mercredi 3 juillet 2019

Tisseuse - Discours


Discourir plutôt que dis mourir…
Veuillez me pardonner cette petite boutade décalée, mais en ce jour de mes 100 ans j’ai presque tous les droits, non ?

Aujourd’hui vous ne m’entendrez pas, pas plus qu’hier. Si récrimination les adresser au bureau de madame Aphasie :)
Le seul bénéfice en est que, ni vous ni moi, n’aurons le déplaisir d’entendre ma voix chevrotante.
Pour ceux qui ont encore une bonne vue, vous lirez mon texte sur l’écran qui défile, et pour les autres ils entendront ta voix, ma puce.
Oui, je sais que tu trouves ridicule que je t’appelle encore comme ça alors que tu as 64 ans à présent. Mais que veux-tu, à tout jamais tu resteras mon tout petit. Cette extraterrestre que j’ai eu la chance de mettre au monde il y a si longtemps…mon grand soleil !
Je me doute que tu me fais un immense cadeau en lisant ce mot car tu as toujours préféré t’exprimer par la danse, l’écriture du corps comme l’appelait Carolyn Carlson.
Sois en bien remerciée !

C’est une grande chance pour moi que l’AVC m’ait conservé la capacité d’écrire. Et du coup, comme mon père le faisait en son temps, je noircis à longueur de temps des petits cahiers d’écolier avec des poèmes, des histoires, des réflexions…ce sont les cahiers de la tisseuse…
Et puis il y a cette tablette numérique que tu m’as offert, avec son stylet stylé ! Bien plus pratique pour ne pas raturer, mais qui me fait regretter le clavier de mon ordinateur, à l’époque où je tapais à une vitesse folle les petites textes que je mettais en ligne sur internet.
Hélas les doigts et l’arthrite ne font pas bon ménage :(

En réfléchissant à ce discours, j’ai eu envie de témoigner de cette époque du début du millénaire qui a vu fleurir des blogs d’écriture et des ateliers d’écriture virtuels.
C’est un de tes cousins qui m’en a donné l’envie le premier. Tu sais, Guillaume, qui est devenu éditeur ! Car je lisais ses essais expérimentaux, et ai suivi ses débuts d’auteur de livres numériques. Une de ses correspondantes écrivait sur les Impromptus.
Tu es la seule qui a connu cette période, ma puce, de tes 7 ans à tes presque 20 ans, j’ai écrit et coanimé ce site des Impromptus.
Au tout début ça a été ma manière de m’affranchir de ma dévalorisation créative dans une famille où la sensibilité artistique foisonnait, car je m’imaginais auparavant que je n’étais pas à la hauteur.
Des inconnus ont lu mes petits textes, et j’ai aimé ça. Je me suis intéressée à leur monde, nous avons tissé des liens particuliers faits de profondeurs et de pudeurs. Beaucoup d’entre eux étaient de France et de Belgique, mais certains du Québec, une autre écrivait d’Arabie Saoudite, et un autre du Vietnam, et de différents pays du globe…

Cela m’a aidé aussi à traverser certaines épreuves de vie, alors que ton père se trouvait en difficultés professionnelles, et que tes grands-parents tombaient malade.
Il y avait mon cousin, L’Arpenteur, à qui j’ai propagé le virus…enfin de l’écriture sur internet, car pour ce qui est de l’écriture il avait une longueur d’avance sur moi avec ses 9 ans de plus…
Et nous avons coanimé ensemble les Impromptus dans le même enthousiasme, et avec beaucoup de rires. Nos si nombreux coups de téléphone où nous discutions certains thèmes d’écriture me manquent encore aujourd’hui.
J’ai aimé encourager les autres, les aider à dépasser leurs appréhensions.
Une vrai stylo-thérapie parfois !
Oh il y en a eu des passions, des emportements et des coups de grisou sur les différents sites des Impromptus, au fur et à mesure des équipes d’administration, et tu m’as vu pester souvent (tu connais mon mauvais caractère). Mais en général les autres administrateurs étaient des gens formidables, et plein d’humour, et les auteurs aussi.
Lorsque mon cousin est tombé malade, ma peine est devenue trop lourde. Et j’ai eu besoin de me retrouver un peu au calme, et les Impromptus ont fermé boutique. Cela a attristé un certain nombre de participants, mais ainsi va la vie….

J’espère cependant que cela a semé des graines de bonheur et de créativité dans le cœur d’un grand nombre d’entre eux, et qu’ils auront communiqué à leur tour cette contagion positive à d’autres, afin de créer une chaine de textes….en quelque sorte comme un immense cadavre exquis que nous pourrions dérouler à présent, et qui ferait le tour du monde en peu de temps.
Ça a été une des magies positives d’internet alors dans ma vie et dans celles de ces personnes !
J’ai une grande pensée émue pour eux tous aujourd’hui, car ils sont dans mon cœur depuis ce temps-là et pour toujours.

Pour ceux qui souhaiteraient les lire, tu as bien voulu, ma puce, imprimer un recueil regroupant tous les textes que j’ai publié durant ces 13 années sur les Impromptus. Ça donnera peut-être l’occasion à certains, ici présents, de me découvrir sous un autre jour : celui de Tisseuse :)
Et si je ne fais pas erreur, en rajoutant celui-ci cela fera un total de 420 !
Mais pas d’inquiétude, car pour la plupart ce sont des poèmes, bien plus courts que ce texte-ci…

Qui sait, cela vous donnera peut-être envie d’écrire à votre tour !
Allez, champagne pour tous !!!!!

19 commentaires:

  1. Une coupe de champagne à ta santé, ça ne se refuse pas ! Tu me donnerais presque envie d'avoir 100 ans :)

    RépondreSupprimer
  2. Je suis relativement nouveau sur ce blog, j'y ai participé dans la mesure de mes moyens. Je ne suis pas artiste du tout, j'étais ajusteur .. . Mécanicien zen quelque sorte, plus habitué à tenir une lime, un marteau, faire tourner les manivelles d'un tour ou d'une fraiseuse, plus habile avec un tournevis qu'avec un clavier !
    Ce qui m'a plu chez les impromptus, c'est le thème proposé chaque semaine, inattendu, parfois drôle, et votre bienveillance à tous face à mes maladresses d'écriture, merci Tisseuse, merci aux administrateurs, aux écrivains et poètes.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai un immense respect pour les ouvriers, venant moi-même d'une famille d'ouvrier. Mon père était comptable chez Creusot Loire, mais après avoir appris le métier de dessinateur industriel, et auparavant de fraiseur. Toute sa famille était dans la sidérurgie !
      Cependant il était musicien (comme l'ensemble de sa famille), écrivait des contes et nouvelles, dessinait et peignait à ses heures perdues....
      tu pourras voir ici un de ces ch'tiot crobard qu'il avait fait d'après une photo de mon enfance https://impromptuslitteraires.blogspot.com/2018/05/tisseuse-toutes-les-mamas.html#comment-form

      Supprimer
    2. Je rejoins Tisseuse.
      Je n'ai pas écrit sur la maison des hommes et des techniques à Nanates ua hasard.
      Les ouvriers, oui, c'est total respect, considération, et soutien !

      Supprimer
    3. qui a dit que les ouvriers ?... Ce sont des belles personnes qui peinent et qui ont peiné dans leur vie mais qui savent plein de choses et qui nous les font partagées.
      Mon père était mécanicien et réparait les camions poubelles de la ville de Lyon. Ce qu'on appelle les mains dans le cambouis.
      Lilou

      Supprimer
  3. laura vanel-coytte5 juillet 2019 à 16:58

    Voilà un vrai discours

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bah ! Comme je ne pense pas atteindre 100 ans j'en ai profité :)

      Supprimer
  4. laura vanel-coytte6 juillet 2019 à 08:59

    POURQUOI PAS?

    RépondreSupprimer
  5. Beau discours, oui !
    On est un peu tristes, oui, ça n'a pas été évident de "discourir" !
    Alors champagne, d'accord !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. mais nous sommes d'accord, l'arrêt du site des Impromptus ne nous empêchera pas d'écrire :)
      ni de lever nos verres aux amis !

      Supprimer
  6. Je m'incline, Madame, devant votre grand âge. Fort heureusement pour nous tous, l'AVC et vos 100 printemps n'ont pas eu raison de votre capacité à écrire - ce discours en témoigne - rassembler comme vous l'avez fait avec patience et altruisme sur ce site que nous avons aimé. Soyez certaine le bon Dieu vous le rendra. ;-) Mais le plus tard possible... :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. tu avais parlé de "parents" n'est-ce pas dans ton texte :)

      mais ne t'incline pas trop, il faut veiller à la santé de nos dos
      merci beaucoup pour ce commentaire

      Supprimer
  7. Je m'incline, moi, devant ton talent, et toutes les qualités que j'ai déjà developpées par ailleurs, eu égard à tes chevilles qui risqueraient de gonfler un brin...Et à cent ans, il faut faire attention à ses chevilles !
    Alors simplement un grand merci pour être celle que tu es: tenir ça sur la distance, ce n'était pas évident !Je t'embrasse très affectueusement
    Céleste
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. merci Célestine !
      mais tout ceci est un jeu bien entendu :)
      la persévérance est bien le moindre de mes défauts, mais tu vois, en ce qui concerne ce site j'ai tout de même fini par arrêter...je le regrette en grande partie...

      Je t'embrasse aussi

      Supprimer
  8. Alors là, c'est du discours. Je crois même qu'il est de type à me faire briller les yeux! C'est très joli Tisseuse, et plus encore...
    Vegas?...K?.. Il reste du champagne?????

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bien sûr Mapie qu' il y a une flûte de champagne pour toi :)
      J'aimais énormément retrouver tes textes. Tu fais de plus partie de ceux qui les accompagnaient de mails bien sympathiques envers l'équipe.

      Supprimer
  9. Quel texte ! époustouflant de vérités... Tu me manqueras beaucoup !
    avec le sourire
    Lilou

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Beaucoup d'imaginaire bien entendu, car que serais je à 100 ans si j'existe encore....
      Mais 100% de vrai pour la période "Impromptus".

      Tu vas me manquer aussi car nous formions une bonne équipe :)
      Mais heureusement le contact persiste sur les réseaux sociaux !

      Supprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".