mardi 30 octobre 2018

Mister K - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse

Oui, enfin, à quoi ça sert qu’on se décarcasse ?

Devisaient doctement Marité et Vegas
Ce notaire pas clair ni de profil ni de face
Avait provoqué ce joli tour de passe-passe

Et la question, du coup, nous toisait, bien en face
Oui, enfin, à quoi ça sert qu’on se décarcasse ?
Tous autant qu’on est, on fait quoi de nos carcasses ?
Surtout ? 
Garder le cap, résister, tenir bon, ne pas lâcher ni complaire,
Faire bien, en artisan de la vie, pour les siens et plus loin qu’eux, écouter,
Être consciencieux méticuleux, juste, appliqué

Mais encore, ici, pourquoi on se décarcasse ?

Juste pour éviter de m’harasser la tignasse
Je fomente un holdup d’aventurier, un casse
Dutronc Jacques est là pour me sortir de la nasse
Affabulateur mythomane, de place en place
J’arpente et j’invente des vies et des espaces    
Voilà à quoi sert qu’ici je me décarcasse :

J’ai fabriqué de la fougasse à Arras
J’ai pataugé dans la bouillasse avec Iglesias
J’ai pêché des rascasses dans l’Arkansas
J’ai bu la tasse à Samothrace
J’ai vendu des vasistas à Philip Glass
Je me suis montré fumasse chez lesCuriaces
J’ai amassé des pétro-liasses à Dallas
J’ai causé carte et plan de masse avec Atlas
J’ai perdu mes godasses en chemin à Damas
J’ai rempli de la paperasse à Pézenas
J’ai retrouvé la thrace d’Hélène pour Ménélas
J’ai appris la brasse à Palavas
J’ai assisté à la dédicace de Micromégas
J’ai chassé la bécasse dans le Kansas
J’ai joué tambour maracas avec Gunther Grass
J’ai discuté loquace avec Boccace
J’ai été plein d’audace dans les soirées de Montparnasse
J’ai traité de rapace le roi Midas
J’ai joué de la contrebasse à Bath
J’ai causé lave-glace avec Marguerite Duras
J’ai fumé des ninas avec Jonasz
J’ai été bidasse avec Epaminondas
J’ai étudié la biomasse en Mer des Sargasses
J’ai traîné en pataugas à l’agence Havas
Mais soudain par les moustaches de Plekszy-Gladz !
Je dois vous laisser, il faut que je file hélas
Le tour du jour en 80 mondes, j’ai deux places,
Je ne veux pas rater l’ami Fogg,Phileas !

lundi 29 octobre 2018

Mapie - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

Tu uses et tu abuses de toi-même en déployant tes trésors de gentillesse et d'abnégation...
Parce que tu le sais toi, tu le sais au fond, que s'il y a une chose qui est importante, c'est de faire les choses bien.
J'entends par là, bien comme il faut. Quitte à demander à celui qui sait mieux faire que toi, de les faire à ta place.

Hormis pour le soleil, où là j'avoue, j'ai dû improviser.. Tout était maîtrisé, tiré au cordeau qu'on dirait....
Gigi a loué le barnum. Le grand Bébert et ses petits frères ont monté le plancher. Tante Gertrude a préparé les buffets, aidée de Gérard qui goûtait chacun des plats pour s'assurer qu'elle ne forçait pas trop sur le sel ...
Philibert a trouvé la sono. Les jumeaux d'Isa ont tondu la pelouse.
La fontaine a champagne coulait de source au fond du jardin et les lumignons confectionnés par la vieille Emmy furent disposés le long du sentier. Un nain , un lumignon, un nain, un lumignon...
Le maire est arrivé à l'heure. Les fleurs bien qu'un peu onéreuses valaient l'effort fourni...
Les invités ont reçu un email personnalisé sur Facebook, une invitation pour une Bar-mitzva que mon geek de neveu a copié/collé sur le net. Juste un changement de date, de prénom, de lieu et de thème et le tour était joué !
Albert a mis son costume et franchement il était beau...
Oui.... j'ai tout donné... J'ai vraiment fait de mon mieux... Le maximum... le plus ... mon meilleur...
En fait, Albert n'avait juste qu'un truc à faire ... pour que la fête soit parfaite...
S'assurer auprès de sa promise qu'elle voudrait l'épouser..

- Et l'idiot.. tu sais pas ?

Il a oublié! Il a oublié de lui faire sa demande...
Soit-disant, qu'il pensait que je m'en chargerais étant donné que je n'avais que ça à faire et que ça je savais…

Ni une, ni deux, je m'suis dépêchée... Je suis allée la voir. Et je lui ai fait croire qu'il s'agissait d'une surprise. Qu'Albert, bien trop ému l'attendrait auprès du maire, et qu'elle ferait de lui le meilleur des maris !
Elle a dit oui !
Elle est venue. Elle était belle, si tu savais. J'lui ai prêté ma robe de cet été, la "Blanc du nil" en lin... Même pas besoin de la repasser... Mon 48 donnait à son 38 l'aisance et le raffinement des robes de belle facture...

- Et l'idiot... tu sais pas ?

Il a dit non ! Il a dit qu'il ne voulait pas l'épouser !
Soit disant, que c'était de ma faute.... Je l'y avais forcé....qu'il pensait que je n'irai pas jusqu'au bout...

Au bout de quoi ? Je te le demande !

Franchement, Tu veux que je te dise….

Tout ça moi ça me dépasse... C'est vrai quoi.... ça sert à quoi qu'on se décarcasse ?

Andiamo - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

A quoi ça sert que je me décarcasse.

Impromptu  en un acte  présenté au théâtre Marigny, décors Roger Hardt, costumes Donald Cardwell.

Un échafaudage, sur l'échafaudage un homme d'âge mûr, un pinceau à la main, nous sommes au 
XVI ème siècle, le 16 octobre 1512 pour être précis, dans la très sainte cité du Vatican.
A la base de l'échafaudage, un homme vêtu d'une sorte de djellabah, et d'un chapeau bizarroïde que nous appellerons une mitre (prends ta mitre à deux mains mon cousin)
Debout bien campé sur ses jambes les mains en porte voix il crie...

- Mimi !... Mimi !...

L'homme sur l'échafaudage, est en train de peindre, la scène représente un grand barbu touchant du bout de son index, l'index d'un autre homme entièrement nu. Le peintre se retourne et aperçoit l'homme qui l'interpelle.

- Qu'est ce que tu veux encore mon Juju ?

- Chuuut ne m'appelle pas comme ça, on pourrait t'entendre, grande folle !

- Et alors t'as honte ? Ouh !

- Soyons sérieuses, tu comptes le finir quand ton ch'tiot crobard ? Car moi j'ai promis à toute la curie Romaine l'inauguration pour le 31 Octobre.

- De quelle année mon Juju ?

- M'enfin ! De cette année, dans... 17,18,19,20,21,22,23,24,25,26,27,28,29,30,31... Dans QUINZE  jours Mimi, ça urge nom de Dieu ... Oh pardon seigneur j'le ref'ras plus.

- Alors ça c'est la meilleure voilà des mois que je me décarcasse, à honorer notre créateur et toi tu blasphèmes comme un porte faix (j'adore ces vieilles expressions). Et puis d'abord taxer mon chef-d'œuvre de ch'tiot crobard alors qu'il mesure je ne sais combien de coudées, merdum à la fin !

- Allons mon Mimi ne te fâche pas, mais je te rappelle à propos de te décarcasser comme tu le dis si bien, qu'après la Sixtine, il y aura la Séventine, la Eigtine, puis la Ninetine à décorer !

Tiniak - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

Ce bruit se répandit
pis qu'une gastrite en hiver
après un bref moment
de sidération indignée
le peuple ayant compris
que les puissants le dépouillaient
d'un même mouvement
se ramassa sur sa colère
avant de bondir

La rue vilipendait
la démocratie d'opérette
et ses fastes ruineux
trempés dans la haute finance
que rien ne justifiait
à ces sommets vertigineux
ni le prix des baguettes
et nécessité moins encore
que s'en est à gerber !

Ah, ça ira ! les culs blanchis
(et à combien le trou de balle ?)
ni potence, ni guillotine
direct sur le trottoir, à poil !
Nul besoin de jouer de rapines
Echangeons plutôt nos conforts
d'aimer... de volontiers... de toile...
Que nous soit commune, Paris !

Siècle, aux sombres uhlans
pis que piment dans les viscères
amassés, juste à la frontière
vois-tu que sont mes dents ?
Elles mordent le Pain Nouveau
et te recrachent vos chiendents
sur les sabots ferrés
de tes chevaux d'iniquité
qui vont nous charger, à présent

Ha ! Ah, Je meurs ainsi
une mouche prune à la lèvre
mais arguant de mon rêve
d'un regard jamais obscurci
brillant jusqu'à la grève
où s'agrègent pleur et pensée
dans un même espoir d'équité
oui, de fraternelle de justice
Un moment encore, je pisse
mon sang !

Il en tombe, alentour
de mes frères, de nos amours
et c'est tant mieux !
Notre cri pourrira tes cieux !

Nanti ! Vendu ! Bourgeois !
qu'en tes nuits te hante ma voix !
Corrompu ! Hypocrite !
ton âme est de noire anthracite !

Gageure, ta menace...!
Pourquoi t-il faut bien qu'on se décarcasse

Marité - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

P. de notaire !


Ça sert à quoi qu'on se décarcasse ?

Je ne sais ce qui m'a pris
De vouloir sauver la vie
De ce notaire tout pourri.
(Mais si, mais si, promis
Un épilogue aurait suivi
Prouvant qu'il avait trahi.)

Ça sert à quoi qu'on se décarcasse ?

Ont protesté mes chers amis.
Je l'avoue, je suis bien marrie
D'avoir commis une ignominie,
Et failli au code de déontologie.
Mais il ne faudrait pas me mettre au défi
De ne plus recommencer cette fantaisie !   ;-) - :-)

Ça sert à quoi qu'on se décarcasse ?

On ne me changera pas, je suis ainsi
J'aime bien m'amuser et je le peux ici.
Pour ma centième, je vous en supplie
Pardonnez-moi insolence et effronterie
Oh oui, décarcassez-vous; sans flatterie
Nous aimons tous en cueillir les fruits.

Et pour m'avoir si gentiment accueillie
Je vous bise et vous envoie mille mercis.

Tisseuse - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !


Tu vois, petite, il y a quelque chose qui me tracasse.
On me demande à quoi ça sert qu’on se décarcasse.
Alors que, même si on a pu me traiter parfois de bécasse
Car je pouvais me trouver dans l’impasse,
J’ai toujours pensé que ça valait le coup.

Pour moi, pour les autres, pour mes projets, mes envies, mes valeurs…
Se décarcasser, c’est bouger, tu vois, et ne pas s’en laisser compter, quoi qu’il en coûte.
Sortir des sentiers battus
Et par la porte ou la fenêtre se remuer le c…
Pour tout ce qui nous tient à cœur !

Pas de crainte que je m’encroûte.
Ni que je marche à pas de loup.
J’avance droit et ferme sur la route.
Et ça passe.
Plus souvent que ça ne casse !

Vegas sur sarthe - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

1975

C'était en 1975 et on a oublié depuis longtemps qui de Gilbert ou de Marc Ducros se décarcassa pour trois fois rien, pour un mélange sournois à base d'herbes de Provence et d'aromates qui fait brailler les sardines même serrées dans un grand cabaret du samedi soir... là où « les Sars dînent à l'huile » comme nous avait prévenus Pierre Dac (qui en assaisonna par erreur son os à moelle) avant de disparaître ce 9 février de la même année, entraînant dans sa chute de grands hommes tels que Mike Brant 2 mois plus tard puis Franco (de porc) 6 mois après !

Tout ça pour ça ? pour finir en arête ou en squelette.
Pourtant nous étions prévenus : ne dit-on pas un squelette, des carcasses ?
Voilà la boucle est bouclée. Ce qu'on nomme l'effet papillon a provoqué à partir d'une maigre poudre de thym, d'origan et de marjolaine une véritable hécatombe.

Tandis que Ducros saupoudrait sur nos tables son mélange maxi hard, un certain Bill Gates – prenant le contre-pied – inventait en douce la fenêtre micro soft, celle qui s'est immiscée dans nos foyers pour tisser insidieusement sa toile.
Nul doute que ces deux géniaux découvreurs s'inspirèrent de cette phrase du visionnaire Alfred de Musset « Qu'importe le flacon ... pourvu qu'il ait l'opercule Fraîcheur qui protège des virus»

Les frangins Ducros auraient-ils dû se contenter de folâtrer dans la garrigue à la recherche du fenouil, du romarin, du bouquet garni ou de Blanquette, l'imprudente chèvre à Seguin ?
« La question reste toujours sans réponse. Qui saura, qui saura, qui saura ? »

Annick SB - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

Me voici …

A quoi ça sert qu’on se décarcasse ?
A rien ?
A tout ?
Tout autant passe le vent qui fait taire les passants
Tout passe et rien ne sert
C’est ce que l’on entend souvent
Rien ne serre le temps qui passe, ni les doigts, ni les lèvres, ni le fer de l étau qui te dit de ne rien faire et encore moins les questions sur le temps qu’il fait, qui s’entrelacent au comptoir des cafés des petites places
Et pourtant ….

A quoi ça sert qu’on se décarcasse ?
A rien ?
A tout ?
Tout à coup, face à face, s’effacent les estrasses quand on prend le temps de changer la crasse en ficelle, la ficelle en dentelle et la dentelle en chants
Finis les tourments
Tu m’entends ?
Je fredonne, je chante, je loue, je rends grâces
Perçois-tu les remerciements de ceux que tu croyais carcasses, qui sans trépasser ont donné leurs vies au temps ?
Entends-tu les égards des anciens fracassés grâce à toi réconciliées avec le Temps ?
A quoi ça sert qu’on se décarcasse ?
Juste à mettre des poussières d’Espoir dans certaines carcasses cabossées par le temps qui passe
Juste à ça
Juste pour les autres
Juste un peu
Un tout petit peu
A petits pas pressants
Essaie toi aussi
Vis
Ris
Crois
Déclare
Proclame
Une pincée de beau offert aux temps qui froisse
La peur s’efface
Ecoute …
« J’entendis la voix du Seigneur disant :
  • Qui enverrais-je et qui marchera pour nous ?
Je répondis :
  • Me voici, envoie-moi ! » Esaïe 6 .8

A quoi ça sert qu’on se décarcasse ?

J’ai jeté une poignée de mots au vent
Il a pris le temps d’en faire un bouquet de joie sauvage
J’ai cueilli une gerbe d’amour en remerciements
Me voici
Je vous offre à mon tour sa vie, son précieux chant qui illumine ma carcasse…

et ici

Laura Vanel-Coytte - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

Ça sert à quoi qu'on se décarcasse ?

Ça sert à quoi d'écrire avec audace ?

Ça sert à quoi ces mots qu'on amasse ?

Ça sert à quoi si ça agace ?

Si on vous prend pour une bécasse ?

On en sort de sa besace

Des rimes qu'on brasse.

Ça sert à quoi d'être coriace ?

D'avoir une carapace ?

Si les critiques la crevassent ?

Ça sert à quoi les dédicaces ?

Les salons à Paris où on vous embrasse ?

Ça sert à quoi qu'on se déplace ?

Si ceux qui vous enlace

Ne vous lisent, ni ne vous achètent ?

Ça sert à quoi qu'on se décarcasse ? 

Semaine du 29 octobre au 4 novembre 2018 - Ça sert à quoi qu'on se décarcasse !

Nous avons capté au bond les échanges entre Vegas et Marité sur le précédent thème pour en tirer cette conclusion :
"ça sert à quoi qu'on se décarcasse !".
Que vous inspire cette affirmation ?

En prose ou en vers, faites nous sourire, ou autre selon votre envie ! Et donnez-nous envie de continuer à nous décarcasser !

Pour cela vous devez nous faire parvenir votre texte à l'adresse habituelle impromptuslitteraires[at]gmail.com d'ici dimanche 4 novembre.

vendredi 26 octobre 2018

Jacques - Clair le notaire ?

« L'autopsie a démontré que Maître Clary, le notaire de Grenoble retrouvé dans le Rhône n'est pas mort noyé. »
Ça alors !
Je me laissai aller contre le dossier de mon fauteuil, le basculant en équilibre sur deux pieds pour observer le journal où ce titre s’étalait en caractère gras. L’élément de mobilier qui en avait pourtant vu d’autres émit un craquement de protestation, comme un gémissement, mais ne céda pas.
Depuis le temps que ce vieux queutard de Clary s’en prenait au moindre jupon de la région – ne négligeant pas, dans une largeur d’esprit qui ne lui était pas coutumière, les pantalons – il fallait s’attendre à ce qu’il fasse le cocu de trop.
Enfin, il aura le cœur au repos pour de bon cette fois.
Peut-être que ce fut la frustrée de trop d’ailleurs, car la rumeur dans notre milieu ne lui prêtait pas un savoir-faire à la hauteur de sa consommation frénétique.
Entre notaires, on passe le temps comme on peut, et persifler sur les petites paresseuses est une occupation comme une autre.
Je relus le titre du journal à haute voix, adoptant un ton un peu sentencieux, avec une légère emphase, presque une diphtongue sur « maître », faisant entendre l’accent circonflexe. La diction de déférence dont nous nous délections sans jamais l’avouer.
Oui, je dois confesser qu’entre notaires, nous avons, comme dit le peuple, un peu le melon.
Alors, pour peu que quelque traumatisme de jeunesse nous ait doté d’une libido disons, enthousiaste, forcément, on bascule dans la consommation. Voire le bizarre.
Une veuve éplorée à l’étude ? On console.
Une fille écrasée par le chagrin ? On console aussi.
Enfin, ça, c’était l’argumentaire fin et raffiné que Maître Clary nous sortait avec aplomb à chaque fin de repas aux Trois Faisans.
Ah, ce vieux salaud.
Ceci dit, s’il n’est pas mort noyé, de quoi est-il mort, le Strauss-Kahn du notariat rhônalpin ? Dodo la sardine lui aurait bouché le porc ?
Hé hé.
Je suis en forme ce matin, moi.
Je laissai retomber mon fauteuil Empire, qui craqua un peu plus fort, pliai le journal que je lançai en direction d’une console Empire, avant de balayer du regard le désordre soigneusement mis en scène sur mon bureau Empire. De quoi impressionner le visiteur et projeter une image de travailleur acharné en rapport avec mes notes d’honoraires.
Par la porte ouverte je vis un coursier déposer une enveloppe sur le bureau de ma secrétaire, et s’en aller en sifflotant.
Le jeune con.
Moi, je n’étais pas payé pour siffloter. Et contrairement à Clary la saumure, « nue » n’allait toujours de pair qu’avec « propriété ».
Pourquoi ne m’étais-je jamais défait de ce mobilier immonde ? Ah oui, je me souviens. C’était celui de Père, et Mère m’en aurait tenu rigueur.
Vous voyez où ça mène, la tradition familiale ?
Je balayai du regard cette pièce triste à mourir.
Il me fallait m’enfuir. Sortir de ce mausolée, dévaler quatre à quatre l’escalier lambrissé au mépris du règlement de copropriété qui en prescrit l’usage bourgeois, bousculer le coursier et...et oui : lui piquer son vélo !
Ça lui couperait le sifflet, d’abord, et puis je pourrais filer comme le vent le long du Rhône jusqu’à…
J’étais déjà debout, quand je me laissai retomber sur le fauteuil.
Qui ne céda pas.
Je ne savais pas monter à vélo.
A cheval oui. Pas à vélo.
Ma secrétaire toqua discrètement. Mon rendez vous de neuf heures était là.
Je la remerciai, puis la rappelai.
- dites moi, Isabelle, le coursier, comment  se déplace-t-il ?
- à bicyclette, Maître, pourquoi ?
- pas à cheval, alors ?
Elle me regarda, amusée et surprise. Deux fossettes que je n’avais jamais remarquées en quinze ans se creusèrent sur ses joues.
- non ! Confirma-t-elle en riant.
- dommage...vraiment dommage. 

jeudi 25 octobre 2018

Marité - Clair le notaire ?

Clairvoyant, le notaire ?

Maître Clary se gare consciencieusement devant son étude, descend de sa puissante Volvo noire rutilante. Comme chaque matin, il fait le tour de son bijou - Maître Clary a toujours eu un faible pour les grosses cylindrées - à l'affut de la moindre rayure ou trace dérangeante. Comme chaque matin - Maître Clary aime accomplir les choses dans un ordre immuable - il ouvre la portière arrière, attrape son manteau et son chapeau sur la banquette ainsi que sa vieille serviette de cuir marron.

Il grimpe rapidement les quelques marches de la maison familiale ancienne, héritée d'une lignée de gens de lois, où se trouvent ses bureaux. Avant d'ouvrir la grande porte massive, il jette par habitude un œil sur la plaque de cuivre apposée sur le côté. L'inscription : "Etude Clary, notaires de père en fils depuis quatre générations" gravée au-dessous de la Marianne en laiton flatte son orgueil. Maître Clary peut être fier : il a réussi ou plutôt la vie a été clémente avec lui et lui a donné tout ce qu'un homme ambitieux peut désirer : une étude prospère, une jolie propriété, une belle femme, des enfants affectueux et de nombreux amis. Maître Clary est un homme heureux et riche.

Sa fidèle secrétaire, la première arrivée, sait comment accueillir son patron : une agréable odeur de café frais se répand dans toute l'étude.
- Bonjour Josiane. Tout va bien ?
- Bonjour Maître. Je vous ai préparé le dossier de Madame Desfarges pour le rendez-vous de 10 heures 30.
- Encore elle ? Mais elle ne va pas me lâcher ? Je lui ai dit cent fois que je ne pouvais rien faire.
Maître Clary, quelque peu contrarié, prend son café quand le téléphone sonne. Josiane décroche.
- Allo ? Mademoiselle Valentine ? Mais oui, votre père est là. Ne quittez pas. Je vous le passe.
- Allo papa ?
- Oui, Valentine. Tu ne m'appelles pas si tôt d'habitude. Tu as l'air inquiète.
- Papa. J'ai eu si peur...
- Enfin ma chérie, dis-moi ce qui se passe ?
- Écoute. Je ne sais pas trop comment ...Enfin, voilà. Je préfère te lire moi-même ce que je viens de découvrir sur les réseaux sociaux : "Maître Clary, le notaire de Grenoble a été retrouvé noyé dans le Rhône."
- Comment ? C'est une blague, une histoire de fou. Rassure-toi, je suis bien vivant et je t'invite à déjeuner à midi si tu es libre.
- Papa, il faut faire quelque chose. Tu ne peux pas laisser passer cette fake news. Cela nuirait à la renommée de l'étude.
- Vous, les jeunes, avec votre vocabulaire ...C'est quoi, une fake je ne sais pas quoi ?
- Enfin papa, tu es quand même au courant : une fake news ou infox est une information qui circule sur le net sans que sa véracité soit établie. La preuve.
- Ne t'inquiète pas, je vais appeler mon vieil ami, le commissaire de police Dubois. A midi, ma toute belle. Je t'embrasse.

Josiane fait irruption dans le bureau complètement affolée :
- Maître, mon Dieu...Le téléphone n'arrête pas de sonner. On me demande si...si vous êtes mort !
- Calmez-vous Josiane. Valentine m'a tout raconté. C'est une fake news.
- Une quoi ?
- Mais enfin Josiane, il faudra vous mettre au goût du jour mon petit. Une fake news est une information fausse. Toute affaire cessante, appelez Monsieur Dubois au commissariat et demandez-lui de venir immédiatement s'il le peut. Je me demande qui est l'auteur de cette énormité mais ça ne va pas se passer tout seul. Ces réseaux sociaux aussi, quelle chienlit tout de même !
Le commissaire Dubois arrive rapidement à l'étude et écoute attentivement ce que lui relate son ami le notaire. Un sourire nait sur le coin de sa bouche. Il a l'habitude de ce genre de désinformation.
- Bon. Roland, pas grave tout ça. Je te trouve bonne mine. On va vite savoir d'où provient le bobard. Je mets sur le coup un de mes inspecteurs, un as en informatique. Je l'appelle. Tu vois quelqu'un dans ton entourage susceptible de te créer ce genre d'ennui ?
- Mais non. Tout se passe bien. Mes clients sont fiables et sensés. Quoique, j'y pense : il y a cette Desfarges qui me harcèle depuis qu'elle a tout perdu lors de son divorce. Elle s'imagine que je l'ai escroquée. Je crois qu'elle perd complètement la tête. D'ailleurs, tu vas la rencontrer, elle a encore obtenu un rendez vous de ma secrétaire qui l'a prise en pitié.

A ce moment le portable du commissaire sonne. Son inspecteur a fait diligence.
- Ah bon, l'infox provient d'une certaine Madame Desfarges ? Ça tombe plutôt bien : elle doit être ici dans une demi-heure. Je l'attends et je vais lui flanquer les chocottes.
Mais pas de Madame Desfarges à 10 heures 30.
- Étonnant constate Maître Clary. Elle n'est jamais en retard pour me casser les pieds avec ses divagations. Je n'ai pas été assez clairvoyant : j'aurais dû agir autrement avec elle et surtout être plus ferme. Je ne comprends pas pourquoi elle a fait circuler cette aberration sur internet. A moins que ce soit une piste : ça ne m'étonnerait guère, elle est tellement "dérangée" !

Le téléphone du commissaire sonne à nouveau alors qu'il allait prendre congé.
- Chef, j'ai eu l'idée de faire un rapprochement entre la rumeur qui parle de noyade et l'absence de cette personne à l'étude et chez elle. Je ne me suis pas trompé. On vient de repêcher le cadavre de Madame Desfarges dans le Rhône.