Face à la petite fontaine sur la place pavée, ses murs délavés, sa porte de verre abîmée... Vraiment, il ne payait pas de mine.
C'était une petite bâtisse à l'angle d'une courte ruelle et d'une petite place, perdue au milieu du centre ville. Sans les trois grandes affiches collées au mur, personne ne se serait douté que c'était un cinéma de quartier.
J'étais passée par hasard devant lors d'une promenade. Le tout nouveau gérant distribuait des tracts, sans grand succès apparemment, mais gardait un sourire avenant. Il avait l'air jeune et sympathique, un brin rêveur. J'ai tout de suite senti que je lui souhaitais bonne chance. Alors j'ai fait ce que je ne faisais jamais. Quand il s'est approché pour me parler, j'ai pris le papier tendu, et j'ai même "discuté" un peu avec lui. J'ai promis de répandre la nouvelle, d'y revenir, et même d'y amener des amis. Naturellement, je l'ai fait - je tiens toujours parole.
À compter de ce jour, ce petit cinéma s'intégra dans mon adolescence. Et celle de bien d'autres d'ailleurs, l'opiniâtreté du jeune homme avait payé. Bien que personne n'ait misé sur son rêve, le petit cinéma se fit une place indéniable dans le coeur des citadins, et devint rapidement un point de rendez-vous incontournable.
Il a vu naître mes premières "sorties entre filles", m'a vue dévorer mon premier "pop-corn", dégoter mon premier "poster". Il a été témoin de larmes, de fous-rires, parfois mal placés par rapport au film, et d'évènements en tous genres.
Comme un traquenard mémorable, orchestré par une amie qui m'avait prise comme chaperon lors d'un rendez-vous avec un garçon, et n'est jamais venue nous rejoindre. Un garçon incroyablement imbu de lui. Un film de deux heures et demi. La séance la plus longue de toute ma vie.
Un cinéma qui m'a en quelque sorte vu grandir, à chaque visite, de plus en plus espacée.
Des années que je n'y étais plus allée.
Il était resté dans sa ville, ville que j'avais quittée. Cela avait un peu le goût d'inachevé.
Alors en passant dans le coin, un jour, j'y suis retournée.
La main de mon homme dans la mienne, nous marchions en rythme, sur les pavés luisant de gouttes de ciel éploré. J'avais tellement changé.. mais le bâtiment, lui, n'avait pas bougé.
Quel film étais-je venue voir ? Je ne m'en souviens pas, mais c'était mon "au revoir". Mon adieu au cinéma de mon adolescence. Notre dernière séance.
Joli souvenir
RépondreSupprimerEmouvant, l'un de mes petits cinoches a vu de son écran vu le premier baiser que j'avais échangé avec une fille... ];-D
RépondreSupprimerles salles obscures étaient un bon lieu de rendez-vous
RépondreSupprimerTrès beau texte, parfois, revenir sur les lieux de sa jeunesse peut amener des souvenirs plus tristes...Beau partage, j'ai bien aimé !
RépondreSupprimerC'est amusant comme certains lieux ne changent pas.. ils rétrécissent juste éventuellement un peu ;-)) Une chose est sûre, les lieux que l'on a aimé, il est plus facile de leur dire au revoir quand tout va bien. C'est un joli texte ;-)
RépondreSupprimerCharmant travelling aller-retour ;)
RépondreSupprimerMerci beaucoup à tous ☺
RépondreSupprimerBeau texte empreint de douce nostalgie.
RépondreSupprimerUne belle boucle bouclée.
RépondreSupprimerIl s'en passe des choses, dans un cinéma; la frontière entre le rêve et la réalité est ténue; le premier pas et la dernière séance se ressemblent, en fin de compte...
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