Bench holiday
Non mais, là… Là, ‘faut que je prenne des vacances… Sûr !!
Je me présente, je suis un de ses bancs de bord de mer à objet dédié (entendez : payé à la mairie par la famille pour porter le nom de leur(s) mort(s) sur mon dossier). Dans l’île de Jersey, ‘voyez ?
Moi, les culs – vous pensez bien ! je me suis vite habitué à les voir se poser sur moi sans penser à mal ni en bien. D’accord, ça me fait plutôt chaud que froid (quoique… pour certains… venus, disons, du côté terre de l’abbaye de Lérins… plutôt que côté plage de l’île, ‘voyez ?), mais c’est pas ça. C’est les mots et les maux qui vont avec. Plus j’en entends, plus j’en vois, moins je comprends, moins je supporte.
Mais comment ils se parlent, les gens, sur les bancs ! J’hallucine. Bon… Aussi, c’est que ceux qui réfléchissent à la bonne date pour publier les bans, à côté de ceux qui se prennent le chou, se font rares. Déjà !
J’écarte d’emblée de mon propos les séances « chaudes » et celles, beaucoup plus réfrigérantes, des suicidaires (un invariant structurel de ma fonction, ‘voyez ?). Non mais, là… Là ! Jugez un peu de ma condition, quoi…
J’accueille, c’est mon lot. Je l’exerce l’air de rien, le regard très front de mer, le bois impeccable, le dossier austère, mais lustré comme pour dire que « …bon, Saint Aubin, c’est ‘core un peu plus loin ». J’accueille, donc :
… cet un qui soupire (eh, attends ! pour lui-même !) que « le cours du kangourou s’effondre; ma vie est foutue; je rentre sur le continent; je les bute tous et je file en… » (en un endroit que le caractère confessionnel de ce propos m’oblige à taire, ici – comme dirait Pierre Dac… si tu nous r’gardes…).
… cet autre (faites-lui porter le sexe que vous voulez, moi, j’ai pas trouvé…), dont la tenue indique clairement que c’est le genre touriste venu hors saison pour raison d’économie, une cheville croisée sur le genou, les bras étalés sur mon dossier, qui crache toutes les trente secondes, puis lâche à son voisin (au sexe pas mieux défini) que « mon appart est un container à recycler les cadavres de bouteilles de pif; je dors dans un cendrier; j’ignore mon courrier, au demeurant exclusivement administratif; je ne me nourris que de clopes et de café; ma seule compagnie est celle des voix dans ma radio… Je suis un génie de la solitude ! et tu voudrais m’épouser ? ».
… ces trois autres, que l’on dirait clonés, mais d’âges différents, qui devisent sur les dégradations de l’environnement et du climat et concluent d’une seule voix, sérieuse et convaincue, que « on vit vraiment une époque formidable ».
… cette adolescente, mal dégrossie, mal habillée, sentant fort le suint, venue seule, mais dont le murmure, soufflé vers le sol entre ses genoux, a l’apparence d’un dialogue horriblement vulgaire, jugez plutôt « t’es qu’un trou de merde, petite pute… si je pouvais t’oublier quand je marche, mais non, il faut encore que tu me colles au slip… et dis, saloperie, t’en as pas marre de me bouffer les doigts dès que t’as cinq minutes ?... et ces poils ! ces poils ! jusqu’où vas-tu les répandre ?... »; j’ai fini par comprendre qu’elle parlait à son vagin.
… et puis, il y a eu cette vieille, édentée, toute pliée (incapable de voir le ciel !), les doigts comme des ceps de vigne, le nez coulant et la voix rocailleuse, qui harangue les passants avec, obstinément, cette formule « c’est vous qui m’avez pris mon mari ? vous pouvez le garder ! maintenant j’ai une perruche ».
Voyez mon embarras…
Que voulez-vous, c’est trop de misère. N’était ma mission d’arborer les noms de famille de destins brisés dont personne n’a cure depuis des lustres, je prendrais bien des vacances, moi, je vous le dis. Même, juste un Bank Holiday, quoi…
Non mais, là… Là, ‘faut que je prenne des vacances… Sûr !!
Je me présente, je suis un de ses bancs de bord de mer à objet dédié (entendez : payé à la mairie par la famille pour porter le nom de leur(s) mort(s) sur mon dossier). Dans l’île de Jersey, ‘voyez ?
Moi, les culs – vous pensez bien ! je me suis vite habitué à les voir se poser sur moi sans penser à mal ni en bien. D’accord, ça me fait plutôt chaud que froid (quoique… pour certains… venus, disons, du côté terre de l’abbaye de Lérins… plutôt que côté plage de l’île, ‘voyez ?), mais c’est pas ça. C’est les mots et les maux qui vont avec. Plus j’en entends, plus j’en vois, moins je comprends, moins je supporte.
Mais comment ils se parlent, les gens, sur les bancs ! J’hallucine. Bon… Aussi, c’est que ceux qui réfléchissent à la bonne date pour publier les bans, à côté de ceux qui se prennent le chou, se font rares. Déjà !
J’écarte d’emblée de mon propos les séances « chaudes » et celles, beaucoup plus réfrigérantes, des suicidaires (un invariant structurel de ma fonction, ‘voyez ?). Non mais, là… Là ! Jugez un peu de ma condition, quoi…
J’accueille, c’est mon lot. Je l’exerce l’air de rien, le regard très front de mer, le bois impeccable, le dossier austère, mais lustré comme pour dire que « …bon, Saint Aubin, c’est ‘core un peu plus loin ». J’accueille, donc :
… cet un qui soupire (eh, attends ! pour lui-même !) que « le cours du kangourou s’effondre; ma vie est foutue; je rentre sur le continent; je les bute tous et je file en… » (en un endroit que le caractère confessionnel de ce propos m’oblige à taire, ici – comme dirait Pierre Dac… si tu nous r’gardes…).
… cet autre (faites-lui porter le sexe que vous voulez, moi, j’ai pas trouvé…), dont la tenue indique clairement que c’est le genre touriste venu hors saison pour raison d’économie, une cheville croisée sur le genou, les bras étalés sur mon dossier, qui crache toutes les trente secondes, puis lâche à son voisin (au sexe pas mieux défini) que « mon appart est un container à recycler les cadavres de bouteilles de pif; je dors dans un cendrier; j’ignore mon courrier, au demeurant exclusivement administratif; je ne me nourris que de clopes et de café; ma seule compagnie est celle des voix dans ma radio… Je suis un génie de la solitude ! et tu voudrais m’épouser ? ».
… ces trois autres, que l’on dirait clonés, mais d’âges différents, qui devisent sur les dégradations de l’environnement et du climat et concluent d’une seule voix, sérieuse et convaincue, que « on vit vraiment une époque formidable ».
… cette adolescente, mal dégrossie, mal habillée, sentant fort le suint, venue seule, mais dont le murmure, soufflé vers le sol entre ses genoux, a l’apparence d’un dialogue horriblement vulgaire, jugez plutôt « t’es qu’un trou de merde, petite pute… si je pouvais t’oublier quand je marche, mais non, il faut encore que tu me colles au slip… et dis, saloperie, t’en as pas marre de me bouffer les doigts dès que t’as cinq minutes ?... et ces poils ! ces poils ! jusqu’où vas-tu les répandre ?... »; j’ai fini par comprendre qu’elle parlait à son vagin.
… et puis, il y a eu cette vieille, édentée, toute pliée (incapable de voir le ciel !), les doigts comme des ceps de vigne, le nez coulant et la voix rocailleuse, qui harangue les passants avec, obstinément, cette formule « c’est vous qui m’avez pris mon mari ? vous pouvez le garder ! maintenant j’ai une perruche ».
Voyez mon embarras…
Que voulez-vous, c’est trop de misère. N’était ma mission d’arborer les noms de famille de destins brisés dont personne n’a cure depuis des lustres, je prendrais bien des vacances, moi, je vous le dis. Même, juste un Bank Holiday, quoi…
Voici une fort belle brochette humaine, vrai que ces bancs en voient de toutes, et je serais pas étonné que quelques romanciers bavards (ou romancières) aient déjà tiré trois cent pages d'un banc parlant. Y aurait matière à écrire plus, en tout cas ce sujet est très inspirant.
RépondreSupprimerMais ils le feront pas dans ton style inimitable.
Yep, JCP ! J'ai dû élaguer d'autres portraits qui, selon mon idée première, se concentraient autour de situations pécuniaires (pour Bank holiday)... Mais il y aurait vraiment matière à développement, c'est certain.
SupprimerUne fois n'est pas coutume, je comprends que tu aies évité les vers !
RépondreSupprimerC'est ça ! Je suis un vermifugitif qui se pose là XD
SupprimerLe banc surmené, fallait y penser !
RépondreSupprimerToute l'histoire de l'humanité vu par le banc... et avec quelle verve!!!
RépondreSupprimerUn résumé de notre société ? J'ai un souvenir bien plus brûlant d'un banc montmartrois, que les bisets du square Nadar ne sont pas près d'oublier
RépondreSupprimerc'est certain que les bancs ont fort à raconter...
RépondreSupprimeren écoute encore bien plus silencieuse que les psy :)))
Tes caricatures ont l'air trop vraies ! On pourrait avoir envie d'en pleurer pour ce pauvre banc mais je préfère en rire ! :)
RépondreSupprimerEt tu as bien raison !!
SupprimerJ'ai attendu la dea ex machina, celle qui ferait oublier le suint, la morve et le caca...
RépondreSupprimerUne créature aux effluves envoûtants venue poser son prose sur tes planches vernies...
Une rousse incendiaire au regard pénétrant...
Elle est passée sans voir le banc... ;-)
¸¸.•*¨*• ☆
Mwôf... Elle aura préféré poser plus loin, vers Saint Aubin, son popotin sur la couverture étendue dans l'Herbe Tendre, pour quelque pique-nique impromptu. ;)
RépondreSupprimerhttp://celestinetroussecotte.blogspot.com/2013/04/le-cul-dans-lherbe-tendre.html?m=1
SupprimerSimon et Gainsbourg, hein ? Je m'empresse d'aller voir ça... Avec en perspective, très certainement, le bonheur de découvrir un de tes textes.
SupprimerSinon, dans la famille herbage, je suis un inconditionnel de "L'Herbe Rouge". Merci Chèrlestine ☆
Un monologue de banc égrillard qui raconte un monologue de vagin : il fallait y penser. Et tu n'y as pas manqué ! J'adore.
RépondreSupprimerBen oui, hein ? La fesse, c'était trop... mou ? XD
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