La fête en forêt.
Je suis assise comme très
souvent sur ma vieille souche à l'ombre d'un pin maritime dans la
forêt des Saulières. En ces derniers jours d'été, la lumière
filtrant à travers les arbres se fait plus douce et plus dorée. La
chaleur, encore présente alanguit le bois plongé dans une moelleuse
torpeur. Je me laisse aller à la rêverie quand des bruits étouffés,
en contre-bas du chemin m'alertent. J'écoute.
Est-ce la brise berçant
légèrement les branches du châtaignier voisin qui raconte son
voyage ?
Est-ce l'eau dégringolant
sur les cailloux du ruisselet qui clapote et gazouille ?
Non. Je connais bien la
chanson de la forêt. C'est autre chose. C'est étrange et
inhabituel.
Intriguée, je me laisse
guider par les sons jusqu'à une toute petite clairière à peine
visible depuis le sentier. Mes amis, quel spectacle extraordinaire se
produit devant moi ! Je me fige et pour ne pas troubler la
fantasmagorie qui s'offre à moi, je m'assois dans l'herbe et, bouche
bée, regarde la scène.
Tout le menu peuple de la
forêt s'est invité à une fête car il s'agit bien d'une fête et
elle bat son plein.
Une chorale improvisée
l'anime. Juché sur une grosse pierre, un corbeau en habit bat des
ailes en cadence. Il joue le rôle de chef de chœur et a bien du mal
à imposer un semblant de coordination. Deux merles sifflent à
tue-tête à s'en époumoner. Fauvettes et mésanges zinzinulent
sagement pendant qu'une alouette tire-lire joliment. Un pic-vert bat
la mesure en cognant sur un tronc d'arbre. Des bourdons font les
basses. Pour ne pas être en reste, une grenouille jette de temps en
temps des "coa-coa" intempestifs qui sèment le désordre
et agacent visiblement le corbeau. J'ai peine à entendre les
stridulations d'une cigale perdue dans les bois corréziens mais il a
fait tellement chaud cet été qu'elle est arrivée jusque chez nous.
Il est vrai qu'on nous dit "le riant portail du Midi" !
Et l'on danse ! Un lapin
entreprenant berce doucement dans ses pattes un écureuil un peu
farouche mais qui se laisse quand même conter fleurette en baissant
pudiquement les yeux. Deux tourterelles amoureuses roucoulent et
tanguent, seules au monde. Un couple de putois se balance un peu à
l'écart . Leur présence est tolérée à condition qu'ils
s'éloignent un peu. Après tout, la fête ne doit exclure personne.
Une fouine et une belette, un peu soûles, tentent en riant des pas
maladroits. Un rat invite une taupe qui ne le voit pas.
Ce n'est pas tout. Un
buffet géré par une grosse pie s'agitant sans cesse est servi sur
un bord de la clairière. Sur des écorces de pin maritime sont
disposées des noisettes offertes par les écureuils, des graines
variées sans cesse fournies par de vaillantes fourmis toujours à la
peine. Une famille entière de souris s'est sans doute levée tôt ce
matin pour cueillir des mûres dégoulinantes de jus. Il y a aussi un
beau rayon de miel, cadeau des abeilles. Qui donc a apporté ces
drôles de champignons de toutes les couleurs ? Un vieux hibou, les
yeux exorbités ne cesse de les picorer. Ce sont, à l'évidence, des
champignons hallucinogènes. Oui, c'est bien cela. Il y a des
amanites tue-mouche rouges à pois blancs. Je pense qu'il veut guérir
son éternel mal de vivre mais, là, il abuse. Un rat, à la
moustache toute blanche regrette, quant à lui d'avoir mangé trop de
noisettes. Il nettoie ses dents creuses en se servant des piquants
d'un hérisson qui ne remarque rien. Il semble dormir tranquillement.
Depuis combien de temps
suis-je là à me repaître de cette féérie ? Personne ne semble
avoir remarqué ma présence pourtant je me sens observée. Ah, je
vois ! Ce sont les nains de Blanche Neige. Dans ma forêt, les
champignons poussent à profusion, même les belles amanites comme
dans le bois du conte de Grimm. Je sais maintenant qui sont ceux qui
veulent transformer cette belle fête en free-party pour s'amuser.
Sacrés petits bonshommes !
Et dire que des touristes ont récemment porté plainte dans un village du Sud au prétexte que les cigales faisaient trop de bruit !
RépondreSupprimerOups … signé: Vegas sur sarthe
SupprimerJ'ai passé un délicieux moment en te lisant...J'adore les histoires merveilleuses !
RépondreSupprimerLéger, plein de charme... (s) !
RépondreSupprimerVegas : ils sont fous ces touristes ! Z'ont qu'à rester chez eux. On ne va pas les chercher hein ! Moi, j'aime bien les cigales et le réchauffement climatique aura peut être ceci de bon : elles vont arriver dans notre sud ouest. Elles ne sont pas loin d'ailleurs.
RépondreSupprimerMerci Maryline et K ! :-)
finalement aurais-tu goûté toi aussi aux champignons hallucinogènes ?
RépondreSupprimer:)
je plaisante, bien entendu, et suis toute gagnée par la féérie de la forêt
Alala ma chère Tisseuse : il y a tellement de champignons ici qu'il peut arriver de se tromper ! ;-)
RépondreSupprimerMais on se croirait dans le jardin extraordinaire de Charles Trenet ! Et sous mon clavier c'est un compliment Marité . ];-D
RépondreSupprimerhttps://youtu.be/XuCELv2G_lA
Merci cher Andiamo ! ;-)
SupprimerEn te lisant j ai replongé dans les albums jeunesse que je lisais à mes enfants. Jan Brett illustrerait à merveille ton univers enchanté ! Merci !
RépondreSupprimerY a pu d'saison, ma brav' dame; y a pu d'saison ! Si même les champignons halus se pointent en avance... rhôô, dis donc ! XD
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