dimanche 30 juin 2019

Annick SB - Nouveau partage

J'ai choisi le texte "Les lunes" du thème -Lune de sang - car je suis fan de petits Chaperons Rouges, de mini détails, de listes et d'histoires enfantines !
Comme je pars à la retraite ( plus que 4 jours d'école ... ), je vais également offrir ce texte à mes collègues pour mon pot de départ !
Alors, on va dire que ça fait deux bonnes raisons !!! Bel été et bonne continuation à tous ; j'espère vraiment retrouver vos plumes ici et là …


Les lunes …

Lune, feuilleté de lumière grignotant les lucioles du cœur
Pleine lune, astre gourmand déguisé en tartelette, tranche de beau rassasiant les étoiles des cieux
Lune descendante, astre qui tendrement éclaire les linceuls
Lune montante, astre qui évidement éclaire l’âme des optimistes
Lune de miel, intense moment partagé entre deux cœurs d’artichaut
Lune rousse, muse des poètes, des peintres et autres artistes insomniaques
Lune de Sang, fillette curieuse, douce, intrépide et à la recherche de ses origines


Cette nuit là, Lune de Sang sortit dans son jardin et s’assit sur le banc ; elle savait qu’elle désobéissait un peu mais elle avait l’habitude.
Elle avait préparé l’après-midi une galette aux épices, un petit pot de cancoillotte et une bouteille de vin jaune pour se rendre le matin suivant chez mère-grand.
Comme elle ne trouvait pas le sommeil, elle décida de faire nuit blanche au milieu des étoiles ; c’était sa couverture préférée.
Ça lui arrivait quelquefois l’été de rester toute la nuit dehors et le matin, ni son père ni sa mère n’osait vraiment la gronder.
Lune de Sang se posait beaucoup de questions et était passionnée de généalogie, on comprend bien pourquoi avec un nom pareil !
Sa grand-mère, vieille mémé ridée au chignon argenté, la fascinait ; son sourire, sa Paix et cette joie qui brillait dans ses yeux ; toujours …
...
Quand grand-mère faisait du tricot l’hiver, ses doigts agiles, que fixaient imperturbablement ses lunettes en écaille, bougeaient à toute allure. Parfois la fillette avait peur que l’énorme rubis de sa bague de fiançailles, en forme de lune, s’ôte des griffes de l’anneau. Mais non, elle tenait bien la précieuse et ne risquait pas de tomber dans le sac de croquettes si grand-mère nourrissait ses chats !
Le bruit des aiguilles métalliques couvrait chaque jour la radio ; ce n’était pas un problème pour grand-mère car grand-mère fredonnait toute seule ses airs préférés ; ça faisait sourire Lune les paroles de ces cantiques vieillots mais elle trouvait ça beau finalement car ça sortait de la bouche de mère-grand qui avait une jolie voix.
Au début du printemps, grand-mère s’asseyait sur la terrasse dans son fauteuil en osier ; elle délaissait un peu l’ouvrage pour plonger le nez dans des catalogues de jardinage ou dans des albums photos ; parfois, elle se mettait à effilocher des brins de laine sortis de ses poches ; elle les laissait s’envoler librement, pensant ainsi aider les oiseaux à nicher. Puis l’été arrivait et grand-mère passait des heures à contempler les fleurs et les insectes du jardin.
Ce matin là, grand-mère était impatiente.
Lune devait venir la voir.
Grand-mère était fascinée par Lune, le petit trésor de son cœur.
Elle savait que sa petite chérie lui apportait toujours des bonnes choses à manger et salivait déjà mais ce qui était le plus important c’était le bonheur de sa présence, de ses questions, de ses rires, le bonheur de l’enfance.
Ce matin, elle allait enfin lui faire découvrir son trésor et lui raconter l’histoire de famille, faite comme dans toutes les familles de secrets, de non-dits, de sommes inimaginables de brins de poésie, de clin d’œil à la vie, de morceaux d’âmes et de rires en cascade…
Grand-mère était une collectionneuse.
De tout et surtout de petits riens qui pouvaient tenir dans une menotte.
Elle avait promis à Lune de lui montrer son trésor un de ces quatre.

Quand Lune souleva le couvercle de la boîte aux souvenirs de grand-mère elle arrêta quelques instants son souffle.
Quel privilège !
La main plongea et sortit lentement les objets les uns après les autres ; à chaque petit trésor, mère-grand disait quelque chose et Lune buvait ses paroles.

Un galet - « Tu m’as aimé sur les galets, tralalala lala, lala … »
Un morceau de lichen - Le petit faon en mange dans la forêt …
Un peu de mousse – Comme celle sur laquelle on a posé les santons dans la crèche cet hiver…
Une quenotte - La petite souris l’aurait-elle oublié ?
Un buvard taché - Preuve que dans la vie on peut se tromper !
Un trèfle à trois feuilles - Pour celles et ceux qui n’aiment pas les superstitions…
Un ruban de velours turquoise- Qui servait jadis à embellir la longue natte…
Une graine de haricot - Pour partir à la rencontre de Jack…
Un bonbon au miel - Qu’il ne faut surtout pas croquer, sinon il ne sera plus dans la boîte…
Une feuille de laurier - « Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés… »
Une mini toupie en bois d’olivier – L’heure tourne…
Un dé - Il n’y a pas de hasard…
Un mouchoir de poche brodé - Celui qui avait fait pleurer arrière grand-mère lors d’un repas de fête des mères…
Une perle noire - Trouvée dans une foire…
Un poil de loup - Celui qui n’a réussi à tuer ni grand-mère ni le Chaperon rouge …
Une coquille d’escargot - Echappée d’une autre boîte…
Une photo de famille sépia - C’est à la mode…
Une Bible-chignon - Le plus ancien et le plus précieux des trésors de la boîte…


Lune attrapait les objets délicatement les uns après les autres en buvant les paroles de sa grand-mère chérie ; elle les reposait ensuite dans la boîte mais quand elle eut le tout petit livre dans ses mains, elle le garda, l’ouvrit au hasard et lut ceci :
« Le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant l'arrivée du jour du Seigneur, de ce jour grand et glorieux. Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. »
Toutes deux se donnèrent la main en écarquillant les yeux pour admirer les nuages qui avançaient à vive allure ; elles prirent acte de leur bonheur de vivre, souriant de plaisir en regardant le ciel si prometteur …

Marité - Nouveau partage

Ce texte est le premier que j'ai écrit pour les Impromptus Littéraires sous le pseudo Occitane.
Le thème était « au resto ». En visionnant la photo proposée, il était évident pour moi que ce local, avec ses étagères était auparavant une bibliothèque. Tout comme ma mémé du dialogue, je trouve déplorable de changer les livres par des bouteilles de vin, même des Margaux. Mais...même si j'aime beaucoup les premiers, je ne crache pas sur les autres. Faut pas exagérer !




Quiproquo.

- Madame ...? Bonsoir Madame. Je peux vous renseigner ?
- Bonsoir. Ne vous dérangez pas. Je connais. Je vais faire mon choix.
- Bien Madame ! Installez vous. Cette table vous convient-elle ? Je vous apporte la carte. Un petit apéritif en attendant ?
- Tiens ! Ils offrent l'apéritif maintenant ?Ah ! Les élections approchent. Un petit malin, ce maire ! Mais que font ces couverts, le sel, le poivre sur cette table ? Curieux...Et puis, je ne le connais pas, celui là. Pourquoi il est habillé en noir et blanc ? Il a perdu sa grand-mère ? La barbe ! Les employés changent tout le temps. Dès que quelqu'un connaît vos goûts, il disparaît dans la nature. Mais où sont passés les livres ?
- Dites ? Je ne vois pas les livres. Vous avez fait du rangement ?
- Quels livres ? Il n'y a pas de livres ici !
- Oh ! Que c'est énervant ! Enfin, Monsieur, je suis bien à la bibliothèque ici ?
- La bibliothèque ? Il n'y a jamais eu de bibliothèque ici Madame ! Vous êtes dans un restaurant. Le restaurant "Aux pieds de cochon". Ben, la vieille, elle est pas nette !
- Enfin ! Je ne suis pas folle ! C'est la bibliothèque ici !
- Madame, vous faites erreur. Asseyez-vous. Oh la la ! Qu'est ce que je fais moi ? J'appelle les flics ?
- Dites jeune homme ? Vous vous moquez de moi ? Je vais lui montrer...Mais qu'est ce que c'est que ça ? Des bouteilles de vin à la place des livres ?
- Madame ! S'il vous plaît ! Il est interdit de se servir soi même dans la vitrine. Un bordeaux ? j'ai là un ...
- Je ne bois pas d'alcool moi Monsieur. Je n'en reviens pas ! Du vin à la place des livres ! Vous êtes tombé sur la tête ?
- Madame, je vous en prie...Bon. Je vais lui apporter une tisane. Ça lui remettra les idées en place à la mémé. Je vous offre une tisane. Il vaut mieux que j'aille la chercher là bas, sinon, elle est bien foutue de tout casser.
- Comment ? Comment ? Vous vous prenez pour qui freluquet ? Ne me touchez pas. Je suis tout à fait capable de me déplacer seule. Là, vous voyez ? Là, à la place de votre piquette...
- De la piquette ? Un Margaux ? Mais elle est vraiment timbrée cette bonne femme !
- Là. Oui. Là. Tout Proust Monsieur ! Je commence toujours par Proust.
- Ah ! Vous voilà Patron ! Cette dame se croit à la bibliothèque...Ah bon ? C'était vraiment une bibliothèque il y a 6 mois ? Qu'est ce qu'on fait ?

vendredi 28 juin 2019

Vegas sur sarthe - Nouveau partage

J'ai choisi ce texte de 2018 dont le thème (très original) était Impromptus
J'y mets en scène deux de mes personnages préférés : Germaine et Biquet
J'espère qu'il fera encore sourire 

Les Inopinés Linéaires 

Le rideau s'ouvre en grinçant sur un appartement cossu de Versailles.
Germaine – chignon-choucroute à la Bardot et peignoir molletonné de chez Thermolactyl – regarde côté cour vers chez Marie-Antoinette sa voisine
Moi – dit Biquet dans l'intimité – regarde côté jardin, mon côté bucolique mais en un mot. 
Moi (en mon for intérieur cossu) : Faudra qu'j'arrange ce rideau 
Germaine (ébaubie) : T'as vu ça, biquet ? Un prompt tue !
Biquet (jamais ébaubi) : Where ? dans la gazette ?
Germaine : Non, à Versailles... chez nous. C'est écrit : « Un prompt tue à Versailles » 
Biquet (inspiré) : C'est des rapides les loubards de Versailles
Germaine : Pour sûr, ça s'est joué en un acte
Biquet : Et on sait qui est l'auteur ?
Germaine : La maréchaussée l'a identifié comme étant un certain Poclin, J.B. Poclin, un bateleur qui se fait appeler Molière.
Biquet : Tu veux dire Molière... comme la rue ?
Germaine : Tout juste mon biquet, comme la rue Molière puisque c'est là qu'il a zigouillé sa victime
Biquet (ébahi) : Tu crois pas qu'il faut être tordu pour prendre le nom du lieu où on commet son forfait ?
Germaine : Attends. Tu sais pas la meilleure, biquet. Ses complices avaient pris un nom de rue limitrophe
Biquet (goguenard) : Y a une rue Limitroff à Versailles ?
Germaine : Ouais, y en a plein
Biquet (toujours goguenard) : Y a plusieurs rues Limitroff à Versailles ? C'est futé pour brouiller les pistes
Germaine : Nonobstant, les complices se faisaient appeler Lamartine et Racine. Les trois rues donnent sur la rue Boileau où les attendait un complice du même nom. 
Le petit plaisir du matin pour Germaine, c'est de placer nonobstant dans nos conversations ; elle prétend que ça fait très Versailles 
Biquet (spirituel) : Je plains le type qu'aurait attendu rue du Cul du Putois
Germaine : Pouah ! Me dis pas qu'y'a une rue du Cul du Putois à Versailles !
Biquet : Oublie ça. J'voulais être spirituel
Germaine : Finalement y z'ont pincé toute la troupe... le gang des Littéraires ainsi que la femme de l'auteur, la susdénommée Béjart
Biquet (expert en balais) : Maurice Béjart ?
Germaine : Mais non gros ballot, sa femme s'appelle pas Maurice mais Armande
Biquet (de plus en plus spirituel) : Tiens ? J'aurais juré qu'un saltimbanque avait écrit Ma femme s'appelle Maurice
Germaine : Alors ça doit être une coquille, mon biquet. Y z'auraient bien besoin qu'on leur apprenne à écrire tous ces écrivaillons !
Biquet : Y mettent des coquilles dans les gazettes, maintenant ?
Germaine (pointillée) : …
Biquet : Tu sais Germaine, j'me dis que je ne suis pas plus ridicule qu'eux en écrivant par moi-même
Germaine : C'est sûr mon biquet. J'suis fière de toi qui écris si fidèlement dans ce bulletin... comment déjà ?
Biquet (soupirant) : Les Inopinés Linéaires
Germaine : Voilà ! C'est comme t'as dit. J'me ferai jamais à ce nom tordu. Les créateurs auraient pu choisir quelque chose de plus digeste
Biquet (un brin nostalgique) : Tu sais Germaine, au siècle dernier ça s'appelait Coïtus Impromptus 
Le peignoir molletonné de chez Thermolactyl se met à frissonner 
Germaine (aguichée fermée) : J'aime mieux ça
Biquet (deux brins nostalgique) : C'est d'l'histoire ancienne. Faut vivre avec son temps, Germaine
Germaine : Tu t'fais appeler comment déjà ?
Biquet (soupirant) : Vegas sur sarthe
Germaine : Drôle de nom de rue
Biquet : T'as pas tort Germaine... un nom à coucher dehors

jeudi 27 juin 2019

Tisseuse - Nouveau partage

Je souhaite vous donner à lire un 2ème texte écrit le 4 août 2008 pour le thème "Les volutes du temps", 2 mois avant la fin du 1er site français des Impromptus. 
Je reste ainsi sur la thématique du temps, après le texte "Le vendeur de temps", mais en vers cette fois-ci, afin de décliner la notion de temps qui passe....

Les volutes du temps

Sont autant de mystères
Que les voiles au vent
Que les guerriers sans terre

Elles tourbillonnent tant
Dans ma vie et mon sang
Qu’elles ont creusé un cratère
Où ma raison s’enferre

Elles enroulent doucement
Des appels délétères
Nappe et nappe d’encens
Sur l’autel de mes pères

Elles offrent au passant
Le regard tourné vers
L’éternel du levant
En miroir d’éphémère

Elles surprennent l'enfant
Dans tous ses gestes lents
Et mon cœur se serre
Lorsque l’âme s’enterre

Arpenteur d'étoiles - Nouveau partage

Voilà à présent Emma qui nous dit :  "j'ai un texte (publié lors du thème "Gargouille" le 19 mars 2013)  qui est inscrit dans mon carnet "de belles choses", il s’agit d'un poème de l'Arpenteur qui m'avait émerveillée, (moi qui ne sais pas rimer), habité par un vrai souffle épique - S'il est permis de republier le texte d'un aminaute, j’aimerais que ce soit celui là.

Bonne route à vous, chers amis, et comme disait Charles ... nous nous reverrons un jour ou l'autre"


L'effroyable réveil

Quand l’aile de la nuit couvrait encore le monde
Nous étions des milliers, n’avions ni dieu ni roi.
Nous étions les porteurs de vos peurs vagabondes
Les seigneurs des ténèbres et des contrées sans loi.

Vos cités étaient nôtres. Nous venions d’autres terres.
De ces îles ignorées aux entrailles fécondes.
Nos hippogriffes mus par les vents des enfers
Rugissaient en silence au bord des eaux profondes.

Nous descendions paisibles vers les bas-fonds des villes
Pour frotter nos peaux sèches à celles des ribaudes
Reniflant les relents des caresses serviles
Aux carrefours étroits et glauques des maraudes.

Nous laissions derrière nous la morsure des rapaces,
Un souffle d’air glacé courant dans les couloirs
Et l’écho de nos rires quand vous cherchiez la trace
De nos reflets absents dans l’eau des grands miroirs.

C’était un autre temps, c’était encore hier.
Si je suis emmuré dans une tombe grise
Mes compagnons grimacent en leurs prisons de pierre
Accrochées tout en haut du clocher des églises.

Mais ne reposez pas, ô vous pauvres mortels !
Nos maîtres sont puissants diables tricéphales.
Ils se nomment l’argent, le pouvoir, les chapelles
Et rampent dans vos âmes, prêts à ouvrir le bal.

Quand ils auront semé assez de terreurs vaines
Dans vos cœurs pétrifiés, assez de noires envies
Dans vos cerveaux jaloux, suffisamment de haine
Dans vos foules aveugles, ils nous rendront la vie.

Ils viendront nous chercher perchés en haut des tours.
Nous planerons alors dans des cieux embrasés.
Depuis des millénaires nous renaissons toujours
Et laissons libre cours à nos orgies passées.

Et moi je suis le prince de la sombre cohorte
Dans mon repère glacé je brûle d’impatience
J’ai perçu tout à l’heure le serpent qui m’apporte
Le signal espéré de notre délivrance.

Mes yeux se sont ouverts, déjà je sens en moi
La lave rougeoyante qui irrigue mes chairs.
Les valets ont sorti mon habit d‘apparat
Bientôt je vais paraître aux portes des enfers.

Je ne sais pas encore dessous quelle oriflamme
Nous nous élancerons. De quelle ville sainte :
Jérusalem ou Rome, La Mecque ou Manhattan.
Mais je sais que bientôt s’élèveront les plaintes.

Svastika ou faucille, qu’importe la bannière,
Le Talmud ou la Bible, Evangile ou Coran
Qu’importe le slogan : la haine est sans frontière
Pour les fous sanguinaires qui traversent le temps.

Nous repartons encore pour l’éternel voyage
Poussant la cruauté à son point culminant
Nous sommes pour toujours les mercenaires sans âge
Du fanatisme absurde pourvoyeur du néant.

Surtout n’oubliez pas, ô hommes sans mémoire :
Quand vous voyez, moqueurs, briller nos yeux de pierre
Et nos gueules ouvertes qu’au soir la lune éclaire
C’est le fond de vos cœurs que vous devriez voir.
 

mercredi 26 juin 2019

Lilousoleil - Nouveau partage

Le choix me fut difficile car parmi tous les textes que j'ai écrits, certains revêtaient l'aspect plaisantins ou anodins voire à l'eau de fleur... Mais celui-ci à la relecture j'ai trouvé qu'il irait bien dans ce thème car j'ai du puiser dans mes ressources pour écrire en poème un introspection. Alors j'espère qu'il sera autant apprécié qu'il l'a été lors de la première parution le 23 janvier 2018


Le tour de soi

C’est une étrange chose que de faire le tour de soi-même
Il fallait y penser, il fallait aussi du courage et de la volonté
C’est une étrange chose que de faire le tour de soi-même
Et ne pas sombrer dans d’artifices bontés.

C’est une étrange chose que de faire le tour de soi-même
Cela commence par la main dont on voit les veines
Puis la paume qui doucement va effleurer un corps
Que l’on croit connaître, qui découvre des cicatrices,
Des morceaux de peau dont les accrocs réparés
Attirent les souvenirs lourds ou légers.

C’est une étrange chose que de faire le tour de soi-même
Cela continue avec les yeux qui se ferment
Sur une tranche de vie où affleurent les bosses et les creux
Les douleurs et les bleus du corps comme ceux
Qui appellent les souvenirs et les troubles l’âme.

C’est une étrange chose que de faire le tour de soi-même
Cela passe par les narines qui se laissent caresser
Des parfums enivrants de fleurs, de fruits,
D’embruns salés comme des larmes de bonheur
Qui aiguisent la gourmandise de la vie

C’est une étrange chose que de faire le tour de soi-même
Cela finit par les oreilles qui entendent les cris de colère
Les pleurs de joie, les pleurs des chagrins enfantins,
Mais aussi les mots tendres, les mots doux
Qui nous réchauffent le cœur meurtri.

C’est une étrange chose que de faire le tour de soi-même
C’est un voyage sans complaisance dans l’esprit
C’est un voyage dans les paysages lointains de l’enfance
C’est un voyage dans les coins cachés de l’âme

C’est un étrange voyage que de faire le tour de soi-même.

Où lire Lilou

mardi 25 juin 2019

Andiamo - Nouveau partage


Impromptus

Il me semble que mon premier billet pour les impromptus date de 2017, j'en ai écrit 111. si ma mémoire est bonne l'un des tout premier s'appelait : "Au pied du figuier", aujourd'hui je suis... Nous sommes au pied du mur, ce sera mon dernier billet pour les impromptus.

L'impermanence des choses, je ne vais pas épiloguer sur ce sujet, tant d'autres l'ont fait avant moi, et beaucoup mieux !

C'est Célestine qui m'a fait connaître les impromptus, cela m' a permis de côtoyer une bande de bons et joyeux billettistes, des poèmes, des truculences, et des textes plus graves... La vie en somme.
Bon je n'ai pas de kleenex à vous offrir, alors je vous remercie tous de votre accueil, à Diù siatz comme on dit à Maubeuge.

Au zazard j'ai choisi "Lune de sang", un billet que j'avais eu plaisir à écrire, le thème avait séduit car il y avait eu beaucoup de billets publiés...


Lune de sang.

Ou Pâle ici Monsieur le Comte...

Le grand château niché sur un piton rocheux dans la chaîne des Carpates, la cérémonie a été grandiose, on avait convoqué le ban et l'arrière ban, ainsi que tous les habitants du village.
Pensez donc Monsieur le Comte vient d'épouser la douce Adeline en la chapelle de sa magnifique demeure, le chapelain a célébré l'union des époux.

La grande cape noire aux revers rouges de Monsieur le Comte, tranche sur le blanc immaculé de la robe d'organdi à longue traîne de la jeune épousée, lui grand et mince, elle plus petite, un joli visage à la peau très pâle, diaphane, un teint de porcelaine comme il est décrit dans les romans à l'eau de rose, du genre de la née Rostopchine !
Le soir après un somptueux repas servi sur de longues tables couvertes de nappes blanches, les convives se retrouvent dans la grande salle d'apparat, des violoniste Tziganes animent le bal, Polkas, Mazurkas, Valses, les longues plaintes des violons ajoutent à la magie de l'instant. Des laquais empressés veillent à ce que rien ne manque, notamment les chandelles dans les candélabres d'argent, il faut que ça brille a dit Monsieur le Comte, et ça étincelle ! A en juger par les petites flammes qui brillent dans les yeux des invités, du marquis au plus humble paysan, chacun a fait honneur au maître de maison, et sorti pour l'occasion ses plus beaux atours.

La lune est apparue au-dessus du "Nagy-Bihar" le sommet le plus élevé, c'est une pleine lune un peu rousse, qui éclaire les sommets enneigés de cette chaîne magnifique coiffée des neiges de l'hiver.
Un à un les couples un peu fatigués se sont retirés, les plus éloignés sont invités à demeurer au château, a profiter de l'hospitalité de Monsieur le Comte.
Le couple nouvellement uni est resté jusqu'à la fin, Monsieur le Comte tenant à veiller à ce que nul ne manquât de rien, ah ! Il sait recevoir Monsieur le Comte...
La grande salle est vide, les musiciens ont joué une valse, une dernière danse pour Monsieur le Comte et la toute nouvelle Comtesse, une valse lente de Monsieur Frédéric Chopin, la douce Adeline ne quitte pas son époux des yeux, ce dernier l'embrasse tendrement dans le cou.
Les dernières mesures meurent sur la chanterelle, Monsieur le Comte fouille dans sa poche, en tire une poignée de pièces d'or qu'il lance aux musiciens, ceux ci se courbent littéralement en deux afin de remercier leur généreux donateur.

Lentement les nouveaux épousés ont gagné leur chambre, la timide Adeline n'ose porter le regard sur son époux, qui lentement a fait glisser sa cape celle ci s'étale à ses pieds, corolle rouge et noire.
- Notre lune de miel commence mon amour a murmuré la douce mariée.
- Sachez Comtesse Dracula, puisque c'est ainsi que vous vous nommez désormais, sachez belle épouse que commence notre lune de sang !

Arpenteur d'étoiles - Nouveau partage

Pour ceux qui ont lu des textes de L'arpenteur sur ce site, vous savez qu'il avait des personnages récurrents, comme ceux des inspecteurs JP Tardy et Dalban.
Je crois que la première enquête qu'il a écrit de ces deux là était pour le thème "Je connaissais le patron" le 6 février 2007.
La plupart d'entre vous n'écrivait pas encore alors sur Les Impromptus.
J'ai souhaité partager aujourd'hui à nouveau cette facette de mon cousin qui était fan des dialogues à la "Audiard", dans cette bonne ville de Lyon qu'il a tant arpenté.

"J’vais d’abord faire les présentations : moi, c’est Jean Pierre Tardy dit JP, inspecteur principal. Lui là, à côté, c’est mon adjoint Jacques Augagneur dit Dalban de par sa ressemblance avec l’acteur Robert Dalban. Au départ c’était pas flagrant, mais il s’est peu à
peu identifié au personnage. Aujourd’hui il en est presque le sosie ; il est même aller jusqu’à cultiver la langue verte. Voilà donc plus de quinze ans qu’on joue aux gendarmes et aux voleurs dans cette bonne ville de Lyon. Plus de quinze ans qu’on bosse ensemble, en « binôme » comme on dit pour faire plus chic.
Il y a un bail que je t’ai rien raconté, c’est vrai. Mais les affaires c’étaient routine et compagnie. Un casse par ci, un enlèvement par là, un assassinat sordide par ailleurs. Rien de très intéressant. 

Mais là, il faut que je te raconte. Bon, comme d’habitude, je vais continuer à t’appeler Georges. Faut pas m’en vouloir, mais c’est plus simple pour ma petite tête de flic. Et puis c’est encore moi qui décide !
Tu vois Georges, cette dernière enquête s’est révélée plutôt…bizarre. On signalait depuis quelques temps des profanations de tombes dans plusieurs cimetières environnant, de la Croix Rousse jusqu’à Cusset. Au début, les médias ont mis ça sur le dos des neo nazis pour la bonne raison que la première victime était un riche industriel d’origine juive. Ah, ça a défilé, tu peux me croire, les journalistes, les hommes politiques, les associations, tous à montrer leurs mines outragées, leurs grands sentiments, leur attachement à la république, leur volonté à défendre la liberté, à lutter contre le racisme ambiant …
etc…On a eu beau faire des descentes dans les milieux nazillo-gothico-sataniques, interroger des dizaines de types au crâne rasé, rien. Pas le moindre soupçon de preuve. L’emballement médiatique a fini par se calmer. Un attentat à Bagdad et tous les chiens ont trouvé un nouvel os à ronger.
Et puis les profanations se sont multipliées. On a réfléchi, observé et il s’est avéré que le lien entre toutes était double : victime riche, voire très riche, décès récent. On a organisé des planques serrées et une nuit on a alpagué deux individus avec pelle et pied de biche près du cimetière de la Guillotière. On les a pas vraiment crus quand ils nous ont dit que c’était pour faire leur jardin et que celui-ci était à coté du champ de navet, juste derrière le mur et que c’était plus court en passant par là.
L’un d’eux était un second voire troisième couteau, sans intérêt. L’autre était « connu des services de police » selon l’expression consacrée. C’était un petit mac de la rue Saint Polycarpe qui avait trois ou quatre filles autour du marché-gare, vers Perrache. Il était célèbre sous le nom de l’indien, pour son profil busqué d’une part et d’autre part parce qu’il fumait toujours en faisant des ronds semblant des signaux codés à l’attention d’une hypothétique tribu.

Il voulait pas trop parler, enfin tout au début. Dalban lui a collé quelques mandales pas piquées des vers et lui a dit rigolard :
- ben tu vois l’indien, t’as vraiment la peau rouge à présent. Maintenant ouvre bien tes esgourdes Géronimo : j’te conseille de causer rapide. Sinon, je vais te faire sauter les ratiches une à une et faudra que t’ailles becqueter à la soupe populaire avec une paille. Si ça suffit pas je pourrais bien m’entraîner au scalp, si tu vois ce que j’veux dire !
- Z’avez pas le droit, qu’il a répliqué l’indien
- Ça tombe bien, a fait Dalban, « j’suis gaucher »
Puis il s’est installé sur la chaise à côté de lui en faisant craquer ses phalanges et l’a regardé dans les yeux, de tout près. Et tu vois, Georges, le Géronimo il a du reconnaître la petite lueur dans son regard ; cette petite lueur étrange qui rend crédible tout ce qu’il peut dire. Alors, il s’est mis à table.
Il était commandité par un fourgue minable de la montée de la Grand’Côte qui voulait arrondir ses maigres fins de mois. Il s’était mis en cheville avec un croque mort qui repérait ce que le défunt avait sur lui avant la fermeture du cercueil. 
Au passage Georges, c’est fou ce que les gens se font enterrer avec des bijoux, des montres, des objets de valeur, à croire qu’il n’ont rien compris à la mort. Où alors ils sont tous persuadés qu’ils emportent au paradis ou en enfer les biens de ce bas monde. Donc le gus de la morgue rencardait, et l’indien agissait à la demande. Un coup de pelle, un de pied de biche et le tour était joué. A eux les bagues, colliers, dents en or (si, si !)… sans risque que les volés n’aillent se plaindre. Même les poignées, si elles étaient un tant soit peu choucardes y passait. Dalban, qui malgré les apparences a des lettres, les a appelés le gang des nécro-sarcophage.

Mandat de perquize en poche on s’est rendu montée de la Grand’Côte, chez le dénommé Augustin Cherchevie, une vieille connaissance. « Ca s’invente pas un blaze pareil » me souffla Dalban en arrivant.
L’enseigne « Antiquités en tout genre » était bien visible sur la façade de la boutique. Un petit homme replet, bien mis, sentant l’après-rasage et la pastille de menthe nous a ouvert et a voulu refermé tout de suite.
- Pas assez rapide, a dit Dalban un pied dans l’entrebâillement, tu vieillis mon vieux Tintin.
- Qu’est ce que vous me voulez, à la fin, j’suis rangé des voitures depuis belle lurette ?
- Des voitures, mais pas des corbillards mon pote. Tu vois on sait tout. Alors tu va nous accompagner gentiment dans ta réserve.
Augustin soupira, rajusta son veston et nous précéda dans la cave voûtée. Une vraie caverne d’Ali Baba remplie jusqu’à la gueule de matériel hi-fi, informatique… et puis dans un casier métallique plusieurs boîtes étiquetées et rangées méthodiquement pleines d’objets, de bijoux.
- ben mon vieux, tu t’laisses pas aller pour un mec à la retraite, Tintin.
- on embarque tout et on fera le tri … Je crois qu’on a tout ce qu’il faut pour t’enchrister, vieux !
Tout à coup Dalban lança un long sifflement. « viens voir ça JP »
- dis donc Tintin tu collectionnes les plaques de cimetières ?
- Ce sont des ex-voto, la plus belle collection au monde, il y en a plus de cinq cent, fit Cherchevie fièrement.
- regarde JP, non mais regarde celui là.
Dalban brandissait une petite plaque en marbre noire sur laquelle était gravée :
« Tu as été chargé par le sanglier que tu chassais
On t’a vengé, camarade On l’a mangé en civet »
L’amicale de chasse de Saint Martin à son compagnon courageux.
- et celle-ci :
« Roger, saches que tu as finalement gagné
le concours du plus grand buveur de Pastis »
- et cette autre en marbre vert veinée de rouge :
« Grâce à toi, le saut à l’élastique a trouvé ses lettre de noblesse »
- arrêtez tout de suite, c’est vous les profanateurs, hurla Augustin. Ces objets sont les dernières marques d’affection aux défunts ; ces phrases ont une vraie valeur pour ceux qui les ont fait graver. Vous devriez avoir honte.
- Et pour celui qui va les piquer sur les tombes, c’est quoi, hein, c’est quoi, répliqua Dalban d’une voix doucereuse ?
- C’est un témoignage, jeune homme, un extraordinaire témoignage qui n’existe nulle part ailleurs. Une étude sociologique sur les mœurs de notre temps.

Et tu vois Georges, c’est là qu’est arrivé le drame. Augustin hystérique s’est jeté sur Dalban. Celui-ci a opéré une gracieuse rotation, a envoyé son bras gauche et a propulsé son adversaire contre le mur. Mais dans sa chute, Cherchevie a bousculé une étagère sur laquelle était rangé quelques uns de ses sacrés exvoto.
L’un d’eux a glissé et lui a fendu le crâne ; il est mort sur le coup.
Sur le marbre rose destiné à un ancien légionnaire était gravé cet épitaphe que je n’oublierai jamais :
« Pleure pas trop fort
Ne t’en fais pas
Adieu, adieu mon colon,
M’en fous la mort
Car déjà ici bas
Je connaissais bien le patron »

Tisseuse - Nouveau partage

Je souhaite vous partager ici le tout premier texte que j'ai envoyé aux Impromptus d'alors, et qui a été publié le 12 novembre 2006. C'était un thème étrange intitulé "Le vendeur de temps", et j'ai écrit un texte que je trouve étrange aussi... J'ai hésité quelques jours avant de l'envoyer, et puis j'ai guetté sa publication, et comme il a été diffusé le dimanche de fin de thème il a été peu commenté à l'époque, mais je me sentais heureuse de voir que pour la première fois un de mes petits textes étaient lus par d'autres personnes que quelques proches.
Ensuite j'ai renouvelé l'expérience, semaine après semaine...je suis devenue administratrice du site sur la proposition de Obni.
Puis Mercedes, auteure du site, et amie virtuelle, m'a ouvert un blog gratuit que j'ai investi quotidiennement de mes poèmes, en compagnie de l'Arpenteur j'ai écrit sur un blog collectif ouvert par Wictoria (autre auteure des Impromptus), puis j'ai ouvert en parallèle un 2ème blog d'écritures pour des textes plus longs...
Enfin, j'ai délaissé ces deux blogs d'écriture : manque de temps, panne d'écriture...

Aucun des contributeurs aux Impromptus d'aujourd'hui ne connait ce texte, et je trouvais intéressant de le produire, comme une sorte de boucle du temps.


Le vendeur de temps

J’ai vendu mon temps au premier passant du matin. Je n’avais plus un sou en poche pour nourrir ma carcasse. A quoi lui servait mon temps à ce bonhomme moche ? Je ne lui ai pas demandé. Je n’en avais rien à foutre de savoir s’il avait vraiment besoin de ce temps là, puisque moi je savais que si je ne bouffais pas j’allais finir par en crever. Alors, pour moi….un peu de temps en moins ou pas, qu’est-ce que ça changerait ? Il valait mieux céder mon temps au premier venu, qu’en nourrir les asticots !
Il ne m’a même pas remercié. M’a jeté quelques euros sur le trottoir. A ramassé les précieuses heures que j’avais mises au fond d’un petit sac plastique, et s’est précipité dans le TGV de 6h48.
Moi, très lentement, je me suis relevé, lesté de quelques heures. Me suis dirigé vers le buffet de la gare, et ai commandé un gros steak frites. Qu’est-ce que ça peut me faire qu’il soit 7h du mat’ pour vous tous…alors que pour moi, il est à nouveau 19h…à la date d’hier bien sûr.
Si ça continue, je vais en faire commerce, de mon temps qui ne me sert qu’à survivre, et encore…si mal. Et je vais remonter dans mon passé.
Peut-être pourrais-je ainsi prendre d’autres chemins, plus bénéfiques…Peut-être pourrais-je revoir ceux que j’ai perdus et aimés, et qui me manquent tant….Peut-être que je ne gâcherais plus mon temps à l’école, comme autrefois quand j’étais si étourdi et que je rêvassais sur les bancs de bois. Peut-être vais-je retrouver le bon cours du temps, de celui dont je n’aurais jamais dû sortir. Peut-être vais-je retrouver l’instinct de vie, comme lorsque j’étais enfant…….

Je suis retourné m’asseoir, sur le quai, adossé au poteau en attendant le prochain TGV.
Je ne sais pas quelle heure il est, et je m’en tape.
Je rêve déjà à maman qui me sourit en me bordant.