Une folle rumeur court selon laquelle un événement exceptionnel va se produire à la salle des fêtes de Castelbrousse qui est pleine à craquer. Le premier magistrat et ses condisciples occupent la grande estrade. Ils peaufinent le discours qui doit être prononcé. Un brouhaha confus monte sans cesse, interrompu brusquement par l'arrivée du représentant de l'Etat arborant veste à galons, casquette et gants blancs. La cérémonie va commencer.
Mauricette, vêtue d'une robe à grosses fleurs roses accentuant ses rondeurs et coiffée d'un improbable bibi puce s'avance timidement vers les sommités. On la fait asseoir près du pupitre où flotte le drapeau tricolore. Mauricette n'ose plus bouger et rougit beaucoup quand Lucien Beauparleur, le maire entame son allocution en s'adressant directement à elle :
- Je suis heureux ainsi que tous nos concitoyens ici rassemblés de vous recevoir aujourd'hui. Nous avons l'honneur et le plaisir de vous remettre ce diplôme très mérité de la famille nombreuse...Blablabla... Je laisse la place à Monsieur le Sous-Préfet qui tient tout particulièrement à vous féliciter.
- Chère Madame Courtecuisse, je vous présente, au nom de la République et en mon nom personnel tous mes compliments pour vos réels efforts envers la Nation : dix enfants, quel beau geste et quel courage alors que la plupart des ménages...Blablabla... Mais quittons maintenant le protocole et passons aux choses sérieuses. La République reconnaissante a décidé de vous récompenser comme vous le méritez.
Deux hommes apparaissent sur le podium poussant devant eux une grosse valise rouge. Tout le monde dans l'assemblée retient son souffle et se demande quel cadeau va recevoir Mauricette. Des "oh" et des "ah" s'élèvent quand de la malle émerge une créature bizarre. Elle ressemble à une femme mais ce n'est pas une femme. Enfin, pas tout à fait.
Sur l'injonction du Sous-Préfet, la créature se déplie et se dirige vers Mauricette. Elle s'incline devant elle et dit très clairement : "Je m'appelle SU 08. Je suis votre femme de ménage." Mauricette se lève, tellement ébranlée que son bibi ridicule tombe sur ses yeux. "Mais...Mais...Ce n'est pas possible. Pas de ça chez nous. Je ne veux pas de cette chose. Elle me fait peur. Et puis regardez-là, on dirait qu'elle se moque de moi."
Pendant qu'on range SU 08 dans son emballage, les voisins s'affairent auprès de Mauricette lui assurant qu'elle a une chance extraordinaire, qu'elle va pouvoir enfin se reposer et allonger ses jambes variqueuses etc...etc...Chaque commère affirme qu'elle saurait bien qu'en faire de la SU 08. Vous vous rendez compte : ça obéit au doigt - c'est le cas de le dire - et à l'œil, c'est le cas de le dire aussi, ces machins-là.
On sert un vin d'honneur qui requinque un peu la pauvre Mauricette et tout le monde rentre chez soi. Devant la porte de sa maison, la valise rouge attend. Mauricette s'arrête, perplexe. Puis, courageusement empoigne la valise qu'elle case dans un placard. On verra plus tard. Assez d'émotions pour aujourd'hui.
Le lendemain matin, alors que Mauricette s'apprête à prendre son petit déjeuner, SU 08, mystérieusement sortie de son cagibi, surgit devant elle, lui arrachant sa casserole de lait. Mauricette recule, le souffle coupé. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, tartines beurrées et confiturées rejoignent le bol Mickey, le préféré de Mauricette et SU 08 l'invite d'un geste saccadé à s'asseoir à table.
Après la vaisselle, l'aspirateur ronfle dans toute la maison manié de main de maître. Un coup d'œil dans le frigo et voilà le repas de midi prêt à être dégusté. Mauricette n'en revient pas : SU 08 a concocté un délicieux pot-au-feu. La créature se dirige vers le salon, allume la télé, tapote les coussins du canapé et prenant la bonne femme par le bras, l'installe confortablement.
Mauricette se dit que finalement, la République a eu une bonne idée et d'aise, pique un petit roupillon. Quand elle se réveille, alertée par des bruits bizarres, elle ne peut que constater les dégâts : SU 08 a vidé tous les placards et empile dans des sacs poubelle les souvenirs de sa patronne. Mauricette voit rouge et se précipite pour arrêter le massacre.
- Qu'est-ce que vous fabriquez là ? De quoi je me mêle ? (Mauricette ne peut pas se résoudre à tutoyer "l'engin")
- Bon à jeter lance SU 08 qui continue à empiler photos, vieux papiers, dentelles, châles, charentaises...
- Ça va pas non ? crie Mauricette horrifiée. Elle se rue sur SU mais cette dernière l'écarte d'une main de fer et force la vieille femme à rejoindre son fauteuil.
Les sacs poubelle s'empilent dans le couloir devant une Mauricette médusée qui n'ose plus intervenir tellement SU 08 la dévisage de ses gros yeux ronds, rendant toute approche délicate.
Que faire ? Mauricette a une idée : elle va retourner le colis à l'envoyeur. Doucement, elle sort la valise rouge du placard et saisissant son téléphone appelle le maire.
- " Lucien, viens tout de suite chercher le cadeau de la République. Je n'en peux plus de cette "chose" qui m'empoisonne la vie depuis ce matin. Je préfère crever à la tâche plutôt que de voir ma maison sens dessus dessous. Et pas question de lui foutre mon pied au cul à cette garce sous peine de me briser les os sur sa maudite carcasse."
elle a vu rouge, si je puis dire, Mauricette :)
RépondreSupprimeret elle a bien fait, car qui pourrait savoir à sa place ce qui est à jeter ou non dans ce qu'elle a entassé au fil de sa vie....
Courte cuisses peut être, mais accueillantes ! Dix gosses, elle n'est pas faignasse la rase mottes !!! ];-D
RépondreSupprimerComme on dit, ah, si j'avais SU.
RépondreSupprimerJ'ai bien cru que la pauvre Mauricette allait finir à la benne elle aussi ;-)
RépondreSupprimerJe ne crois pas Mapie ! Pour l'instant, Mauricette, avec son bon sens de bonne mère de famille, saura faire face aux robots. Elle l'a montré ! ;-)
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