jeudi 18 avril 2019

Marité - Pas de brouillon

Mes cahiers de brouillon.


Ils se faisaient discrets. Rose, vert ou bleu, d'une couleur très pâle,  ils voisinaient dans mon cartable avec des cahiers de plus grande importance qui, eux, étaient soigneusement recouverts de papier épais rouge, bleu roi ou vert sapin. Des cahiers dits « de classe » où l'on devait s'appliquer à former ses lettres à l'encre violette en évitant les ratures et les taches quand la plume grinçait un peu trop sur la feuille.   Ces cahiers là au papier blanc, plus fin portaient en couverture pour certains l'effigie de Guillaume le Conquérant d'où le nom de la marque, les Conquérant et pour d'autres un logo triangulaire avec les traits de la porteuse d'eau, les Clairefontaine.

Le cahier de brouillon, beaucoup plus modeste, au papier jauni était le seul que la maîtresse ne regardait pas. Il était sans intérêt pour elle. Mais je suis sûre qu'elle aurait été surprise d'y trouver des merveilles si elle avait pris la peine d'en ouvrir certains. Comme elle ne les relevait jamais, pour ma part,  cela me laissait un espace de liberté que je ne manquais pas d'utiliser à des fins personnelles. Ce qui fait que je devais en changer souvent. L'institutrice me disait : «  tu les manges, les cahiers de brouillon ? «  

Je les aimais bien mes cahiers de brouillon. D'une part parce que j'y écrivais ce que je voulais – des phrases relevées dans mes lectures, des poèmes, mes frustrations ... – et aussi pour leur côté pratique. Avec les tables d'addition, soustraction, division et multiplication et  parfois avec tout le système métrique dans leur dos ils m'aidaient  pour mes devoirs de mathématique. Et aussi pour le calcul mental sur l'ardoise. Il suffisait de le laisser dépasser un peu du  dessous du bureau et veiller à ne pas se faire prendre. 

Au collège où j'étais interne,  les surveillantes nous conduisaient dans la campagne environnante  les jeudis après midi pour prendre l'air. J'emportais toujours avec moi un cahier de brouillon pour commencer une composition française – l'inspiration me venait mieux qu'en salle d'étude - ou apprendre mes leçons en relevant sur ce cahier les points qui me paraissaient essentiels. Cela m'aidait beaucoup.

Je viens de faire quelques recherches et retrouver mon journal d'adolescente au fond d'un tiroir. J'utilisais aussi des cahiers de brouillon parce que peu fragiles. Je pouvais les transporter partout, dans les prés, les bois et les chemins  où j'étais tranquille pour y déverser mes premières amours et mes émotions. Voilà longtemps que je n'y avais pas mis le nez. Nostalgie et une certaine tendresse me prennent. Je me dis aujourd'hui que ce sont mes cahiers de brouillon successifs qui m'ont donné à coup sûr le goût de l'écriture. 

Quand j'ai commencé à écrire des nouvelles ou différents textes, j'aimais employer un cahier et un stylo. Il me semblait que cela allait de soi.  Mais il fallait ensuite taper ma prose sur le clavier et ainsi effectuer un double travail. J'ai donc abandonné le cahier. Mais j'ai toujours près de moi, sur mon bureau, sur ma table de chevet et même dans mon sac à main un carnet sur lequel je reporte mes idées, mes réflexions.

Alors oui, les brouillons me sont utiles et de plus en plus, ma mémoire devenant étrangement paresseuse. 

4 commentaires:

  1. vegas sur sarthe18 avril 2019 à 20:41

    Merci d'avoir réouvert tes cahiers pour nous

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  2. Tu parles drôlement bien de ces cahiers de brouillon que j'ai aussi connu, j'aurais presque envie d'en feuilleter un, si je ne savais pas que la curiosité n'est qu'un vilain défaut, bien sûr...Merci pour ce beau partage !

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  3. On ne s'en sert plus trop de ces cahiers de brouillon... Et pourtant, moi aussi je me souviens que je les appréciais. Ils recelaient des trésors de dessins, mots en tous genres et un peu de travail.. parfois ;-))

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  4. Les cahiers de brouillons avaient la plus aboutie des missions : accueillir tout ce qui peut servir l'imagination. Un texte délicieux.

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