Des
lointains qui se rapprochent
Le
premier jour, j’y allai les mains dans les poches. Il avait plu
pendant la nuit. Des gouttes brillaient sur les feuilles des oyats.
Je m’assis sur le banc face à la mer. Au-delà d’une frange
d’œillets
des dunes et de lavande de mer commençait la plage. Un ballon
multicolore, une pelle jaune, un seau avec le dessin d’une étoile
de mer, un paquet de gâteaux vide, étaient abandonnés sur le
sable, où scintillaient des cristaux de quartz. Des enfants
creusaient les douves d’un château. Des petites filles ramassaient
des galets et des coquillages pour le décorer. Un petit garçon
tenait des roses pimprenelles dans ses poings serrés. Une mouette
rieuse picorait des miettes de biscuits.
Le
lendemain, j’avais pris mes jumelles. Il était tombé une ondée
au renversement de la marée. J’essuyai le banc avec mon mouchoir.
Un cormoran séchait ses ailes sur un rocher. Des tournepierres à
collier et des pluviers argentés couraient sur la laisse de mer. Une
méduse était échouée, l’ombrelle comme un ballon crevé. Les
surfeurs avaient planté leurs planches dans le sable et scrutaient
la mer, guettant la vague du siècle comme on attend le grand amour.
Hier,
j’ai emporté ma longue-vue. Le vent avait déposé des paquets
d’écume sur le banc. La tempête de la nuit avait fait se lever la
houle. Au large, des océanites volaient au raz des vagues. Les
puffins filaient sur les crêtes. Autour d’un chalutier que
secouait l’océan, une nuée de mouettes de Sabine dansait. Les
fous de Bassan tombaient comme des pierres du ciel plombé et
plongeaient dans la mer qui broyait du noir. J’aperçus un vol de
sternes qui faisaient le tour de la terre, voyageant entre deux étés.
J’y
suis retourné aujourd’hui avec mon transistor. Une planche s’étant
défaite, deux clous rouillés hérissaient le banc à un bout. Le
temps était devenu franchement mauvais depuis la veille. J’écoutai
les nouvelles d’Amérique. Des bourrasques de neige étaient
arrivées de Staten Island et le blizzard amassait des congères dans
la 5e
avenue, où l’on entendait crisser les pneus des Cadillac. A
l’Oyster Bar de Grand Central, circulaient des plateaux d’huîtres
chaudes au champagne. Mais dans les rues alentour, où mugissaient
les sirènes des voitures de police, des femmes affolées, des
cireurs de chaussures et les vendeurs ambulants de hot-dogs, tirant
leurs chariots métalliques, s’enfuyaient vers le Bronx et Harlem.
nous pourrions revenir ainsi avec la 4G sur un téléphone portable et assister en direct live à quelque chose qui se passe là bas
RépondreSupprimernous touchons à présent avec nos écrans l'inimaginable lointain d'autrefois
C'est beau comme une pub de France télécom... ;-)
RépondreSupprimerMerci Bricabrac pour ce moment de poésie...
¸¸.•*¨*• ☆
J'aime cette progression du récit où le regard affuté au rythme des technologies perce une planète mystérieuse et agitée...
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