mercredi 26 avril 2017

Pascal - Aimer l'amour et l'écrire

Les grillons

Elle marche, rectiligne. Son pas est précis, décidé, presque cadencé. Sans doute, une douce mélodie enfantine doit l’accompagner pendant sa démarche dominicale.
Les platanes arrondissent leurs feuillages bercés par une douce brise matinale. On dirait une vague verte qui s’empêche de tomber et qui recommence dans le chuchotement des branches et des moineaux qui piaillent leurs nids tout neufs.
Ses cheveux aussi se bercent du vent ; ils se coiffent et se décoiffent à son gré, pour son seul allant. Il s’amuse à caresser son visage et rivalise avec quelques rayons de soleil curieux en le maquillant d’ombres éphémères. 
Le trottoir blanc se déroule comme un tapis rouge devant cette femme pressée. On dirait qu’elle a plein de choses à dire et à faire, ce matin. Des choses importantes, c’est sûr… Ses lèvres discutent toutes seules et quelques sourires heureux s’y dessinent. Je veux croire que ce n’est qu’une chanson amusante ou un discours agréable, qui traverse son esprit, pendant ces quelques secondes.

Oui. Elle est décidée. Elle ignore le monde qui l’entoure, tellement perdue dans ses pensées du moment. Elle est dans le sien et s’y trouve bien. Je n’entends même pas son pas ; généreuse, elle marche sans toucher le sol, si légère et si convaincue, si absente et si souriante. L’air qu’elle déplace se parfume de son passage et si quelques lauriers roses se penchent dans son courant d’air frais, c’est pour saluer l’assurance dévouée de cette jeune femme.

Ses yeux dans le vague du présent clignotent à cause du soleil taquin. Elle est seule sur ce tapis volant; elle anticipe le temps qui vient à sa rencontre. Elle occulte les gens à sa portée, bien trop occupée à parfaire sa démarche volontaire et engagée. Vêtue d’un tailleur strict et bien ajusté, en bel uniforme de dimanche, elle emporte le présent qui la suit déjà… 
Quand on tourne une vieille clé dans une serrure avachie de ses ressorts, fatiguée de tant d’allers et de retours, usée de s’ouvrir et de se refermer, on se presse avec pudeur, on respecte le mécanisme ancien. On apprécie le pêne qui gémit avec peine et qui délivre ou enferme. C’est selon. C’est l’impression que j’ai de cette femme : en train d’ouvrir sa serrure, certaine d’y parvenir. Le moment qu’elle traverse est le temps qu’elle se donne pour ouvrir une porte avec le plaisir en suspens d’aimer et de donner, de comprendre à l’avance le Bonheur qui la précède…
Sa clé, elle l’a dans la main. Une simple rose enveloppée dans un papier transparent et un ruban frisé décorant s’agitent en douceur dans la cadence de son allant sans terminus, que sa destination extraordinaire. Aujourd’hui, c’est la fête des Mères. Je l’envie pour tout ce qu’elle va dire, pour tous les baisers qu’elle donnera pendant cette journée magnifique. Et je comprends tellement sa précipitation…

Je voulais tant faire danser Maman aux sons clairs des grillons…

10 commentaires:

  1. un très émouvant hommage à ta mère, délicate comme son évocation

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  2. Très joli texte! ( Joli n'est pas péjoratif, au contraire, c'est pour moi, une beauté légère).

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  3. Quel beau portrait de femme...Par moment je m'y retrouve un peu.
    Ta métaphore serrurière est osée... on apprécie le pêne...euh...bon ça va, l'orthographe est primordiale !
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. Pour le pêne, on verra au deuxième tour... de clé. :)

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  4. Porter une rose à celle que l'on aime...

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  5. Un texte éloquent en offrande à une femme exceptionnelle, une mère.

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  6. On entend sonner les pas de cette marche décidée, même sur tapis rouge ou volant, on entend presque la mélodie douce et la chanson amusante

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  7. Arpenteur d'étoiles29 avril 2017 à 12:07

    un texte fort émouvant, une maman douce, tendre et belle et le temps ne passe pas. Superbe !

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