C’est au bord d’un lac suisse où traînent les bateaux à l’ancre et les plaintes des mouettes que j’ai posé mon cœur de dentelle. Ne t’en fais pas, je vais bien. Au bord du lac, aucune insanité. Juste une paix végétale et aqueuse posée comme un haïku sur les cailloux qui grommellent à peine sous le clapotis de l'eau. C'est un endroit frais et doux, loin du monde. Blanches les ailes et blanches les voiles, sur ce miroir d’eau parfait qui ferait pâlir le maire de Bordeaux.
J’y réfléchis à la vie, l’amour, la mort. Aux derniers remous de la mienne, de vie. Que faire de plus éminemment utile au bord d’un lac, effleurée des rayons adoucis de l’automne naissant, les yeux rivés sur le rivage …
Hier soir, un pli m’est arrivé dans le bec d’un pigeon. Il lui avait été confié par un doux ami que j’ai rencontré dans un cercle de poètes assez spécial. Nous nous y réunissons parfois, dans quelque pub anglais du cœur de Londres, pour échanger des textes et poèmes et écouter battre notre cœur au plus juste de nos émotions, comme un diapason sur un piano.
Le club s’appelle « Les Impromptus Littéraires ». J’y ai croisé la fine fleur depuis des années que je le fréquente. J’y ai introduit quelques amis aussi. L’ambiance y est si délicieuse, bien loin de ces autres rassemblements hétéroclites d’amateurs aux plumes écornées qui déversent leur ego sur du papier crépon sans aucun effet de style. Sans doute est-ce dû aux tenanciers de cet espace de choix, pétris d’humanité et dotés d’un sérieux talent fédérateur.
Le pli disait « Reviens ! »
Ah la douce caresse des mots !
« Tu nous manques, ici. »
Ou encore « Tu ne peux ignorer de participer à notre prochain opus, qui paraîtra dans les meilleurs gazettes »
On s’inquiétait de moi, te rends-tu compte ? On prenait des nouvelles de ma santé, on souhaitait même mon retour…
Je ferai mes malles dans la journée. Il est temps que je rentre là-bas, où m’attendent désormais ma vie et les chamades de mon cœur.
Je me vois déjà pousser la lourde porte de Belford Square, et être accueillie par tous les membres du club avec des sourires débonnaires à dissiper le brouillard londonien devant mes yeux alanguis. Un vrai cercle de lumière.
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