse torpeur. Je me laisse aller à la rêverie quand des bruits étouffés, en contre-bas du chemin m'alertent. J'écoute.
Est-ce la brise berçant légèrement les branches du châtaignier voisin qui raconte son voyage ?
Est-ce l'eau dégringolant sur les cailloux du ruisselet qui clapote et gazouille ?
Non. Je connais bien la chanson de la forêt. C'est autre chose. C'est étrange et inhabituel.

Intriguée, je me laisse guider par les sons jusqu'à une toute petite clairière à peine visible depuis le sentier. Mes amis, quel spectacle extraordinaire se produit devant moi ! Je me fige et pour ne pas troubler la fantasmagorie qui s'offre à moi, je m'assois dans l'herbe et, bouche bée, regarde la scène.

Tout le menu peuple de la forêt s'est invité à une fête car il s'agit bien d'une fête et elle bat son plein.
Une chorale improvisée l'anime. Juché sur une grosse pierre, un corbeau en habit bat des ailes en cadence. Il joue le rôle de chef de chœur et a bien du mal à imposer un semblant de coordination. Deux merles sifflent à tue-tête à s'en époumoner. Fauvettes et mésanges zinzinulent sagement pendant qu'une alouette tire-lire joliment. Un pic-vert bat la mesure en cognant sur un tronc d'arbre. Des bourdons font les basses. Pour ne pas être en reste, une grenouille jette de temps en temps des "coa-coa" intempestifs qui sèment le désordre et agacent visiblement le corbeau. J'ai peine à entendre les stridulations d'une cigale perdue dans les bois corréziens mais il a fait tellement chaud cet été qu'elle est arrivée jusque chez nous. Il est vrai qu'on nous dit "le riant portail du Midi" !

Et l'on danse ! Un lapin entreprenant berce doucement dans ses pattes un écureuil un peu farouche mais qui se laisse quand même conter fleurette en baissant pudiquement les yeux. Deux tourterelles amoureuses roucoulent et tanguent, seules au monde. Un couple de putois se balance un peu à l'écart . Leur présence est tolérée à condition qu'ils s'éloignent un peu. Après tout, la fête ne doit exclure personne. Une fouine et une belette, un peu soûles, tentent en riant des pas maladroits. Un rat invite une taupe qui ne le voit pas.

Ce n'est pas tout. Un buffet géré par une grosse pie s'agitant sans cesse est servi sur un bord de la clairière. Sur des écorces de pin maritime sont disposées des noisettes offertes par les écureuils, des graines variées sans cesse fournies par de vaillantes fourmis toujours à la peine. Une famille entière de souris s'est sans doute levée tôt ce matin pour cueillir des mûres dégoulinantes de jus. Il y a aussi un beau rayon de miel, cadeau des abeilles. Qui donc a apporté ces drôles de champignons de toutes les couleurs ? Un vieux hibou, les yeux exorbités ne cesse de les picorer. Ce sont, à l'évidence, des champignons hallucinogènes. Oui, c'est bien cela. Il y a des amanites tue-mouche rouges à pois blancs. Je pense qu'il veut guérir son éternel mal de vivre mais, là, il abuse. Un rat, à la moustache toute blanche regrette, quant à lui d'avoir mangé trop de noisettes. Il nettoie ses dents creuses en se servant des piquants d'un hérisson qui ne remarque rien. Il semble dormir tranquillement.

Depuis combien de temps suis-je là à me repaître de cette féérie ? Personne ne semble avoir remarqué ma présence pourtant je me sens observée. Ah, je vois ! Ce sont les nains de Blanche Neige. Dans ma forêt, les champignons poussent à profusion, même les belles amanites comme dans le bois du conte de Grimm. Je sais maintenant qui sont ceux qui veulent transformer cette belle fête en free-party pour s'amuser. Sacrés petits bonshommes !

mardi 28 août 2018

Vegas sur sarthe - La fête bat son plein

Contrefaite

En caraco de trufette, une schtroumpfette refaite juchée au faîte d'une estafette joue les prophètes... mais deux nymphettes surfaites vêtues de moufette sont stupéfaites : voilà que la préfète insatisfaite joue les trouble-fête et fait fermer la cafèt !
C'est la défaite... la fête était parfaite, elle battait son plein la voilà qui se vide, contrefaite.

lundi 27 août 2018

Mister K - La fête bat son plein


Fête
Je vous en prie, fête
Pour tourner c’est tout droit
Vous voyez la grande roue ?

Fête
Je vous en prie fête,
Des chevaux de manège
Tenez les rênes

Fête
Je vous en prie, fête
Collé à la barbe à papa
On ne vous reconnaîtra pas

Fête
Je vous en prie, fête
Faites gaffe au caramel
Sur vos nougats 

Fête
Je vous en prie, fête
Et une rincette
A la buvette

Fête
Je vous en prie fête
Riez de vous voir si perdus
Dans le palais des glaces

Fête,
Je vous en prie, fête
Ascension pour les sensations
Soyez à la hauteur

Fête
Je vous en prie, fête
Machines à sous
Ah si ici aussi six sous

Fête
Je vous en prie, fête
C’est la course à l’ours
Qui veut la peluche ?

Fête
Je vous en prie, fête
Gardez l’esprit ouvert
Dans le train fantôme 

Fête
Je vous en prie, fête
Auto-tamponneuse et chocs
Tubes de l’été en stock

Fête
Je vous en prie, fête
C’est parti sucreries
Gaufres confiseries

Fête
Je vous en prie, fête
Les odeurs ont une couleur
De friture et de churros

Fête
Je vous en prie, fête,
Fanions flottent au vent
Parfums d’enfance en suspension

Fête
Je vous en prie, fête
Foraine
Vrais Rois

Fête
Je vous en prie, fête
Et ne tombez dans les pommes
Que d’amour 

Où lire Mister K

Laura Vanel-Coytte - La fête bat son plein


Je ne prétends pas tout savoir et heureusement sinon ma vie serait bien triste
Sans plus rien à apprendre à l'avenir, rien pour satisfaire ma curiosité ou lire.

Je ne prétends pas avoir tout vu, tout lu, observé et encore moins compris
Mais j'ai cependant regardé de tous mes yeux certaines choses et la mi-temps de ma vie

(J'en espère une deuxième pour en voir et lire au moins autant et plus encore)

J'ai  observé des différences et des constances entre les différents paysages
Traversés: entre la Champagne de ma naissance et ma jeunesse

Où les gens m'ont paru froids, indifférents et aimant peu la différence
Je ne veux nulle part généraliser, ce sont des rencontres et des expériences

Des différences entre la Champagne où j'ai fait une partie de mes études
Et la capitale où on voit plus de tout, de tout le monde et parfois n'importe

Quoi aussi: entre la Champagne froide et le nord si chaud hors températures
Qui peuvent être très lourdes: mais au Nord, ce sens de l'accueil, l'entraide

Et le sens de la fête même quand il fait froid ou qu'il pleut, du monde
Dans les rues de Lille et d'ailleurs: cet allant pour sortir, bouger, vivre

D'où sans doute cette tradition de tableaux de kermesses et autres bamboches
Dans la peinture flamande, néerlandaise plus fine que les comédies soi-disant nordistes.

A l'opposé géographique, les sud que je connais et même le Maroc qui ouvre
Grand ses bras et son coeur, mais malgré la lumière, une tristesse fataliste

L'accueil des montagnes ariégeoises comme de celles de l'Auvergne
A été plus timide mais profond; à l'usage l'attachement fut moins durable

Ici, à St Etienne, j'ai eu le coup de foudre pour cette ferveur populaire
Des Verts: j'ai eu envie de rester et même d'y revenir, prendre enfin racine

Ceci dit et plus au sud, les portes, les fenêtres et les volets se ferment
Aussi vite que le soleil  arrive ou revient et le parapluie s'ouvre

A la moindre goutte comme si quoi que ce soit pouvait protéger des colères
Du ciel, bien anodines par rapport à celles sous lesquelles je dansais petite fille.


Sebarjo - La fête bat son plein

Il est minuit, La fête bat son plein

Il est minuit, La fête bat son plein
Les verres sont vides et les gens sont nombreux
A danser sur la piste sous les cieux
C'est le début de l'été, c'était un 21 juin.

On boit, on se fait tourner la tête
On fête la vie en musique, on oublie le reste
Les rires fusent, hébétés ou parfois bêtes
On se sent plus léger, les gestes se font lestes.

Il est six heures, la fête bat de l'aile
Les derniers survivants ont des vagues dans les yeux
La tête vide, le ventre lourd, ils se sentent vieux
Pourtant comme cette longue nuit était belle !

Ils se sentaient si jeunes, si sûrs de leurs épaules,
Ils avaient laissé tombé la chemise après la veste
Chacun dans son euphorie se sentait the best
Et noyés dans l'alcool, ils jouaient à merveille leur rôle.

Il était minuit, la fête battait son plein
On était tous là, on était si heureux
On était bien dans le noir, on ne voyait rien
Et pourtant on brillait de mille feux


Où lire Sebarjo

Andiamo - La fête bat son plein


La fête à Pigalle.
 
J'avais quinze ans quand, pour la première fois, je suis allé à la fête foraine de Pigalle.
Elle s'installait en automne et restait un bon moment, elle s'étirait à peu près du Boulevard Barbès, en passant par Pigalle, jusqu’ à la place Clichy, (ligne 2, n'est-ce-pas) ?

Pour nous y rendre le dimanche, on empruntait le bus et le métro. Afin de ne pas payer les transports, on collectait auprès des voisins les cartes hebdomadaires.
Ces cartes étaient vendues pour la semaine, six jours (samedi inclus), une carte pour le bus, une autre pour le métro. Généralement, les gens ne travaillant pas le samedi avaient le droit (ou plutôt la tolérance) d'utiliser le jour vacant le dimanche.
Pour moi, pas de problème, j'allais à l'école dans Paris, donc j'étais pourvu.
On descendait à Pigalle, c'est là qu'elle commençait vraiment.
Magnifique, fabuleuse, époustouflante, pour un p'tit gars de banlieue qui n'avait vu jusque-là qu'un manège d'autos tamponneuses, une chenille poussive, et deux stands de tir miteux !

Et tout à coup ça "clinquait" (pas Français, m'en fou), ça hurlait, vociférait, interpellait le chaland...
ROULEZ, ROULEZ, ROULEZ, de la vitesse, encore de la vitesse : en voiture la jeunesse !
Les loteries aux couleurs vives, une grande roue, avec les lots inscrits dans chaque secteur, le cliquetis de la lame de ressort qui tressaute à chaque passage de chacune des petites tiges métalliques, TRRRRRR... Encore un heureux, encore un veinard, il a gagné "un canard" !
La musique des manèges, tonitruante, elle vrille les tympans, il faut hurler pour s'entendre, tant pis pour le voisinage !
C'était Piaf, Ray Ventura, Luis Mariano, Bécaud ou Sydney Bechet, le rock n'était pas né... Pas encore.
 
La guimauve, rose, blanche, jaune, qui dégouline. D'un geste appliqué, la belle foraine, à l'aide d'une spatule en bois, remonte la pâte collante et la suspend au crochet chromé.
Les odeurs de caramel brûlé, près du chaudron à barbe à papa, la baguette agile récupère le sucre qui s'effiloche.
Je n'ai jamais su résister à la barbe à papa, c'est léger, "volatile", comme un gamin de quinze ans.
La mère exaspérée distribuant une torgnole au gamin trépignant, gesticulant, hurlant, chandelle sous le pif, réclamant un tour supplémentaire du manège fabuleux, avec ses chevaux en carton pâte, harnachés comme pour la parade, montant et descendant au rythme effréné d'un accordéon musette.
 
Tout à coup, un attroupement... Approchez, doucement... Au milieu du cercle des badauds, un petit bonhomme, aussi haut que large, casquette crade, pull col roulé délavé en fin jersey, les muscles énormes qui saillent... Un gorille !
C'est Yves Laboulange, un des derniers bateleurs que j'aie connu, il était passé il y a fort longtemps, dans une émission que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître : 36 chandelles, présentée par Monsieur Jean Nohain.
Il est là Yves, il arpente calmement les trois mètres carrés de son tapis crasseux, posé à même le sol, il attend que la recette soit assez conséquente avant de "commencer l'travail", comme il dit.
Yves se tourne alternativement vers les quatre points cardinaux : au Nord, des radins... Au Sud, pas mieux... A l'Est, des pingres, du bout du pied, il repousse négligemment les thunes et les laranqués (pièces en alu de 5 et 2 francs, des anciens francs, que dalle quoi) ! Il ne garde que les pièces jaunes, 10 et 20 francs anciens, pas un seul bifton, tu penses !
Puis, pivotant encore d'un quart de tour, il déclare regardant les badauds un à un : "à l'Ouest, rien de nouveau" !
Quand sa tirelire est suffisamment remplie, il commence "le travail", d'abord un poids de vingt kilos soulevé "à la coiffe", c'est à dire qu'il prend le poids en forme de tronc de pyramide, le coiffant de sa large pogne, la paume posée sur le sommet, et le soulève ! Essayez, vous verrez, la partie la plus étroite étant vers le haut, ça ne demande qu'à glisser.
Ensuite, il soulève le même "à la pince", c'est à dire qu'ayant saisi le petit rebord situé dans le haut du poids, entre le pouce et l'index, d'un mouvement de bascule vers son avant-bras, il lève les vingt kilos. La prise n'est qu'un bord de fonte de 8 millimètres de large par 5 ou 6 millimètres de profondeur. Essayez là aussi, mais écartez vos pieds d'abord ! Ses pognes ? Des machines à broyer !
Yves Laboulange, ça n'est pas le grand Zampano de "la strada", mais ça lui ressemble !
 
Les stands des "curiosités" : Zouzou, la femme la plus grosse du monde, quatre cents livres au bas mot !
Jacky : l'enfant-singe de Bornéo (vous avez remarqué : tous ces êtres, étaient toujours originaires de contrées exotiques, pas de Hénin-Liétard, ou de Boue-sur-Vase, non, non des régions subtropicales UNIQUEMENT) !
Ça n'est pas un homme, ça n'est pas une bête, c'est Jacky, l'enfant-singe de Bornéo, recueilli alors qu'il n'avait que sept ans environ... etc.
Plus loin, c'est Odette, la femme à deux têtes ! Ou encore Madame Suzy, qui présente des pinces en lieu de mains !
Nous n'allions pas voir ce genre d'attraction, ça m'aurait mis mal à l'aise, ces pauvres gens exposés à une curiosité malsaine.
 
Après le train-fantôme, les chenilles, cages à écureuils, autos-tamponneuses rutilantes, chromes éblouissants sous les projecteurs, ça me changeait des bagnoles plutôt minables de mes fêtes drancéennes ! Au détour d'un stand de tir, repérable à distance grâce ou à cause de l'odeur de poudre, voici...
 
Voici : le ring JACKSON !
Sur l'estrade, dominant la foule, alignés en rang d'oignons, un lutteur, un boxeur, un catcheur, et un judoka.
Le père Jackson, mégaphone en main, invective la foule, cherchant un "audacieux" qui osera relever le gant, qui défiera ses champions !
Il y a toujours dans la foule rassemblée devant le stand, un type ou deux qui lèvent la main.
Bravo Monsieur, c'est courageux, de combattre le champion de Belgique et des environs.
Bien sûr, c'est un "baron", un comparse, mais il n'empêche que pour une somme raisonnable, on assiste à un véritable combat de catch ou autre, qui dure un quart d'heure au bas mot.
J'ai connu il y a... Fort longtemps, dans une petite boîte de Bagnolet (ne la cherchez pas, rasée, laminée, la boîte, la rue avec, en lieu et place, l'échangeur de Bagnolet) un garçon qui avait travaillé pour le ring Jackson, ce copain avait été catcheur.
Il nous racontait qu'il effectuait six à sept combats journaliers et, bien que ce soit un comparse contre lequel il combattait, c'était épuisant.
 
Quand nos poches étaient vides, ce qui était assez vite fait étant donné qu'au départ elles n'étaient pas bien pleines, on flânait encore, nous saturant les mirettes de ces néons multicolores, du vermillon des pommes d'amour et du rose bonbon de la guimauve.
On tardait à rentrer, les effluves de vanille, noix de coco, gaufres, nougats et caramels, nous retenaient encore un moment dans ce lieu magique.
Enfin on reprenait le métro, faisant le chemin en sens inverse, les musiques des manèges tournaient dans nos têtes : la belle de Cadix, la vie en rose, Davy Crockett.
C'étaient nos musiques, le cha cha cha venait d'éclore, les Beatles jouaient aux billes dans la banlieue de Liverpool, Bill Haley n'était pas encore une comète, Paul Anka chantait pour ses copains, et le King répétait ses déhanchements.

Tisseuse - La fête bat son plein


Je ne suis pas poète
Mais j’entends souvent
Une musique dans ma tête
Comme un vent de printemps
Qui déboule en tempête

Ça fait un vacarme là-dedans
Qu’j’me dis même qu’y a fête
Du genre fanfare et déguisement
Avec Pierrot qui s’époumone
A la trompette
Pour la p’tite Simone
De Ménilmontant

C’est sûrement mon cœur d’enfant
Qui s’amuse avec des sornettes
Comme Renaud et ses  « Mistral gagnant »

Même quand je suis en miettes
Et les bras ballants
J’écris des vers d’opérette
Pour une Piaf de vingt ans

C’est p’t’être une peu bête
Mais j’trouve ça marrant
D’avoir fait une chansonnette
De bataclan
De fête foraine et de boucan