lundi 27 juillet 2015

Trêve estivale

Voilà, il est temps pour le site des Impromptus, pour toute son équipe, et pour vous, auteurs fidèles, de laisser reposer plumes et claviers d'ordinateur durant tout un mois.
C'est une période propice aux découvertes, rencontres, rêvasseries, lectures...alors nous vous souhaitons de bien en profiter :)

Qu'on se le dise, nous reprendrons nos jeux d'écriture à partir du lundi 24 août 2015 !
Faites-le savoir autour de vous, parlez de votre plaisir à participer à ce site d'écriture à vos amis et connaissances, et diffusez largement l'information dans vos réseaux sociaux.

N'hésitez pas non plus à nous envoyer des idées de thèmes pour les prochaines semaines, car nous manquons parfois d'imagination de ce côté là.

A très bientôt à tous !

Réponse au cékoidon -


 
Il est temps de vous révéler l’identité du cékoidon. Tout d’abord il est posé sur une table ce qui vient en trompe l’œil. Je gage que les écrivains ont cherché à nous distraire et c’était réussi.

Le cékoidon est une machine qui servait aux  apothicaires à fabriquer des suppositoires. Alors comment ça marche…. Là je n’ai pas le mode d’emploi mais les plus ingénieux en auront une petite idée.

Eh oui le suppo existe depuis longtemps peut-être même depuis l’antiquité. Il est pour la première fois bien identifié dans La Médecine des pauvres, ouvrage d’un savant arabe du Xe siècle qui parle d'un pénis de loup séché et pulvérisé, mélangé avec du musc, du safran et des clous de girofle. Mais il a connu ses heures de gloire dès le XVIIème siècle… Gageons que monsieur Diafoirus lui-même l’utilisait.


Bonne vacances à tous !

vendredi 24 juillet 2015

Gene M - Cékoidon


Mode d'emploi du CEKOIDON OU MOTEUR POUR TAPIS VOLANT
Le CEKOIDON est un instrument d'une haute technologie qui permet aux tapis volants de naviguer à  vitesse constante.
A gauche, vous avez le manche à balai qui permet de monter et de descendre.Le premier cylindre doré permet la mise en route, le second d'augmenter la vitesse, enfin le dernier de couper le moteur.
Le carburant utilisé est de l'eau de rose de Chiraz à verser dans le réceptacle en forme de bol , à droite du CEKOIDON.
Attention : le CEKOIDON permet non seulement de voyager dans l'espace mais aussi dans le passé.
Enfin je l'avais mon cekoidon !
Je m'envolai sur mon tapis un beau soir d'été. Je survolai ainsi des villes magnifiquement éclairées et des paysages fabuleux.
Et puis après m'être assoupie quelques instants, je m'éveillai.
Mon beau tapis perdait de la vitesse et de l'altitude. Mes efforts pour le redresser furent vains :  le tapis et son moteur refusaient d'obéir.
Je vis soudain un sublime palais des Mille et Une nuits. La pleine lune éclairait ses dômes verts et bleus. Il y avait tout autour  une végétation luxuriante. On entendait le gazouillis des oiseaux et des jets d'eau.
Le tapis , dans sa lente descente effleura une fenêtre éclairée. J'eus le temps d'apercevoir une scène étrange.
Un homme au beau visage cruel était captivé par la voix mélodieuse d'une femme. Celle-ci me tournait le dos. Je sus soudain. C'était Shéhérazade qui tentait désespérément de mettre fin au funeste projet de son époux et roi de Perse : faire exécuter chaque jour, à l'aube, la jeune femme qu'il avait épousée la veille.
Je frissonnai, c'était terrifiant. Qu'étais-je venue faire dans cette histoire ?
Le tapis volant se gara de lui-même auprès d'autres tapis dans une sorte de"garage".
Je bondis sur mes pieds. C'est alors que je m'aperçus que mes vêtements de citadine du 21 ème siècle avaient laissé place à une longue jupe écarlate en soie et un ravissant boléro bleu. Mes cheveux avaient poussé et étaient d'un noir d'encre.
Un pas léger se fit entendre. Shéhérazade approchait ravissante dans sa tenue blanche et rouge.
Elle s'adressa à moi , de sa voix inimitable :
- Viens Dinarzade, ma petite soeur, écouter une dernière fois un de mes récits.
Et puis cet imbécile de réveil se mit à sonner et mon mari s'écria - Dis moi, tu n'as pas rendez-vous à Pôle emploi aujourd'hui ?
 Bienvenue dans la vie réelle !

jeudi 23 juillet 2015

Emma - Cékoidon

Dans la salle des arts militaires du musée du peuple à Irkoutsk, on peut admirer un cekoidon, pièce unique en bronze, qui, comme beaucoup des œuvres exposées, a une histoire émouvante, que Tolstoï relate dans ses souvenirs.
L'objet  témoigne à la fois d'un passé glorieux et d'une piété familiale hors du commun.
Il a été conçu et usiné par le général Piotr Dourakine, pour être offert à son frère, Ivan Dourakine, son aîné de deux ans, lui-même également général, qui avait gagné ses galons et perdu ses deux bras à Sébastopol, ce qui, hélas, le privait définitivement du plaisir du knout.
Afin de pallier l'humeur souvent morose d'Ivan, Piotr Dourakine fit réaliser pour lui une réplique miniature du célèbre canon Gustav. L'œuvre comporte un réceptacle sur le dessus, et un levier latéral.
Dans le salon vert du château des Dourakine, l'objet trônait sur une vaste table supportée par des pattes de lion en bois doré, dont le plateau représentait  fidèlement la carte de Sébastopol, son port et ses huit baies.
Entre les hautes fenêtres se dressait un haut chevalet sur lequel on devinait un grand tableau voilé par le drapeau de la Sainte Russie.
Sauf quand les généraux Dourakine décidaient après boire de refaire la funeste bataille. Le vieux Nikolaï enlevait alors le drapeau, découvrant le portrait par Morton de Lord Raglan Somerset, celui-là même à qui Ivan devait d'être estropié.
Ivan crachait alors son tabac mâché dans le réceptacle du cekoidon, donnait un grand coup de crâne sur le levier, qui actionnait un puissant mécanisme, et la chique et le jus de chique étaient alors violemment propulsés sur l'ennemi.
La précieuse machine fut retrouvée par miracle dans les décombres après l'incendie du château Dourakine en 1914.


mercredi 22 juillet 2015

Lorraine - Le cékoidon



Ce céquoidon est un obus
Un lève-charge, une rustine,
Un truc que je n’ai jamais vu
Et que je laisse en sa vitrine

Le céquoidon fait du chahut
Quand il vrombit dans la cuisine
L’ombre du soir sur le talus
En tremble et se dissémine

Il est des céquoidons bourrus
Et d’autres pour oreille fine :
Le doux bruit roulant d’un écu
Un velours qui se ratatine

Une souris trotte-menu ?
C’est un céquoidon qui trottine
Un livre que je n’ai pas lu ?
Un céquoidon qui me chagrine

Si mon céquoidon est obtus
Pardonnez-lui, il vous taquine
Il se sent certes un peu perdu
Mais c’est la faute à la consigne…

Où lire Lorraine

mardi 21 juillet 2015

JCP - Cékoidon

                                   La machine à rien-faire


                      C'est à l'Inquet*, grand fouille-tout de la ville que je la vis, à même le pavé, pitoyable et poussiéreuse. Oh, ce n'était rien qu'un vieil assemblage de laiton, de fonte et d'acier, présenté sur le socle lourd des instruments anciens, imaginés aux mains de savants très ignorants, doctes déducteurs de lois passées de mode, et dont on rit aujourd'hui.
A son comportement empressé, on eût dit que le vieil homme trouvait en moi le client longtemps attendu, le seul en accord parfait avec l'objet qu'il n'aurait voulu vendre à nul autre : mon prix fut le sien, et les recommandations interminables. Comme qui, déchiré, vous cède son enfant qu'il ne peut plus nourrir - et je crus voir une larme à sa paupière lorsqu'il me tendit la machine lourde, emballée dans plusieurs épaisseurs de papier journal :
- Prenez-en grand soin jeune homme, le meilleur du génie mécanique du dix-neuvième siècle - celui que nul n'a su voir ! -, réside en ce bel objet ; je ne vous en dis pas plus ; vous me remercierez plus tard...
Je pris congé courtois, le volumineux paquet sous le bras.

Éreinté par la course et le poids, rendu dans mon modeste meublé j'opérai un nettoyage-lustrage en règle de la mystérieuse acquisition où parut, gravé sur sa base :
  
Maquina de pas-res fa **

 Je dus m'asseoir : "Machine à rien-faire" dans l'occitan toulousain d'alors !
Surprise et déconvenue passées, la chose vint à me plaire : elle était si belle sous le grain de sa peau noire et le poli de ses commandes... "à rien-faire"... : inutile comme l'art véritable, œuvre sans doute unique de quelque visionnaire, impressionniste des mécaniques, Picasso méconnu des automates !

Fasciné-médusé sourire large, je passai le reste de ma journée à rien-faire à la machine ; alors que d'ordinaire cela se fait aussi bien sans aide - tous les oisifs vous le diront. Paisible et silencieux je demeurai là, caressant, manipulant sans cesse ses leviers, ses gâchettes ses cadrans, tournant ses molettes, repoussant ses boutons dorés, buvant goulûment la musique de ses rouages, m'enivrant des senteurs de sa matière patinée, où ne paraissait que la marque infime d'un usage respectueux.

Ainsi nourri jusqu'au soir de l'inutile, c'est dévorant les pauvres restes d'un poulet froid que la lumière enfin m'apparut :

- Le vieil homme avait raison : l'esprit le plus fin, le plus subtil, le plus méconnu du dix-neuvième siècle, à contre-courant de l'avancée technologique, de l'industrie, de l'entreprise et du capital réunis était bien là, sous l'aspect de cet objet d'un art absolu tombé dans l'oubli : le concepteur de génie, trop longtemps prisonnier de l'utile, martyr de l'efficace et du rentable - message probable à la postérité -, en poète de l'hermétisme des formes avait imaginé cet appareillage, dans l'espoir qu'une élite future en saurait extraire la portée sublime.
Mon ego me dicta : "- Pour toi seul qui es élite et génie réunis !", mais je déclinai modeste.

De nos jours, autre époque autres machines, le rien-faire se pratique en général devant des écrans colorés.


* Prononcer Inquet avec le "in" anglais et le "t" marqué.
("Hameçon" en français, marché aux puces toulousain qui parle de pêche aux affaires - comme d'arnaque et de pick-pockets).
** Le "A" de "maquina" se prononce "O" (intonation grave bouche ouverte) ;
"fa" se prononce fa.
Les "S" se prononcent.

Turquoise - Cékoidon

Le transporteur de bonheur

Nous nous promenions en ville, sa petite main bien blottie dans la mienne, quand elle sest arrêtée tout net devant la vitrine dAlbert lantiquaire.  Ses yeux se sont écarquillés et, du haut de ses 4 ans, elle sest écriée :
- cékoidon, ça, belle-mamy ?

(dans sa famille recomposée, la « belle-mamy » est la maman du « beau-papa »)
- ouh la la, ma princesse, je nai jamais vu cet objet…  cékoidon ça pourrait bien être ? …  et si on décidait que…  cest un transporteur de bonheur ?
- cékoidon, le bonheur ?

(la colle !)
- le bonheur ? euh…  cest quand on sourit, quon est bien, que la vie semble moins difficile
- ah, on va lacheter, alors, le transporteur ?
- je ne crois pas quil soit à vendre…  regarde…  il ny a pas de prix
- mais comment on le fait transporter du bonheur, si on ne peut pas le ramener à la maison ?
- jai une idée : on va le photographier et, à la maison, on lui demandera de transporter du bonheur à tous ceux quon aime.  De cette façon, tous ceux qui passeront devant cette vitrine pourront aussi lui demander de transporter leur bonheur à eux

Cékoidon est très photogénique, il sest laissé tirer la portrait en présentant tous ses profils…  il a même été très flatté que ma princesse pose à ses côtés…  cest tout dire

Nous sommes rentrées à la maison, et nous avons imprimé la photo du cékoidon en autant dexemplaires que de personnes vers qui ma princesse voulait transporter du bonheur.

Les dédicaces ont alors commencé :
- pour ma maman, dabord, pour quelle nait plus les yeux tristes…  pour « chou » (cest son beau-papa), pour quil trouve vite un nouveau travail…  et puis pour ma mamy…  puis pour mon amoureux (« dis, belle-mamy, tu crois quHugo sera toujours dans ma classe, à la rentrée ? »)…  pour toi aussi, belle-mamy, parce que je taime…  et je ne dois pas oublier mon papa, pour quil ait du bonheur même quand je ne suis pas avec lui

Ce soir-là, ma princesse sest endormie avec, aux lèvres, un sourire béat…  à lidée de tout ce bonheur que le cékoidon allait transporter de sa part !