Mes devoirs de vacances.
Les cahiers de vacances ? Quésaco
? Non, je plaisante. Nous en avons acheté à nos fils mais ça les barbait
tellement que nous avons vite cessé de les embêter avec ça. De toute façon, ils
ne les terminaient jamais.
Quant-à moi, je ne savais même pas
qu'un cahier de devoirs existait pendant les vacances. Je veux dire, quand j'étais enfant bien sûr.
J'aurais peut être aimé après tout. Mais chez moi, les vacances ne concernaient
que l'école. Pour le reste, il fallait participer aux travaux de la ferme. Les
foins d'abord. Dès le plus jeune âge, j'ai appris à manier une fourche pour
remuer l'herbe derrière la moto faucheuse. Puis la retourner encore afin
qu'elle sèche parfaitement. Venait l'emploi du râteau pour rassembler le
fourrage. Un peu lourd pour l'enfant que j'étais, avec son envergure. Il faut
dire que les outils n'étaient pas adaptés aux mains des gamins. Ils étaient les
mêmes pour tout le monde. Mon père
m'autorisait une escapade pour aller récupérer la bouteille d'eau rougie mise
au frais entre deux galets dans les ruisseaux avoisinants. J'en profitais pour
baigner mon visage et mes mains gonflées et lourdes de chaleur où, quelquefois
apparaissait une douloureuse ampoule. J'aimais cependant l'odeur fraîche de
l'herbe coupée puis ensuite, le parfum suave du foin où toutes les fleurs et
les plantes se mêlent en un bouquet qui explose et enivre. Le pollen me piquait
les narines provoquant des éternuements sans fin qui me faisaient rire.
Après les foins, venaient les
moissons. Un travail harassant en plein mois d'août où le soleil tape fort.
Derrière la moissonneuse tirée par deux vaches sous le joug, j'aidais ma mère
et ma grand-mère à déplacer les javelles pour permettre le passage de la
machine. Il fallait faire attention aux vipères qui se cachaient souvent dans
le blé. Quand les gerbes étaient chargées dans la charrette que mon père et mon
grand-père conduisaient à la grange, nous glanions, c'est-à dire que nous
ramassions les épis échappés à l'outil mécanique. Nous utilisions pour cela une
faucille. J'avais la mienne, plus petite, bricolée par mon pépé. On sortait du
champ les jambes griffées par la paille drue.
Avant la rentrée des classes,
c'était le temps de la récolte des pommes de terre. Je suivais le sillon creusé
par l'arracheuse pour sortir les tubercules qui n'avaient pas été éjectés.
Après un après midi au soleil pour les sécher, commençait le ramassage. Les
hommes choisissaient les grosses pommes
de terre et celles réservées à la semence et nous, nous amassions toutes celles
qui restaient, les plus petites étant
pour la nourriture des cochons. Les paniers, que l'on portait jusqu'à la
charrette au bout du champ étaient lourds pour mes petits bras. Il m'arrivait
de bougonner mais comme cela ne servait à rien...
Il y avait aussi les menus travaux
: aider aux conserves de fruits et de légumes. Je me souviens encore de mon dos
en compote après la récolte des haricots verts. Nous étions neuf à la maison et
il fallait emmagasiner pour l'hiver. Casser du petit bois sec pour allumer le
feu m'incombait très souvent avant que mes frères grandissent. J'allais
également ramasser dans les haies la nourriture pour les lapins, rincer le
linge au lavoir. J''en oublie certainement. Les journées étaient bien remplies.
Mais j'avais mes compensations.
J'adorais aller garder le troupeau de vaches, seule avec mon chien.
J'étais enfin tranquille pour lire
tout mon saoul. Ma mère ne m'imposait pas de la couture comme c'était souvent
le cas pour mes copines. Elle savait que je détestais coudre et qu'en plus,
j'étais très maladroite.
Je dévalisais la bibliothèque de
l'école. La maîtresse, peu regardante, me laissait choisir ce qui me plaisait.
Inutile de préciser que les livres pour adultes m'intéressaient davantage que
ceux réservés aux enfants ! Et les
Bonnes Soirées ! Une voisine était abonnée à ce magazine qu'elle me prêtait. Je
ne lui laissais pas le temps de le feuilleter et j'allais l'embêter jusqu'à
l'obtention de la revue. Je découvrais ainsi la mode et je lisais avidement les
romances distillées sous forme de feuilletons.
Mon bonheur a été complet quand
les parents m'ont acheté - avec les sous gagnés à vendre les champignons que je
trouvais - un petit poste transistor
d'un orange criard que je n'avais pas choisi mais il paraît qu'il ne restait
que celui-là. Peu importe, j'étais comblée : j'avais de la lecture et de la
musique pour compagnie.
Il m'arrivait aussi d'aller
débusquer les écrevisses dans le ruisseau. Plus d'une fois, j'ai dû subir leurs
pinçons mais je continuais quand même à les agacer juste pour les voir circuler
à reculons jusqu'aux bords protecteurs de la rivière. Il y avait aussi des prés
avec des mares. Je coupais un bambou, accrochais à son extrémité un bout de
tissu rouge et je pêchais les grenouilles.
Je n'ai pas connu l'ennui une
seconde durant les vacances de mon enfance. J'adorais l'école mais j'ai aussi
beaucoup appris au contact de la nature, des animaux et des hommes. Le regard et les sens s'aiguisent
davantage à mon avis et j'ai acquis une maturité qui m'a beaucoup servi par la
suite.
c'est peut-être la même chose ici, où même lorsque la chaleur nous assomme tu restes vaillante et nous régales de tes histoires !
RépondreSupprimerMais là tu parles d'une enfance que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, mais pas non plus d'autres, avec quelques années de plus comme moi, mais ayant grandi en ville.
Je raffole de tes manières de nous camper une époque rude, mais que tu décris avec plein de joie de vivre.
Cela me rappelle la vie de Heïdi dont je me délectais étant enfant ! ou même "La petite Fadette" de Georges Sand...
Marité tu as fait resurgir des souvenirs, les "griffures" des chaumes après la moisson, ouille, ouille ouille, La bande dessinée "Sylvie" dans bonne soirée, une revue que ma mère s'offrait, je suis allé en Auvergne deux années consécutives durant les grandes vacances, à Cunlhat, que de jolis souvenirs avec mon frère et ma sœur, tendres pages que tu viens de tourner... Merci.
RépondreSupprimerMerci Marité. Tu nous proposes une très belle évocation, sensible, qui fleure bon la liberté, le grand air , bref, si j'osais, c'est magique !
RépondreSupprimerPfiou ! Il fait chaud les amis et j'ai les chevilles qui enflent. N'en rajoutez pas ! Si, si...encore, encore... :-))
RépondreSupprimerMerci, tous les trois. ;-)
Quelle merveilleuse évocation, Marité.
RépondreSupprimerSincère, authentique et très émouvante.
Merci pour ce beau texte
¸¸.•*¨*• ☆
Merci chère Célestine. ;-) Il est facile d'écrire ce que l'on a vécu. Pardon de raconter un peu ma vie d'enfant mais pour ce thème, cela s'est imposé, pour moi.
RépondreSupprimerJ'appelle Gérard Jugnot, de suite ! Ça va faire un carton, mieux que 'Les Choristes'; ben ouiche !
RépondreSupprimerEt puiche... ravi de savoir que tu n'as pas perdu les eaux de javelle (note que sinon, t'aurais 'core pris une avoinée !)
J'ai adoré, Marité. Merciche ;)
Euh...Me suis trompée mais Occitane et Marité sont jumelles sur la toile !
Supprimer:-)
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