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dimanche 21 avril 2019

Semaine du 15 au 21 avril 2019 - Pas de brouillon

"Je ne fais pas de brouillon ! " c'est ce que vous affirmez et  vous allez avoir toute la semaine pour nous expliquer le pourquoi du comment vous ne faites pas de brouillon que ce soit en vers ou en prose.
Mais n'oubliez pas que dimanche 21 avril il faudra rendre votre copie...

à  l'adresse habituelle impromptuslitteraires[at]gmail.com

samedi 20 avril 2019

Lilousoleil - Pas brouillon


Pas de brouillon, j’y vais directement

Aujourd’hui dans la Petite Librairie, nous accueillons le grand écrivain René, René Tabli que nous connaissons tous pour les dix volumes de » l’histoire de la brouette à travers les âges », susurrai, le journaliste littéraire beau comme un dieu grec et dont je buvais les paroles tel un chat devant son assiette de lait.
-          Monsieur  Tabli, quelle est votre recette ou plutôt votre méthode pour stimuler votre imagination et vos recherches sur ce sujet ô combien passionnant de notre Grande Histoire de France ?
-          Tout d’abord, laissez-moi vous dire combien il  est apaisant de participer à votre émission. Votre esprit ouvert à la critique positive nous guide vers l’écriture. Pour revenir à ma méthode, je ne fais de brouillon. Je jette mes mots après lecture des documents précieux collectés et collationner avec soin par mes secrétaires que je vénère pour leur collaboration efficace et précise. Je garde ainsi  la pureté des anecdotes et conserve la véracité solide qui sans crier gare s’installe en moi et me permet ensuite une grande fluidité dans l’écriture.
Ce sujet est tellement vaste, riche et varié, car depuis les Gaulois  croyez moi,   rien de plus intéressant n’a été crée, vous en conviendrez aisément,  que ma plume travaille toute seule…
Alors vous serez de mon avis, pas de brouillon, je prendrais le bouillon..


vendredi 19 avril 2019

Tiniak - Pas de brouillon

S’agissant de dire mon fait au sombre idiot
chaussé d’immondes godillots pour marcher (droit ?)
droit sur la fille-mère et son frangin « homo »
j’ouvre bien grand ma gouge et je dresse mon doigt
Ah, ça non !
Je ne fais pas de brouillon

S’il est question d’interroger ce pas qui vient
(qui n’est pas celui de mon chien), je me méfie
de ces abois sans qu’on se soit serré la main
de ma propension à me perdre en arguties
Pour le don
je ne fais pas de brouillon

Trop d’intéressements pour si peu d’intérêt !
Tant de chœurs concordant sur des voies de fossés
de minois réchampis à d’obscures vitrines
et de culs féminins creusés par la strychnine
font que,  non !
je ne fais pas de brouillon

Mais quand je pense à toi, ma mère, fille et sœur
toi qui m’a fait humain à penser à demain
toi qui m’a démontré que la joie tue la peur
car tu sais, mieux que moi, où loge le malin
c’est tout bon !
Je sais n’être qu’un brouillon

Devenu père
livrant mes brouillons éphémères

Un rien, brouillons des cartes les chimères...

Où lire Tiniak

jeudi 18 avril 2019

Marité - Pas de brouillon

Mes cahiers de brouillon.


Ils se faisaient discrets. Rose, vert ou bleu, d'une couleur très pâle,  ils voisinaient dans mon cartable avec des cahiers de plus grande importance qui, eux, étaient soigneusement recouverts de papier épais rouge, bleu roi ou vert sapin. Des cahiers dits « de classe » où l'on devait s'appliquer à former ses lettres à l'encre violette en évitant les ratures et les taches quand la plume grinçait un peu trop sur la feuille.   Ces cahiers là au papier blanc, plus fin portaient en couverture pour certains l'effigie de Guillaume le Conquérant d'où le nom de la marque, les Conquérant et pour d'autres un logo triangulaire avec les traits de la porteuse d'eau, les Clairefontaine.

Le cahier de brouillon, beaucoup plus modeste, au papier jauni était le seul que la maîtresse ne regardait pas. Il était sans intérêt pour elle. Mais je suis sûre qu'elle aurait été surprise d'y trouver des merveilles si elle avait pris la peine d'en ouvrir certains. Comme elle ne les relevait jamais, pour ma part,  cela me laissait un espace de liberté que je ne manquais pas d'utiliser à des fins personnelles. Ce qui fait que je devais en changer souvent. L'institutrice me disait : «  tu les manges, les cahiers de brouillon ? «  

Je les aimais bien mes cahiers de brouillon. D'une part parce que j'y écrivais ce que je voulais – des phrases relevées dans mes lectures, des poèmes, mes frustrations ... – et aussi pour leur côté pratique. Avec les tables d'addition, soustraction, division et multiplication et  parfois avec tout le système métrique dans leur dos ils m'aidaient  pour mes devoirs de mathématique. Et aussi pour le calcul mental sur l'ardoise. Il suffisait de le laisser dépasser un peu du  dessous du bureau et veiller à ne pas se faire prendre. 

Au collège où j'étais interne,  les surveillantes nous conduisaient dans la campagne environnante  les jeudis après midi pour prendre l'air. J'emportais toujours avec moi un cahier de brouillon pour commencer une composition française – l'inspiration me venait mieux qu'en salle d'étude - ou apprendre mes leçons en relevant sur ce cahier les points qui me paraissaient essentiels. Cela m'aidait beaucoup.

Je viens de faire quelques recherches et retrouver mon journal d'adolescente au fond d'un tiroir. J'utilisais aussi des cahiers de brouillon parce que peu fragiles. Je pouvais les transporter partout, dans les prés, les bois et les chemins  où j'étais tranquille pour y déverser mes premières amours et mes émotions. Voilà longtemps que je n'y avais pas mis le nez. Nostalgie et une certaine tendresse me prennent. Je me dis aujourd'hui que ce sont mes cahiers de brouillon successifs qui m'ont donné à coup sûr le goût de l'écriture. 

Quand j'ai commencé à écrire des nouvelles ou différents textes, j'aimais employer un cahier et un stylo. Il me semblait que cela allait de soi.  Mais il fallait ensuite taper ma prose sur le clavier et ainsi effectuer un double travail. J'ai donc abandonné le cahier. Mais j'ai toujours près de moi, sur mon bureau, sur ma table de chevet et même dans mon sac à main un carnet sur lequel je reporte mes idées, mes réflexions.

Alors oui, les brouillons me sont utiles et de plus en plus, ma mémoire devenant étrangement paresseuse. 

Pascal - Pas de brouillon


Une petite mésange 


Ben non ; « je ne fais pas de brouillon »… Pour quoi faire ?... Parce qu’elle est une petite mésange farouche, l’inspiration se pose sur mon épaule, comme ça, quand je m’y attends le moins. Une chanson, un paysage, une œillade, un parfum, c’est la majuscule du début de mon écriture, la gare de départ, l’illusion en marche, le confessionnal de mes non-dits.
Je ne suis pas l’auteur de ce que j’écris, je suis l’écrivain de ce que l’inspiration me dicte. Avec l’élan de mes sens aux aguets, phrase après phrase, je vais tremper ma plume dans l’encrier des soupirs, dans celui des rêves, dans celui des désirs, dans celui des couleurs, dans celui des choses qui n’arrivent jamais.
Quand j’essaie de la regarder dans les yeux, elle s’enfuit ; quand je voudrais la retenir, elle s’écarte ; quand je la tiens au bout de ma plume, elle sautille, elle s’échappe, elle revient, elle repart, elle fomente, elle s’extasie, elle se vaporise mais réapparaît dans un trait de lumière ! Je dois tout écrire dans le seul ordre qu’elle me propose ! À son seul gré, je ne peux que m’exécuter à cette bienheureuse sentence ; alors, vous pensez bien que je n’ai pas le temps d’un brouillon…

Parfois, quand je conduis, elle s’approche si près de moi que je vois tout le défilé de mon texte qui passe devant mon nez. Comme les héros d’un cirque à la parade, les détails, les sourires, les ombres, les couleurs, les décors, l’intrigue, tout s’affiche en grandiose, tout prend l’organisation naturelle du déroulé de l’histoire ; immanquablement, tant de félicité  me met les larmes aux yeux. C’est une ombre qui prend des formes ; c’est consistant, c’est éblouissant, c’est un coin de paradis qui s’entrouvre, une entrée gratuite dans la quatrième dimension !
Elle me souffle ses soupirs, elle m’impose ses tournures de phrases, elle décide du tempo, du jour et de la nuit, du prénom de mes héros : tout lui appartient. À cause d’elle, je rate souvent ma sortie d’autoroute ; alors, vous pensez bien que je n’ai pas le temps d’un brouillon…

Elle est rebelle, elle est languissante, elle est attachante ; elle est un surplus de moi que je ne peux pas contrôler ! Je voudrais l’apprivoiser, l’accommoder, lui dire de venir de telle à telle heure mais, ça ne marche pas comme ça ! Des édifices faramineux jusqu’aux ruines, des printemps jusqu’aux automnes, des doux ressacs jusqu’aux tempêtes, elle me rudoie, m’emporte, me noie, me ressuscite ; elle mystifie mon état d’esprit, elle chamboule mes certitudes, elle énerve mes idées reçues, elle trouble l’eau qui coule sous les ponts de mes vérités.
Dans la seconde, je dois tout lâcher pour encaisser son entrée en force ! J’ai chaud, j’ai froid, je suis pleutre, je suis courageux, je suis un prince, je suis un forçat, je suis l’été, je suis l’hiver, je suis à ses ordres ! Alors, vous pensez bien que je n’ai pas le temps d’un brouillon…

Ses désespoirs sont des orages, ses miracles sont des mirages, ses rires sont cristallins, ses pleurs et ses chagrins m’abîment, me brûlent et me tuent ; souvent, tombé en flamme, je finis prostré à côté de ma chaise. Je me recroqueville, je suis fœtus, je veux retourner dans le ventre de ma mère et remonter encore dans le néant, jusqu’à la plénitude de l’inexistence.
Aussi, apaisante, en échos pacifiques, elle m’impose des arcs-en-ciel pour agrémenter ses desseins. Magnanime, elle a des plages de sable tiède où elle m’autorise à laisser mes empreintes ; elle a des oiseaux qui parlent, des cerfs-volants sans fil, des trains qui ne laissent jamais personne sur le quai…  

Chez elle, le cours de la larme tiède a plus de valeur que celui de l’or ; je sais ses embrassades chaleureuses, ses sourires comme des mines de bonheur, ses « Je t’aime » aussi sincères que les plus belles déclarations d’Amour.
Elle est plus légère que la plume de l’aile d’un ange, elle est plus amoureuse que le baiser le plus sensuel, elle est plus colorée que la palette d’un peintre impressionniste le plus romantique.
Elle chasse l’ennui, parfume les fleurs, trouble les étangs, décore les nuages ; elle met en musique le vent, harmonise les cliquetis de la pluie, réchauffe le soleil, attise mes sensations. Là, dans l’instant de l’aventure qu’elle me commande, je voudrais la serrer dans mes bras, la pétrir, la chérir, lui dire qu’elle a table ouverte au restaurant de mes plus belles impressions ! Au menu, j’ai du parme, du caraïbe, du safran, du turquoise, en majuscules de charme ! Alors, vous pensez bien que je n’ai pas le temps d’un brouillon…

Tard, le soir, elle me garde éveillé ; elle est la lauréate de mes pensées, la disposition des étoiles filantes devant mes yeux éblouis. Elle me donne sa fièvre, elle me dicte ses passions, elle a ses panoramas tout en sensations, elle me brusque, me bouleverse, me sermonne, voudrait que je reste et que je tisse encore la trame de son ouvrage ! Elle a des phrases si belles que je suis sûr de m’en rappeler pendant mille ans mais dont j’oublie la teneur, une minute après les avoir enfantées !
La nuit, elle me réveille ! Elle me réclame ! Elle me houspille ! Elle me bouscule ! Elle me soulève ! Impérativement, je dois aller la recoucher sur le papier ! Écran, clavier, pc, je dois tout rallumer ! Elle a tant à clamer ! Elle est pire qu’une maîtresse insatiable ! Et moi ?!... Je suis au garde-à-vous devant les moindres de ses simagrées !
Tôt, le matin, elle me surprend encore ; en fins de rêve ou, obstination rémanente, séance tenante, elle me somme d’enfiler mes chaussons et de courir reprendre l’écriture de son œuvre ! Pour mieux l’apprivoiser, la retenir, j’ai renoncé aux choses faciles, aux plaisirs épicuriens, ceux qu’on s’achète comme des spéculations tarifées, aux voyages cartes postales, aux repas du dimanche qui remplissent le ventre et qui assèchent les phantasmes, en vases communicants.
Casanier, ascète, atrabilaire, je m’enferme dans ma cage, je tiens les volets clos, je garde mes distances avec tout ce qui pourrait parasiter notre intime collusion. Curieuse, elle volette tout autour de ma plume ; j’aime son parfum de feuille blanche ; aujourd’hui, sera-t-elle à l’affiche, au futur, au présent, à l’imparfait ? De quels affiquets vais-je la parer ?
Coquine, elle ne se pose jamais au même endroit, si bien que je ne me rappelle pas toujours ce qu’elle m’a murmuré, et elle ne me le redira jamais sous la forme qu’elle m’avait suggérée au creux de l’oreille. Alors, vous pensez bien que je n’ai pas le temps d’un brouillon…

Ma muse a les yeux tellement bleus, ou verts, ou bruns, je ne sais plus. Au risque de me répéter, je tombe obstinément dans ses pièges, je me noie dans ses douves, je cherche désespérément l’amarrage de ses bras trop blancs ! Aux joutes journalières, je suis tout rempli d’un courage neuf ! Entre les lignes, au bout des points de suspension, je lui crie « Je t’aime ! » par la bouche de ma plume en pâmoison ! Je voudrais tuer l’impossible et le remplacer par limpide !
Sous son château imprenable, j’ai placé mes armées de fleurs, je traque son mouchoir blanc, j’habille ses silences avec des stances de troubadour.
Reviens ! Reviens, petit oiseau ! Reviens me bercer avec tous tes mots menteurs ! Dis-moi qu’elle m’aime un peu ! Juste un peu ! Reviens donner du cœur, de l’âme, de la profondeur à tous mes mots d’assiégeant ! Lecteur, rappelle-toi  toujours : l’inspiration est un soupir divin qui prend sa source sur la montagne des Contemplations et qui disparaît avec quelques frissons…  
Tout ce déferlement d’intenses impressions, toutes ces images sensationnelles qui n’auront jamais cours, tout cet enchantement que ma plume s’évertue à mettre au jour, vous comprenez, tout ça, je ne peux le mettre sur un brouillon…

mardi 16 avril 2019

Vegas sur sarthe - Pas de brouillon

Ma vie cash

Quelqu'un a dit que si notre vie est déjà écrite, elle ne l'est qu'au brouillon.
La mienne est cash … sans brouillon préalable et c'est bien ça le drame.
Pourtant tout avait bien commencé, sans rature, sans pâté.
Cette année là - alors qu'Al Capone et son mythe disparaissaient à la fleur de l'âge - naquirent David Bowie, Carlos Santana, Elton John et moi.
Fort heureusement ceux-là n'avaient pas encore la notoriété qu'on leur reconnaît aujourd'hui et ils ne firent donc pas d'ombre à mon arrivée, du moins dans mon village.
A propos d'ombre, cette année là on la chercha beaucoup car ce fut une année de canicule, une année comme on les aime en Bourgogne, promesse de grands millésimes avec juste ce qu'il faut d'orages d'été pour relancer la végétation et obtenir une maturité inégalée des raisins.
Pas folle la guêpe (je suis plutôt bourdon), j'avais attendu début novembre et la fin des vendanges - cramponné à mon cordon ombilical - pour pointer ma tronche au sein de ma mère.
Impossible de dire à posteriori que c'est ce que j'ai tété de meilleur dans ma vie mais je n'ai pas protesté ni fait la fine bouche car chez nous on ne parle pas la bouche pleine.
Quand j'ai commencé à gazouiller, tout le monde s'est pâmé, extasié alors que je n'avais rien d'important à formuler sinon un brouillon syllabique qui signifiait que j'avais faim ou souillé ma couche.
Déjà à l'époque une grande agitation régnait autour de moi, des choses que les grands appelaient des événements et qui prouvaient qu'on était bien vivants.
Ainsi Fausto Coppi remportait son premier tour de France tandis que dans une autre discipline mais également en jaune Mao Tse Toung proclamait la république chinoise alors que Boris Vian venait goujatement cracher sur nos tombes.
Je n'étais pas du genre à m'insurger et je suis resté assez longtemps ainsi d'humeur égale, apathique face aux petits et grands événements qui survenaient, jusqu'à ce qu'on m'offre ce foutu cheval à bascule en sapin des Vosges.
Malgré bien des tentatives soldées de chutes spectaculaires je n'ai jamais réussi à le dompter, même en tentant de l'étrangler avec la corde de mon bilboquet tout aussi rebelle que lui puisque sa tige ne tomba jamais en face du trou!
A cet instant j'avais senti monter à l'intérieur de moi quelque chose de sauvage, une sorte d'agacement, d'irritation comme une vague d'exaspération venue du ventre et qui venait exploser jusqu'au sommet du crâne... alors j'ai jeté à la cave mon foutu cheval sauvage et mon bilboquet.

Le psy m'observait bizarrement: “Continuez”.
Plus tard, ça a été le tour de Margot.
Elle avait fait irruption (je devrais dire éruption) dans ma vie en même temps que le printemps et mes premiers boutons d'acné; ça faisait beaucoup de bouleversements à la fois et comme je ne pouvais rien contre le printemps et pas grand chose contre ces bourgeons, c'est Margot qui en a fait les frais.
Elle était gironde avec ses nattes blondes et ses grands yeux étonnés mais j'ai vite réalisé qu'elle aussi était indomptable, alors je l'ai rangée à la cave avec mon cheval d'où mes vieux sont venus la tirer en l'entendant hennir.
Plus je grandissais et plus ces vagues d'exaspération brouillonnes s'amplifiaient comme si mon ventre avait du mal à contenir une mer en furie.
C'est alors que j'ai été appelé à troquer mes boutons d'acné contre ceux d'un treillis militaire du 42ème régiment de transmissions à Rastatt en Allemagne où je passai une année à contenir mes vagues, bien aidé par cette infâme mixture qu'on appelle caoua et qui contient avant tout du bande-mou.
Je contenais mes vagues et c'est tant mieux car j'étais trop éloigné de ma chère cave pour pouvoir y séquestrer tout ce qui m'exaspérait: rangers, MAS 36, casque lourd, tout un barda y compris cette meute de sous-officiers qui aboyait comme de mauvais chiens et que j'aurais volontiers mis au trou.
On disait MAS 36 pour le fusil car parait-il les abréviations font moins peur aux bidasses.
A force de crier « la quille, bordel ! » je fus libéré - comme on libère un esclave de ses chaînes - et, retrouvant ma chère cave j'entrai aussitôt dans la vie active après ces douze mois d'inaction.

La vie active est une manoeuvre compliquée qui consiste à se lever le matin et à se coucher le soir avec au milieu une alternance de moments d'agitation et de somnolence, de métro et de marche à pied, de grandes contrariétés et d'infimes satisfactions, comme le flux et le reflux des vagues d'un océan qu'on appelle carrière professionnelle.
Dans ce labyrinthe je croisais du matin au soir des Margot de tout poil - je veux dire des vraies blondes, des fausses brunes et des vraies fausses rousses - des sténodactylos, des psychos, des intellos et des chefaillons, sortes de sous-officiers en uniformes d'actifs qui aboyaient comme de mauvais chiens ainsi que des tonnes de paperasses que j'étais censé trier selon d'improbables critères.
Autant dire que mes vagues d'exaspération avaient repris de plus belle et qu'on m'envoya souvent voir ailleurs si on y était!
Le psy avait l'air de dormir bien qu'il répétât machinalement : “Continuez”.

Pour calmer mes pulsions je trouvais un certain réconfort à “détourner” les plus belles paperasses que j'entreposais au fil des années dans ma chère cave, des bordereaux, des inventaires, des bilans, des tableaux d'amortissement, des récépissés, des fac-similés et quelques très beaux brouillons, autant de noms bizarres qui constituent le langage codé des actifs.
A chaque disparition de document c'était des suspicions, des remontrances et à chaque remontrance, c'était un dossier de plus qui venait alourdir mes étagères parmi les caisses de Chambertin et de Pouilly-Fuissé au point que la place vint à manquer dans ma chère cave.
C'était un signe. Il était temps pour moi de prendre ma retraite, comme on prend le dernier bateau du soir pour l'île d'Alcatraz, temps de quitter la vie active pour cette mer d'huile qu'est la non-activité.
Finies les contrariétés, les brimades, les ricanements mais finies aussi ces vagues d'exaspération sorties de mon ventre et qui venaient exploser jusqu'au sommet du crâne pour mon plus grand bien.

Cette fois le psy dormait tout à fait.
Quand j'eus fini de brûler toute cette paperasse je commençai à m'ennuyer, j'étais comme mort.
“Vous comprenez, je suis mort, MORT!!”
J'avais dû crier fort car le psy ouvrit un oeil, stupéfait de cette rafale soudaine dans le calme plat de son cabinet.
Je lui sautai à la gorge :”J'en ai marre!!”
Il se cabra comme l'avait fait jadis mon canasson en sapin des Vosges et tout en lançant quelques ruades pour me désarçonner il tenta de hennir, enfin... de crier, alors je serrai du mieux que je pus.
Combien de gens s'évertuent à couper le cordon avec leur psy, ce lien d'accoutumance, de dépendance, ce piège, une foutue drogue.
Moi au contraire je serrais de toutes mes forces avec l'invisible cordon de mes doigts.
On devrait toujours avoir une corde de bilboquet sur soi...
Là où je suis derrière les barreaux de Fleury-Mérogis je n'ai pas de bilboquet, juste un crayon et du papier que j'économise comme je peux.
J'essaie de faire du propre car à cause des restrictions budgétaires on n'a pas droit au brouillon.

lundi 15 avril 2019

Annick SB - Pas de brouillon

Patatras !

  • Je ne fais pas de brouillon !
C’est ce que j’ai répondu à l’éditeur intéressé par mon imagination débridée qui m’a contacté l’an dernier.
  • Sans brouillon ? a-t-il rétorqué surpris !
  • Oui, exactement !

Je ne fais pas de brouillon :
Pour ne pas brouiller les pistes
Ne pas effacer les traces, les erreurs, les dégâts
Avancer, avancer, courir, chanter, écrire 
Sans brouillon glisser sur la feuille à petits pas
Patatras !
Sans brouillon se prendre pour une funambule et rire aux éclats au moindre faux pas
Un accent oublié et c’est la chute finale
Direct la feuille dans la corbeille à papier !
Une lutte muette pour faire jaillir le texte
L’écrit qui crie
La trace qui dépasse
Levez la main s’il vous plait avant de parler
Patatras !
Tout recommencer oui, mais, sans brouillon !
Pour ne pas perdre le fil
Ne pas ôter les mots de trop, les mots trop hauts, les mots pas beaux
Tout prendre
Tout perdre
Surprendre
Oser
Râler
Avancer
Sans brouillon glisser sur la feuille ou le clavier à petit pas et ne pas faire patatras !
Sans brouillon se prendre pour Cendrillon qui attend le carrosse et qui en profite du coup pour raconter sa misère à trois lézards et deux chimères
  • Euh ? vous n’avez pas mal au cœur de ne jamais être publiée ? m’a-t-il rétorqué.
Patatras !

Maryline18 - Pas de brouillon


En bateau…

La vie s'écrit, se lit, se joue, se vit en direct et c'est tant pis s'il y a des dérapages, des ratures, des parenthèses et des points de suspension...Les pages blanches ne demandent qu'à être noircies : d'erreurs, de surprises, de cris d'exclamations et de points d'interrogation. Alors soyons spontanés, imprévisibles, aventuriers, comme les héros d'un feuilleton chaque jour improvisé. Laissez-moi vous emmener...Fermez les yeux, imaginez...Laissez-moi vous raconter, une fois encore sans avoir fait de brouillon, une belle histoire...

...Ce n'était peut-être qu'un mauvais rêve, après tout, oui, cela ne pouvait-être que cela...Ce contraste de la lune si ronde, si belle, arrosant de ses rayons si lumineux cette eau profonde, menaçante, insondable, en continuels mouvements.

Les flots, si calme à notre départ, cognaient maintenant, méchamment sur l'étrave de l'embarcation. Telle une coquille de noix, bousculée par une mer d'encre, le voilier semblait si vulnérable, seul à lutter contre tous, contre tous les éléments déchaînés. << Combien de temps tiendrons-nous ?>>

Epuisée, pour me tenir éveillée, accrochée au gréement, instable, de ce bateau à la dérive, j'énumère les points positifs de la situation. Je me félicite, une fois encore, de garder la tête froide.

-Premièrement, ta blessure semble superficielle bien qu'elle ait beaucoup saignée.

-Deuxièmement, la trousse de secours contient tout ce dont j'ai besoin, dès que tu reprendras connaissance, je changerai ton pansement improvisé à l'arcade gauche.

-Troisièmement, on a emporté de quoi tenir plusieurs jours, il suffira de rejoindre la cabine pour manger un morceau et reprendre des forces. tout ira mieux ensuite. On s'en sortira...tu verras...

Je sais, c'est moi qui ai eut l'idée de cette balade en mer. je voulais de l'inédit, du merveilleux, rien que pour nous deux...Se contenter de marcher sur la plage, cela aurait été bien trop banal. Je ne voulais pas du déjà fait, du déjà vu. Je voulais lire l'admiration dans ton regard, l'émerveillement. J'espèrais que tu me trouves des qualités d'aventurière, je voulais t'éblouir...C'était idiot, peut-être...Je le sais maintenant, mais...on s'en sortira...tu verras...

Je te protège de mon ciré, Je cale ta tête sur mes genoux, je prends ton pouls. Les battements de ton coeur me rassurent, ça c'est le quatrième point positif ! Je te réchauffe les mains, le visage, du peu de chaleur qu'il me reste. Tu vas revenir à toi et tu m'offriras ton plus beau sourire. Tu cacheras ta peur et inventeras des solutions, comme toujours... Tu m'expliqueras comment tenir la barre, consolider le mât, préserver les voiles...Mais aussi comment positionner la quille, l'espars, la bôme, ou encore, comment enrouler les cordages...Tu seras mon Capitaine, je serai ton moussaillon...Et puis, fiers de nous, de notre force, de notre connivence, quand on rentrera on invitera nos amis et on revivra toute l'histoire en exagérant notre courage et en minimisant nos peurs. On leur donnera des conseils, au cas où...On s'en sortira,tu verras...

Le ciel semble moins menaçant. Crois-moi, la tempête va s'essouffler, arrêter de s'acharner sur nous, comme un chien enragé qui ne voudrait pas lâcher prise. J'ai dû me briser la cheville en tombant, j'ai mal. Je m'agrippe, tente de me redresser, en vain. Une terrible douleur m'assaille, je feins de l'ignorer mais elle m'assène un grand coup sur toute la jambe. Impossible de me relever, j'ai des suées, chaudes puis froides, qui me courent sur tous le corps. Ma vue se brouille, mes oreilles sifflent, je suis si faible sans ta force...<< Qu'est-ce qu'on va devenir ? >>

<<On s'en sortira...!>>

Est-ce bien toi qui viens de prononcer ses mots ? je me retourne, tu ouvres les yeux ! Je me blottis sur ton torse, tu m'enserres doucement dans tes bras, je laisse couler mes larmes. Je me leste de mes doutes et de mes craintes. J'attends que tu m'expliques, tu sais toujours ce qu'il faut faire...Je réalise combien je t'aime à cette instant précis, combien j'ai besoin de toi, combien je te fais confiance...

Je voulais te soigner mais les rôles s'inversent. Tu retrouves les forces nécessaires, celles que tu avais mises de côté pour cette nuit, justement...Tu me soulève et me portes jusqu'au lit minuscule de la cabine. Tu caresses ma joue, me dis de ne pas m'inquiéter, que tout ira bien, que les secours vont arriver et qu'on ira finir la nuit dans un quatres étoiles !

On commandera des croissants pour le petit déjeuner et un jus d'oranges pressées, sans oublier le café, de l'arabica de tout premier choix, s'il vous plait !

Alors que te moques gentiment de mes exigences, et comme par miracle, j'entends un moteur et des hommes qui braillent : <<Ho...hé... !>>

-<<On est sauvés, tu vois, on a eu raison d'y croire...Après la tempête revient toujours le beau temps !>>

Tu veux toujours avoir le dernier mot mais cette fois ça me fais rire et j'en oublie la douleur ! Les sauveteurs des mers s'étonnent de notre sang froid. Enroulés dans deux grosses couvertures on sirote un thé. Décidément, rien ne se passe jamais comme prévu...Tu me fais un clin- d'oeil et je t'entends leur demander : <<Vous n'avez pas d'oranges pressées ? >>

Laura Vanel-Coytte - Pas de brouillon

Je ne fais pas de brouillon !
Ce me rappelle trop les concours
Les feuilles de couleur brouillon
Rose, bleu, jaune et vert concours


Des milliers de candidats
Sur toute la France
Des salles de centaines de candidats
Un brouillon pour quatre heures

Je ne fais pas de brouillon !
Ca me rappelle trop les fiches
De cours et de révision
Les oraux quand on est admissible

Une place pour deux
Un sujet, un brouillon
Un pris, un malheureux

Pas assez quoi, trop brouillon?

Mapie - Pas de brouillon


La perfection n'existe pas pour moi.
Mon brouillon est une fin en soi
Je vis d'erreurs, de fautes... de frappe , et ma syntaxe n'hésite pas à s'octroyer quelques largesses qui lui permettent d'exprimer avec force ses nombreuses faiblesses
Reprendre ma copie et corriger mon "imparfait"?
Folie que tout cela !
N'est ce pas au pied du mur, qu'il faut tomber l'armure? Plutôt que d'arriver en haut, épuisé , vidé par l'effort fourni. Fourbu et étourdi à l'idée de regarder en bas.
Moi je m'allège de l'embarras. J'annonce la couleur à qui veut me voir telle que je suis.
je lance sur le tapis mes 6 faces à la fois: goût de l'inachevé, effort mesuré, éloge de l'imparfait, voie de progrès, liberté d'exprimer, ébauche de début d'envie d'un "peut me faire" à volonté ...
L'on peut penser qu'il s'agit là d'une façon de ne pas trop s'engager. OK.. Sans doute... mais il s'agit alors de la septième face du dé... et quoi?
Les dés seraient donc pipés?

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