mardi 31 mai 2016

L'Arpenteur d'étoiles - La chasse au trésor

Un trésor si dangereux

Il y avait bien longtemps que les rumeurs guerrières s'étaient tues dans la plaine du Grand Affrontement. La victoire sur Aarkham et ses créatures du diable, acquise grâce aux auriculoptères et à l'infini courage des hommes et de leurs alliés, avait été suivie d'une période de paix et de prospérité. Les Arzontax avaient presque tous disparus. Harpidesternen était à présent un homme paisible préférant ses arpens ombragés aux ampourlées tumultueuses du haut commandement. Seuls avec lui restaient de leur célèbre groupe, Bastheta la Douce, son éternelle compagne, et Gorouk, retiré dans la tour gardienne du Ksar de la Porte des terres d'en haut. Hasterin, le babil détenteur du grand secret, était devenu le Grand Elite et régnait sans partage sur le monde connu. Les races s'étaient mêlées, simionigers et hommes d'abord, donnant naissance à des êtres hybrides doués de pouvoirs étranges dont Hasterin avait été le précurseur. Bientôt des métisses de toutes espèces vinrent peupler les terres de l'Avers dans un étonnant brassage. Le monde changeait, mais dans une harmonie foisonnante.

Bastheta s'approcha d'Harpidesternen alors qu'il contemplait une fois encore l'obscurité mauve gagner les collines environnantes.
- Et si nous essayions de retrouver Grandcornu ?
Harpidesternen sursauta. Il y avait des milliers de mirlosques qu'il n'avait entendu le nom de cet hippogriffe si cher à son cœur. Celui qui n'avait jamais faibli, même au pire moment de la grande bataille, quand les nuées de fourcheux obscurcissaient l'horizon. Celui qui n'avait jamais trahi sa confiance.
- Quelle idée farfelue, douce compagne. Nos âges sont avancés et nos forces nous quittent. Et puis les hippogriffes sont partis rejoindre le monde des ombres, leur monde où nous n'avons pas notre place.

- J'ai fait un rêve insista Bastheta. Nous avancions dans une plaine fleurie de fumeuses blanches et d'arabesqueuses pourpres. Nous n'étions que nous. Seuls. Un bruit d'aile survint et il était là. Grancornu, encore plus grand, encore plus beau. Il s'arrêta devant nous et murmura : viens vers moi Harpidesternen. Viens, j'ai quelque chose à te montrer. Puis un bruit dans l'orifeu interrompit mon rêve et je me réveillais.
- Ce n'est qu'un songe, ma Douce, qu'un songe. Même si les hippogriffes ont des vies bien plus longues que les nôtres, Grand cornu doit être déjà vieux à présent. Il n'a plus de raison de faire appel à nous, tu sais.
- Ce n'est pas un appel, Harpi, mais bien plutôt une prière. Et Grandcornu a toujours communiqué par la pensée. Allons, nous sommes les seuls à connaître le chemin de leur vallée perdue et nous avons encore assez de courage et d'énergie pour la rejoindre.

Après longtemps de discussions et d'hésitations, Harpidesternen qui savait les talents prémonitoires de Bastheta, finit par céder. Etait-ce simple curiosité, le désir de lui faire plaisir, ou bien une trace de cette soif d'aventure qui les avait jadis poussés sur les traces du grand éléphant, il ne le savait pas vraiment lui-même. Cet hippogriffe devenu mythique et qui avait sa statue dans nombre de ksars de l'Avers, lui manquait sans qu'il s'en fut rendu compte. Et puis, ce serait certainement leur dernière aventure. Après les préparatifs d'usage, accompagnés d'une poignée d'hommes surs et d'un équipage limité au strict nécessaire, ils prirent bientôt la route vers la vallée perdue. Celle-ci s'ouvrit devant eux après plusieurs lunes de voyage. Le passage de l'étroit défilé qui en gardait l'entrée se fit sans encombre. La vallée qu'ils découvrirent alors les laissa stupéfaits, tant sa beauté dépassait tout ce qu'ils avaient vu jusque-là. Un infini de plaines verdoyantes où ondulaient sous un vent tiède des herbes aux couleurs éclatantes. Des arbres imposants, sentinelles muettes et mouvantes, jalonnaient le paysage et l'on devinait parfois les méandres des cours d'eau, par l'apparition fugace de leurs reflets bleus. Ils restèrent immobiles et silencieux, craignant même que le son de leur voix ne vint briser le parfait équilibre de cette nature sauvage et ignorée.

- Je suis content que tu sois venu fit la voix derrière eux. Grandcornu était arrivé sans un bruit malgré sa taille colossale. Je vous attendais depuis le songe de Bastheta.
- Ainsi c'est bien toi qui as envoyé ce message, dit Harpidesternen. Il regardait son vieux compagnon de combats, encore plus grand, plus fort, plus imposant. Comme avant, il posa sa main sur son bec puissant. Je suis heureux de te revoir. Qu'as-tu de si important à nous faire voir ?
- Montez sur mon dos, vous tous. Vous verrez. Laissez là votre matériel, il ne craint rien. Ils escaladèrent le dos de l'animal ailé et, quand il fut certain que tous étaient suffisamment arrimés, Grandcornu décolla. Un léger battement d'aile et ils montèrent vers le ciel clair. Ils filaient à grande allure, laissant en dessous d'eux, plaines, vallons et forêts se succéder jusqu'à ce qu'un massif énorme barre l'horizon. L'hippogriffe leur recommanda de se cramponner d'avantage et entama une montée vertigineuse.

La plaine herbeuse fit place à des vallées profondes surplombées de pics où s'accrochaient les nuages blancs. D'autres hippogriffes se joignirent à eux et ce fut bientôt une véritable escadre qui aborda la dernière paroi. Avec dextérité, ils s'engagèrent dans une anfractuosité du rocher et pénétrèrent au cœur même de la montagne. L'obscurité ne gênait aucunement le vol de leur monture et de son escorte. Harpidesternen et ses compagnons leur faisaient une confiance absolue. Le vol aveugle leur sembla durer une éternité, puis la lumière les surprit brutalement. Ils étaient arrivés sur un haut plateau inondé de soleil. Là les attendaient une foule silencieuse d'hippogriffes, étonnant spectacle d'ailes battantes. Grandcornu descendit vers elle et se posa près d'un orifeu recouvert de mousse et de branchages. Les voyageurs mirent pied à terre, intimidés par les masses sombres de ses semblables, contrastant avec le calme quasi religieux qui régnait.

- Harpidesternen, regarde ce que nous avons découvert il y a peu à la source d'une de nos rivières. Il se pencha sous l'orifeu et resta muet de stupeur. Devant lui, dans une sorte d'écrin de verdure, trois grosses pierres noires et sept autres plus petites, couleurs de ciel.
- Alors ce n'était pas une légende, murmura-t-il. Tous se succédèrent pour admirer avec respect ce qu'ils avaient reconnu comme étant les « dix pierres du grand secret », aussi nommées « clefs des mondes inconnus ». Il était rapporté dans les grands livres que ces happelourdes apportaient le savoir absolu de toute chose et offrait à leur détenteur la possibilité de connaître l'emplacement des portes vers d'autres mondes. Grandcornu parla à nouveau :
- J'ignore pourquoi le sort a voulu que ce soit nous qui découvrions ces pierres. Nous avons beaucoup hésité avant de te faire signe. Mais seul un homme tel que toi pouvait connaître cet événement et prendre les bonnes décisions.

Le vieil aventurier consulta un instant Bastheta et ceux qui l'avaient suivi, puis pris à son tour la parole :
- Cher compagnon, je te remercie chaleureusement de nous avoir permis de contempler ce qui jusqu'alors n'était qu'un mythe. Mais je crois que nous n'avons pas le droit de prendre de risque. Nous allons enterrer ces pierres au plus profond de ton territoire, afin que personne ne les retrouve jamais. Je pressens que tout le savoir qu'elles contiennent est aussi porteur de tous les malheurs possibles. Si elles tombaient entre les mains d'un nouvel Aarkham, l'Avers et des autres mondes ne seraient bientôt que flammes et souffrances. Les grands livres affirment qu'on ne peut les détruire. Alors enfermons-les pour l'éternité au sein même de la terre qui les as créées. Les pierres furent emportées dans une grotte ignorée, puis les hippogriffes effondrèrent la montagne sur elles. Après quelques jours de repos, Grandcornu ramena ses invités au confins de la vallée perdue. Puis le groupe repris le chemin de l'Avers et des terres d'en haut. Harpidesternen avait décidé d'aller saluer Gorouk dans sa tour gardienne. Bastheta, heureuse de ce dernier voyage, marchait devant à ses côtés. Son intuition s'était révélée juste.

Cependant, ils ne pouvaient voir l'éclat bleuté, couleur de ciel, qui brillait de temps à autre à la ceinture de leur plus jeune compagnon. Inestimable et dangereux trésor.

Harpidesternen, Bastheta, Grancornu, Gorouk et les autres sont des personnages de nouvelles "fantasy" que j'ai écrites il y a longtemps. Aarkham était un sorcier malfaisant voulant mettre la main sur le monde. Il perdit la bataille finale grâce à Harpidesternen et ses alliés et surtout grâce aux auriculoptères (sorte d'éléphants volants). Ensuite le monde devint un monde de paix où toutes les races se mélangèrent. Ces peuplades étranges étaient nées bien après la fin du monde des humains, due à un anéantissement nucléaire ... Mais, peu à peu, les traces des hommes réapparaitront ...
Je n'ai pas encore mis sur mon blog ces courtes histoires, mais je le ferai bientôt.




Où lire l'Arpenteur

Lorraine - La chasse au trésor

           Je le devine, je le flaire, je l’entraperçois, je le traque, je le coince, non, il m’échappe ! Et pourtant, il était là, tout chaud, tel que je l’imaginais, prêt à rejoindre les autres, docile, coloré, brillant de sa propre lumière, exactement comme je souhaitais. 

J’enrage.  Un peu, pas trop, je sais qu’il reviendra, il me suffit d’un peu de patience. Mais de patience, je n’en ai guère. Alors, je change de point de vue, je modifie un peu ma recherche, et soudain le revoici, il me saute aux yeux, je l’attrape, je l’insère… Et je continue ma phrase.

         La chasse au trésor, pour moi, se réduit à la chasse aux mots. Une aventure intérieure, en quelque sorte, mais qui m’apporte quelquefois la douce impression de vivre un rêve.

lundi 30 mai 2016

Laura Vanel-Coytte - La chasse au trésor

Mon trésor c’est toi

Mon trésor, c’est toi
Celui que j’ai trouvé
Sans le chercher
Mon trésor c’est toi

C’est un trésor sans prix
Dont je connais la valeur
C’est un bonheur infini
Qui se terminera en douleur.

Mon trésor, c’est toi
Celui que j’ai trouvé
Sans le chercher
Mon trésor c’est toi

J’ai beaucoup chassé
Mais mes proies
Etaient désarmées
Face à mon choix de toi.

Mon trésor, c’est toi
Celui que j’ai trouvé
Sans le chercher
Mon trésor c’est toi

Tu m’as offert des cadeaux
Que personne n’a su voir
Tu m’as donné des châteaux
Qui devinrent mes paysages.

Mon trésor, c’est toi
Celui que j’ai trouvé
Sans le chercher
Mon trésor c’est toi

Vegas sur sarthe - La chasse au trésor

Chasse au trésor

Nous partîmes à pied à défaut de bagnole
et nous vîmes cinq cent en arrivant aux pompes
quelqu'un avait écrit “La El Khomri vous trompe”
nos bidons à la main, on était des guignols.

L'onde s'enfle dessous, pour sûr c'est du gazole
mais aborde sans peur l'escouade CRS
j'hésite entre l'essence et la peau de mes fesses
les nôtres survoltés poussent un ras-le-bol

Une obscure clarté monte des fumigènes
Les nôtres ne sont plus que piètres loquedus
avant que de combattre, ils s'estiment perdus

Adieu précieux nectar, or noir tant convoité
il ne me reste plus qu'à me carapater
je chouine de dépit et des lacrymogènes

Semaine du 30 mai au 5 juin 2016 - La chasse au trésor

Après un printemps pourri on peut espérer un été chaud et agréable au point que nous proposons partir à la chasse au trésor…..Ce trésor peut être une idée, un sentiment, une personne…

Vous pouvez partir en chasse et être pirate aux Caraïbes, brocanteur écumeur de vide-greniers, conquérant inter galactique ou chasseur d’images à vous de choisir pourvu que vous parliez de trésor.

N’oubliez pas que quoiqu’il arrive la chasse sera fermée dimanche 5 juin à minuit.
Vous pouvez envoyer vos textes en prose ou en vers à l'adresse habituelle : impromptuslitteraires[at]gmail.com

samedi 28 mai 2016

L'Arpenteur d'étoiles - Le poète est voleur de feu (2)


J’ai écrit ce texte il y a quelques années. Il parle de la « grande guerre » et d’un soldat écrivant un poème dans une tranchée, avant un improbable assaut. Etait-il un voleur de feu ?
Peut-être, peut-être pas. Mais dans son cœur brûlait un puissant feu intérieur. Il raconte les infinies douleurs des femmes et des hommes et imagine un dialogue avec Dieu, tellement éloigné de son humanité.


Avant l’assaut

Et nous voilà encore à l’aube des batailles
L’orage n’a cessé son grondement d’enfer
L’angoisse m’envahit le cœur et les entrailles
Car demain s’abattra le déluge de fer.
Serré contre les autres dans un obscur silence
Chacun va ressassant la douleur qui l’étreint
Et pense tristement à ses bonheurs anciens
A celle qui l’attend toujours dans l’espérance

Et moi je suis assis dans le froid de la terre
Je devine les rats qui courent sur ma capote
Un briquet d’amadou un court instant éclaire
Un visage harassé, d’une lueur falote
Je revois la Margot et sa jolie tournure
Son regard de pervenche son délicat sourire
Sa main serrant la mienne montant dans la voiture …
… La guerre a tant brisé de tendres avenirs

Bientôt le jour va poindre. Comme je le redoute !
A l’aboiement des ordres il nous faudra surgir
Et devenir des fauves, et étouffer nos doutes
Oublier que jamais cela ne va finir

Moi je crois que ce soir nous verrons le Bon Dieu.
Nous lui viendrons debout, tout couvert de vermines
Certains seront sans bras, d’autres seront sans yeux
D’autres auront laissé leurs jambes sur les mines …
Et lui sera assis environné d’archanges.

Et je m’avancerai appuyé sur un autre
Peut-être le Marcel, le Joseph ou le Jacques
Pour demander combien encore de patenôtres
Ou d’Ave Maria pour cesser les massacres.
Pour demander aussi à quoi sert la douleur
Des femmes effondrées devant les sépultures
Quel pêché payons-nous, quelle indicible erreur
Mérite autant de haine et autant de blessures

Et puis je lui dirai ; regarde-nous Seigneur
Regarde nos visages comme vieilles passoires
Plus criblées par les trous que ne sont dés à coudre.
Nous puons le malheur malgré Tes encensoirs
Les relents de la mort ne peuvent se dissoudre
Dans les odeurs d’encens enveloppant les chœurs.

C’est pour ça qu’il fallut que Tu me fasses naître ?
Pour que pleure ma mère devant Ton abandon ?
Je verrai dans Ses yeux une larme paraître
Et peut-être qu’alors il me dira « Pardon »
A genou devant moi. Et pleureront les anges.

Alors, la chère Madone toujours fleurie de roses
De la petite église où j’allais le dimanche
M’ouvrira ses bras blancs, pour qu’enfin je repose.

Collection bibliothèque municipale de Dijon

Pascal - Le poète est voleur de feu



Les Ailes de la Poésie 

De la fange à l’Immaculée Conception, du Bonheur au Désespoir, du jour à la nuit, du baiser au crachat, de l’ascétisme à l’ivrognerie, la Poésie est partout. Le frisson d’un buisson, l’éblouissement d’une flaque, la prière du condamné, la plage de sable, l’irisation d’une véranda, le rot du mécréant, la Poésie est partout. Car telle est la vraie question : est-ce nous qui créons cette Poésie au travers de toute notre sensibilité exacerbée, tout notre voyeurisme naturel, cette empathie turgescente, harcelante et maladive, ou est-ce la Nature qui découvre en nous nos sens les plus affûtés et qu’on appelle délicatement Poésie, dans les livres ?...  Est-ce que cette poudre aux yeux est sincère ou n’est-ce qu’une hallucination ?... Est-ce les prémisses d’une quatrième dimension, un reflet de notre personnalité ou seulement un mirage de bout de piste ?...

Blottis en son sein, on se sent tout petits mais nous sommes invités au grand Bal des Sensations. Seconde après seconde, elle nous hérisse le poil, assèche la bouche, bloque la respiration, fait trembler nos fondations, jusqu’à faire chavirer nos principes les plus essentiels. Dans une alcôve, un champ de foire, un carnaval, un tripot, une cour des miracles, un coin de trottoir, un lit d’hôpital, elle est partout ; elle est plus généreuse que la Réalité flagrante, elle est plus doucereuse que le plus flatteur, plus amicale que le plus fraternel, et plus dangereuse que le venin le plus mortel. Une œillade, un sourire, une moue, l’éclat d’un bijou, la rondeur d’un genou, une tache de sang, elle est là, furtive et obsédante, glacée et brûlante, inutile et indispensable, paysanne et majestueuse, grain de poussière et galaxie…  

La Poésie, c’est l’école buissonnière, c’est Cendrillon toute la nuit, c’est Mozart et son Requiem, c’est assurément l’Insomnie pour ceux qui la traquent, c’est l’Aventure au bout de la Rue, c’est le Hasard à chaque soupir, c’est la statue qui sourit, la cascade qui fredonne, la route qui serpente, le gueux retrouvant sa monnaie.
Elle se fout bien des rimes pénibles de ceux qui la distillent avec leurs plumes affolées, des pinceaux de ceux qui la peignent entre leurs cadres emprisonnants, des voix de ceux qui la chantent sur les gammes bariolées d’impressions blanches et noires.
Sans façon, elle détruit jusqu’à la Folie ceux qui l’emprisonnent en la recherchant dans leurs excès les plus sombres…  

La Poésie est la plus belle des clés de l’Amour. Car l’Amour, l’Amour est le palpitant chef d’orchestre de nos Emotions les plus fondamentales. C’est notre maîtresse à tous ;  elle est la fusion de nos sens au creuset de la Vie ; elle est Synchronisation, Harmonie, Charme, Sublimité, Beauté, Inspiration, Bonheur, Liberté. Pendant une récréation, une homélie, une grève, un calvaire, une retraite, elle est là, elle nous guette, elle nous titille, elle nous traque à notre insu ; elle nous décoche ses flèches de couleur, allume nos impressions les plus secrètes, enflamme les parfums les plus capiteux, provoque Vent et Passion, Feu et Illumination, Tourmente et Chaos, Ivresse et Sérénité.   

Bien sûr, nous sommes tous des Voleurs ! On nous a donné la Vie, un prénom et c’est le diable qui nous donnera l’absolution ! En attendant, aux filtres grands ouverts de nos sens les plus enthousiastes, cueillons la Poésie pendant qu’elle se soupire ! Croquons dans le Fruit de la Volupté ! Versons des larmes heureuses ! Volons sur les Ailes de la Poésie ! Le roulis d’un navire, les sanglots longs, le parfum d’une fleur, le galbe d’un sein, la Chanson de la Nature, la Poésie est partout…

Ecoutez ! Ecoutez la cadence des soldats en bataille, des amants empressés, d’une clique harassée, de la pluie en mitraille, ils sont passés par ici ! Ecoutez ! Ecoutez… L’hymne d’une nation, ces refrains de chansons, ces murmures d’oraison, ils repasseront par là ! L’enfant qui pleure, la femme qui gémit, l’homme qui meurt, la Poésie est partout.

Ici-bas, à l’arme blanche et larme à l’œil, à larme blanche et l’arme en joue, nous sommes tous des poètes ; athées, bigots, tartufes, sincères, nous sommes tous des poètes ; brigands, assassins, souteneurs, charcutiers, carabins, vendangeurs, morutiers, prêtres : oui, nous sommes tous des poètes. Moutons, élégants, désœuvrés, laids, affairés, loups, nous sommes tous des poètes. Filles de Joie ou filles de roi, femmes fatales ou femmes actuelles, vieilles bigotes ou vieilles folles, nous sommes tous des poètes. Fils de pute ou fils indignes, hommes de paille ou hommes de Neandertal, vieux cons ou vieux savants, nous sommes tous des poètes.

*Passent les jours et passent les semaines ; j’irai par la forêt, j’irai par la montagne, et la courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur…

Tissons, tissons l’Unisson, en reliant avec du fil d’Amour toutes nos sensations entre elles, et planons enfin sur la voile du Bonheur, vers l’Intense Extase et Ultime Vibration ; telle est la quête suprême de tous les poètes et… nous sommes tous des poètes…

*Apollinaire, Hugo, Eluard

vendredi 27 mai 2016

Arpenteur d'Etoiles - Le poète est voleur de feu

La camarde et les alouettes

Le temps qui nous torture
De ses griffes de chacal
Nous fait dans un hiver qui dure
Croire aux aurores boréales
Mais toujours note âge file
Sur ses ailes de vautour
Et plus on vit immobile
Plus vite arrive notre tour

Pâles humains remplis d’orgueil
Regardons-nous dedans la glace
Au moment même où sur le seuil
La camarde nous fera face
Alors nous verrons le fantôme
De celui que nous fûmes enfant
Brandir la lourde faux d’agronome
Pour nous jeter dans le néant

Mais ce monstre hippogriffe
A aussi des charmes amers
On aime la nostalgie des ifs
Qui entourent le cimetière
Toi, poète qui sait que tes rimes
Vont faire la nique à la mort                                    
Tu te plais en haut des cimes
Défiant les brumes dans le port

Les fous, les poètes
Les solitaires rêveurs
Les voleurs
De feu
Nous emportent comme alouettes
Volant vers les dieux.

Tisseuse, Jérôme, Laura,
Célestine, JCP, Prunelles
Vegas, Lorraine, Jacques et Lira
Zoz, Miyako, Pascal et Tiniak
Et aussi bien d’autres
Nous offrent leurs trésors
Leurs imaginaires et leurs talents

Que les Impromptus demeurent
Encore très longtemps.

Où lire l'Arpenteur

Tisseuse - Le poète est voleur de feu














Artistes maudits

Poètes bien ou mal léchés
Peu ou prou ébréchés 

Les artistes maudits fascinent

Dans leurs contours fumeux se dessinent

De sombres paradis
Aux mystères interdits

Crée-t-on mieux dans le malheur

Dans la misère et la détresse
Les mots sont-ils plus racoleurs

Y a-t-il du panache dans l’ivresse

Ou seulement de la puanteur
Et de la bassesse

Ai-je besoin d’un coup d’folie

Pour à coup sûr avoir du génie
Serais-je crédible

Si je ne pète pas de fusible

Si je ne me prends pas pour un chien
Et ne hurle pas pour rien

J’ai l’audace de penser que oui

Même si je suis ignorée
Dans ce que j’écris

Tiniak - Le poète est voleur de feu

ICARION

Imprégné par l'oubli d'un fantôme de songe
un vertige me ronge
et le corps, et l'esprit

Je connais la partie
mais je ne puis simplement pas jeter l'éponge...

Étant seul à jouer
(mon carnet tenant lieu d'un infantile hochet)
je prends mon quart d'inventaire au chemin de ronde

Alas, poor Yorik...
Et non, ce pavé n'est pas fait de jaunes briques

Me voici convoqué en un céleste tribunal
pour un méfait fondamental

« Avoue ! » m'intime une ample robe noire
(je ne plaidais qu'un mésespoir
et suis renvoyé dans mes cordes)
« Avoue ! Tu cherches la discorde ! »

Mais non, Ménon, dis-leur !
J'ai volé le soleil pour n'en avoir plus peur

« Foutaises !
Fournaise !
Voici notre sanction
sur notre intime conviction :
tu cherchais un chemin de gloire »

Ménon, mais non ! Tu sais
quelle autre dimension, au fond, me motivait

Selon moi, toute messe dite
n'est qu'aventure sans invite

Allons, plaide !
Démontre que mon élévation n'est pas laide

(Ménon retourne à sa caverne)
Ah, non ! Je ne mettrais pas mon drapeau en berne !
Ah, non, l'Ânon !
Je conchie des dieux les célestes illusions !

Qu'on me condamne
mais pour la liberté de ma pensée profane
- actrice,
de trop hasardeuses propensions aux délices

« C'est bon, t'es mort !
Pérore encore et c'est fini »
glousse au Magnitudo Parvi
une ombre ajoutée au décor

Un bûcher se dresse; on m'y brûle
et, tandis que je fais des bulles
et, tandis que fondent mes yeux
je m'offre une ultime virgule:
« Le poète est voleur de feu »

Où se cramer les yeux, sans elle...

jeudi 26 mai 2016

Prunelles - Le poète voleur de feu

Le poète est voleur de feu, le ciel avers.
Il est rocher. Tourne l'ellipse face à face.
Il cherche le foyer et fouille, de son biface.
Ravine l'isocèle, travaille la matière.

Le poète est sourcier, plonge dans le magma
Et se permet, quelle insolence, de fureter
À travers le chaos. Le poète, maladroit,
Offrira à ses pairs ce qu'il a arraché.

Il tendra fier la braise. Il la leur montrera
Et leur dira combien ce fut si déchirant,
Combien il est petit dans ses balbutiements.

Il confiera sa rose et s'en retournera.
Et l'on verra mystère, dans son dos les deux ailes,
Éthérées et fécondes. Le poète voleur
A ramené de loin la petite étincelle,
La parole perdue, le murmure du coeur.

Il a su dérober à l'ombre de ses mains
Le joyau clandestin, un maître souverain.
Et chacun sait dès lors qu'il détient en son sein
L'impatiente douceur d'un amour orphelin.

À chacun son destin, son âme de poète,
Son désir, son écho et à chacun sa quête.
Et ce reflet que j'aperçois en résonance
Au revers de tes pas, dans tes yeux quand tu danses.

Où lire Prunelles

mercredi 25 mai 2016

Miyako - Le poète est voleur de feu

Ange au visage charmeur, Rimbaud, jeune poète de passage, décrit en vers une nature protectrice et maternelle.
Rêveur parmi les étoiles, il aime, entouré de la nature, écouter ce que l’on voit, regarder ce que l’on entend, remplir sa fonction de poète voyant pour “arriver à l’inconnu”.
Téméraire face à sa mère, la “Mother”, il fuit de Charleville-Mézières, poches vides, l’âme plus légère.
Heureux, seul dans ses voyages, ses fugues, il est “heureux comme avec une femme”, depuis sa première envolée à 16 ans, jusqu’à la fin de sa vie de bohème.
Unique dans son écriture, il joue, transforme, et se rit des rimes d’un sonnet aux allures trop conventionnelles.
Rayonnant, cet être à part a marqué les esprits de ceux qu’il a croisés et qui, comme Mallarmé, aimait à l’appeler “Le passant considérable”.

Révolté contre la bourgeoisie, l’argent et l’apparence, il s’indigne grâce à sa plume d’une vie qu’il refuse.
Insolent face au monde qui le rejette, mais que lui-même n’accepte pas, car “on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans”.
Maudit par lui-même, victime de sa différence et de son anticonformisme, il devient son pire ennemi, déçu de ne pas réussir à exprimer l’inexprimable.
Blessé dans sa propre vie par la pauvreté et la misère, il finit seul avec pour unique présence sa maladie.
Adolescent irrévérencieux, ses vers remplis de dérision se moquent des sujets qui dérangent, de la religion et de la guerre.
Univers aux multiples facettes, il écrit à la fois des odes à la nature et à l’amour mais aussi ses oppositions face à une société qu’il dénonce.
Démon qui abrite une part sombre, cet éternel écorché vif aura finalement “Assez vu”, “Assez eu” et “Assez connu”.

JCP - Le poète est voleur de feu

                    Au fond du feu



Écoutez-le gronder jusqu'au fond des forêts,
Écoutez-le gémir aux prairies desséchées ;
Et voyez-le s'enfuir aux frontières des sables,
Et voyez-le mourir sous une eau implacable,
Le feu qui nous réchauffe, le feu qu'il nous faut fuir,
Celui qui nous éclaire et celui qui fait cuir(e).

C'est aux yeux du rêveur, fasciné par sa flamme,
Que cet être intouchable livre un peu de son âme,
Image sans substance, sans cesse en mouvement,
De ce feu qui nous aime, ou du feu qui nous ment.

Car le rêve en éveil auprès des flammes vives,
Apaisant notre corps à sa chaleur captive,
Calme aussi notre esprit aux rivières de feu,
Dont l'écoulement doux ne lasse pas les yeux.

Mais le feu que dépeint la plume du poète
N'atteint pas tous les tons, ni la grandeur fluette
De l'être immatériel - qui brille au fond des yeux

Du rêveur fasciné par la flamme et le feu.

Où lire JCP

Célestine- Le poète est voleur de feu

A un poète


Tu prends les rayons du soleil
Comme de grands rayons de miel
Dans la ruche de tes pensées
Tu voles l’éclat de la lune
Pour l’accrocher à mes cheveux
Tu voles  l’or de mille étoiles
Pour m’en faire de longs colliers
Et les flammes des écureuils
Dans les arbres du crépuscule
Pour m’envoler de branche en fleurs
Tu voles la foudre des plaines
Pour illuminer mes collines
Et des étincelles de pluie
Pour qu’elles coulent sur mes joues
Les soirs d’orage
Tu m’as mis le feu à la poudre
D’escampette avec tes mots
Avec tes mots
Et depuis, mon cœur luit
Comme un réverbère
Dans la nuit.

Lira - Le poète est voleur de feu

Voleur de feu

Voyageur égaré en lisière des mots,
Ombre de l'autre nuit oubliée des couleurs,
La parole visqueuse de pauvreté sans feu
Enfouit ton alphabet dans de vaines vertus.
Un jour de cécité est cruelle douceur,
Ronge l'âme inconnue et jette la pensée
Dans le gouffre hideux où se noient les idées.
Entre dans l'incréé des bâtisses murées,
Force les horizons de crépuscules borgnes,
Empourpre les voyelles aux lèvres des voyants
Un feu de brève nuit veille déjà ses cendres.

Pascal - Le poète est voleur de feu

Le voleur de Feu  

Au dégagé de dix-sept heures, je sortais toujours seul en piste ; mes errements d’ivresse nocturnes, aux confins des étoiles les plus insoumises, m’emportaient dans des mondes parallèles si lointains, si délirants, que je ne pouvais supporter personne pendant ces dérives sidérales…

*Bich, je l’avais rencontrée dans un bar exotique de la basse ville. Ses yeux bridés, ses petits seins, qu’elle cachait à peine sous un minuscule chemisier transparent, ses talons pointus et sa jupe fendue si haut, m’avaient éperdument hypnotisé. A l’encontre des autres entraîneuses, elle ne m’agressait pas avec des constants : « Chéri, tu m’offres un verre ?... » aux forts accents clandestins de boat people…  

Quand j’étais le long du zinc, elle papillonnait autour de moi, me frôlant souvent ou m’accrochant le bras, pendant des simulacres bien rodés de cheville tordue ; quand j’étais assis à une table, feignant de l’ignorer, elle croisait dans mes environs, cherchant visiblement à ce que je la remarque parmi les autres filles. Avec un petit coup de fesse contre la table, une œillade plus appuyée, un rire démasqué, elle savait toujours me raccorder à son importance de femelle intéressée. Quand la musique du juke-box devenait langoureuse, Bich, mélange de pudeur effrontée et d’indécence naturelle, se trémoussait devant l’appareil en syncopant sa gestuelle amoureuse aux sons des notes libérées. Elle tourbillonnait, perchée sur ses chaussures vernies, tellement démesurées ; elle était un ouragan en couleur semant le désordre organisé tout autour d’elle…  

Encore, je me laissais harponner par ses manœuvres de corruptrice ; elle possédait la stratégie d’une amazone prête à tout pour arriver à ses fins. Elle était comme une fleur sauvage déployant ses pétales au soleil de mes regards brûlants. Quand elle savait son pouvoir assaillant d’envoûtement déborder mes fantasmes les plus lubriques, elle déployait tous ses charmes un par un comme on fourbit ses armes pendant un corps à corps d’alcôve. J’étais « en main ». Sue, la brune pulpeuse repartait se maquiller dans la vitrine du bar ; vexée, Mai Li, l’exubérante, accrochait d’office le bras d’un matelot téméraire et Agun, sans nulle pudeur, ajustait ses bas aux pinces de son porte-jarretelles.

Alors, elle se penchait sur ma table jusqu’à presque m’embrasser ; en tendant les lèvres, je pouvais lui voler des baisers. Dans l’échancrure de son chemisier entrouvert, je matais l’ombre de ses petits seins griffant le tissu léger ; de cette fabuleuse vallée décolletée, aux petits boutons nacrés si volages, s’échappaient ses parfums les plus secrets. Ils étaient voluptueusement entêtants ; j’y distinguais des effluves d’encens, de Patchouli et de sueur animale. Du bord de son épaule, elle laissait tomber ses longs cheveux noirs en cascade ; aux lumières blafardes des guirlandes, tantôt ombreuses ou flavescentes, ils étaient comme des perruques extravagantes qu’elle ajustait au fil de ses travaux de séduction…

Vaincu, je l’invitais à s’asseoir et tous ses sourires s’éclairaient en même temps et les loupiottes d’ambiance semblaient bien ternes en comparaison de cette extraordinaire brillance ; les matafs des autres tables faisaient la gueule de toute l’envie déçue qui dégoulinait de leurs grimaces jalouses. Elle venait se serrer contre moi comme si elle avait froid au milieu de notre transpiration déjà complice. Ses petits coups de genoux réguliers, ses frottements de cuisse osés, étaient les signaux équivoques de notre intime conspiration muette, à l’égard de tous ces pisse-froid en quarantaine. Son maquillage raffiné, aux traits de crayon rallongeant ses sourcils, au bâton rouge repeignant ses lèvres, aux paillettes éparses constellant son visage, savait si bien me domestiquer…  

Aventurier hardi, je passais mon bras autour de sa taille comme si nous allions danser, là, sur la banquette ; mon pouce vagabondait en jouant à l’explorateur averti sur sa hanche ; je sentais ses côtes, la brûlure de sa peau et l’élastique de sa culotte. Puis ma main habile s’échappait à son tour, reprenant la piste furieusement excitante de son devancier. Elle se tortillait, Bich, et je ne savais pas si c’était pour faciliter mes incursions ou parce que je l’émoustillais ou simplement, pour se préparer à une nouvelle dérobade polie.
Devant mes yeux, le jeu de ses boucles d’oreilles me fascinait ; ébloui et confondu, j’étais un serpent charmé par ses intrépides soubresauts de couleurs musicales. Une minuscule chaîne en or courait autour de son cou et j’aurais pu poser un baiser à l’intérieur de chaque maillon. Cette coquine avait posé sa main sur ma cuisse. Qui était le chat, qui était la souris ?... Si fragile et si forte à la fois, elle accaparait le feu de mon énergie ; j’étais à son pied, réclamant le sucre de sa volupté. Notre chaleur moite était troublante ; nous étions deux jeunes amants surchauffés nous faisant l’amour dans les yeux. Au  creux de l’oreille, je lui murmurais des : biche, ô ma biche… qui semblaient l’amuser sans qu’elle en comprît véritablement le sens. Pour s’échapper de mes poèmes fervents, elle arrangeait ma bâche sur sa tête, elle répétait le prénom de ma gourmette, elle allumait une autre de mes cigarettes et me la tendait en soufflant sur l’allumette. Je me souviens encore du rouge de ses lèvres embrassant la clope et de la fumée blanche qu’elle propulsait, en riant, sur ma figure de preux philanthrope… 

Le champagne tiède coulait dans nos coupes et nous la portions ensemble à nos lèvres comme si nous embrassions le même breuvage. Garnement insatiable ou explorateur comblé, je me blottissais contre son épaule quand ma main baladeuse cueillait son sein au creux de ma paume. Elle avait le visage lisse de toutes les asiatiques, ce visage aux sentiments impénétrables que moi seul pouvais déchiffrer à cette heure de récolte. Elle haussait les épaules et les gardait hautes comme si elle voulait empêcher de laisser courir tous ses frissons de sensualité confusionnelle sur son corps…  

Pour se détacher de cette étreinte suffocante, elle me réclamait une autre cigarette et tous les nuages de sa fumée étaient des « oui » qui dansaient au-dessus de nos têtes folles. On reprenait du champagne en entrecroisant nos bras pour que chacun de nous puisse boire dans la coupe de l’autre. Je transpirais ; c’était l’été sous ma vareuse ; de pieds en vers, j’étais un cerf bramant sa Bich ; j’étais le poète de ses futurs orgasmes, le voleur du Feu de son corps…  
Pourtant, quand je voulais l’embrasser, elle savait justement détourner la tête, avec toutes ses raisons, toutes ses façons, toutes ses simagrées de sourires aux traductions inexplicables, si loin de ma passion mais, la nuit durant, je repartais à son assaut, certain de tous mes pouvoirs de chasseur… d’émeraude…

L’aube me laissait exsangue au bord du trottoir ; débraillé tel un joueur de poker qui a tout perdu, le coeur en déconfiture et l’âme encore solitaire, j’avais, collées dans les mains, des paillettes d’or et d’argent, des traces de rouge baiser et de mascara sur ma chemisette blanche comme une carte au trésor… sans trésor à ramener. Les étoiles s’éteignant clignotaient encore pour me signifier de me dépêcher de retourner à bord ; leurs clins d’yeux faussement connivents m’exaspéraient…


*Bich : émeraude en vietnamien

mardi 24 mai 2016

Zoz - Le poète est voleur de feu

~ ils ratissent ensemble l'espace de leurs feux
flashs bleus, ils tournent
lumière contre lumière
les poètes vont deux par deux

violent partage de laves jaunes
signaux lancés
ce pas de deux de strass nimbé

et s'accroche à mes froids
leurs chatoiements liés ..

Où lire Zoz

Jacques - Le poète est voleur de feu

Alors, la Poésie.

La Poésie ?
La Poésie !
Ah !
La Poésie, c'est un truc de gonzesses, ça. Ou de...enfin, je me comprends.
Non, quoi, « la Poésie »…
Dans le monde d'aujourd'hui ? Non , mais tu l'as vu, le monde d'aujourd'hui ? Même en alexandrins, il pue du...le monde d'aujourd'hui.
N'est-ce pas vrai ?
Je les ai bien vus, moi, les plus brillants esprits de ma génération détruits par la folie, affamés, hystériques, se traînant nus à travers les quartiers louches à la tombée de la nuit à la recherche d'une méchante dose et tu voudrais que je te parle de poésie ?
De Poésie ?
La Poésie de l'éleveur qui perd sa terre faute de naissance ?
Le Dormeur du Val, copié collé par un développeur dépressif dans le code source du logiciel de guidage d'un missile de croisière ?
La voilà ta Poésie !

La Poésie la Poésie la Poésie…
Il Poesia il poesia il poesia
On peut le scander se prenant pour Paolo Conte un soir d'été dans une cour du Castel San'Angelo,
Il Poesia il poesia il poesia ta dadada…
La Poésie…
Un brin d'herbe, une prairie dans la brise ? Fi donc !
Echo parlant quand bruit on mène, fi donc !
La hausse des températures a eu raison des neiges d'antan…
Le poète peut certes s'indigner, voyez Hugo aux imprécations flamboyantes qui sont toujours d'actualité, tant un siècle et demi plus tard on dresse toujours l'oiseau par la cage.
J'en rirais si ce n'était tragique.
La Poésie...quel retour sur investissement ton quatrain ?
Qu'un Tonnerre de Dieu le Creuse, ton « R.O.I. », barbare !
D'ailleurs, mêmes les « barbares » versifiaient, ne serait-ce que pour chanter les formidables éructations de Snorri le Gödi à la table d'Haraldr à la Hache Sanglante.
La Poésie…
Même l'énergie du désespoir ne pourra la sauver mon ami, car la hampe du drapeau noir ne percera plus les crânes de nos contemporains à l'armure de benzodiazépines.
Alors, la Poésie...

Lorraine - Le poète est voleur de feu


Le poète est voleur de feu

Le soleil ébloui sur les Baux de Provence
Ou l’orage du soir déchirant le ciel gris,
L’envol d’un oiselet comme un cri d’espérance,
Les couleurs du printemps et leur charivari,

La fille au bord de l’eau, une première danse,
Les feux de la St Jean et le premier baiser,
Les jardins de Monet, de l’amour la cadence
Boutent le feu au cœur du poète grisé.

Tous les feux de la vie, complainte ou ritournelle,
Vibrent comme un brasier dont il vole l’écho
Pour chanter à son tour le bonheur qu’il épèle
Comme des mots d’amour au brûlant crescendo

Vegas sur sarthe - Le poète est voleur de feu

Laissez tomber, c'est du Rimbaud

“Allo, chef? Vous devinerez jamais qui avait volé le feu...”
L'inspecteur La Bavure abandonna brutalement le lourd carton sur le sol déjà bien encombré.
En plein aménagement des nouveaux bureaux du 36 Quai des Oeufs Frais, une seule personne était capable de l'interrompre à un moment critique avec ses questions à la noix: OUATSON !
“Ouatson, z'avez rien d'autre à faire que jouer aux devinettes? J'ai du boulot sur les bras, moi”
“Chef! On vient de retrouver le voleur de feu... enfin, c'est Ouatmore qu'a eu l'idée de génie!”
(Soupir)
“Dites toujours mon vieux”
“C'est Lepouète! Ouatmore a trouvé l'indice dans un recueil de poésie, un truc qui dit comme ça que Lepouète est vraiment voleur de feu... alors je m'empresse de vous refiler le tuyau – comme dirait un ami pompier – depuis le temps qu'on pistait ce margoulin”

La Bavure envoya un coup de pied rageur dans le carton de déménagement :”Bon sang Ouatson! Sortez un peu, cultivez-vous... ça vient de Rimbaud et c'est tout”
“Euh... chef... si vous croyez que je connais le pseudo de tous nos indics”
“Rimbaud, le poète maudit. C'est une allégorie mon vieux, une référence au mythe de Prométhée”
“Prométhée? Lepouète avait donc un complice... vous êtes fort, chef”
(Soupir)
“Evidemment vous ne pouvez pas avoir entendu parler de Prométhée ni de Pandore...”
“Ah si, chef! Les pandores c'est comme ça que les caves nous appellent quand on leur file le train”
“Ecoutez plutôt au lieu de délirer. D'après le mythe de Prométhée, celui-ci aurait dérobé le feu aux Dieux pour l'offrir aux hommes, alors Rimbaud nous incite à nous poser la question de ce que le poète dérobe et à qui...”
“Euh, chef... comment un poète des robes faisait-il pour les protéger des mites de Prométhée?”

“Le mythe, Ouatson! Pas les mites. Vous croyez que j'ai qu'ça à faire d'écouter vos salades de mites au logis? Vous feriez bien d'vous plonger dans un lexique rimbaldien”
“Excusez chef mais on faisait pas littérature à l'école de police... alors tous ces trucs comme quoi Lamartine aurait mis le feu au Lac et Proust aurait fait cramer ses madeleines... bref vous comprenez, je suis Mallarmé pour répondre à toutes ces énigmes”
(Rire gras à la Ouatson et soupir façon La Bavure)
“Vous êtes consternant, Ouatson. Concentrez-vous sur ce qu'on vous demande – ça s'ra déjà pas mal – et oubliez les poètes et le feu prométhéen”
“Pardon... chef, si je peux encore me permettre: Si le feu prométhéen, qui est-ce qui promettait deux?”
“Ça suffit Ouatson! Vous dépassez les bornes. Envoyez-moi Ouatelse pour déballer tout son... merdier, et fissa”.

On se souvient que pour les assistantes féminines du 36 Quai des Oeufs Frais, l'expression fissa est pondérée par un critère purement technique: la hauteur des talons de ladite assistante... La Bavure avait donc tout le temps d'épiloguer sur les poètes.

“Rendez-vous compte Ouatson qu'en vous moquant ainsi des oeuvres de nos grands poètes disparus, vous sacrifiez cette part de rêve qui est en vous... qui est en nous et nous distingue des bêtes et des vauriens”
“Alors chef, si les grands poètes disparaissent... ça voudrait dire que les voleurs de feu sont en voie d'extinction?”
(Soupir)
D'un atémi rageur, La Bavure éventra le lourd carton. Plusieurs fers à friser en tombèrent.
Ouatelse n'aurait plus qu'à trier ses... armes de service.
“Je me crois en enfer... donc j'y suis, Ouatson” conclut La Bavure.
“Plait-il ?”
“Non rien, laissez tomber mon vieux, c'est encore du Rimbaud”


Jérôme - Le poète est voleur de feu

Le poète est vraiment voleur de feu (témoignage anonyme).

Je ne descendrais jamais de fleuve impassible, sauf, parfois, en rêve : mais alors, à moi les cieux crevant en éclairs ; les mois pleins de houle à l’assaut des récifs, forçant le mufle aux océans poussifs ! Je veux pas me vanter, mais j’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques, illuminant de longs figements violets.
Bon. Autant l’avouer, dix mois par an, je circumnavigue au fond du placard de l’entrée. Mon port d’attache ? Deuxième étagère gauche. Faut reconnaître que jamais les peaux rouges criards rangés dans leur boite, deux planches plus bas, ne m’ont pris pour cible ou cloué nu au poteau de couleur. Plutôt corrects, les gars.
*
Et puis, un matin, cette longue nuit verte aux neiges éblouies se termine et commence ma saison en enfer. Voilà les vacances d’été. Alors, le môme m’arrache à ma planche de salut et m’entraine en courant à cloche-pied vers le bassin en ciment du jardin, où il plonge ma coque bleue : splatch ! Là, un jour sur deux – l’autre est consacré aux devoirs de vacances du petit, madame mère est stricte là dessus : cet été, gare à lui s’il n’apprend pas au moins à colorier ses voyelles -, je fais des ronds dans l’eau ; ça n’est pas de tout repos : Arthur me lance en l’air, dans l’éther sans oiseau ; d’autres fois, une cataracte tombe d’un seau en plastique...
Qui me délivrera, martyr lassé des pôles et des zones, de la tyrannie de ce sale gamin ? Oh, que j’aille à la mer ! Non. si je désire encore une eau, c’est la Flache, ce petit ruisseau qui, au fond du jardin, paresse entre les nénuphars verts et le frais cresson bleu, ses bras d’eaux entremêlés accélérant soudain entre les ilots peuplés de canetons, et entraîne les brassées de pétales jaunes et bleues, vestiges du parterre floral que chaque matin la petite voisine s’ingénie à dévaster. Comme il doit faire bon y naviguer. Mais c’est défendu depuis que mon nigaud de tire-ficelle a manqué y noyer son tricycle.

Tout ça, c'était hier ; ce qu'il a inventé cette année ? Il fume en cachette en toussant et écrit des poèmes par douzaine : il en remplit des cahiers, qu'il colorie avec application en tirant la langue et qu'il cache dans le placard : les trois premières étagères en sont déjà remplies. Pour faire de la place, il a troqué les indiens de plomb contre de l'encre et du papier. Et moi ? Je ne me fais pas d'illusion. Un jour, c'est sûr il couchera ma carcasse ivre d’eau sur un lit de paille, de brindilles et d'herbe sèche, et à l'aide des allumettes piquées à l'office, me livrera les nappes de braise, la flamme d'or ! La morsure des tourbillons de feu furieux, les flots de feux.... et que ma quille éclate !

Enfin,
ce n'est rien ! j'y suis ! j'y suis toujours, sur mon étagère. Pour l'instant.