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lundi 27 juin 2016

Clémence - L'art de faire sa valise

Furoshiki.

Valises en cartons
Épaules malmenées
Vacances foutues

Oh, combien d'été ont entendu
de mon  haïku désespéré
la plainte répétée

Lasse mais tenace,
J'ai décidé de voyager léger.

Furoshiki noué
Rempli Konmari

Plage dorée,
Mer turquoise…
Plume légère, je rêve…

A mon retour
Peut-être
Ferais-je ma valise
Mais ça,
C'est une autre histoire,
Une autre histoire de valise.

samedi 25 juin 2016

Clémence - Que se passe-t-il quand on referme un livre ?

Quand H'On referma son livre...

H'On était critique littéraire. Elle s'était construite une réputation solide en peu de temps.

Certains soulignèrent que sa silhouette sculpturale y était pour quelque chose. D'autres en firent abstraction et complimentèrent la justesse de ses traits de plume : ni guimauve, ni vitriol.

De manière récurrente, une rumeur glissait furtivement dans les couloirs . H'On était toujours seule.

Un jour, H'On en eut assez de la vie parisienne. L'intrusion d'Internet fut pour elle, un des plus beaux cadeaux. Elle chercha une maison dans le Midi. En quelques clics, elle trouva son trésor dans le Haut-Var. Une maison avec jardin, jacuzzi et vue sur le petit village médiéval perché en haut de la colline.

H'On s'y installa et partagea son temps entre son métier et ses passions.

La nature était sublime en toutes saisons : rougeoyante en automne, poudrée en hiver, vert amande au printemps et belle endormie en été.

La vie de H 'On était à l'image de ces cartes postales surannées : un petit campanile tintinnabulant les heures, des troupeaux de brebis ou de cabris sonnaillant au loin, des rires d'enfants…

H'On était heureuse. La rentrée littéraire s'annonçait belle et l'été offrait ses délices.

Quinze heures. H'On s'enroula dans son paréo, releva ses cheveux, prit une bouteille de soda dans le réfrigérateur et s'empara du polar qu'elle était sur le point de finir.

Elle posa le livre et la bouteille sur le rebord du jacuzzi, fit glisser son paréo et s'enfonça voluptueusement dans l'eau fraîche. Elle attendit quelques instants avant d'enfoncer la touche des petite bulles. Elle regarda le paysage et s'étonna, une fois encore, de cet émerveillement qui ne la quittait pas. Les lavandes, le chant des cigales, le petit village perché la-haut….

H'On but une gorgée et prit son livre.

Mais qui donc était le serial-killer ? Encore trois pages, deux pages...Les hypothèses tombaient les unes après les autres…
Dernière page, dernier paragraphe, dernière ligne…
- Oh, non…. Pas lui…. murmura-t-elle….

H'On referma son livre et le déposa sur le rebord. Elle ferma les yeux.
- Pas lui… répéta-t-elle encore une fois….

De gigantesques bulles se mirent à bouillonner.
Deux mains vigoureuses empoignèrent sa tête et l'immobilisèrent sous l'eau….
H'On s'agita quelques minutes encore puis les remous cessèrent.

Le lendemain, la presse du Haut-Var titrait :
Une cinquième victime sur la liste du « Noyeur-killer »

jeudi 16 juin 2016

Clémence - Le magicien de la couleur

Au-delà du noir

1927.
Devant lui, une feuille blanche.
Il trempa son pinceau dans l'encre noire.
Il chercha une place.
La goutte s'écrasa.
Pas le bon endroit, gronda-t-il en déchirant la feuille.
Il recommença.
Encore et encore.
« Je veux rendre le blanc du papier encore plus blanc ! »

1946.
Devant lui, une toile blanche.
Il chargea son pinceau de couleur.
Il chercha une place.
Le pinceau effleura la toile.
Pas le bon endroit, ragea-t-il en lacérant la toile.
Il recommença.
Encore et encore.
« Vous allez vous faire beaucoup d'ennemis ! »

1979
Devant lui, une toile blanche
Il chargea son pinceau.
Il ne chercha pas de  place.
Le pinceau dansait sur la toile.
« Le noir a tout envahi... »
Outrenoir…
Le noir est lumière

jeudi 9 juin 2016

Clémence - Internet a disparu

Elucubrations.

« On pourrait mettre son lit sur la rivière, elle ne se réveillerait même pas arrivée à la mer... » disaient mes parents lorsque j'étais petite.
Ce luxe d'un sommeil de plomb ne m'a jamais lâché, qu'il vente ou tempête ! En revanche, au fil du temps, les bruits infimes suscitaient une légère prise de conscience. Mais, sitôt identifiés, elle s'effaçait discrètement.

Hier soir, je me suis couchée en respectant scrupuleusement mon rituel. L'heure était enfin venue d'éteindre la lumière et de m'enfoncer voluptueusement dans les méandres du lâcher-prise.
Pendant la nuit, il m'a semblé avoir entendu quelques subtils crépitements : la chute d'une brindille du grand chêne, un geko en sortie nocturne, le frôlement d'aile d'une chouette…

Le silence revint. Rassurant.

Le matin, je me réveillai naturellement. Mon regard se porta vers le radio-réveil. L'écran était noir. Je regardai le téléphone. L'écran était noir. Pas normal tout ça !
Je me dirigeai vers la salle de bain. L'eau était chaude, mais le courant était aux abonnés absents.

Je pris la direction du cellier où nichait le compteur. Tout était normal. Et pourtant, il n'y avait pas d'électricité. Je pris ma cafetière italienne pour me faire un café. Il restait un fond de café moulu. J'étais sauvée…

Alors que je sirotais mon breuvage, mes pensées se firent de plus en plus amères au fur et à mesure que ma liste de « pas pouvoir » s'allongeait.

Je me rendis chez ma voisine. Je sonnai. Pas de réponse. Je tambourinai , elle ouvrit.
- Je n'ai plus de courant…
- Moi non plus…
- C'est embêtant…
- Très embêtant…
- Faudra prendre patience…
- Patience…

La nouvelle se répandit comme un jeu de passe-passe. Le soir venu, il me fallut admettre l'évidence.
Plus de courant, plus d'internet. Je pris une feuille de papier que je partageai en deux colonnes : ce que je devais faire et comment je ferais sans internet ni électricité.

La liste et mon visage s'allongeaient lamentablement. Pour ne pas sombrer, je me pris à rêver d'une nouvelle vie, d'une nouvelle ère…Mais l'avenir qui se dessinait était étrange. Je tentais d'en cerner les paradoxes. Ceux-ci me glacèrent …

Mais à quoi bon me tourmenter, vous tourmenter, vous affoler? D'ailleurs, Internet a disparu. Je suis seule et personne ne peut entendre mon désarroi. Je suis absorbée, engloutie par « Le Cri ». Je me disloque...je disparais…

Et c'est alors que je sens la caresse chaude d'un rayon de soleil sur ma peu nue et que le campanile résonne de ses neufs tintements….

vendredi 3 juin 2016

Clémence - La chasse au trésor

L'histoire est entièrement vraie, puisque je l'ai rêvée.

Il m'avait dit :
- Je veux bien monter dans le Nord, mais après on descendra dans le Sud.
Je lui avait répondu :
- D'accord !

C'est ainsi que nous partîmes à la chasse au trésor : une maison pour « après » avec un cahier de souhaits bien rempli.
- Le boulanger, le boucher, le libraire et le bistrot à proximité,
- Les services pour la santé pas trop éloignés,
- Les plaisirs de la Culture à proximité.
- Un aéroport assez proche pour les allers et retours.

Il voulait une maison de village.
Nous cherchâmes. Nous trouvâmes :
- trop petite ;
- trop vieillotte,
- tout à l'étage ;
- des escaliers en raidillon ;
- un jardin mouchoir de poche ;
- pas de place pour les voitures ;
- des moustiques à profusion ;
- une vue « imprenable »
- en zone inondable.

Je voulais une maison de plain pied.
Nous cherchâmes. Nous trouvâmes :
- trop petite ou trop grande ;
- mal agencée ;
- en lotissement ;
- en zone inondable ;
- sur parcelle minuscule ;
- perdue au milieu de nulle part.

Deux années plus tard, nous passâmes le réveillon de Nouvel-An chez des amis, dans le Midi.
Ils nous interrogèrent sur l'avancement de nos recherches.
Nous répondîmes par quelques soupirs de dépit.
Ils nous signalèrent que la maison voisine était à vendre.
Nous visitâmes.
Nous fûmes enchantés.

Nous avons signé en oubliant notre cahier de souhaits.
La chasse au trésor prenait fin …

mercredi 11 mai 2016

Clémence - Un étrange parfum

Une obsession toute autre...

Un étrange parfum flottait dans les couloirs. Et ce n'était ni l'odeur huileuse de l’ascenseur, ni l'odeur de la moquette fatiguée.
En quelques secondes, je fis une nouvelle fois, un bond dans mon passé pas trop lointain. Je revoyais la maison  blanche au toit d'ardoises  et aux fenêtres basses. J'entendais le crissement du gravier sur le chemin qui conduisait à la porte de la cuisine vitrée dans le haut.
Je sentais la poignée sous mes doigts et un léger déclic. J'entrais, je déposais les clés dans le vide-poche en criant « C'est moi ! Tu es là ? » ….bien que je savais qu'il était de retour ...

Et c'est cette odeur que je retrouvais, étrangement,  dans les couloirs. Quelques années plus tard en me rendant  dans mon bureau de directeur. Bureau qui jouxtait la salle de réunion où serait présente mon épouse.

La journée se passa normalement, bien que je me permis quelques distractions ayant pour objet « le parfum étrange ». Etais-je le seul à l'identifier parmi toutes les odeurs qui flottaient dans l'air de ce vieil immeuble ? Il semble que oui, car aucun commentaire, aucune allusion ne filtrèrent à ce propos.

Les jours s'écoulaient, tranquilles en apparence. En revanche, mes sens étaient continuellement en éveil. Je zappais, je feuilletais, je m'agitais...

Un mois plus tard, je me décidai. Sur mon temps de pause, je me rendis à la Grande Galerie Commerciale. J'entrai dans une  parfumerie. Je fis part de mon souhait et m'en allai avec un paquet enrubanné et un échantillon.

Les jours ne me semblaient plus aussi tranquilles. J'étais obsédé par cette odeur, présente et absente. Un soir, mon épouse me parla « parfum » en requérant mon avis sur ces parfums capiteux et désuets alors que j'étais un inconditionnel du vétiver.
- Franchement, cela m'irait pas ! Pas envie de passer pour un ringard...lui répondis-je assez vertement. De quoi clore ce sujet.
Elle  ne releva pas ce commentaire désobligeant.

Deux mois plus tard, elle dut s'absenter une semaine, pour son travail . Lorsque qu'elle fut de retour, elle ressemblait à une souris fouineuse et heureuse. Mon cœur s'emballa, mais je me trompais. Elle reprenait simplement possession des lieux en véritable maîtresse ! Elle replaça, réajusta, rectifia, réorienta...

Mon manège, très discret, répondit néanmoins au sien. Je vérifiai le contenu de ma poubelle et la position de mon agenda sur mon bureau. Je m'assurais du verrouillage de mon portable et de la netteté du col de mes chemises et de ma veste. Mais je ne laissai rien paraître, que du contraire. 
J'étais le mari attentionné, quasi parfait. Mais derrière cette image de papier glacé se cachait un tout autre homme.

Et puis vint le soir où  j'eus l'intuition que le piège se mettait  en place.
Elle m'informa qu'elle organiserait un dîner  le vendredi, avec quelques amis. Je lui souris. 

Le vendredi, je rentrai, vers vingt heures. Agacé par les informations que j'avais reçues.
La table était dressée pour deux. 
Elle avait  passé une petite robe noire. 
Je déposai le paquet enrubanné près de son couvert.

Je la regardai fixement. 
Elle ouvrit la bouche. 
Je ne lui laissai pas le temps de dire un mot et demandai :
- Depuis combien de temps as-tu renoué avec mon frère ?

mardi 10 mai 2016

Clémence - Un étrange parfum

Obsession.

Un étrange parfum flottait dans les couloirs. Et ce n'était ni l'odeur huileuse de l’ascenseur, ni l'odeur de la moquette fatiguée.
En quelques secondes, je fis un bond dans le passé. Je revoyais la maison  jaune au toit de tuiles et aux fenêtres à quatre battants. J'entendais le crissement du gravier sur le chemin qui conduisait à la porte de la cuisine vitrée dans le haut.
Je sentais la poignée sous mes doigts et un léger déclic. J'entrais et je criais : « C 'est moi ! », qu'il y ait quelqu'un ou non. Le vendredi, j'avais le droit de monter à l'étage pour aider ma marraine à « faire sa chambre ». Sur la commode, il y avait un objet qui me fascinait : une boule de verre rose translucide à laquelle était reliée une poire avec une pampille. Lorsque j'avais « bien travaillé », ma marraine ouvrait un tiroir, en sortait un flacon et me laisser respirer. Je ne trouvais pas de mots pour exprimer ce que je ressentais, alors, je disais simplement : « Ça sent bon, bon »

Et c'est cette odeur que je retrouvai dans les couloirs, quarante-cinq années plus tard.
C'est aussi cette odeur que je suivais en me rendant dans la salle de réunion jouxtant le bureau du boss, qui, en l'occurrence, était aussi mon conjoint.

La journée se passa normalement, bien que je me permis quelques distractions ayant pour objet « le parfum étrange » . Non qu'il soit étrange par sa nature, mais par sa présence en ces lieux.

Les jours s'écoulaient, tranquilles en apparence. En revanche, mes sens étaient continuellement en éveil dès que je rentrais à la maison. J'errais d'une pièce à l'autre. Humant distraitement une orchidée, un pull, une veste…

Un mois plus tard, sur le temps de midi, j'entrai dans une grande parfumerie. Je fis part de mon souhait. 
- Je désire retrouver un parfum que je sentais quand j'étais enfant…
La découverte fut rapide et la vendeuse me proposa un échantillon. 

Les jours ne me semblaient plus aussi tranquilles. J'étais obsédée par cette odeur  et je voulais lui en parler. Avoir son avis sur ces parfums assez capiteux et désuets alors que j'étais addict aux fleuris-orientaux.
- Franchement, cela ne t'irait pas. Il faut un certain style…
Ne voulant pas ouvrir les hostilités, je ne relevai pas ce commentaire désobligeant.

Deux mois plus tard, je dus m'absenter – pour mon travail – une semaine. Lorsque je fus de retour, je détectai immédiatement « le » parfum. Mon cœur s'emballa. Je m'empressai de vérifier dans ma trousse de toilette, l'échantillon était intact. Je passai nerveusement ma main dans mes cheveux en me traitant d'idiote. J'allais peut-être découvrir un petit paquet à côté de mes couverts…

Rien. Mon manège recommença. Je jouai au détecteur d'odeur : ses vêtements, le panier à linge, et même la corbeille à papier. C'est alors que mon sang se figea. Je trouvai une note de restaurant au total aussi époustouflant que le menu pour deux.

Je ne laissai rien paraître, que du contraire. J'étais quasi parfaite, mais derrière cette image de papier glacé se cachait une détective féroce. J'accumulais les preuves, en silence.

Et puis vint le soir où je tendis mon piège.
Je l'informai que j'organiserais un dîner  le vendredi, avec quelques amis. Un léger rictus déforma sa bouche.

Le vendredi, il rentra , passablement énervé, vers vingt heures. 
La table était dressée pour deux.
J'avais passé une petite robe noire.
Je m'étais parfumée avec cet « étrange parfum ».

Il me regarda fixement.
Il ouvrit la bouche.
Je ne lui laissai pas le temps de dire un mot et j'attaquai :
- Depuis combien de temps as-tu renoué avec ton ex ?
- Ma pauvre, tu es folle ! Il est grand temps de te faire soigner….
- Il est temps effectivement que je me sauve ….

jeudi 5 mai 2016

Clémence - Gri-gri

Œil de tigre

J'étais couchée sur la civière, une couverture chaude sur le corps. Un infirmier passa près de moi et me dit :
- Patientez encore un peu, on va s'occuper de vous.

Facile à dire, patienter. Patienter, je n'ai fait que cela depuis… Je bouge mes doigts pour compter le nombre d'années pendant lesquelles  j'ai patienté en me dopant le moral à coup de : « Patience, ma vieille, cela finira bien par s'arranger » ou encore « Patience, ma vieille, il finira bien par comprendre... »
Résultat : trois déménagements en trois ans ,  vertèbres lombaires bousillées en raison du nombre incalculable de cartons de livres.

Je crois que cette fois, c'est l'ultime avertissement sur cette civière. J'obtempère et je patiente en déroulant le fil de quelques pensées philosophiques  dont le bien fondé du gri-gri. Et par conséquent, les effets bénéfiques des miens ?

- Encore quelques minutes, Madame…
De quoi cogiter un dernier feed-back. Comme je le disais précédemment, mon dos est en compote et les premiers symptômes d'arthrose se sont manifestés. Le matin surtout. D'où ma tenue favorite : le tailleur pantalon. Je digresse….
Bref, un  matin, sur les conseils d'une amie, je me suis rendue dans un magasin « Santé rayonnante » pour acquérir  des extraits lyophilisés d'une plante aux vertus miraculeuses. Sur le comptoir, je remarque des bracelets garnis de pierres protectrices. J'ajoute le bracelet  adéquat au flacon et déclare illico-presto :
- Je te baptise gri-gri porte-bonheur, anti-poisse et tutti quanti !
Il scintille doucement  à mon poignet en signe de reconnaissance indéfectible.

La journée s'est terminée en beauté avec le soleil et la joie du travail accompli. Le soir,  je prends une légère collation. J'empoigne mon sac et  je me rends à la piscine - privée – eau bien chaude -  nombre de nageurs limités et bar accueillant.

Comme je suis très myope, la natation, c'est avec mes lunettes et sans plongeon. Je m'avance donc vers l'escalier.
Première marche. L'eau clapote doucement.
Deuxième marche, l'eau est à la bonne température.
Troisième marche, je sens les chatouillis sur mes mollets.
Quatrième marche : Patatras. Je passe brutalement de la position debout à la position assise.
La honte ! Les visages se tournent vers moi, les mains se tendent et les paroles sont compatissantes. Je remercie et rassure. Tout va bien. Je fais mon heure de natation. Je m'accorde une pause au bar. J'ai un peu mal au bas du dos. Juste une petite gêne. Le propriétaire me parle d'assurance, de médecin, d'attestation. Je le rassure, tout va bien. Je rentre chez moi. Tout va bien. Mon bracelet gri-gri a bien bossé !

Le lendemain matin, je me penche pour attraper mon peignoir. L'explosion. Douleur fulgurante.
J'appelle mon médecin. Il me conseille d'aller aux urgences.
Et  voilà comment je patiente sur une civière.
Une heure plus tard, le verdict tombe. Une magnifique fracture du coccyx.

Gri-gri, oh mon gri-gri, pourquoi m'as-tu abandonnée ?

dimanche 1 mai 2016

Clémence - Le carrelet

Costa dei Trabacco

J'étais installée à une terrasse, face à la mer lorsque mon portable sonna. Je souris lorsque je vis le nom s'afficher sur l'écran. En une fraction de seconde, je me remémorai les beaux jours que nous avions passé en Ombrie, sur les rives du lac Trasimène. 

Mariella : Où es-tu ?
J'étais étonnée par cette question. C'était comme si elle savait que j'étais là, près de chez elle.
Moi : Rocca di...Non, Fossacesia. Bord de mer.
Mariella : J'arrive demain matin.
Je lui communiquai mon adresse.

Tout se passa très bien. Les retrouvailles furent chaleureuses. Nous avions tant de choses à nous raconter. 
- A toi l'honneur, me dit-elle.
Je lui fit un résumé de tous les chambardements qui avaient secoué ma vie, lui faisant grâce de certains détails encore douloureux.
- A ton tour, lui-dis-je.
Elle remonta ses lunettes solaires dans sa chevelure où brillaient quelques fils argentés. Je la fixai dans les yeux. J'y décelai un petit quelque chose qui éveilla mon attention.
Elle posa sa main sur mon poignet, respira profondément et commença d'une voix lente.
- Te souviens-tu de Massimo ?
- Oui … il avait l'air sympathique, tu étais heureuse, non ?
- Au commencement, oui. Mais l'amour rend aveugle...
- Ne me dis pas que tu as été aveuglée. Toi ? Impossible…
- Jure moi que ce que je vais te dire restera un secret entre nous…
- Tu me fais peur. Est-ce si terrible ?
- ….

Mariella raconta son histoire avec Massimo. Ou : « Comment le prince charmant est devenu le diable en personne ».
Banal. Comme tant d'histoires d'amour qui virent au fiasco…Et pourtant, la suite allait se révéler moins banale.
- Un jour d'été, nous nous étions affreusement querellé. Je menaçai de porter plainte pour…
- Le salaud ! m'écriai-je ?
- ...il me proposa de passer quelques jours non loin d'ici, pour se faire pardonner. Mais, le temps du repentir fut bref. Le cauchemar prit le relais. Ses colères se succédaient au rythme des bouteilles qu'il vidait…Un soir de répit, il me proposa d'aller voir les trabucco.
- Les ????
- Oui, tu sais, ces filets de pêche suspendus près d'un ponton…
- Ah, les carrelets.
- Lorsque nous arrivâmes, il me proposa de descendre de voiture et d'aller vers le carrelet, le temps qu'il gare sa voiture. Je voulais encore y croire, un peu, un tout petit peu...Alors, j'ai cru qu'il arriverai avec une bouteille de champagne et un bouquet de roses…
- Et il arriva les mains vides….
- Et imbibé, comme un baba au rhum…Je l'ai regardé. Fixement. Platement. J'étais muette. Cela l'a désarçonné. Puis une colère foudroyante a explosé. Les cris, les injures, la main levée...Je continuai de le regarder. Froidement. Sans crainte. J'avançais vers lui, une main en poche. Il prit peur et recula.
- Et …
- Non, je n'avais pas besoin d'arme ! Non… il s'en est chargé tout seul. Sa colère et l'alcool le faisaient tituber. J'avançais, il reculait. Et…
- Il tomba à la renverse, dans le filet, c'est cela ?
- Oui. Le treuil s'est déclenché. Deux ou trois grincements. Je ne bougeais pas. Il posa un pied sur l'autre. Il croisa ses mains sous sa tête. Il me semblait qu'il souriait. Installé à son aise dans le filet. Je regardais,  hypnotisée par ce spectacle insolite.
- Et….
- Et rien. Je suis restée, plantée là. Je regardais. J'attendais. Il y eut encore quelques grincements.
- Et ?
- Les grincements se sont rapprochés.  J'ai entendu un immense « splatch »…. Et je me suis retournée et je suis partie.
- Comme ça ?
- Oui, sans regrets et sans remords. Je suis rentrée chez nous… euh, chez moi….
- Que s'est-il passé ensuite ?
- Rien, j'ai attendu. La police est arrivée un soir. Elle m'a demandé si je connaissais un certain Massimo… J'ai dit « oui ». Ils ont enchaîné:
- Son corps a été découvert dans un trabucco. Ivre mort  et mort à la fois….

Elle eut un étrange sourire. 
- Ne le dis à personne. Jure….
- Promis, répondis-je….

Je sais qu'aujourd'hui , que je romps ma promesse en vous racontant son histoire. C'est de votre faute. Il ne fallait pas publier cette photo sur le blog. Mais je vous fais confiance, je suis sûre que vous ne nous trahirez pas….

jeudi 21 avril 2016

Clémence - Uchronie

Coup de foudre.

Et si un jour, je n'avais pas eu le coup de foudre pour cette maison….
Je n'aurais pas eu ce grand jardin à défricher,
Je n'aurais pas eu à devoir reposer mes mains,
Je n'aurais pas eu à devoir soulager mon dos,
Je n'aurais pas eu envie d'éparpiller des mots

Je ne serais pas allée à l'atelier d'écriture
Je n'aurais pas eu à remplacer l'animateur
Je n'aurais pas vogué sur le net
Je n'aurais pas découvert les blogs d'écriture
Les impromptus seraient pour moi et pour toujours
Ceux de Schubert

Je n'aurais pas cliqué sur la touche
« Où lire... »

Je n'aurais jamais imaginé que de fil en aiguille
Les mots puissent conduire
A cette uchronie
Elle ne bouleversera pas la face de la terre
Elle ne changera pas le cours de l'Histoire
Mais elle bouleverse mon cœur.

vendredi 15 avril 2016

Clémence - La concierge

Un bonheur inattendu.

En ce mois de juin, je flânais dans les rues de Milan.
Un antiquaire m'ouvrit sa porte. Après quelques échanges courtois, il me raconta sa dernière découverte…
- Voulez-vous avoir ce que j'ai découvert entre deux pages d'un manuscrit fané ?
- Si cela vous agrée, je vous écouterai volontiers.
- Un mot, mais quel mot ! Imaginez...

Nous prîmes place dans des fauteuils fatigués. Il posa ses lunettes sur son nez et prit la feuille avec délicatesse….
« En ces heures-là, Milan la lombarde devait être en fête, mais elle ferma ses fenêtres et ses volets.
Je travaillais chez mes maîtres, Pedro et Julia, de riches aristocrates.

Un soir, le signore Pedro convoqua son cocher. La signora Julia appela ses servantes et moi-même, concierge de mon état.
- Ce soir est un grand soir ! nous dirent-ils avec un air emprunté. Endossez vos plus belles tenues. Vous allez à l'opéra !
Je m'en souviendrai toute ma vie.

La Scala avait programmé Nabucco de Guiseppe Verdi.
La salle était comble. Je retrouvais mes amis et amies : valets, servantes, concierges et domestiques.
Et puis, un couple magnifique s'est installé dans la loge d'honneur. Ils étaient jeunes et beaux. J'appris beaucoup plus tard qui ils étaient.
Le chef d'orchestre leva sa baguette. L'hymne national allait résonner dans ce théâtre rouge et or.
Mais les musiciens jouèrent un autre air. Le chœur des esclaves.
La salle était debout et chantait.
Le spectacle m'enchanta et je fus triste lorsque le rideau tomba à la fin du quatrième acte.

La belle dame applaudit la première. Son mari applaudit à son tour.
La salle était médusée.
La réception a eu lieu, comme prévu.
Je fus présentée à la belle dame. Les servantes et le cocher aussi.
Trop émue peut-être, je ne compris pas immédiatement pourquoi je fus présentée comme étant la « Signora Julia... »

Je suis sûre qu'à Milan, ce soir là, un grand événement a eu lieu.
J'étais présente et je peux le confirmer: la concierge était à l'opéra ! »

jeudi 7 avril 2016

Clémence - Le Salon

Face à face.

- Le salon dormait dans la pénombre.
- Et alors ?
- Il était exactement 23 heures 27 lorsque j'ai poussé la porte et déposé ma valise et mon manteau.
- Votre manteau, sur la valise ?
- Oui. Une impression d'insolite et d'irréalité est tombée...
- Où ?
- Non pas où, mais sur. Sur mes épaules.
- Qu'avez-vous fait ?
- J'ai attendu quelques secondes. Que les battements de mon cœur décélèrent, que les idées folles choient …
- Choient ?
- Tombent, comme des feuilles mortes.
- Et  vous avez attendu longtemps ?
- Le temps que mes yeux s'habituent  à l'obscurité, j'ai balayé ...
- Vous avez quitté les lieux ?
- Non, j'ai balayé du regard. Le séjour.
- Ah ! Continuez…
- La table de la salle à manger ressemblait à un champ de bataille. Après la bataille.
- Vous avez pu voir cela dans la pénombre ?
- Oui. Il y a un puits de lumière et la lune était belle.

Son sourire se termina par un léger rictus, signe qu'elle commençait à être agacée.

- Et ensuite ?
- Le salon semblait intact.
- Intact ? Comment ?
Elle soupira et haussa les épaules.
- Le canapé et les fauteuils étaient à leurs places  respectives.
- Ah ! Vous vous êtes déplacée ?
- Non, j'étais toujours immobile. Près de la porte, avec la valise à mes pieds.
- Et vous étiez où, avant ?
- Avant ? Dans le hall, sur le seuil de la porte, sur ma place de  parking, dans ma voiture, sur l'autoroute...Jusqu'où « avant » ?
- Faites pas la maligne. Allez-y, je vous écoute.

Sur un ton monocorde, elle expliqua qu'elle s'était absentée de son domicile pour participer à un colloque où elle était conférencière. Qu'elle avait écourté la soirée de clôture. Qu'elle avait annulé la dernière nuitée.
- Pour quelles raisons ?
- J'étais fatiguée et je voulais rentrer plus vite chez moi.
- Et vous avez téléphoné chez vous pour le prévenir ?
- Non, je voulais juste rentrer.
- Faux ! Je crois, moi,  que vous vouliez lui tomber dessus, à l'improviste.
- Et pour quelle raison aurais-je voulu rentrer à l'improviste, dites-moi ?
- C'est moi qui pose les questions ! Parce que vous le soupçonniez !
- Non. J'étais fatiguée. Je voulais rentrer au plus vite.

Depuis de nombreuses années, elle s'absentait souvent pour son travail. Avec le temps, ils avaient trouvé un modus vivendi : habitation commune, vies parallèles.

- Et donc, à 23 heures 27….
- J'étais près de la porte. Les effluves de tabac froid et de graillon m'ont fait pensé qu'il avait encore organisé une soirée avec ses copains.
- Encore ? C'était donc une habitude ?
- En quelque sorte, oui. Une habitude qu'il avait prise lorsque je partais pour plusieurs jours.
- Et pourquoi pas quand vous étiez là ?
- Je n'appréciais pas ses fréquentations.
- Et alors ?

Elle ferma les yeux et respira profondément. Elle ouvrit la bouche. La referma puis se lança.

- J'ai pris mon smartphone. Je me suis servie de  l'application « lampe de poche ». Je me suis dirigée vers la table.
- Et…
- La table avait été dressée pour deux. Les bouteilles millésimées étaient vides. Les bougies dans les photophores étaient totalement consumées. Des mégots de cigarettes débordaient du cendrier. Certains étaient colorés. Des restes de nourriture dans les plats et dans les assiettes. Des fragments rouges étaient éparpillés sur la nappe. Blanche. J'ai cru que c'était une serviette déchirée. En fait, c'était des pétales de rose. Rouge.
- Une table pour amoureux…
- Une table dressée pour deux… convives.

Elle se tut brusquement. Elle ferma à nouveau les yeux. Derrière ses paupières, un film égrenait des séquences médiocres. Des souvenirs douloureux qu'elle avait encaissés en silence en espérant que.... Elle frissonna et passa un doigt sur ses lèvres sèches.

- Voulez-vous un verre d'eau ?
- S'il vous plaît.
- Ensuite ?
- Je me suis dirigée vers le salon. Une bouteille de whisky vide gisait sur le sol.
- Et le verre ?
- Je n'en ai pas vu. Je suppose qu'il a bu au goulot….
- Qu'avez-vous fait ?
- Je l'ai regardé longtemps. Je cherchais sur ce visage ravagé les traits qui en avaient fait un bel homme. Il ne restait plus rien. Visage bouffi, yeux cernés et barbe hirsute.
- Alcool et cigarettes?
- Oui.
- Un détail ? Quelque chose vous a frappée ?
- Oui. Dans une de ses mains, une lettre, dans l'autre, une photo.
- Vous avez regardé ? Vous avez lu ?
- Une lettre d'adieu et une photo de sa …
- Maîtresse ?
- Oui. Et je….

Elle enfouit son visage dans ses mains. Elle reprit doucement :
- Elle, elle….
- Vous vous en doutiez, oui ou non ?
- Je dirais oui ET non.
- Continuez.
- Je suis allée à l'étage et j'ai pris le fusil. Oui, j'ai un permis de port d'armes. Et je suis redescendue. Rien n'avait bougé.
- Et…
- J'ai éteint mon smartphone. Le salon s'était rendormi dans la pénombre. Je me suis placée en face de lui. Il ne bougeait pas. Sa bouche béait grotesquement. J'ai tiré.
- Ensuite ?
- Vous connaissez la suite.

L'enquête, qui venait de commencer,  était sur le point d'être bouclée.
Le lendemain, la légiste communiqua ses conclusions.
L'homme n'était pas mort par balle après 23 heures 27.
Il avait ingéré du cyanure vers 20 heures.

L'enquête prit un virage en épingle à cheveux.

mercredi 30 mars 2016

Clémence - Oeuf

Un panier d’œufs ...

Je vais y aller de mon petit Caliméro car je sèche royalement sur le sujet en paressant au soleil.
Que pourrais-je encore trouver d'original en dehors de recettes, de souvenirs ou de blagues ?
Une légende, peut-être à moins que cela ne soit une tradition...

Je me souviens de mon amie suédoise, Ulla, qui me parlait avec beaucoup d'humour de son séjour à Paris. Outre un nombre incalculable d'anecdotes hilares, elle me dit son étonnement quant à l'amorce immuable des conversations...
- Chez nous, en Suède, me confia-t-elle, on ne parle à son voisin que si on a quelque chose d'important à lui dire.
- Euh….
- Chez vous, après vous êtes salués, vous parlez du temps qu'il fait, qu'il a fait ou qu'il fera...
- Euh…. Oui. Mais où est le problème ?

Le problème, c'est que c'est la météo qui est un problème.
Les pires affres lors de la préparation d'un événement consistent en une seule et unique question, lancinante comme une rage de dent:
- Est-ce qu'il fera beau ???
- Mais oui ! On portera des œufs à Sainte-Claire.
- Mais on la trouve où, cette Sainte-Claire ?

Croyance ou superstition, d'où vient cette légende?
De la mer. Oui, de la mer. De la Méditerranée.

Des marins, partis du golfe de Gênes furent pris dans une tempête terrible au large de Pise. De crainte de périr, ils firent la promesse d'un pèlerinage à Assise si Sainte-Claire, protectrice de la ville, les sauvait…

A croire que leur vœu fut exaucé, car au fil du temps, les populations ont prit l'habitude d'implorer Sainte-Claire pour avoir un temps clair. La demande était accompagnée d'une offrande : un panier rempli d'œufs.
Des œufs, car autrefois, les Clarisses ne mangeaient pas de viande.

Croyance ou superstition….

vendredi 18 mars 2016

Clémence - Animal



L'âge du capitaine.

Ah ! L 'Animal ! Il avait bien trouvé ! Il avait fait fort. Et c'était du grand art. Avec un A majuscule !
Ainsi donc, après nous avoir fait suer avec une épreuve sportive, suivie d'une heure d’excellence en cuisine, voilà qu'il nous fallait parler de « l'animal ».
Qu'on aime ou que l'on aime pas.
A sang chaud ou à sang froid ;
A poils ou à plumes,
Réel ou imaginaire...

Première épreuve : débroussailler le terrain linguistique :
Animal :
Sens premier : être vivant, organisé, doué d'une sensibilité et capable de mouvement...
Au deuxième sens : personne grossière, brutale, dépourvue d'intelligence.
Au troisième sens : animal sublime.
Exemples de bête de scène : Johnny, Brel, Eddy, Elvis…
Deuxième épreuve : choisir le bon sens. Revenir à la consigne.
Les deuxième et troisième sens me semblent exclus !

Troisième épreuve : choisir l'animal.La tâche la plus difficile.
Comment choisir l'élu sans vexer les autres ? Le tirage au sort serait judicieux.
Papier, ciseaux et crayon, je commence…
Le lapin bossu que j'ai nourri comme un bébé.
Les petits biquets avec qui je jouais à la maîtresse d'école.
Le premier chat, chasseur de rats et de souris émérite.
La douce chèvre aux yeux d'or qui me conduisait aux champs.
La première truite que j'ai chanté (merci Schubert et les chansonniers!) et la première truite que j'ai pêchée.
Le deuxième chat, essayiste en ratures sur mes cahiers d'étudiante.
La pie vindicative.
Le chien qui m'avait mordue méchamment sous le bras.
Le troisième chat, tigré, baptisé Socha, tant il était incongru !
Le coquecygrue en souvenir d'un chef de cabinet avec qui je me suis mesurée.
Le quatrième chat, mon petit Jules adoré, enterré dans un linceul de pivoines rouges.
Mon lapin en terre cuite, compagnon des très mauvais jours.
Et puis...les cigales, les grillons et les goélands.

Je pliai chacun des papiers et les déposai dans un panier. Au moment de choisir l'élu,une question me vint en tête :
- Qu'allais-je pouvoir raconter à propos de cet élu ? Pas de quoi en faire un texte intéressant. Juste un petit bout de ma vie. Ça ne casse pas trois pattes à un canard. Canard ? Ah, je l'avais oublié, le canard. Celui qu'un copain, hilare, m'a apporté à trois heures du matin ! Ils avaient tous les deux du plomb dans l'aile !

Bon, je ne suis encore nulle part…
Nulle, nulle, nulle… me répétais-je en regardant vainement la terrasse, dorée par le soleil de ce matin de  presque printemps. Les tourterelles picoraient leurs grains quotidiens, le chat de la voisine se pavanait langoureusement...

Quand tout à coup, je m'exclamai :
- Eurêka ! Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt alors qu'il m'escagasse régulièrement par ses définitions sibyllines ? Mais, oui… c'est de lui la vedette !
Avant, mais c'était avant, je ne le connaissais pas.
Depuis que je vis en Provence, j'ai fait sa connaissance.
Et il me fascine.

Il est d'un noir profond et luisant, un peu cassant.
Plus il est vieux, plus il est long et vice-versa !
Il ondule gracieusement.
Il se faufile partout.
S'il se sent en danger, il se roule en spirale
Il secrète une substance révulsive orange, iodée avec une pointe d'acidité.
Il ne craint rien !

Il me fascine avec ses mille pattes,
Il me fascine par sa persévérance,
Il me fascine par son sens de l'orientation,
Il me fascine par sa sensibilité météorologique.

Il écrit son nom sur tous les murs.
Il répond au nom poétique de Julida.


Je ne peux résister à ces trois petites perles...

La fourmi attend depuis un bon moment son invité qui tarde. Avec une heure de retard et tout essoufflé, il finit par arriver :
– Mais que faisais-tu ? demande la fourmi.
– Eh bien, dehors, il y a un écriteau : "Essuyez vos pieds !" répond le mille-pattes...

Qu'est-ce qu' une fermeture éclair ? Deux mille-pattes en train de s'embrasser


Qu’est-ce qui fait 999 fois "Tic" et 1 fois "Toc" ? Un mille pattes avec une jambe de bois !

mercredi 9 mars 2016

Clémence - Logo-rallyes-cuisine/sport


Journée de la femme.

Adèle se leva, referma son ordinateur, le glissa dans sa serviette et empoigna son grand sac. Cette journée de réunion l'avait épuisée. Il fallait être une athlète intellectuelle de haut niveau pour encaisser les coups, répondre aux interrogations et trier les invites.
Elle salua tous ses collègues. Une accolade, une poignée de main chaleureuse ou, au contraire, un regard qui glace de la tête aux pieds.
Alors qu'elle attendait l’ascenseur, son téléphone sonna.  Elle ne répondit pas à l'appel.
Celui-ci fut suivi d'un texto :
« Thierry, Jacques et Laurent viennent manger un bout ce soir. Me charge des boissons, toi, le reste. »
- Tu parles de la journée des droits de la femme, gronda-t-elle. Ma place sera encore sur le podium, question boulot !

A l'accueil, elle salua la secrétaire avec qui elle avait lié des liens amicaux et elle  prit des nouvelles de son mari souffrant.

Le métro arriva en grondant, elle s'y faufila. Quelques instants plus tard, elle s'installa dans le train pour une heure et demie. Elle aurait le temps de décompresser et de penser au menu du soir.

Elle fut tentée de passer chez le traiteur, mais jouer avec sa batterie de cuisine lui ferait du bien – comme d'habitude ! Blanquette de veau , elle aurait le temps. Elle se cala sur la banquette et laissa son esprit vagabonder. Pas besoin de faire la course !
Blanchir les cubes, napper de sauce crémeuse, carottes en fine julienne , crème brûlée au dessert, ne pas oublier d'assaisonner...Barder ?non, pas pour la blanquette….

Elle fut prise de tremblements, transpira, ses muscles étaient douloureux. Elle fit tourner ses chevilles, elles ne manquaient pas de souplesse. Elle s'apaisa. Elle s'assoupit.
Tout à coup, elle sentit une main sur son épaule. Elle ouvrit les yeux. Devant elle, le contrôleur. Il lui demanda son billet. Elle tendit sa carte, il répondit par une moue.
- Votre carte ne correspond pas à la destination…
- Mais, je fais ce trajet régulièrement….
- Madame, vous avez dépassé de 3 gares….
- Et …
- Bon, je ne vais pas vous pénaliser, mais je vous prie de descendre à l'arrêt suivant.
Il consulta sa tablette et lui annonça qu'elle aurait une correspondance immédiate sur le même quai.

Elle enfila sa veste, rassembla ses affaires et se tint prête. Adieu blanquette Ce n'était pas plus mal ! Avant de descendre du wagon, Adèle envoya un texto : « Imprévu. Serai en retard »

Elle passa d'un train à l'autre. Pas de dénivelé !  L'air frais lui fit du bien, elle se sentait en forme pour la compétition qui s'annonçait ….

Arrivée à destination, elle récupéra sa voiture sur le parking de la gare. Elle prit la direction de la zone commerciale. Elle souriait en pensant à la fin de la soirée.

Elle suivit les conseils du traiteur. Les heures se succéderaient au rythme d 'une randonnée pleine de surprises.

Elle rentra à la maison. L'accueil fut relativement froid. Il lui sembla qu' il avait déjà pris une avance sur l'apéritif. Elle ne fit aucun commentaire et afficha un sourire plein de candeur.

Elle alluma le four et y mit la pièce principale pour finir de la cuire. Elle dressa la table, alluma quelques lampes et bougies pour créer une ambiance aux lumières tamisées.
Elle monta à la salle de bain, fit quelques retouches à son maquillage. Elle descendit sans bruit,  alla jusqu'à sa voiture et rentra tout aussi silencieusement.

Les invités arrivèrent.
Elle joua son rôle de maîtresse de maison à la perfection.
Elle fut éblouissante.
Elle reçut, des invités, des louanges pour cette soirée particulièrement réussie.

Laurent souligna un peu lourdement, que son mari était vernis d'avoir une telle perle sous la main.

Il gloussa.
Elle répondit  sur un ton enjoué:
- Journée de la femme oblige ! Mais c'est un repas d'adieu !

Il resta bouche bée et tenta de s'en tirer avec une pirouette à l'humour lourd.

Il blêmit lorsqu'il la vit se lever, empoigner son sac et leur faire un signe de la main.

Un silence terrible s'installa lorsque la porte d'entrée claqua.

mercredi 2 mars 2016

Clémence - Tout était en déséquilibre

Secondes de solitude imparfaite.

Tout était en déséquilibre depuis ce matin.
Dès mon réveil, j’atterris sur le haut de mon crâne  lorsque je voulus attraper sous le lit, une sandale en cavale. Quelque peu sonnée, je parvins à la cuisine et me juchai sur mon tabouret  pour siroter  mon café matinal. C'est alors que j'aperçus tous les bocaux en équilibre instable sur la crédence  de la hotte aspirante. Un tremblement de terre aurait-il échappé aux profondeurs de ma nuit ?
Je jetai un coup d’œil à l'horloge. La trotteuse tournait en sens inverse. Je consultai ma montre, la trotteuse jouait le même jeu. Etrange….

Il était temps. J'étais attendue sur le port et je ne savais pas que la loi de série s'était enclenchée.
J'empoignai mon sac fourre-tout, une anse se déchira.
Je tournai la clé pour fermer la maison. La clé se brisa. 
Je me mis au volant, craignant le pire, mais tout se passa très bien.

J'arrivai sur le quai et m'apprêtais à monter sur le bateau. Une main bienveillante se tendit. J'allais réussir mon « atterrissage » en douceur. C'était sans compter sur cette maudite cheville qui me trahit et se foula.
Le bruit et l'odeur du vieux Volvo irritèrent mon estomac, mais je fis bonne figure. Les conditions étaient favorables à « mon capitaine » pour une virée en pointu, voile latine dépliée.
Un accostage était prévu vers 13 heures 30  pour un repas sur une petite île, copie presque conforme de Murano.

L'après-midi se joua en déséquilibre parfait. Foc à bâbord, foc à tribord. 
Un peu de tangage, un peu de roulis, de belles risées, quelques vagues bien salées heurtaient le capian et explosaient en milliers de scintillements.
J'étendis une serviette de bain sur le pont – minuscule - et fis la sieste abandonnant, tour à tour,  mon dos et mon ventre au soleil méditerranéen. Le pied du mât jouait dans son socle et mit fin à mes rêveries. Toc, bong. Toc, bong….

Le ciel commençait à s'enflammer. Il était temps de penser au retour. Les vagues chantaient une symphonie syncopée et déséquilibrée alors que le vent déposait de petits moutons blancs ci et là sur l'eau. Dès l'entrée au port, je mis les pare-battages et empoignai la gaffe.

La manœuvre fut réussie. Le pointu fut amarré, un peu  serré.
Le capitaine effectuait les derniers rangements.
Je pris mon sac et saisis l'amarre. Je la tirai pour amener le pointu au plus près du bord. J'étais prête à sauter sur le quai. Le mouvement fut imperceptible, mais je vis que la distance était un peu trop grande pour mes jambes.
Je recommençai la manœuvre et m'élançai. Mais c'était sans compter sur les pare-battages qui se prirent de tendresse pour ceux du bateau voisin. Enlacés, ils firent reculer le bateau.Trop vite. 
Je  réalisai un grand écart forcé, en déséquilibre parfait.
Secondes de solitude parfaite.
Entre terre et mer.
Un plouf magistral posa le point final à cette journée au déséquilibre parfait.

samedi 27 février 2016

Clémence - Encore

Tradition sanguine.


Je venais de déménager. Encore une fois.
Je m'installai dans cette petite ville bourgeoise au sud de la capitale. Réputée pour une spécialité culinaire très odorante et, ma foi, très appétissante lorsqu'elle est servie avec une bonne bière et un gros morceau de beurre.


Encore une fois, je devais accomplir la kyrielle des démarches administratives. Mon appartement se trouvait presque au centre ville, au carrefour entre le faubourg périphérique et un axe d'accès ou de sortie. Des 11 baies vitrées, je jouissais d'une vue étourdissante.
Le soir, je m'endormais, bercée par le ronronnement du pétrin de la boulangerie voisine. Le matin, je bénéficiais de l'odeur du pain frais.


Dans cette ville de traditions, il en est encore une autre qui attire la foule des quatre coins du pays, à savoir, le Carnaval. Cette année, j'allais le découvrir en tant  que résidente !


Ainsi donc, le dimanche matin, aux petites heures, je fus réveillée par des bruits étranges. Les fantômes de l'armée napoléonienne s'étaient-il insinués dans les rues ? Fifres et tambours, accompagnés de quelques grelots ?
J'allais voir à la fenêtre et tendis l'oreille. Rien, silence absolu. Je me recouchai, les bruits recommencèrent. Je me relevai, j'entendis le silence. Je me glissai dans le fond du lit.


Quelques heures plus tard, le tintamarre reprit sous mes fenêtres ! Je me levai et découvris un groupe de gilles, avec des masques blancs identiques, accompagnés de leur tamboureux. C'était magique, vu d'en haut !
Avec un écho infernal, toute la ville s'agita au rythme des sabots, des grelots et des tambours.


Dans le cortège carnavalesque de l'après-midi, les différentes confréries de gilles avec leur coiffes spectaculaires de plumes d'autruches, se succédaient, avec leurs musiciens. Une folie joyeuse régnait, ponctuée par les lancers d'oranges,  tant vers les spectateurs en bord de rue que vers les fenêtres des maisons. Certains habitants se barricadaient, d'autre ouvraient joyeusement les fenêtres, au risque de voir des sanguines s'écraser sur les murs intérieurs…


Le carnaval ne se contente pas d'un dimanche. Il lui faut encore le lundi – consacré aux enfants des écoles – encore le mardi, pour les associations de la ville et encore le mercredi, pour le rabiot….


Grâce à une de mes connaissances, dont le mari « faisait le gille », j'ai pu assister au clou du carnaval.  Il se vit dans une presque intimité le mardi à minuit avec le brûlage des bosses.
Sur les différentes placettes, un feu est préparé ainsi qu'une potence. A minuit, un costume de gille est suspendu au gibet et l'allumette craque.
Ce n'est pas seulement un feu de joie. C'est aussi un feu de larmes.
Le gille danse son carnaval réussi mais en pleure la fin aussi .
Je reçus des mains du gille, en cadeau et porte-bonheur, un minuscule tortillon doré arraché à sa collerette de dentelle.


Le printemps arriva, suivi de l'été puis de l'automne. La frénésie reprit ses droits  dans les cafés « QG » des différentes confréries…


Le temps a passé. Je n'ai pas revu la personne qui m'avait appris à aimer le carnaval. Mais le soir du brûlage de bosses, lorsque le feu fut éteint, son mari se dirigea vers moi et me dit :
- Un gille ne donne jamais son panier, il le brûle s'il est abîmé. Mon épouse est décédée, elle m' demandé de vous confier mon panier en souvenir d'elle….
Les dernières notes se fondirent mélancoliquement dans la nuit.


Avant de quitter mon pays pour la Provence, je dis à mon ami :
- Fêtons le carnaval, encore une fois…


Mon panier d'osier est toujours à la cuisine.
En février, par une journée de grand soleil, je  sors le tortillon doré de sa cachette et le fait briller de tous ses souvenirs.