vendredi 11 novembre 2016

Chri - Lointains

Je n’y arrive pas. Je ne sais pas ce qu’elle veut. Je n’arrive plus à la comprendre, je n’y arrive pas. Mais bon sang de bon sang de bois que va-t-on devenir ?…

Le type qui n’y arrivait pas, qui l’incisait en pédalant comme un forcené semblait ne vraiment pas y arriver. Pourtant, il venait d’avaler comme qui rigole la montée plutôt raide du col de la Fourasque et juste derrière, en punition, il s’attaquait à la côte de Saint Jean Baptiste. Il était écarlate et soufflait comme un haut fourneau en pleine activité, ses mollets, ses cuisses étaient durs comme du marbre, ses poumons s’enflammaient. Il suait aussi. Beaucoup.

Pendant le petit répit que lui a procuré la descente entre le col et la côte, il n’a pas cessé de râler : Mais qu’est-ce-qu’elle veut ? Ma mort ? Elle veut m’anéantir c’est ça ?

Quoi que je fasse ça ne va pas. Quoi que je dise elle est contre. Quoi que je pense ça la dérange. Je ne peux rien dire, rien faire qui ne l’importune. Mon existence même la dérange. Je sens bien qu’elle ne m’aimerait plus qu’absent ou mort, enfin évincé, disparu. Éliminé.

Comment en est on arrivés là ? Pourquoi a-t-elle changé à ce point à mon endroit ? Nous nous aimions pourtant. Nous étions les cinq doigts d’une même main, l’air et le vent, le nuage et la pluie, le jour et le soleil, la rose et le parfum. Nous étions deux comme un seul. Nous nous regardions avec bienveillance, et chaleur, tendresse et douceur et nous sommes devenus deux ennemis fidèles, acharnés, déterminés D’où nous est venu ce glissement ? Comment nous sommes nous éloignés à ce point, comment avons nous laissé se creuser ce gouffre entre nous ?

Le type se posait encore ce genre de question alors qu’il roulait maintenant sur le chemin du retour. Il n’avait jamais été si proche de chez lui et si loin de l’envie de rentrer.

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3 commentaires:

  1. Heureusement, plus on pédale moins vite et moins on avance plus vite... ce qui permet de réfléchir

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  2. Le plus difficile, dans le cyclisme, c'est de pédaler dans la semoule...
    Texte magistral Chri.
    La dernière phrase fait froid dans le dos...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. comme tu illustres bien douloureusement le proche devenu lointain :(

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