Ma chère Pomme,
Te souviens-tu de moi ? Sans doute sais-tu qui je suis, ton arrière-grand-oncle, "le vieux", mais te souviens-tu de notre rencontre ?
Tu avais six ans, tu serrais un gros livre sur ton cœur et ton regard trahissait l'ennui de devoir t'en éloigner pour une mondanité.
Je me souviens aussi du prénom de tes sœurs, Prune et Clémentine, soulagé que tu n'aies pas de frère, je n'ose imaginer comment il se serait appelé...Mais surtout, je me souviens que des deux cent soixante invités, toi seule n'avait pas la servilité dans le regard.
Aujourd'hui, j'ai cent trois ans, et je suis en train de mourir. Enfin, je suis même mort, puisque tu lis cette lettre que t'a remis Maître Fonsecka, avec un billet d'avion pour les Iles Vierges Britanniques.
Oui, je ne vais pas tourner autour du pot, tu es mon héritière, et toute ma fortune te revient.
L'essentiel, pour la plupart, mais je sais que tu ne t'arrêteras pas là.
Pourquoi toi ?
Parce que dans la centaine d'individus que moi ou feu ma sœur - ton arrière grand-mère – avons comme héritiers potentiels, tu es le seul vrai être vivant, la seule qui ne tue pas le temps en attendant ma mort et sa part de cette fortune.
Je ne me base pas sur cette unique rencontre vieille de treize ans, car depuis, je ne t'ai jamais perdue de vue. Ce jour là, j'ai eu l'intuition que tu étais la bonne personne, et je t'ai observé grandir, mûrir, devenir la femme que tu es, déterminée, honnête, généreuse et exigeante.
Je t'ai laissée grandir, sans jamais intervenir. Ce professeur de mathématiques qui n'admettait pas qu'une fille comprenne les maths aurait pu avoir un accident de chasse. Cette pseudo Barbie de cour d'école qui moquait tes vêtements aurait pu croiser une bouteille d'acide, cette vedette du terrain de foot qui t'a mené en bateau pour ton cul se casser un genou.
Oui, bon, lui, il a effectivement eu le genou cassé, il t'avait trop fait pleurer de honte. Le Destin fait bien les choses, des fois.
Enfin, tu m'as compris.
Alors, tu dois être un peu horrifiée, de voir arriver tout cet argent (et encore, tu n'as pas encore vu les comptes). Cet argent douteux, pas net, peut-être même sale ?
Hum.
Ma fortune est née il y a cent ans, justement, le jour ou j'ai "récupéré" le portefeuille "perdu" par ce touriste anglais. C'est là que j'ai pris conscience que je n'allais pas me tuer à la tâche à fabriquer du savon comme mon père ou dans des vignes ingrates comme mon grand-père...Je voulais vivre, tout simplement, sans me laisser emmerder par le pape ou le patronat. Robin des Bois, en quelque sorte, sauf que je ne me suis pas oublié lors de la redistribution.
Illégal certainement, malhonnête parfois, mais jamais, jamais de saloperies.
Pas de drogues, pas de trafic d'être humains, de contrefaçons de médicaments...
Et je peux te jurer, pas une pute dans ma vie.
Une ou deux pyramides de Ponzi, beaucoup de spéculation, quelques manigances avec le pétrole, en cherchant toujours les pigeons les moins ragoûtants parmi les "investisseurs" les plus avides de gains faciles.
J'ai juste cherché à me battre contre cette lie de la société avec leurs propres armes, tu le découvriras
dans les coffres, où sont rangés mes journaux : tout y est. Peut-être y trouveras-tu matière à un roman ? Ma chère Pomme, tu es ma dernière action, et j'espère la plus belle.
Je te lègue tout ça, j'espère de tout cœur que tu en feras bon usage : j'en ai bien profité, mais ce dont j'ai le plus profité, c'est de ces treize dernières années, où je t'ai vu devenir celle que j'espérais que tu deviennes.
Ton arrière grand-oncle,
Matteo.
Te souviens-tu de moi ? Sans doute sais-tu qui je suis, ton arrière-grand-oncle, "le vieux", mais te souviens-tu de notre rencontre ?
Tu avais six ans, tu serrais un gros livre sur ton cœur et ton regard trahissait l'ennui de devoir t'en éloigner pour une mondanité.
Je me souviens aussi du prénom de tes sœurs, Prune et Clémentine, soulagé que tu n'aies pas de frère, je n'ose imaginer comment il se serait appelé...Mais surtout, je me souviens que des deux cent soixante invités, toi seule n'avait pas la servilité dans le regard.
Aujourd'hui, j'ai cent trois ans, et je suis en train de mourir. Enfin, je suis même mort, puisque tu lis cette lettre que t'a remis Maître Fonsecka, avec un billet d'avion pour les Iles Vierges Britanniques.
Oui, je ne vais pas tourner autour du pot, tu es mon héritière, et toute ma fortune te revient.
L'essentiel, pour la plupart, mais je sais que tu ne t'arrêteras pas là.
Pourquoi toi ?
Parce que dans la centaine d'individus que moi ou feu ma sœur - ton arrière grand-mère – avons comme héritiers potentiels, tu es le seul vrai être vivant, la seule qui ne tue pas le temps en attendant ma mort et sa part de cette fortune.
Je ne me base pas sur cette unique rencontre vieille de treize ans, car depuis, je ne t'ai jamais perdue de vue. Ce jour là, j'ai eu l'intuition que tu étais la bonne personne, et je t'ai observé grandir, mûrir, devenir la femme que tu es, déterminée, honnête, généreuse et exigeante.
Je t'ai laissée grandir, sans jamais intervenir. Ce professeur de mathématiques qui n'admettait pas qu'une fille comprenne les maths aurait pu avoir un accident de chasse. Cette pseudo Barbie de cour d'école qui moquait tes vêtements aurait pu croiser une bouteille d'acide, cette vedette du terrain de foot qui t'a mené en bateau pour ton cul se casser un genou.
Oui, bon, lui, il a effectivement eu le genou cassé, il t'avait trop fait pleurer de honte. Le Destin fait bien les choses, des fois.
Enfin, tu m'as compris.
Alors, tu dois être un peu horrifiée, de voir arriver tout cet argent (et encore, tu n'as pas encore vu les comptes). Cet argent douteux, pas net, peut-être même sale ?
Hum.
Ma fortune est née il y a cent ans, justement, le jour ou j'ai "récupéré" le portefeuille "perdu" par ce touriste anglais. C'est là que j'ai pris conscience que je n'allais pas me tuer à la tâche à fabriquer du savon comme mon père ou dans des vignes ingrates comme mon grand-père...Je voulais vivre, tout simplement, sans me laisser emmerder par le pape ou le patronat. Robin des Bois, en quelque sorte, sauf que je ne me suis pas oublié lors de la redistribution.
Illégal certainement, malhonnête parfois, mais jamais, jamais de saloperies.
Pas de drogues, pas de trafic d'être humains, de contrefaçons de médicaments...
Et je peux te jurer, pas une pute dans ma vie.
Une ou deux pyramides de Ponzi, beaucoup de spéculation, quelques manigances avec le pétrole, en cherchant toujours les pigeons les moins ragoûtants parmi les "investisseurs" les plus avides de gains faciles.
J'ai juste cherché à me battre contre cette lie de la société avec leurs propres armes, tu le découvriras
dans les coffres, où sont rangés mes journaux : tout y est. Peut-être y trouveras-tu matière à un roman ? Ma chère Pomme, tu es ma dernière action, et j'espère la plus belle.
Je te lègue tout ça, j'espère de tout cœur que tu en feras bon usage : j'en ai bien profité, mais ce dont j'ai le plus profité, c'est de ces treize dernières années, où je t'ai vu devenir celle que j'espérais que tu deviennes.
Ton arrière grand-oncle,
Matteo.
avec l'accent du parrain, bien entendu :)
RépondreSupprimerMerdum ! Tisseuse est passée avant moi ! Il aurait pu lui offrir un voyage en Sicile, elle aimerait tant voir Syracuse...
RépondreSupprimerComme quoi, les parrains ont aussi un cœur !
RépondreSupprimerJ'aimerais tant voir Syracuse
RépondreSupprimerL'île de Pâques et Kairouan
Et les grands oiseaux qui s'amusent
A glisser l'aile sous le vent …
je suis allé à Syracuse et en Sicile ... et c'est beau ... (des vestiges de temples romains et grecs aussi à Ségeste et à Agrigente) ... et en plus un roman Parrain :o)