J’étais Lola
C'était au temps de ces tempêtes sombres, zébrées d'éclairs aveuglants, que l'on appelle l'adolescence.
Après le déjeuner il m'arrivait de descendre m'allonger sur le gazon moussu pour un moment de sieste, entre deux cours d'anthropologie sociale et de physique des fluides. Les rayons du soleil suivaient les courbes hardies de la colline pour saillir soudain entre les arbres dont ils embrasaient les frondaisons. L'herbe chatouillait mes jambes. C'était un temps fortement déraisonnable. Je lisais Aragon avec fièvre.
Mais seulement quelques pages lues, et dans la moite langueur postprandiale d'un juin triomphant, je me sentais glisser suavement dans une rêverie mi-close, où l'image troublante et défendue de mon professeur de psychologie venait s'intercaler soudain entre mon livre et moi.
Une étrange sensation s'emparait de mon jeune corps vrombissant comme un insecte ailé, cependant que la chaleur empourprait mes joues et mon ventre.
Je regardais ses cheveux moirés aux reflets d'anthracite, son beau corps mince et ses bras et ses mains et sa nuque où mes doigts rêvaient de jouer comme d'une harpe, en détachant chaque phalange pour une mélodie impérieuse qui semblait envahir l'espace. Tout l'espace jusqu'à effacer et les arbres, et le ciel. Seul restait celui de son regard impénétrable.
Il se penchait vers moi et immisçait ses lèvres dans les miennes, faisant couler l'or et l'encens et les rubis jusqu'aux caches secrètes de mes profondeurs. Je haletais. Le vent agitait les feuilles dans ce murmure salé des débuts d'été, à l’heure brûlante où tout se tait, jusqu'aux fontaines. L'air crissant dans ce silence comme un effleurement d'ongle sur de la soie.
Sous le souffle ému de sa bouche s'érigeait le duvet de ma peau et ses doigts se promenaient sur moi comme ceux d'un lecteur en braille découvrant un poème érotique de Verlaine.
Mon corps devenu guitare, il était Louis, il était Paul, il sentait l'ambre, j'étais Lola. Il était forêt, dunes, rivières, et moi exploratrice ardente et impudique. Lui âpre, immense et attentionné, déversant son essence en gouttes chaudes et puissantes de pluie d'été.
Et là, dans la fournaise des désirs mêlés au zénith du thermomètre, le corps non sage en étendard vibrant sous mon corsage de lin, je soupirais sans bruit, l'âme envolée.
C'était au temps de ces tempêtes sombres, zébrées d'éclairs aveuglants, que l'on appelle l'adolescence.
Après le déjeuner il m'arrivait de descendre m'allonger sur le gazon moussu pour un moment de sieste, entre deux cours d'anthropologie sociale et de physique des fluides. Les rayons du soleil suivaient les courbes hardies de la colline pour saillir soudain entre les arbres dont ils embrasaient les frondaisons. L'herbe chatouillait mes jambes. C'était un temps fortement déraisonnable. Je lisais Aragon avec fièvre.
Mais seulement quelques pages lues, et dans la moite langueur postprandiale d'un juin triomphant, je me sentais glisser suavement dans une rêverie mi-close, où l'image troublante et défendue de mon professeur de psychologie venait s'intercaler soudain entre mon livre et moi.
Une étrange sensation s'emparait de mon jeune corps vrombissant comme un insecte ailé, cependant que la chaleur empourprait mes joues et mon ventre.
Je regardais ses cheveux moirés aux reflets d'anthracite, son beau corps mince et ses bras et ses mains et sa nuque où mes doigts rêvaient de jouer comme d'une harpe, en détachant chaque phalange pour une mélodie impérieuse qui semblait envahir l'espace. Tout l'espace jusqu'à effacer et les arbres, et le ciel. Seul restait celui de son regard impénétrable.
Il se penchait vers moi et immisçait ses lèvres dans les miennes, faisant couler l'or et l'encens et les rubis jusqu'aux caches secrètes de mes profondeurs. Je haletais. Le vent agitait les feuilles dans ce murmure salé des débuts d'été, à l’heure brûlante où tout se tait, jusqu'aux fontaines. L'air crissant dans ce silence comme un effleurement d'ongle sur de la soie.
Sous le souffle ému de sa bouche s'érigeait le duvet de ma peau et ses doigts se promenaient sur moi comme ceux d'un lecteur en braille découvrant un poème érotique de Verlaine.
Mon corps devenu guitare, il était Louis, il était Paul, il sentait l'ambre, j'étais Lola. Il était forêt, dunes, rivières, et moi exploratrice ardente et impudique. Lui âpre, immense et attentionné, déversant son essence en gouttes chaudes et puissantes de pluie d'été.
Et là, dans la fournaise des désirs mêlés au zénith du thermomètre, le corps non sage en étendard vibrant sous mon corsage de lin, je soupirais sans bruit, l'âme envolée.
¸¸.•*¨*• ☆
Hé bé, je suis au bord de la mer, la température (et c'est tout) vient de monter tout à coup ];-D
RépondreSupprimerJe suis sûre que ce n'était pas de refus, au vu de la météo annoncée... ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Il s'appelait pas Reynolds par hasard pour créer de telles turbulences ?
RépondreSupprimerAh...le nombre de Reynolds, les régimes d'écoulement, les fluides parfaits, la turbulence, la viscosité dynamique... C'est érotique, quand même, la mécanique des fluides. ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
On voit tout de suite que t'as pas connu le mec qui nous donnait le cours!
SupprimerHihihi ! mdr !
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
C'est mignon, l'adolescence; sous ta plume, on ne voudrait pas grandir... :)
RépondreSupprimerPeter Pan, sors de ce corps ! ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Ah oui, quand même... L'auriez vous aussi fumée la luzerne? :-)
RépondreSupprimerC'était bien l'époque...mais non, j'étais une jeune fille sage et je me contentais de fantasmer...
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
A moins que lui ne soit Humbert Humbert ? LOLA - LOLITA ? En tous cas, cette version féminine me plait beaucoup, comme ces désirs qui vont frémir les frondaisons des arbres.
RépondreSupprimerBises.
Je pensais davantage à la Lola du pianola...celle d'Aragon et de Hohenzollern, entre la Sarre et les casernes...
SupprimerMais il est vrai que la confusion était possible. ;-)
¸¸.•*¨*• ☆
Tu décris si bien ces premiers émois de l'adolescence ! Qui n'a pas fantasmé sur un prof, une vedette de cinéma ou de la chanson ? J'en garde un souvenir attendri quant-à moi, souvenir que ton texte a ravivé avec bonheur.
RépondreSupprimerMerci Célestine !
Eh oui, nous avns tous et toutes fantasmé sur "le charme innocent d'un professeur d'Anglais" comme dit Sardou dans la maladie d'amour... ;-)
SupprimerMerci Marité
¸¸.•*¨*• ☆
Magnifique, tout bonnement magnifique !
RépondreSupprimerJe rougis, je pâlis, je reconnais Venus et ses feux redoutables... ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Emouprouvant ! J'ai savouré !!
RépondreSupprimerNotamment : "...à l’heure brûlante où tout se tait, jusqu'aux fontaines..." Merveille !
Joli mot-valise cher Tiniak.
SupprimerMerci pour ce « merveille » qui me comble.
¸¸.•*¨*• ☆
"C'était un temps fortement déraisonnable." mais si bon...
RépondreSupprimerquel beau moment de sensualité :)
Oui, c'est bon de n'être pas toujours raisonnable...
SupprimerMerci ma Tisseuse
¸¸.•*¨*• ☆
stouf
SupprimerTisseuse disait que c'était un temps déraisonnable, on avait mit les morts à table et moi qui tenais mal mon rôle ... c'était de n'y comprendre rien. ;o)
"est-ce ainsi que les hommes vivent
Supprimeret leurs baisers au loin les suivent" :)
Aragon quand tu nous tiens ! relayé par Léo Ferré puis par Lavilliers
@Stouf
SupprimerBravo, c'est ça. Un texte extraordinaire...
¸¸.•*¨*• ☆
@stouf
Supprimer-Eh gros, tu te souviens de cette soiré d'été où il faisait si chaud sous un ciel étoilé dans le jardin du chateau de Chavaniac Lafayette et ce chanteur Léo avec un magnétophone de musique classique comme si y avait un orchestre énorme sur son piano, un micro devant lui pour chanter des poêmes de Rutebeuf et ses trucs à lui, nous n'étions pas beaucoup de privilégiés invités par l'embassade amerloc, vive les anars !
-Ouai gros, vive les anars ! ;o)
stouf di amor
SupprimerA Cuba dans les rues c'étais géniale aussi ... https://youtu.be/tozhe0yTAqo
Ah...Cuba...
SupprimerL’adolescence est païenne,. Ses émois se tapissent comme des dryades dans les frondaisons, tandis que le désir remplit des cornes d’abondance. J’adore ce culte et ta mythologie sauvage
RépondreSupprimerJe ne comprends pas, il me semblait avoir répondu à ton commentaire, cher Bricabrac.
SupprimerMais dans les histoires mythologiques, on n'est pas à l'abri d'un coup de la magicienne Circé...A mon avis elle est jalouse et elle a fait disparaître mes mots.
¸¸.•*¨*• ☆
stouf
RépondreSupprimer@les nanas Tisseuseusiènes célestiènes bricabaquiènes ... moi je suis un gentil, je suis né dans les choux. Ca vous tente ? ;o) https://youtu.be/yxwN2RZiGKk
Tu joues aussi du piano à moitié nu dans la forêt ? ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
stouf
SupprimerAllez Célestine ... c'était bien dans la forêt sous la pleine lune de l'autre jour, cesse de te cacher.
Tu prendrais pas tes désirs pour des réalités, toi ? ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
quel texte sensuel et amoureux, et l'attirance physique, et romantique, et érotique, fantasmatique et pas très sage ...
RépondreSupprimerOui, un peu de tout ça, Arpenteur...
SupprimerMais uniquement en rêve, car j'avais 14 ans...
¸¸.•*¨*• ☆