Inaccessible étoile.
Un petit escargot s'ennuyait
beaucoup dans une escargotière. A travers la toile tendue sur le châssis de
culture dans lequel il végétait, il apercevait tous les soirs les milliers
d'étoiles qui s'allumaient dans le ciel. Il était subjugué et se dressait sur
son unique pied pour mieux les admirer. L'une d'entre elles, la plus belle et
la plus brillante l'attirait particulièrement. Il ne savait pas, pauvre innocent
qu'elle se nommait l'étoile du berger. Il tomba éperdument amoureux d'elle et
décida de tout mettre en œuvre pour la rejoindre.
Il interrogea d'abord son
grand-père, le patriarche de l'escargotière.
- Dis, grand-père, comment s'y
prendre pour aller au ciel ?
Le grand-père se mit à rire et,
regardant le candide rejeton lui répondit :
- Au ciel ? Tu veux aller au ciel
? Et pourquoi grands dieux, veux-tu aller au ciel ? Peut-être iras-tu un jour
après...
Sur le point de dévoiler le triste
sort réservé aux malheureux prisonniers de l'escargotière, le grand-père se tut
brusquement pour ne pas alarmer son petit fils. Il hocha la tête et poursuivit
:
- De toute façon, nous ne pouvons
nous déplacer que sur la terre, alors le ciel...
Le petit escargot, bien décidé à
en savoir plus, continua :
- Mais grand-père, si j'avais des
ailes comme le papillon ou la coccinelle qui se posent parfois sur notre boîte,
je pourrais aller au ciel...
- Tu n'as pas d'ailes voyons !
- Mais...mais si je pouvais me
débarrasser de cette coquille, je pourrais peut être avoir des ailes ?
- Tu es fou. Et puis d'abord,
pourquoi tiens-tu tellement à aller au ciel ?
Le petit escargot, tout
rougissant, avoua en bafouillant qu'il avait là-haut une amie. Le grand-père
haussa ses cornes, caressa la tête de son petit fils et lui dit gentiment :
- Assez plaisanté. Allons
déjeuner.
Le petit escargot, très en colère
grogna :
- De la salade, encore de la
salade, toujours de la salade ou bien cette farine de haricot qui m'étouffe.
J'en ai marre. Je veux partir.
Il maudissait les grandes
personnes-escargot qui ne comprennent jamais rien et se moquent tout le temps
et décida qu'il allait lui-même mettre au point son voyage. Juste un petit
souci : cette maison - très belle bien sûr avec ses jolies rayures noires sur
fond brun dont il était fier - soudain lui pesa beaucoup. Il la trouvait bien
embarrassante mais ne voyait pas comment s'en défaire. Il eut beau se creuser
les méninges, il ne trouva pas de solution. Tant pis, il ferait avec.
Quelques jours plus tard, l'Homme
vint nettoyer l'enceinte de culture. Le petit escargot, à l'affut, se dépêcha
de se glisser hors de sa prison. Il eut une bouffée de joie en se sachant
désormais libre. Il trouverait un moyen d'aller au ciel, il en était maintenant
certain. L'aventure commençait.
Il mit longtemps, longtemps pour
traverser le grand jardin. Il goûta avec gourmandise aux feuilles de choux, de
courgette, aux fanes de carottes. Toutes
se laissaient un peu grignoter en voyant ce petit escargot courageux et toutes
lui souhaitaient bonne chance pour son long voyage. Il n'aimait rien tant que
de se glisser sur les herbes fraîches du matin où il se désaltérait en avalant
voluptueusement les perles de rosée scintillantes.
Le soir, scrutant le ciel, il
mesurait la distante le séparant de son étoile. Il se rendait compte qu'il
n'avançait pas. Quelque peu démoralisé, il demanda à une souris qui passait par
là :
- Dis, Dame Souris, peux-tu me
rendre un service ?
- Quoi donc ? répondit la souris
pressée d'un ton peu amène.
-
Euh, je veux aller au ciel. Voudrais-tu me porter sur ton dos pour un
bout de chemin ?
La souris éclata de rire et
rétorqua méchamment :
- Tu veux que je t'aide à aller au
ciel ? Pas difficile ! Un bon coup sur ta coquille et tu iras directement. Puis
elle s'éloigna en ricanant.
Le petit escargot pensa amèrement
que l'entraide n'existait pas chez les souris. Cependant, il avait bien compris que sans alliés, il
n'arriverait pas à ses fins. Coûte que
coûte, il lui fallait encore tenter sa chance. Il lui vint une idée. Il ne
pouvait pas voler mais il allait demander assistance à ceux qui le pouvaient.
Satisfait de son raisonnement, il apostropha un gros papillon aux ailes
flamboyantes.
- Dis, élégant Papillon, s'il te
plait, emmène-moi au ciel.
Le papillon, fier comme comme un
paon, risqua un œil curieux sur le petit
escargot et cracha :
- D'abord, tu es trop gros et puis
encombrant avec cette coquille. A-t-on idée de se promener avec sa maison sur
le dos ? Tu abimerais mes ailes. Et puis, que veux-tu aller faire au ciel ?
Cesse de m'importuner et passe ton chemin.
Le petit escargot se remit en
marche. De grosses larmes coulaient le long de ses cornes. Il pensa très fort à
son étoile qui l'attendait là-haut et reprit courage. Il croisa une mésange qui
picorait le long d'une haie en chantant gaiement. Comme l'oiseau le regardait
avancer il osa, d'une toute petite voix :
- Dis, belle Mésange, je suis si
fatigué...
La mésange mit ses ailes sur ses
hanches et répondit :
- Repose-toi alors !
- Mais...je veux aller au ciel...
- Drôle d'idée ! Pourquoi veux-tu aller au ciel ?
Le petit escargot ne répondit pas
de crainte d'être encore moqué et baissant la tête demanda timidement :
- Porte-moi jusqu'en haut de ce
grand chêne s'il te plait. J'aurai ainsi fait un bout de chemin.
- Je veux bien dit la mésange qui
pensait que ce petit escargot était un peu fou.
Elle le saisit dans son bec et le
déposa sur une feuille de la plus haute branche de l'arbre.
Un peu étourdi par ce voyage dans
les airs, le petit escargot remercia la mésange et soupira d'aise. Il attendit
le soir pour mesurer la distance qui le séparait encore de son amie. Il ne
devait pas être très loin d'elle maintenant se disait-il, satisfait. Quand la
nuit tomba, il vit luire là-haut son étoile. Elle clignait de l'œil en le
regardant et le petit escargot pensa que la belle partageait son amour. Tout
heureux, il s'endormit profondément.
Le vent d'autan passant par là
emporta la feuille et son locataire. Le petit escargot fit alors un rêve
extraordinaire : il avait maintenant des ailes et partait rejoindre, enfin, sa
bien-aimée.
Voilà une belle histoire pour les titounes ! Mes petits enfants eux mêmes sont trop grands maintenant, pour que je la leur raconte... Dommage. ];-D
RépondreSupprimerAndiamo : je suis grande - pas tellement ! - et surtout vieille mais j'adore les histoires, surtout quand elles sont censées s'adresser aux enfants. Et puis, si l'on ne garde pas un peu d'enfance en nous pour aimer toutes les histoires, la vie serait bien triste ne crois-tu pas ? ;-)
SupprimerUn très joli conte, Marité, un vrai conte à tiroirs comme les enfants les aiment...
RépondreSupprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸✿
Oh, une bien belle histoire, Marité.
RépondreSupprimerTu pourras faire écouter à ton escargot, Mésange de Michel Jonasz, à quoi j'ai pensé en te lisant.
tendre à souhait !
RépondreSupprimerj'adore ce genre d'histoire :)
Merci tous les quatre !
RépondreSupprimer@ K : je ne connaissais pas cette chanson de Jonasz qui est très, très belle. Merci à toi de m'avoir permis de la découvrir. ;-)
@Tisseuse : j'adore ce genre de thème ! ;-)
De rien ;-)
Supprimer;-)
C'est très joli et très frais Marité. J'ai toutes les images en tête ! Merci ;-)
RépondreSupprimerJoli texte. Voilà le genre d'histoire que je raconterais à mes petits-enfants.
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